Cahier 4 : présentation

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INTRODUCTION  
   

 

Un titre binaire – mirage ou miracle – le sujet l’impose. Schématique ? Caricatural ?

Voire. Les sceptiques sont tentés de dire que les TIC vont rejoindre le cimetière des enthousiasmes technophiles. Une anecdote : arrivant dans un nouveau poste de principal, je constate en feuilletant les actes du CA que les représentants des personnels avaient réclamé des paraboles pour capter les TV étrangères ; le compte financier le permettant, proposition est faite de prélever sur les fonds de réserve pour répondre à cette ancienne demande ; le seul prof de langue présent de s’en étonner : la mode des « gamelles satellitaires » était passée !

Cette expérience n’a pas empêché un volontarisme affirmé dans l’équipement informatique d’un collège qui en était dépourvu, selon le principe que le mouvement se prouve en marchant. Serge Pouts-Lajus montre bien que ce phénomène est général : l’équipement est censé entraîner l’usage.

 

Mais avant de rentrer dans le concret, Jean-Pierre Letourneux et Stéphane Vendé nous invitent à prendre un peu de distance : philosophie politique, pour l’un qui s’interroge sur la « gouvernance d’Internet » et sur la fracture numérique Nord-Sud, tandis que le second, nous invite à « penser les TIC ».

Que l’auteur du rapport de l’Inspection Générale de 1997, Guy Pouzard introduise ce cahier ne surprendra pas. Il ne se range pas parmi les sceptiques, même s’il analyse finement les causes d’une certaine désaffection, il estime que de même que la logique industrielle du XIXe siécle a amené l’enseignement simultané obligatoire dans la classe, la société de l’information débouchera sur des méthodes nouvelles. Même s’il faut laisser du temps au temps.

 

Cet optimisme laisse place à un franc enthousiasme avec Denys Lamontagne qui voit dans Internet le passage de la rareté (un manuel, un prof) à l’abondance des ressources numérisables et la possibilité de passer de l’obligation à ce qu’il nomme le « besoin perçu ». Ce Québécois se bat, par le biais de THOT, fondé en 1997, pour que la francophonie ne soit pas laminée dans la bataille de la e-formation, du e-learning : il a fait de THOT un outil indispensable et particulièrement attentif aux efforts et aux besoins de l’Afrique francophone.

L’ancienne rectrice de Caen, mais surtout l’auteure d’un rapport « Vers un enseignement supérieur sur mesure », Maryse Quéré, invite, avec un argumentaire clair et serré, à la révolution tranquille de ce « sur mesure ». Deux cadres de l’ESEN, nous font découvrir que l’éducation nationale ne néglige pas la FOAD (Formation Ouverte À Distance) pour ses propres personnels administratifs et d’encadrement : préparation de concours, aide à la prise de fonction, formation statutaire des personnels d’inspection et de direction combineront de plus en plus de l’accompagnement (tutorat), des espaces de travail collaboratif à distance, des ressources informatiques.

 

Serge Pouts-Lajus, membre éminent de l’équipe du Café pédagogique, illustre la sartrienne affirmation : l’existence précède l’essence, ici l’équipement précède l’usage, autrement dit on s’équipe d’abord on s’interrogera sur l’usage ensuite ! Il partage, avec Alain Chaptal, le constat d’un taux d’équipement très élevé des enseignants et donc d’un usage fort dans le back office, dans la préparation des cours. La crainte de voir les TIC rejoindre les autres technologies éducatives dans un rôle périphérique, Alain Chaptal l’écarte en notant que pour la première foi ces outils irriguent la société. Et pour tenter de percer l’avenir de l’usage des TIC, il se sert de la double vue en jetant un coup d’œil (approfondi) de l’autre côté de l’Atlantique. Il y note, comme de ce côté ci, une forte tension entre usages prescrits et pratiques réelles. Mais, à l’instar de Guy Pouzard, même si c’est sur d’autres bases, il affiche un optimisme prudent et pense comme lui qu’il faut laisser du temps au temps… et faire confiance aux enseignants.

 

Les aider aussi et c’est ce que se propose de faire le projet lingot et son logiciel pépite que nous présentent Elisabeth Delozanne et Brigitte Grugeon de façon précise et concrète. Donner aux enseignants des outils de diagnostic complètement automatique et fiable pour l’enseignement de l’algèbre, voilà leur programme qui est l’œuvre d’une équipe multidisciplinaires, articulant travail théorique et étude de terrains. Une des clés de la mise en œuvre des TIC ne se situe-t-elle pas dans cette articulation entre chercheurs et praticiens ?

Michail Kalogiannakis a pris comme sujet de thèse les enseignants de physique confrontés aux innovations (TPE et TICE) : il y démontre le rôle des listes de diffusion, lieux de libres échanges où, dans une forte interactivité, les rôles de formateurs et formés sont interchangeables, ces communautés virtuelles où se confrontent les savoirs, pour aider au changement de rôle de l’enseignant appelé à devenir « accompagnateur », voire animateur dans les TPE.

 

Les lycées câblés, l’équipement en ordinateurs de tous les collègiens d’un département, les opérations cartables électroniques ne sont-ils que l’illustration de la fuite en avant technologique ou sont-ils porteurs de véritables évolutions ? C’est ce dont les acteurs témoignent.

 

Alors mirage ou miracle ?

Malgré les effets de mode porteurs de désaffections comme d’emballements, les TIC semblent solidement implantés dans le paysage pédagogique. Les projets qu’ils nourrissent sont souvent éphémères mais cette fragilité est plus due à celle des équipes qui les portent – mutations, usure, etc. – que par les difficultés liées à la mise en œuvre des TIC (maintenance, obsolescence, etc.). Le paysage n’offre pas non plus la belle ordonnance d’un jardin à la Française : le foisonnement des initiatives évoque plutôt la luxuriance assez angoissante de la forêt équatoriale. Cependant deux pistes se dégagent ou deux filons pour rester dans la métaphore du projet lingot. La collaboration étroite entre universitaires-chercheurs et praticiens, qu’illustre bien le projet évoqué qui permet d’enrichir progressivement le rôle de l’enseignant, sans surcharger la barque. Le deuxième filon, décrit à partir de l’exemple des enseignants de physique, mais qui concerne aussi les élèves, les apprenants, ce sont les listes de diffusion, les forums, les espaces de travail collaboratifs à distance (que certaines expériences de cartables électroniques instaurent). Et, comme le rappellent S. Pouts-Lajus et A. Chaptal, la ressource première pour cette évolution, c’est l’humain : l’enseignant mais aussi, et surtout, l’élève.

 

J. F. Launay

 

NB Ce cahier – sur papier donc – est complété par des pages du site E&D : sommaire, comme tous les autres, mais aussi des liens vers des sites et documents téléchargeables, tous les liens contenus dans les articles activés, et des contributions supplémentaires.

 

 

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