Il faut
d’abord constater que le rôle de l’école est toujours plus important, on lui
demande davantage dans tous les domaines. Elle doit en tout cas indiquer les
directions à suivre en éclairant les esprits dans le maquis des
connaissances accumulées, l'ouverture aux valeurs, valeurs portées par des
civilisations différentes qui s'interpénètrent. Les objectifs d'une école
pour tous, qui rassemble et permet des rencontres; demeurent la maîtrise du
langage, les apprentissages de communication, l'acquisition de méthode de
travail, l'organisation des savoirs, la formation de l'esprit critique. Elle
est guide pour l'orientation et devient nécessaire à cette formation "tout
au long de la vie".
Une exigence d’innovation permanente
L'école
ne peut assumer sa mission qu'en innovant librement, sans directives
trop contraignantes et sans attendre des réformes venues d'oracles
souverains. L'établissement scolaire peut être ce lieu d'expression,
d'action, d'innovation s'il devient une entité dont la maîtrise est confiée
à ses acteurs.
Il faut
tenir compte de la spécificité des apprenants et de chaque établissement.
Les termes génériques, école ou établissement scolaire, recouvrent
aujourd'hui des réalités différentes et reconnues, on parle de
discrimination positive les concernant. Les différences sont également la
conséquence de réalités objectives : école primaire - collège- lycées -
enseignements supérieurs, les élèves sont répartis selon l'âge ;
l'enseignement obligatoire jusqu'à 16 ans dispensé à tous répond à des
objectifs qui ne sont pas ceux des autres établissements.
Malheureusement, l'établissement scolaire d’aujourd’hui est encore dépendant
d'un système qui peut apparaître inopérant au 21ème siècle. La réforme
qui s'impose passe par la responsabilisation des acteurs et des institutions
là où ils remplissent leur mission : l'établissement identifié comme
personne morale qui doit agir en toute autonomie.
Il
appartient au pouvoir politique, aux collectivités, de les doter de moyens
financiers leur permettant de définir eux-mêmes une répartition budgétaire
conforme à leur projet. Si l'Etat conduit la politique éducative de la
Nation, définit des contenus, veille aux répartitions globales des moyens,
contrôle leur utilisation, recrute les enseignants et les chefs
d'établissement, c'est l'établissement scolaire doté d'une autonomie qui
peut librement définir une action possible et la pédagogie la plus adaptées
à ses élèves. C’est encore plus nécessaire pour l’enseignement
obligatoire que pour le reste du système éducatif puisque c’est à cet âge
que modalités d’être et de penser héritées du milieu familial sont les plus
pesantes pour la manière d’apprendre. C’est dans les écoles primaires et
dans les collèges que se joue l’avenir des enfants, c’est là que l’autonomie
doit le plus permettre une adaptation fine aux élèves et un apprentissage du
travail expérimental réhabilitant le travail manuel. C’est aussi dans les
écoles primaires et le collège que l’on apprend le débat et que l’on peut
prémunir l’élève des dangers du « je parle dont tu suis" du cours magistral.
Le profil possible pour un établissement
autonome
Mais
l'établissement scolaire n'est pas une entreprise : il ne fabrique pas un
produit, il n'est pas soumis à une recherche de rentabilité économique, à
une amélioration de productivité. Pour répondre à des exigences de qualité
correspondant à ses missions, il doit permettre à l'individu de s'épanouir
intellectuellement, de découvrir et maîtriser ses possibilités, au citoyen
d'agir avec les autres, et pour cela "partir de l'élève":
Dans
l’autonomie que nous souhaitons les enseignants sont libres, indépendants
dans l'exercice de leurs activités, mais ils ne sont pas pour autant dans la
situation d’une profession libérale au sens commun du terme. Ils ne
doivent pas non plus être des sortes d’artisans organisés par une
bureaucratie. Ils dépendent étroitement les uns des autres et ne peuvent
aujourd'hui s'engager qu'à partir d'un projet collectif élaboré ensemble. Ce
projet d'établissement est l'élément fondamental pour l'autonomie. Il repose
sur une élaboration démocratique interne de tous les acteurs et sur une mise
en œuvre libre de surveillance tatillonne de l'autorité de tutelle.
Le projet
collectif adopté va définir des lignes d'activités dans tous les domaines.
Il exige que l'établissement devienne une entité responsable sous l'autorité
du chef d'établissement, entité habilitée à passer des contrats de
coopération avec d'autres établissements scolaires ou étrangers, des
associations, des centres culturels ou sportifs, et avec l’ensemble des
institutions intéressées par la politique éducative. Des liaisons
contractuelles pourraient associer l'établissement à l'IUFM par exemple pour
la formation des stagiaires. Cette capacité d'agir pourrait s'étendre à tout
partage de compétences et intéresser le recrutement provisoire de personnes
associées à l'action éducative pour leur compétence reconnue.
