autonomie

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Un établissement scolaire autonome

 

Il est beaucoup demandé au système public Education Nationale qui, dans ses structures est resté celui organisé par l'Etat républicain. Les établissements scolaires ont pour mission d'accueillir enfants, adolescents, adultes pour former et éduquer selon les directives d'un ministère tout puissant qui impose programmes et méthodes pédagogiques, attribue des moyens : il contrôle, évalue, labellise les acquis individuels.

 

La société et son école aujourd'hui

La République s'est naturellement imposée dès l'origine la mission d'éducation que s'était réservée jusque là la toute-puissante église catholique. Modeler les esprits, guider la conscience des enfants, transmettre la foi, le message révélé, enseigner la morale qui ne pouvait être que religieuse, transmettre des vérités acquises, étaient les objectifs de l'Eglise avec l'adhésion et le soutien du pouvoir politique.

La République a investi et occupé l'édifice; elle s'en est servi,  lui donnant un autre sens, la destinant à " Faire bien l'homme". L'esprit des lumières a déterminé une action d'éducation, mais il a assumé l'héritage : la construction ancienne est restée en l'état: structures , méthodes, contenus ont été repris. L'objectif est différent; il s'adresse à l'homme rationnel et non plus au croyant; mais la hiérarchie structurée le vocabulaire utilisé, la morale enseignée, la volonté de promotion des meilleurs, tout rappelle le passé.

La République a fait de l'école le lieu où s'est institué la Nation unitaire. Le citoyen est l'individu socialisé, libre, fraternel doté des meilleures chances de réussite grâce à une école lui permettant de s'épanouir.

La société, la nation républicaine ont évolué; celle-ci n'est plus souveraine, contrainte à des ententes, des partages de pouvoir, des regroupements. Le progrès technologique, l'économie dominante sont à l'origine de cet effacement des repères anciens identifiés par les citoyens.

L'école devient plus importante, on lui demande davantage en tous domaines; elle peut indiquer les directions à suivre en éclairant les esprits dans le maquis des connaissances accumulées, l'ouverture des valeurs, valeurs portées par des civilisations différentes qui s'interpénètrent. Les objectifs d'une école pour tous , qui rassemble, permet des rencontres; restent : la maîtrise du langage, les apprentissages de communication, l'acquisition de méthode de travail, l'organisation des savoirs, la formation de l'esprit critique. Elle est guide pour l'orientation et devient nécessaire à cette formation "tout au long de la vie".

L'école ne peut assumer sa mission qu'en innovant librement, sans directives trop contraignantes, sans attendre des réformes venues d'oracles souverains. L'établissement scolaire peut être ce lieu d'expression, d'action, d'innovation s'il devient une entité dont la maîtrise est confiée à ses acteurs .

Une décision politique

L'importance du système d'éducation est à la mesure de l'effort financier de la nation. La répartition des moyens dans un souci égalitaire est assurée par le réseau des recteurs et des directeurs départementaux. Entretien et constructions des établissements appartiennent aux collectivités communales, départementales ou régionales. L'établissement scolaire gère ce qui lui est attribué ne bénéficiant d'aucune liberté d'action. Ces moyens quel qu'ils soient sont toujours contestés parce que jugés insuffisants. Les problèmes  rencontrés par les acteurs de l'éducation trouvent , sinon des solutions, du moins des réponses dans l'urgence des réformes successives imposées parfois sans préparation. Les pouvoirs politiques ont organisé colloques et rencontres parfois spectaculaires, mais les conclusions qu'ils en tirent sont bien en deçà des demandes formulées.

Le débat politique est à peine engagé. L'administration réforme l'école pour répondre à des nécessités immédiates et tente de convaincre l'utilisateur, en particulier le professeur.

Des propositions cohérentes s'expriment parfois, la société civile n'est pas indifférente; elle souhaite l'ouverture du système d'éducation, dénonce toujours les excès de la  centralisation et du contrôle qui appartient à une administration pléthorique, technocratique et tatillonne.

La brochure publiée par l'institut Montaigne propose une réforme spectaculaire; elle est l'œuvre d'un groupe de réflexion placé sous la responsabilité de l'industriel lyonnais, PDG de ses laboratoires ,Alain Mérieux. Le texte est  intitulé " vers un établissement scolaire autonome "; il souligne la nécessité de maintenir les valeurs traditionnelles de laïcité, d'égalité des chances pour tous, de faire que l'école reste "l'ascenseur social"  traditionnel, ce lieu où il faut avant tout " Partir de l'élève " pour agir. Bien des mouvements pédagogiques et des propositions d'enseignants et de parents formulent ces principes. La brochure fait une large place aux conclusions des rapports Thélot et Fauroux.

Le débat politique doit aujourd'hui s'emparer de ce type de propositions pour définir la place, la responsabilité de l'établissement scolaire ès qualités dans le système .

 

L'école lieu de consommation ou lieu d'éducation

 

L'école est-elle un marché, un lieu de consommation répondant aux désirs et aux besoins de clients potentiels ? Est-elle un vivier d'apprentis offerts à l'entreprise ? Doit-elle rester un lieu d'éducation, de formation humaine préparant au libre choix, à l'esprit critique, à la confrontation, au débat citoyen ? L'école obligatoire jusqu'à 16 ans répond-elle aux mêmes finalités que celles du lycée, des universités, de la formation continue ? Une formation commune à tous les enseignants est-elle pertinente ? Ces questions sont déterminantes pour l'avenir de l'établissement scolaire, des enseignants, des élèves, des citoyens.

