Le système évolue davantage par la
périphérie que par le centre. Les principales évolutions ont été rendues
possibles par l’engagement du niveau local, par l’innovation et
l’expérimentation.
Direction, décision, participation,
délégation, autonomie, concertation consultation, démocratie,
négociation... : on n’est jamais sûr que chacun mette le même sens sur les
mots ou les notions.
A quelles conditions, alors, peut-on avoir
une négociation des changements, des évolutions ? N’est-ce pas en créant une
culture commune ? En analysant mieux nos pratiques, notre fonctionnement
collectif et institutionnel ?
N’est-ce pas en conduisant cette analyse
qu’on peut sans excès mais aussi sans démagogie dessiner un nouveau type de
management du système éducatif ? |
|
Trois temps.
I
La direction, une formidable
évolution en 20 ans
II
Cette évolution n’a pas
vraiment été pilotée, elle est le résultat de compromis implicites
successifs.
III
Au niveau local est-il possible
de dessiner un passage du compromis mollasson à la négociation ?
L’entretien de progrès est un outil central dans cette perspective.
Pour conclure : quelques
éléments de stratégie.
|
I. LA
DIRECTION, UNE FORMIDABLE EVOLUTION EN 20 ANS |
La direction des établissements a évolué
sous l’effet de plusieurs facteurs
|
1.
Juridico institutionnels
|
¨
La loi
d’orientation :
¨
l’élève au centre
du système,
¨
le projet
d’établissement qui se situe dans une longue évolution, avec les 10 % - dont
les objectifs étaient de développer l’interdisciplinarité et l’autonomie des
élèves – les PACTE, puis PAE,
¨
chaque unité doit
se doter d’un projet et surtout se fixer des objectifs pédagogiques :
harmonisation des pratiques, individualisation en sont les maîtres mots.
¨
La
décentralisation :
·
Dans l’état actuel,
elle a été très positive : les collectivités font globalement mieux et plus
vite
¨
La
décision de l’orientation a été dévolue au chef d’établissement
Ce qui lui donne de la
légitimité sur les problèmes pédagogiques, par le pouvoir de décider.
|
|
|
2. L’évolution
sociologique
|
Bouleversement des identités culturelles et
professionnelles
Le centre de gravité s’est déplacé, passant d’une
logique centrale d’ordres, de réglementation à une logique locale
d’exécution plus autonome.
Les
identités professionnelles dans l’éducation nationale changent en liaison
avec l’organisation des pouvoirs, en fonction des logiques économiques, des
évolutions sociétales, avec les modifications des rapports de production,
des productions des connaissances, de l’organisation du marché de la
formation , des représentations idéologiques, des traductions de l’ensemble
sur le plan des valeurs.
|
|
|
3.
L’évolution des dispositifs pédagogiques
|
¨
Dispositifs de
différenciation, de personnalisation : aide, modules
|
Pratiques
pluridisciplinaires (TPE, IdD...) |
|
Pratiques visant
l’apprentissage de la démocratie |
|
Les services ont évolué avec
d’autres missions qui s’y intègrent, pilotage, niveau, classes projet,
logistique, équipe etc. et les personnels se sont diversifiés
(documentalistes, aides éducateurs, acmo, etc.). |
|
|
|
4. La nouvelle
responsabilité pédagogique du chef |
Autrefois, la double hiérarchie –
administrative, avec sa structure pyramidale descendante (ministre,
recteur, IA, chef d’établissement) et pédagogique (IGEN, IPR) - bien
symbolisée par la double notation du professeur n’est plus cloisonnée de
manière aussi étanche. Elle est même de plus en plus bousculée. La conduite
de projets, les pratiques pluri-disciplinaires demandent une vision
« binoculaire ». |
|
|
II. UNE EVOLUTION NON PILOTEE |
|
|
1. Les établissements ont
développé une culture du compromis implicite |
|
|
|
|
|
|
III.
