05/11/2004 |
Par
le biais d'une modification de circulaire qui commente la nouvelle
composition des conseils de discipline, le ministre de l'Éducation nationale
réintroduit subrepticement la possibilité d'infliger des punitions
collectives.
Certes,
le ministre rappelle « qu'il est utile de souligner le principe
d'individualisation de la punition ou de la sanction ». Mais c'est pour
ajouter aussitôt dans le paragraphe intitulé « moyens d'action à la
disposition des enseignants en matière disciplinaire », « qu'une punition
peut être infligée pour sanctionner le comportement d'un groupe d'élèves
identifiés qui, par exemple, perturbe le fonctionnement de la classe. Par
ailleurs, dans le cadre de l'autonomie pédagogique du professeur, quand les
circonstances l'exigent, celui-ci peut donner un travail supplémentaire à
l'ensemble des élèves ».
Ainsi,
très clairement, « le travail supplémentaire » donné « à l'ensemble des
élèves », est envisagé comme un moyen d'action en matière disciplinaire.
Cette disposition, qui
cherche un alibi un peu grossier dans « l'autonomie pédagogique du
professeur », constitue un recul sans précédent, à la fois du point de vue
de la justice, du point de vue de l'autorité de l'enseignant et du point de
vue éducatif :
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elle contrevient au
principe de l'individualisation des sanctions, selon lequel « toute
sanction, toute punition s'adressent à une personne ; elles sont
individuelles et ne peuvent être, en aucun cas, collectives » (circulaire
n° 2000-105 du 11-7-2000) ; plus largement, elle est contraire aux principes
fondamentaux du droit français ; de surcroît, en introduisant la notion de
« travail supplémentaire » comme un moyen d'action de nature disciplinaire,
elle rétablit une confusion dommageable – et condamnée dans la circulaire
déjà citée – entre « les punitions relatives au comportement des élèves » et
« l'évaluation de leur travail personnel » ;
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cette disposition bat en brèche l'autorité des chefs
d'établissement et des enseignants, que le ministre se targue par ailleurs
de réhabiliter : en offrant cette solution de facilité et en contraignant à
ce constat d'impuissance que constitue la punition collective, il pourrait
laisser entendre que des équipes pédagogiques sont incapables d'anticiper
une situation, de gérer un conflit et de cerner les responsabilités ;
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enfin, le recours à
la punition collective, outre un aveu implicite d'échec, est contre-éducatif
en tant qu'il incite dans la quasi-totalité des cas à la délation : la seule
alternative consiste à dénoncer autrui, ou à subir collectivement la
punition.
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Élèves,
enseignants, parents, chefs d'établissement, personnels d'éducation ont
travaillé longtemps ensemble pour établir les règles les plus justes et les
plus équilibrées en matière disciplinaire. Ils ont prévu ensemble des
procédures alternatives au conseil de discipline, qui visent à anticiper les
conflits, à les traiter à la racine, et à les résoudre d'abord et avant tout
dans une perspective éducative. Cette tâche est difficile, délicate et
requiert la mobilisation de toute la communauté éducative.
Cette
dernière ne peut accepter qu'on fragilise la vie de l'établissement scolaire
par des mesures qui, conjuguant l'autoritarisme et l'arbitraire, engendrent
l'injustice. |
Signataires : |
CEMEA, CRAP-Cahiers pédagogiques, DEI-France (Défense des enfants
international), Éducation & Devenir, FCPE, FERC-CGT, FOEVEN (Fédération des
œuvres éducatives et de vacances de l'Éducation nationale), GFEN (Groupe
français d'éducation nouvelle), ICEM-Pédagogie Freinet (Institut coopératif
de l'école moderne), Ligue de l'enseignement, Ligue des droits de l'Homme,
OCCE (Office central de la coopération à l'école), SNPDEN-UNSA, UNL |