E&Dracisme et humeur

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Racisme, anti-sémitisme à l’école

Exemplarité de la sanction ou sanction pour l’exemple

Jean-François Launay, ancien principal de collège

Opinion parue dans la rubrique Rebonds de Libération le 13/07/04 sous le titre Gare au"racisme pour rire"
   

 

S’il est relativement facile de distinguer une Kippa d’un béret basque, une grande croix d’une secte chrétienne d’un bijou de même forme, un voile islamique pur et dur d’une tête nue (pour les bandanas, on le sait, la place est ouverte à la casuistique), s’il est très facile de légiférer là-dessus, les actes anti-sémites et plus généralement racistes, dans nos collèges et lycées, sont pour la plupart impunis car inconnus des responsables. La loi du silence, imposée par l’agresseur à la victime, avec la complicité passive des témoins, loi du silence qu’adoptent beaucoup de parents, de craintes de représailles pour leur enfant, fait que seules quelques affaires émergent dans l’établissement scolaire. Le chef d’établissement doit alors, avec les faits plus ou moins avérés, avec aussi sa personnalité, la connaissance qu’il a de son établissement, l’avis de ses collaborateurs directs (adjoint, CPE, assistante sociale…) jauger s’il s’agit d’une non affaire, d’un altercation qui ne mérite qu’une réprimande ou plus dans l’échelle des sanctions à sa disposition (avertissement, blâme, retenue, exclusion jusqu’à huit jours) ou encore d’un acte d’une gravité telle qu’il nécessite la convocation du Conseil de discipline.

 

Si l’on prend l’exemple des insultes à caractère homophobe ou sexiste – il est fortement question de légiférer là-dessus – l’on sait bien que nos petits sixièmes qui les échangent allègrement n’en connaissent pas vraiment la signification. « On se traite de cons, à peine qu’on se traite » chantait Nougaro, mais aussi facilement de pédés, de fils de pute et autres noms d’oiseaux. Le surveillant sur la cour doit bien sûr rappeler les règles de la correction. Même pour les adultes, il sera difficile de trier entre le chapelet d’insultes automatiques que peuvent échanger deux automobilistes courroucés et la volonté délibérée de s’en prendre à la personne dans son essence même. Faire suivre, par courriel, quelques unes des innombrables plaisanteries de plus ou moins bon goût qui courent sur la toile peut vous faire taxer d’ « homophobe et de sexiste » : le juge va avoir du pain sur la planche !

L’absence de sanctions lourdes  peut donc s’expliquer : le chef d’établissement juge, au regard des éléments dont il dispose, que l’arsenal de sanctions dont il dispose suffit. Les parents – des deux parties d’ailleurs – peuvent avoir un autre point de vue.

 

Dans d’autre cas, il peut estimer que le caractère sciemment et volontairement anti-sémite, raciste est établi. La presse a très brièvement rendu compte d’un incident de ce type à Lyon. Une élève, ayant dessiné une croix gammée sur sa main qu’elle agitait sous les yeux d’un camarade juif. Admonestation et explication du chef d’établissement. Récidive quasi immédiate. Exclusion par le Conseil de discipline et plainte déposée par le Proviseur. La volonté d’exemplarité est manifeste. Il s’agit de faire comprendre à tous qu’une agression raciste délibérée, fût-elle verbale ou visuelle, est une transgression grave non seulement au règlement intérieur mais aux lois de la République. Il ne s’agit pas d’une peine « pour l’exemple » frappant un coupable de hasard.

 

Reste que la situation est d’une redoutable confusion.

Dans un Lycée Professionnel de la région parisienne (banlieue calme mais bassin de recrutement très large dans certaines spécialités), un élève Haïtien de Bac Professionnel réagit violemment au cours de géographie sur l'Afrique car le professeur (à l'aide d'un manuel parfaitement homologué) faisait travailler les élèves sur les difficultés économiques des pays africains, notamment le détournement des aides aux états et la corruption. Là, c'était l'élève qui accusait le professeur de "racisme".

