déontologie

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Quelques réactions rapides aux questions posées par E&D

Jacky Simon est né le 29 août 1940 d'une famille modeste. Elève maître en 1956, il devient instituteur à Saint-Paterne de Racan (Indre et Loire) quatre ans plus tard. Parallèlement, il poursuit ses études de droit public. En 1964-65, avec sa maîtrise de Droit public, il est reçu au concours d'attaché d'intendance universitaire et intègre la Jeunesse et les Sports. Après son service militaire  au titre de la coopération à Alger, il rentre prépare l'ENA dont il intégrera la promotion Thomas More en 1969.

A sa sortie de l'Ena, il réintègre l'Education Nationale où il occupe différentes fonctions avant d'être nommé Directeur de l'organisation et des personnels administratifs, ouvriers et de service en 1982. Il sera aussi la cheville ouvrière de la décentralisation sous la responsabilité d'Alain Savary, ministre de l'Education nationale. En 1987, il devient Inspecteur général de l'administration de l'Education nationale et de la Recherche. Il sera Directeur des personnels d'inspection et de direction de l'Education nationale. De 1990 à 1993, il préside le Conseil supérieur de l'éducation Il fait un bref passage à la Datar et préside l'Institut régional d'administration de Bastia pendant 10 ans.

En 1997, il publie avec Catherine Moisan un rapport sur "Les déterminants de la réussite scolaire en zone d'éducation prioritaire" (Centre Alain Savary, INRP). L'année suivante, il est chargé de la première mission nationale de prévention et de lutte contre la violence en milieu scolaire et participe à la commission Claude Pair qui réalise un rapport sur "La rénovation du service public de l'Education nationale : responsabilité et démocratie" (Hachette). En décembre de cette même année, Claude Allègre, alors ministre de l'Education nationale, le nomme Médiateur de l'Education nationale, poste qu’il vient de créer.

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Jacky SIMON

Médiateur de l'Éducation Nationale

Jacky Simon invite les lecteurs à réagir et à faire des propositions à partir de ce texte ou d'autres textes .Il est d'accord pour recevoir ces remarques sur jacky.simon@education.gouv.fr
 

Le colloque 2003 d’Education & Devenir avait pour objet « éthique et déontologie dans les métiers de l’éducation ». Dans le rapport 2002 que vous avez rendu public vous suggérez l’élaboration « d’un code de déontologie , à l’image  de ce qui existe pour un grand nombre de professions ».  Pourquoi une telle proposition ? Se fonde-t-elle sur des observations précises ?

 
 

La proposition est volontairement générale pour permettre après échange et dialogue d’en préciser le contenu et d’éviter si possible des malentendus .D’ailleurs depuis la parution du rapport mon point de vue a un peu évolué et je vais essayer de dire tout d’abord pourquoi je ressens la nécessité de donner non pas un cadre de nature juridique qui existe même s’il n’est pas toujours bien connu mais des points de références qui font par exemple,  qu’une personne qui participe à l’éducation des jeunes et des moins jeunes est, dans notre pays, dans une situation singulière .

Elle l’est tout d’abord par rapport à la Cité, elle représente l’Etat éducateur dans ce pays où l’enseignement est une affaire d’Etat. Je ne suis pas sûr que tous nos enseignants en sont conscients ou même l’acceptent. Je suis frappé d’ailleurs que de nombreux enseignants ignorent qu’ils sont des fonctionnaires. Ils seraient autre chose… des enseignants. Lorsque je vais parfois dans des IUFM je constate cette situation qui explique sans doute beaucoup d’incompréhension lors d’événements divers : droit de grève et retenues, obligation de rendre compte – et bien entendu mise en œuvre du principe de laïcité. A cet égard je note que beaucoup d’enseignants ne comprennent pas, de bonne foi, que l’application de ce principe est strict pour les agents du service public (représentants d’un Etat laïc) et souple pour les élèves qui sont des « usagers » du service public. Ils considèrent qu’il s’agit là d’une mesure qui les dévalorise et porte atteinte à leur autorité. Les mêmes constats peuvent être faits lorsqu’il s’agit de faire fonctionner l’école dans le cadre de l’état de droit. Souvenons nous de la polémique sur la note zéro donnée à un élève en retard …

 

La position des enseignants est aussi particulière dans leur rapport avec les élèves ceux qu’ils ont l’ambition de faire passer progressivement de l’état d’élève  à celui de futur citoyen conscient et responsable. Par leurs qualités scientifiques mais aussi par la valeur d’exemple qu’ils diffusent, ils ont un impact fort sur les élèves. Il ne s’agit pas de faire un code de morale, même si le Code Soleil a pu être un guide de savoir vivre mais aussi de savoir être pour des générations d’élèves–maîtres.

