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mai 2000
Dans cet ouvrage, B. Charlot aborde la question de l’échec scolaire sous l’angle du rapport au savoir, terme qui se généralise mais qui reste insuffisamment défini d’où la nécessité d’un approfondissement conceptuel et théorique. A partir d’une analyse critique des divers courants sociologiques, il nous propose plusieurs définitions de ce concept .
Dès les premières pages, il affirme que l’échec scolaire n’existe pas; il existe cependant des élèves en échec, des situations d’échec. Les phénomènes d’échec sont certes bien réels, mais il n’existe pas d’objet échec scolaire. L’échec peut se traduire comme un écart entre élèves, cursus, établissements; ce sont des différences de positions évaluées en termes de notes, d’années de retard, de place dans le cursus scolaire. Ce sont des positions respectives qui permettent de parler d’échec. Un enfant obtenant une note de 2/20 à un exercice ; cela signifie certes qu’il n’a pas compris cet exercice mais on ne parlera pas d’échec scolaire si les autres élèves ont eux aussi une note très faible.
Si la sociologie a montré de manière claire et irréfutable la corrélation statistique entre la position sociale des parents et la position des enfants dans l’espace scolaire, il précise néanmoins les limites. Prendre uniquement en compte la CSP du père comme indicateur n’est plus vraiment pertinent dans la mesure où c’est surtout la mère qui prend en charge le suivi scolaire. De plus, les mères sont actuellement plus actives. Dans certaines familles, notamment celles issues de l’immigration, le personnage clef en matière de réussite scolaire est la grande sœur. L’espace familial n’est par conséquent pas homogène et il ne peut se réduire à une dimension. La position sociale ne peut être saisie uniquement en termes socio- professionnels et il faut alors s’intéresser aux pratiques éducatives familiales, à la position de l’enfant .
Ensuite, l’auteur poursuit sa réflexion en abordant une autre dimension qui est celle du sujet. Il affirme que l’élève en échec est d’abord un enfant, un adolescent. Il nous montre que tout sujet est confronté à la nécessité d’apprendre. D’ ailleurs , il écrit : « ce sujet agit dans et sur le monde, rencontre la question du savoir comme nécessité d’apprendre et comme présence dans le monde d’objets, de personnes et de lieux porteurs de savoir, se produit lui- même et est produit, à travers l’éducation. Etudier le rapport au savoir, c’est étudier ce sujet en tant qu’il est confronté à la nécessité d’apprendre et à la présence dans le monde de savoir ».Il met donc en exergue la nécessité d’apprendre pour tout sujet et notamment pour les enfants . La question de l’apprendre est plus large que celle du savoir. Apprendre, c’est certes acquérir un savoir mais c’est aussi maîtriser une activité( apprendre à utiliser des objets, des activités à maîtriser, des dispositifs relationnels). Il en déduit que la notion de savoir implique celle de sujet, de rapport du sujet à lui- même, de rapport de ce sujet aux autres.
Enfin, Bernard Charlot conclut que le rapport au savoir est une forme de rapport au monde et propose des définitions :
« Le rapport au savoir est le rapport au monde, à l’autre et à soi- même d’un sujet confronté à la nécessité d’apprendre.
le rapport au savoir est l’ensemble organisé des relations qu’un sujet entretient avec tout ce qui relève de l’apprendre et du savoir .
le rapport au savoir est l’ensemble des relations qu’un sujet entretient avec un objet, un contenu de pensées, une activité, une relation interpersonnelle , un lieu, une personne, une situation… » .
Cependant, ce qui importe, ce n’est pas tant la définition adoptée mais c’est l’inscription du concept dans un réseau de concepts.
En conclusion, l’auteur propose une autre analyse de l’échec scolaire qui repose sur une sociologie du rapport au savoir c’est à dire une sociologie du sujet. Celle-ci prend appui sur les différentes disciplines travaillant aussi sur la question du sujet.
L’intérêt de ce livre d’une centaine de pages est multiple. Avec une concision et une analyse pertinente , Bernard Charlot bouscule certaines idées reçues . En tant que pédagogue et /ou éducateur, ces réflexions nous interpellent et nous questionnent tant sur nos pratiques que sur nos discours.
Un livre à lire.
Ouarda ROUBI
Collège Mistral, Feyzin ( 69 )