Le proviseur de cet établissement a eu à traiter une affaire semblable à celle de Lyon : une élève en a traité un autre de "sale juive" ; signalement a été fait, ce qui a entraîné une convocation et un "rappel à la loi" par l'officier de prévention ; la sanction a été d'un mois d'exclusion ; les parents de la "coupable" (guyanaise), n’ont nullement contesté la sanction ; le père de la victime s'est montré satisfait de la gestion de l'affaire alors qu'il semblait prêt à enlever sa fille de l'établissement.

Notre proviseur en retire cependant l'impression qu'il y a, pour les générations actuelles de jeunes, une banalisation du racisme "qui va de soi" car "c'est pour rire", un peu comme le "nique ta mère" envoyé au prof, équivalent du "putain !" de générations précédentes ; le "racisme" n'est plus là où on avait l'habitude de le voir, ou plutôt il n’est plus seulement là où on avait l’habitude de le voir, comme dans le « kop » du Paris-Saint-Germain.

 

Dans le monde éducatif, il faudra tendre à une forte cohérence interne et un soutien hiérarchique réel de ceux qui sont en première ligne, les personnels de direction, sinon il ne faudra pas trop s’étonner que certains se réfugient dans la pusillanimité.

Il faudra aussi que la liaison école-police-justice ne se traduise pas que par des signatures de conventions hautement médiatisées. À Lyon, n’était-ce pas au ministère public de relayer la plainte du chef d’établissement ?   

 

 

 

Dans un article intitulé "Salauds de pauvres ?" et sous-titré "L'antifascisme caviar" (Nouvel Observateur) Jacques Julliard écrivait que l'école devait cesser d'être une garderie.

Lettre ouverte à Jacques Julliard,

« L’élitisme, c’est la démocratie sans le peuple. Le populisme, c’est le peuple sans la démocratie. » La formule est belle, mais l’article est creux, avec ce sempiternel « bonnet blanc et blanc bonnet » : « les programmes de Jospin et de Chirac se ressemblaient comme s’ils avaient déteint l’un sur l’autre ».

Mais laissons cela : l’avenir nous montrera d’ici peu qu’entre une politique sociale démocrate et une politique de droite, il y a quelques différences non négligeables.

Je passe aussi sur « l’antifascisme caviar » variante du célèbre cliché de la « gauche caviar ». J’ai quelque souvenir d’un livre dont le titre m’échappe mais qui était le journal d’une année et dans laquelle tu* nous contais, outre ton amour du vélo et de Vézelay, tes dîners avec Monsieur Strauss-Kahn, Madame et quelques autres. Je ne sais si le caviar était au menu, mais je peux parier sans grand risque que ce n’était pas oeuf dur mayonnaise, steack-frites et crème renversée. Cela me rappelle peu après 1981, ce slogan assassin sur nos ministres-R 25, orchestré par des journalistes dont les revenus leur permettaient sans difficulté de s’offrir ce « haut de gamme » français dont les tarifs étaient bien loin de ceux des luxueuses berlines allemandes  (Mercédès, BMW) et encore moins anglaises (Rolls Royce, Bentley, Jaguar, à l’époque toujours britanniques).

En revanche  « L’école garderie » est indigne. Ras-le-bol de cette Finkielkrauterie reprise à l’envie par de prétendus « républicains ». Et l’école n’a jamais été « le lieu » de la mobilité sociale ! Ou plutôt, elle n’a pu jouer un rôle, tout relatif d’ailleurs, dans cette mobilité, que parce que la société connaissait ce qu’on a appelé les trente glorieuses.

L’école garderie est une totale imposture, une fabrication mensongère. Globalement, le système scolaire a augmenté le nombre de diplômés sans baisser le niveau d’exigences, comme continuent de le marteler ceux qui, cyniquement, savent qu’un mensonge mille fois répété finit par passer pour une vérité. Les enseignants ne sont pas les gentils animateurs d’un succédané de MJC. Les chroniqueurs doivent cesser de dire des âneries sur l’école.

Puisque serment il y a « d’essayer de dire toute la vérité », je me permets d’émettre, de ma modeste place, le voeu que nos universitaires, quand ils traitent de l’école, fassent preuve de la même rigueur intellectuelle que celle qu’ils démontrent dans leurs travaux académiques !

  Jean-François Launay

Adhérent de terrain

 

* La participation commune - et hélas déjà bien lointaine - à des instances syndicales explique le tutoiement.