DU COMPROMIS A LA NEGOCIATION. COMMENT DEFINIR UN PILOTAGE NEGOCIE DANS L’EPLE
|
|
|
1. L’EPLE
est le lieu où peut se construire une vision commune |
L’EPLE est le lieu où peut se
construire une vision commune
à partir d’une analyse
collective de la situation. C’est la construction collective du diagnostic
qui sert de catalyseur à l’appropriation des écarts et à l’apparition de la
volonté de travailler aux améliorations. |
|
|
|
2.
C’est le lieu où peut se résoudre la contradiction entre la démocratie
institutionnelle et la démocratie fonctionnelle |
La question se pose
toujours de savoir qui se cache derrière les représentants, que veut le
partenaire institutionnel. Seule une régulation de la régulation permet de
déjouer le jeu pervers de confiscation de la démocratie par le jeu
démocratique. (cf Rousseau). Il faut injecter des formes organisées de
démocratie directe qui demande un outillage (remue-méninges, 6X6, etc.).
Attention ! Ces formes d’organisation sont fragiles, elles s’épuisent, elles
font apparaître des nomenklaturas, elles peuvent faire illusion. Il faut
organiser leur renouvellement permanent. Nous savons tous que
l’administration s’entend à vider le meilleur dispositif de son sens.
Administration ne veut pas forcément dire ceux qui administrent, mais plutôt
ceux qui incarnent l’esprit de l’administration. |
|
|
3. Le
niveau local permet d’identifier et d’organiser le travail des partenaires |
Contrairement au niveau
national et aux niveaux intermédiaires, l’EPLE permet de dire avec qui l’on
peut négocier. Pour chaque question on peut avoir une personne ressource qui
joue un rôle d’interface. Par exemple, le coordonnateur de discipline. A ce
niveau identification rime avec responsabilisation et non représentation.
Par ailleurs c’est le lieu ou les partenaires peuvent effectivement
travailler ensemble : ATOSS, professeurs, élèves, parents. La question de
savoir comment choisir les acteurs du changement ne se pose plus dans les
mêmes termes puisqu’ils émergent des projets eux-mêmes. |
|
|
4.
C’est le lieu où peuvent se croiser des temporalités différentes |
Le temps du politique
s’efface devant le réalisme. Autant il y a le risque de dissoudre le projet
dans l’urgence,
autant l’EPLE est le lieu d’une explicitation perpétuelle. Ce qui permet
d’établir des points de capiton entre les différentes couches de temps,
c’est le travail permanent de clarification à partir du cadre de référence ;
L’EPLE est le seul lieu de confrontation possible entre le cadre de
références qu’est le projet et les objets référés que constitue sa mise en
oeuvre ; par exemple, entre l’objectif de placer l’élève au centre du
système et la mise en place d’une aide individualisée pour les élèves de bac
professionnel. C’est le lieu d’une négociation sans fin. En fait le projet
se joue dans les textes mais aussi ou surtout dans les têtes. La mémoire
collective est très fragile : il faut sans se lasser réactiver l’adhésion.
La constitution d’un conseil pédagogique dont on a beaucoup parlé pendant un
temps est de nature à donner au projet un support dans la durée. |
|
|
5. L’EPLE
est le lieu où le conflit est possible |
C’est le lieu où les
camps, les clans en présence peuvent s’affronter sans nécessairement se
détruire l’un l’autre ni se neutraliser. Evidemment cela suppose que la
direction sache définir le cap et traduire ce qui est négociable et ce qui
ne l’est pas. |
Rôle
du séminaire local comme instance de confrontation et de négociation
|
|
Ce qui dans notre
établissement est appelé séminaire local et qui en taille est
comparable au congrès d’un syndicat national, réunit l’ensemble des
personnels, pour faire le bilan et tracer les perspectives. S’il était mal
pensé il deviendrait vite « truc » fumeux et tournerait court. Alors que
c’est là que peuvent se construire une représentation commune de l’état de
la situation, des objectifs, des modèles, des relais disponibles.