 L’enseignant, l’éducateur, sont des citoyens libres mais nécessairement et naturellement exemplaires. Même lorsqu’ils quittent la classe ou l’établissement, il sont autre chose qu’un citoyen ordinaire. Il faut rappeler, même si ceci est oublié, que ce qui précède s’applique à tout fonctionnaire et bien sûr avec encore plus d’intensité à quelqu’un chargé d’une mission d’éducateur...

A cet égard, tout en étant respectueux des opinions d’autrui, il est un citoyen éclairé, attaché aux valeurs de la République : respect de l’altérité, laïcité, tolérance, refus de toute discrimination. Si tel n’est pas le cas, il ne doit rien en laisser paraître et plus largement comment peut on exercer un tel métier, une telle mission dans ce contexte ?

 

Il est sans aucun doute un clerc qui maîtrise son domaine et fait ce qu’il faut pour dominer son savoir...

 

Respectueux de l’élève dans ce qu’il a de singulier il assoit son autorité nécessaire moins par l’injonction que par le fait qu’il enseigne ce qu’il est, en même temps que ce qu’il sait.

 

Dans un certain nombre de cas il m’est arrivé de constater des comportements très différents fondés notamment sur des arguments d’autorité qui d’ailleurs ne faisaient pas autorité mais au contraire sapait l’autorité du maître qui mérite respect tant des élève que des familles.

 

Je suis évidemment convaincu de la difficulté à traduire cela en un dispositif qui ne soit pas un code au sens juridique. Je pense qu’il faut en discuter très largement peut être pour aboutir à des «  principes de déontologie » par exemple…

 

Lors du colloque le Président de la Cour d’appel de Grenoble a fait observer que les codes déontologiques touchent essentiellement les professions de droit privé, le plus souvent libérales. Les enseignants qui sont des agents du service public et ont donc un statut n’ont peut être pas besoin de code de déontologie  sauf peut être lorsqu’il s’agit de définir des rapports avec l’usager. On note d’ailleurs que vous suggérez dans le même rapport une «  charte des comportements » dans les rapports usagers/école, une forme de code qui réglementerait les rapports de l’institution avec ses usagers. Qu’en est il ?

 
 

Pendant très longtemps et cela, en cohérence avec notre conception de l’Etat, on a considéré que ceux qui avaient un pouvoir n’avaient  pas à prendre de précautions inutiles vis à vis des usagers considérés comme des assujettis. L’école n’a pas échappé à ce phénomène et un certain nombre de personnes pensent encore que les changements intervenus (respect de l’autre –nécessaire explication- droit des enfants…) sont largement la cause de nos maux qui s’appellent irrespect et perte de l’autorité notamment. Il ne s’agit pas de nier l’influence de certaines évolutions mais ceci ne doit pas conduire à occulter la nécessité de renforcer certains comportements de la part d’enseignants qui soucieux du bien commun aspirent à une reconnaissance légitime.

 

Ainsi comment peut on être un enseignant au sens noble, non réduit à un rôle de  distributeur de connaissances, si on n’a pas une haute conception de sa mission et de la valeur de son vis à vis ?

C’est pourquoi je pense qu’il faut affirmer (en discuter si on n’est pas d’accord et dire sur quoi on se fonde…) que l’enseignant appréhende l’élève comme un être en devenir et tend  à une mise en valeur de toutes ses potentialités. L’instituteur n’était il pas celui met debout… Il est un pédagogue, un « entraîneur ». Je pense d’ailleurs plus largement, même si les temps ont changé, qu’à une époque  où on affirme que l’ascenseur social est ralenti, qu’il peut et doit jouer ce rôle de « chasseur de talents » qui a fait sa grandeur lors de la montée de la démocratisation. Est il prêt à jouer ce rôle et est-on disposé à le  lui demander ?

 

Dans ses rapports avec l’élève, il cherche toujours à faire ce qu’il faut (ce n’est pas un carcan mais certes une exigence forte…), en se refusant au ressentiment. En ce sens, malgré les difficultés réelles, il est objectif et respectueux de l’homme et de l’enfant.