Le rapport présenté par l'institut Montaigne, par exemple, apporte des réponses.  L'objectif qu'il désigne à l'école est la recherche de talents et la promesse pour ceux-ci d'ascension sociale. Pour cela il faut donner à l'établissement une autonomie quasi totale, donner à celui qui le dirige des pouvoirs de chef d'entreprise lui permettant d'embaucher les professeurs fonctionnaires ou non. Le conseil d'administration qu'il préside à des missions étendues en matière" humaines et financières". Ce chef d'établissement recueille les avis d'un " conseil stratégique" de membres désignés par le recteur et émanant pour majorité du " monde économique, social et culturel ". Son avis est déterminant pour l'orientation du projet d'établissement et le budget.

Ces propositions sont très politiques et sous-tendent une vision de l'école et de l'éducation différente des objectifs initiaux, ceux qui ont fait d'elle un lieu de formation du citoyen responsable ouvert à tous et conduisant chaque élève au plus haut niveau possible d'instruction et d'éducation: une école visant à la promotion de tous.

Ce projet de l'institut Montaigne marque une différence fondamentale avec un projet républicain? Il s'inscrit dans un environnement social et économique et sera fatalement inégalitaire. L'esprit de libre concurrence entre les établissements est à la base. La liberté de choix des enfants et des parents n'est qu'apparente; c'est la discrimination sociale qui guidera de manière inéluctable les conditions de chacun : " les meilleurs enseignants" seront réservés aux "meilleurs élèves" et feront les " meilleurs établissements ". Nous sommes tout près d'une école livrée au marché, une école utilitariste.

 

Une autonomie nécessaire

 

Les termes génériques, école ou établissement scolaire, recouvrent aujourd'hui des réalités différentes et reconnues, on parle de discrimination positive les concernant. Les différences sont également la conséquence de réalités objectives : école primaire - collège- lycées - enseignements supérieurs ,les élèves sont répartis selon l'âge ; l'enseignement obligatoire jusqu'à 16 ans dispensé à tous répond à des objectifs qui ne sont pas ceux des autres établissements .

La structure centralisée et hiérarchisée définit une politique unique mais ne contrôle plus le fonctionnement des établissements et l'activité des maîtres. Ces derniers attendent cependant des textes venus d'en haut et toujours imparfaits: programmes, instructions, directives inadaptés aux difficultés rencontrées  mais rassurants pour tous .

L'établissement scolaire est dépendant d'un système qui peut apparaître inopérant au 21ème siècle. La réforme qui s'impose passe par la responsabilisation des acteurs et des institutions où ils remplissent leur mission : l'établissement identifié comme personne morale qui doit agir en autonomie.

Il appartient au pouvoir politique, aux collectivités, de les doter de moyens financiers leur permettant de définir eux-mêmes une répartition budgétaire conforme à leur projet . Si l'Etat conduit la politique éducative de la Nation, définit des contenus, veille aux répartitions globales des moyens, contrôle leur utilisation, recrute les enseignants et les chefs d'établissement, c'est l'établissement scolaire doté d'une autonomie qui peut librement définir une action possible.

L'établissement scolaire n'est pas une entreprise : il ne produit pas, n'est pas soumis à une recherche de rentabilité économique, à une amélioration de productivité; permettre à l'individu de s'épanouir intellectuellement , de découvrir et maîtriser ses possibilités , au citoyen d'agir avec les autres, pour cela "partir de l'élève": tels sont les objectifs de l'école.

Les enseignants sont libres, indépendants dans l'exercice de leurs activités, mais ils ne sont pas pour autant participants d'une profession libérale au sens commun. Ils dépendent étroitement les uns des autres et ne peuvent aujourd'hui s'engager qu'à partir d'un projet collectif élaboré ensemble. Ce projet d'établissement est l'élément fondamental pour l'autonomie qui repose sur une élaboration démocratique interne de tous les acteurs et sur une mise en œuvre libre de surveillance tatillonne de l'autorité de tutelle.

Le projet collectif adopté va définir des lignes d'activités dans tous les domaines. Il exige que  l'établissement devienne une entité responsable sous l'autorité du chef d'établissement, entité habilitée à passer des contrats de coopération avec d'autres établissements scolaires ou étrangers, des associations, des centres culturels ou sportifs. . Des liaisons contractuelles pourraient associer l'établissement  à l'IUFM par exemple pour la formation des stagiaires. Cette capacité d'agir pourrait s'étendre à tout partage de compétences et intéresser le recrutement provisoire de personnes associées à l'action éducative pour leur compétence reconnue.

Dans l'établissement lui-même, l'organisation des activités appartient au conseil d'administration et à l'ensemble des personnels dans le cadre du projet. Le chef d'établissement est le soutien, l'animateur, voire un des initiateurs d'actions pédagogiques et éducatives. La mise en œuvre d'un réseau interne valorisant les fonctions intermédiaires est indispensable : la place des professeurs principaux, de tuteurs, de coordinateurs de discipline est déterminante au même titre que celle des conseillers d'éducation   par exemple.

Une autre répartition des élèves s'éloignant de la structure classe peut être imaginée et mise en place sans référence à une autorité de tutelle; de même l'organisation des études et des emplois du temps différenciés selon les disciplines. La répartition des horaires peut devenir plus souple avec la liberté de l'imaginer dans le cadre hebdomadaire, trimestriel ou annuel.

L'autonomie reconnue à l'établissement ouvre des perspectives à la démocratie participative dans ce domaine rigide du système éducatif. La relation hiérarchique traditionnelle est en cause : le rôle de conseil de l'inspection se substitue à celui de contrôle. Il faut accorder aux enseignants la liberté d'innovation. 

                                                                           G.Roche

                                        ancien Directeur Général Adjoint du C.N.D.P.

                                                                           

Créé par Jean-François Launay