Cette organisation
permet de dépasser le risque momification, d’enlisement des structures de
concertation, d’assurer un renouvellement selon l’évolution des projets. En
fait dans l’EPLE, au niveau local se dessine une image de la direction plus
souple où le pilote navigue en cabotant, à l’estime mais en se servant comme
outil de navigation de l’intelligence collective des acteurs, mis en
synergie. Il favorise le rassemblement des éléments d’analyse en organisant
un travail coopératif. Il faut accepter de ne pas toujours avancer en ligne
droite. Il faut prendre aussi le risque de voir s’ouvrir des pistes non
prévues. |
|
|
6.
Imprimer une direction. Garder le
cap, expliciter, clarifier. Inscrire le projet dans la durée. |
Ne pas aller en ligne
droite ne veut pas dire aller de travers. Imprimer la direction, est capital
et c'est ce qui a le plus évolué. Le chef d’établissement joue donc un rôle
essentiel : porteur, catalyseur, aiguillon.
Il lui aura fallu
faire une analyse fine et approfondie de l’établissement, en se décentrant,
en faisant appel à des regards extérieurs. Cette phase de diagnostic,
devenue institutionnelle, est primordiale.
Le
projet d’établissement
suppose des phases (voir « démarche participative »), l’essentiel est de la
faire jaillir de la communauté éducative : le plus important réside dans la
démarche. Sa réalisation est ponctuée par le rapport d’activité annuel, qui
peut jouer un rôle de bilan d’étape. Mais une équipe de pilotage doit
évaluer sa mise en oeuvre. |
|
|
7.
Reconnaître, définir de nouvelles zones de compétences – identifier de
nouveaux acteurs – mailler l’établissement – organiser le travail |
Si, dans une grille d’analyse matricielle,
on recoupe compétences et fonctions on peut constater qu’elles ne se
superposent pas toujours et que les fonctions « statutaires » ne prennent
pas en compte de nouvelles zones : communication,, informatique, formation,
tenue du tableau de bord... Il faut donc s’appuyer sur les compétences
réelles et vérifier si tous les besoins sont couverts. Les rôles se
redéfinissent en fonction de l’évolution des projets. |
|
|
|
8.
Prendre des décisions se place dans la suite logique. Attention ! Piloter
seul, c’est ne rien piloter du tout |
Pour assurer le maximum de légitimité :
Le chef doit éviter d'être en première
ligne pour toutes les décisions : il doit savoir déléguer, se retenir de
prendre des décisions soi-même, manager.
|
savoir utiliser le CA et ses
administrateurs (c'est un organe de pilotage de la politique) ,
|
|
savoir aussi créer des groupes
de travail et un groupe de pilotage. |
|
animer la communauté éducative
dans son ensemble |
|
il
est important d'avoir des relais (Professeur Principal, Coordinateur de
discipline, de projet, groupe de parents, etc.) |
L’instance de pilotage incarne l’esprit du
projet et suscite des tensions même avec les inspirateurs du projet. La
direction doit assurer la cohérence mais aussi la cohésion. Le groupe de
pilotage rassemble des personnes dont la diversité représente un paradoxe :
il incarne l’idée chère à Philippe PERRENOUD d’une confrontation à la
fois coopérative et conflictuelle. Si le pilotage n’est pas traversé par
ces différences et mêmes ces affrontements il ne saurait porter à
l’existence la richesse des logiques à l’œuvre ni représenter la riche
diversité des acteurs. La question est de savoir comment dépasser les
éventuelles contradictions sans tomber dans des compromis mollassons.
|
|
|
9.
Contractualiser – l’entretien au cœur de la négociation.
|
L’entretien individuel de progrès, un moyen de faire progresser l’EPLE en
faisant progresser les individus.
L’entretien de
progrès se situe au carrefour de plusieurs déterminations : les sciences
sociales et la psychologie, de l’analyse systémique et de la connaissances
des organisations, de l’analyse stratégique. Il suppose une véritable
formation.