Vis à vis de l’élève, il sait maîtriser la présence et la distance. C’est un pédagogue qui sait s’adapter à son public notamment à son âge tout en restant rigoureux.  Tous ces éléments peuvent paraître aller de soi. Je n’en suis pas sûr lorsque je constate qu’on s’adresse sur tel ou tel sujet sensible à des élèves de 5° comme on n’oserait pas le faire face à des étudiants de doctorat.

 

Plus largement, l’enseignant est attentif au bon fonctionnement de l’institution, son institution. Il valorise le sens de l’effort pour lui-même et ses élèves mais aussi le sens de la durée.

Enfin, attentif aux autres, il est porteur d’une vision positive de l’avenir et, prudent, il se donne comme objectif de tracer un chemin d’émancipation. Il croit en l’Homme, en son progrès. S’il n’enseigne pas la vérité, il essaie d’en tracer les chemins.

 Comme vous le voyez la tâche sera difficile pour ne retenir que ce qui est essentiel, mais il s’agit pas d’un code au sens du code de la fonction publique… qui a une valeur contraignante .

Il s’agit plutôt de d’éléments, de charte d’adhésion à des valeurs, des références qui feraient partie intégrantes du métier voire de la mission.

 

Sur le point concernant la charte des comportements parent/enseignant, vous noterez que je ne parle pas des rapports usagers ou parents/école même si des progrès sont à faire, malgré les nombreux rappels à la concertation, au dialogue.

Il s’agit d’une question encore plus difficile et délicate. Comme vous le savez, l’école en France s’est faite largement contre les familles et l’enseignant porteur d’un message civilisateur se devait de sortir  l’enfant de ce mauvais lieu qu’était la famille pour en faire un être instruit et responsable. Certes les choses ont changé mais la qualité du dialogue entre un parent venu parler de son enfant et un enseignant qui le reçoit reste encore tributaire de l’histoire. Chacun se protège et ne souhaite pas qu’on pénètre dans son domaine réservé : le champ professionnel pour l’enseignant, le champ personnel et familial pour le parent. Or comment établir un dialogue utile si chacun n’a pas des éléments sur l’autre sans bien entendu contester à priori le comportement de son interlocuteur.

 L’enjeu de cette charte est là : que peut demander chacun à l’autre et comment, pour le bien futur de l’élève, sans provoquer un repli, voire un conflit et un blocage. Il s’agit en fait d’une charte de confiance réciproque.

 

Ne pensez vous pas que finalement la mise au point de ces chartes et autres codes aboutissent à figer les comportements et déresponsabiliser ?

 
 

Tel n’est pas l’objet. Au contraire je pense qu’il pourrait s’agir d’éléments de discussion et d’adhésion pour réfléchir d’une façon constructive à son champ professionnel, notamment à l’IUFM mais aussi en formation continue .Je suis convaincu que lorsqu’on est au clair sur le sens de son action on est plus performant...

 

 Reste évidemment la mise en forme ce qui  n’est pas neutre ni une mince affaire mais je fais appel à toutes les suggestions et contributions.

 

Yvon Robert, après avoir dit son peu d’attrait pour les mots éthique et déontologie, insiste sur la nécessité de règles professionnelles qui devraient s’imposer à une profession mais aussi au service public vis à vis de ses personnels. Qu’en pensez vous ?

 
 

Je suis convaincu  que dans  un tel domaine il faut éviter le caractère unilatéral de la démarche. Aussi je pense qu’il faut définir les règles déontologiques qui doivent inspirer le comportement des enseignants mais réciproquement ces derniers doivent pouvoir attendre de l’institution la mise en œuvre de principes forts.

 

Je pourrais en citer quelques uns : le droit à être traiter équitablement, le droit à une véritable formation, le droit à être défendu en cas d’attaques….

 

Aussi pour terminer je dirai que le plus difficile semble être de respecter un équilibre et c’est pourquoi je me demande s’il ne serait pas opportun de réfléchir au schéma suivant susceptible de retenir les éléments essentiels :

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Ce que nous sommes : les valeurs qui nous font vivre…

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ce que nous faisons : l’action qui correspond à notre engagement…

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Ce que nous attendons : la considération  qui dynamise notre action…