Dans
l'établissement lui-même, l'organisation des activités appartient au conseil
d'administration et à l'ensemble des personnels dans le cadre du projet. Le
chef d'établissement est le soutien, l'animateur, voire un des initiateurs
d'actions pédagogiques et éducatives. La mise en œuvre d'un réseau interne
valorisant les fonctions intermédiaires est indispensable : la place des
professeurs principaux, de tuteurs, de coordinateurs de discipline est
déterminante au même titre que celle, par exemple, des conseillers
d'éducation, des conseillers d’orientation.
Une autre
répartition des élèves s'éloignant de la structure classe peut être imaginée
et mise en place sans référence à une autorité de tutelle; de même
l'organisation des études et des emplois du temps différenciés selon les
disciplines. La répartition des horaires peut devenir plus souple avec la
liberté de l'imaginer dans le cadre hebdomadaire, trimestriel ou annuel.
L'autonomie
reconnue à l'établissement ouvre des perspectives à la démocratie
participative dans le domaine jusqu’ici rigide du système éducatif. La
relation hiérarchique traditionnelle est en cause : le rôle de conseil de
l'inspection se substitue à celui de contrôle. Il faut accorder aux
enseignants la liberté d'innovation.
Cette
autonomie doit bien sûr se situer dans le cadre de la politique décidée par
le pouvoir politique national et n’est pas contradictoire avec la gestion
des personnels par l’Education Nationale. L’éducation comme la santé et
la culture relève d’une politique de l’Etat et de la déconcentration dont la
mise en œuvre donne responsabilité et autonomie aux acteurs de terrains.
Comment mobiliser des établissements et tous ses personnels si ces derniers
dépendent d’employeurs différents (Municipalité, Conseil général, Conseil
Régional, Etat) ?
La
Région doit rester avant tout une administration de mission
La Région
doit éviter pour sa part de devenir une administration de gestion, elle doit
demeurer essentiellement une administration de mission susceptible de
favoriser et d’impulser les initiatives et innovations ou encore de
faciliter la participation de tous les acteurs. Il ne faut pas faire des
Régions de super Conseils généraux mangés par la culture de la mesure. Il
faut se garder de remplacer le jacobinisme national par des jacobinismes
régionaux et locaux.
Il est
ainsi flagrant que, dans la Région Rhône-Alpes, le projet des transferts des
personnels de la de l’orientation professionnelle risque de compromettre
toutes les dynamiques contractuelles initiées par les projets OPRA-PRAO.
L’autonomie des établissements dans le cadre de la déconcentration de l’Etat
peut au contraire aller de pair avec une responsabilisation des bassins
d’emploi devenus des bassins de formation dans lequel collaboreraient
tous les établissements d’enseignement, tous les organismes de formation et
tous les acteurs socio-politiques, politiques et administratifs. Il ne
s’agit pas là encore de délocaliser des charges mais de permettre
l’émergence d’un projet collectif. Cela éviterait les parcours d’orientation
segmentés, discontinus et désordonnés qui décrédibilisent l’orientation.
Pour faire reculer le sentiment de « parcours du combattant », notamment
pour les jeunes atypiques, on pourrait ainsi établir un guichet unique
coordonnant les systèmes existants. Les acteurs de ces guichets seraient
appelés à accompagner la personne en amont et aval de la formation dans le
dédale des parcours et des dispositifs. Il ne faut jamais perdre de vue que
ce sont les jeunes (ou les moins jeunes) les moins armées pour affronter
leur avenir et par conséquents les plus perdus dans l’utilisation des
dispositifs existants qui ont recours aux services d’orientation. La plus
grande partie des jeunes et des moins jeunes, notamment les plus
privilégiés, n’a pas besoin d'y recourir.
Hors de
tout jacobinisme régional la région pourrait piloter négociation et
contractualisation avec l’Etat déconcentré et tous les partenaires sociaux
pour un cadrage sur les orientations, les objectifs et l’évaluation. Il nous
faut introduire une culture des rapports de forces, de la négociation et de
la contractualisation bien éloignée de celle à laquelle a abouti la
centralisation. Or deux siècles de « centralisme » ont trop longtemps
renforcé les corporatismes et les immobilismes par l’octroi de privilèges
souvent bien médiocres.
Quels points sur lesquels il faut avancer
Pour
éviter les blocages il est aussi souhaitable d’agir sur les points estimés
sensibles par les enseignants. Nous ne pouvons ici que rapidement les
énumérer.