L'entretien de
progrès est un micro système : dans un environnement donné, il s'agit
d'une relation en face à face, à partir d'un cadre de références déterminé
(quelquefois à clarifier), en vue d'un objectif précis, avec une méthode
appropriée. Cet entretien annuel de progrès est un moyen pour faire
progresser l'établissement en faisant progresser les personnes. Il dure 1
heure. Il se fait dans un climat d’empathie, d’écoute active. L'entretien
de progrès représente la phase de contractualisation du projet
d'établissement avec les personnels. A la fin de l'entretien on dégage un
axe de progrès : une formation, une action, une responsabilité nouvelle,
une aide, une simple clarification, etc.. (cf Cahier n° 38 d’Education
& Devenir
L’évaluation
p. 39 à 44)
|
|
|
10.
L’entretien de progrès un exemple
pour la pratique réflexive. |
|
L’entretien un vecteur puissant pour la
formation |
|
La
place de la formation pour négocier les évolutions |
|
La
formation le signe que l’on accepte de changer |
|
Il
permet de construire de la légitimité |
|
|
Le rôle et la place de
l’entretien de progrès dans le déploiement du projet |
|
|
IV.
DES
ELEMENTS DE STRATEGIE POUR LE PILOTE D’EPLE |
|
|
1.
Il faut provoquer la réflexion dans l'EPLE |
Le chef d’établissement doit se garder du
temps pour la réflexion, ainsi pourra-t-il mieux jouer son rôle de poil à
gratter pour amener à la réflexion car on a la chance d'avoir des personnels
aptes à réfléchir !
Des outils existent :
des indicateurs de qualité (IPES, statistiques d’orientation, etc.),
évaluation CM2/6ème... Les conseils de classes sont des
lieux propices à l'amorce de la réflexion et au progrès. |
|
|
2.
Organiser la réflexion |
|
L’audit
préalable, la synthèse |
|
Les plans
de travail pour les réunions de services, de commissions...et les réunions
générales. (voir annexe). |
|
|
|
3.
Repérer les marges de manoeuvres |
Nous passons notre temps à ne pas la voir
(exemple des heures libres en collège, des modules en lycée, des 3ème
à projet professionnel, 1ère passerelle, de l’aide, des IDE, des
heures de vie de classe, etc.)
Saisir l'occasion des notations pour avoir
un dialogue, faire le point des activités.
Se pénétrer de l’idée qu’avec la même DHG:
plusieurs politiques sont possibles :
|
-
Offrir des choix
à la communauté éducative, et encourager la prise de responsabilité |
|
-
S'appuyer sur les
forces vives : même par temps de crise, il y en a toujours. Les détecter,
les utiliser sans les brûler |
|
-
Encourager la
création d'équipes, savoir aussi en casser. |
|
-
faire passer dans
l'emploi du temps une vision pédagogique, |
|
-
Savoir
récompenser |
Aucune situation n'est désespérée.
L’autonomie suppose : savoir faire, pouvoir faire et vouloir faire. On ne
peut exiger d’avoir toujours les trois en même temps. Cependant pour
maîtriser sa politique, il faut penser système, veiller aux transformations
culturelles (formation), maintenir la curiosité et un climat de veille
technologique, savoir faire entrer de l’extérieur des idées des pratiques
etc. |
|
|
En conclusion,
il semble possible de dire que l’EPLE est véritablement le lieu dans lequel
se joue l’avenir du système éducatif, en particulier de sa capacité à
répondre aux visées démocratiques.
On voit que l’EPLE
s’enrichit de nouveaux modèles et de nouveaux savoir-faire. L’EPLE est bien
un lieu où l’on peut sortir de la logique injonction – réaction – compromis
pour entrer dans la démarche mobilisation – confrontation – action –
évaluation ; c’est à dire une logique de négociation, de partage, qui donne
du pouvoir à tous les acteurs. |
|
|