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Janvier-février 2002
Le conseil pédagogique :
Présentation.
Au cours des derniers mois, plusieurs rapports ministériels ont souligné la pertinence d’une modernisation des instances de pilotage interne des établissements du second degré. En juillet 2000, un décret est venu modifier la composition de la commission permanente et celle du conseil de discipline. La réflexion pédagogique née des chantiers nationaux a débouché simultanément sur l’élargissement de la citoyenneté lycéenne (Conférence des délégués des élèves, Conseil de la vie lycéenne) et sur la refonte des principes juridiques présidant à l’élaboration du règlement interne des établissements. A plusieurs reprises, au détour des discussions ministérielles avec les organisations des personnels, le caractère expérimental des conseils pédagogiques a été souligné. Nous voudrions analyser dans ces lignes les perspectives ouvertes par la mise en place de deux conseils pédagogiques dans une cité scolaire de 2200 élèves comportant deux établissements juridiquement distincts.
En réponse à l’encombrement du conseil d’administration par toute une série de votes portant sur les contrats, les conventions, les délibérations et les actes de l’établissement public local d’enseignement, le conseil pédagogique est apparu comme le lieu privilégié des échanges pédagogiques avec des effets positifs sur l’harmonisation interne des pratiques pédagogiques au sein des départements ou sections d’enseignement. La recherche d’une cohésion de l’offre de formation, ou tout au moins la manière dont elle est vécue par chaque enseignant, a conduit à surmonter la concurrence entre les disciplines pour passer au stade d’une démarche d’ensemble confortant le projet d’établissement. Cependant, l’installation du conseil pédagogique pose la question de la représentativité et de sa légitimité à travers la désignation de ses membres. Elle se heurte également aux différents temps qui se superposent dans l’établissement (temps de l’administration, temps de la gestion, temps de la communication, temps des enseignants. Dans un univers fractal où il importe de rassembler ce qui est épars au bénéfice des élèves, le conseil pédagogique nous est apparu comme un outil de pilotage porteur de dialogue, de cohésion pédagogique et de paix sociale.
1. Un lycée peu ordinaire.
Adossé à la forêt de Bizy, bordé au nord par une cité en proie aux turbulences nées d’une urbanisation chaotique et d’un déficit d’intégration sociale, la cité scolaire Georges Dumézil s’étend sur quatorze hectares. Né en 1968 de la volonté des élus de Vernon de substituer un grand lycée au “ petit lycée ” de centre-ville qui existait depuis fort longtemps, l’établissement connaît une histoire ponctuée de crises cycliques de plus ou moins grande ampleur qui contrarient sa cohésion et brouillent son image au-delà de ses frontières virtuelles. Plus qu’un lycée, il convient, en effet, de parler de plusieurs lycées en un dont les formations s’emboîtent comme l’édifice délicat de poupées gigognes. Enclavé dans la ZUP, le lycée professionnel est perçu comme un établissement de proximité où se sont développées des formations industrielles et tertiaires avec en sus, une voie d’étude des carrières sanitaires et sociales Dans la partie haute du campus, se tient le lycée polyvalent avec ses formations littéraires, économiques et sociales et scientifiques. Le seul pôle d’enseignement qui tire un trait d’union entre les deux lycées, appartient aux sciences de l’ingénieur et à l’enseignement industriel dont le développement, au cours des dernières années, autorise la création de passerelles entre les différents ordres d’enseignement et favorise les parcours individuels réussis. Du CAP aux Sections de techniciens supérieurs, en passant par les classes scientifiques dont les lauréats lorgnent vers les classes Préparatoires rouennaises ou parisiennes, l’établissement est riche de la variété de ses formations.
2. De nouveaux enjeux pédagogiques.
Mais cette richesse sécrète de nouveaux enjeux pédagogiques. Dans la décade quatre-vingt-dix, le monde lycéen a connu une mutation sociologique comparable à celle du milieu estudiantin des années soixante. Le public des “ nouveaux lycéens ” a peuplé progressivement les bancs du lycée, avec en corollaire, le nécessaire renouveau des pratiques pédagogiques. Là où le verbe magistral répondait à la soif de connaissances et d’érudition d’une minorité d’élus, l’aide individualisée, les projets pluridisciplinaires à caractère professionnel et les travaux personnels encadrés correspondent aujourd’hui aux attentes du plus grand nombre. De surcroît, le lycée professionnel, faiblement intégré à la cité scolaire de part une volonté ancienne mais surannée, a connu une fragilisation indéniable liée à une mixité sociale plus faible et à la résonance des violences urbaines. On est donc en droit de se demander si la cité scolaire procède par association ou agrégation d’élèves. Si l’on s’en réfère au Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, l’association serait la réunion d’une communauté vers un même but, avec les mêmes valeurs. L’agrégation confinerait d’avantage à un phénomène de juxtaposition. Force est de constater, chiffres en main, le primat de la deuxième occurrence.
Pour enseigner ce public aux contours si différents, un peu plus de deux cents enseignants appartenant à toutes les catégories de la fonction publique nationale se donnent rendez-vous quotidiennement. Les mondes qui déterminent leurs pensées universitaires et leurs aspirations pédagogiques ne les prédisposent pas de prime à un travail collectif. La proximité de Paris associée à l’attraction géographique de la capitale régionale (Rouen) crée un renouvellement annuel du tiers des équipes en place. Attachés à leur établissement, soucieux de préserver les grands déterminants du système, les professeurs les plus anciens et les plus chevronnés ont eu à lutter, des années durant, pour parfaire l’outil de formation, obtenir de meilleurs équipements et défendre un statut qu’ils pensaient menacé.
Dissocié dans ses publics scolaires et ses enseignants, le lycée l’est également dans son architecture. Quatorze bâtiments dont cinq principaux dédiés à l’enseignement se dispersent sur un vaste campus. Il n’existe pas de site central intégrateur et l’on dénombre cinq salles des professeurs. Longtemps, la communication est restée difficile avec le développement d’une “ culture de bâtiment ” et l’éclosion de rumeurs de toute nature. Dépourvue d’outils de gestion – l’Intranet et les ressources partagées sont une création récente – l’administration garante de l’État, s’est trouvée progressivement affaiblie et la culture d’encadrement battue en brèche par la montée de revendications sectorielles et disciplinaires.
C’est ce qui explique à bien des égards cette marche sisyphéenne qui caractérise l’histoire de la cité scolaire. Sans entrer ici dans une approche monographique des crises qui donnera matière à de prochaines publications, nous nous limiterons à en dresser une sommaire typologie : crises de rentrée, fièvres lycéennes locales ou nationales, jacqueries contre l’administration locale, ont ponctué une histoire trentenaire. Si l’image du héros transformé en forçat roulant le rocher sur la montagne jusqu’à la nuit des temps correspond clairement à la réalité d’efforts sans cesse contrariés, l’examen raisonné d’une situation pédagogique complexe – celle-là même que nous venons de décrire succinctement - appelle des solutions non moins rationnelles pour stabiliser une structure riche de sa diversité et pour la faire évoluer. A bien des égards, en effet, les crises cycliques dont la survenue est toujours difficile à prévoir, proviennent d’une perte de sens dans la chaîne sémantique de la communication interne.
3. Le conseil d’administration ; lieu de débats pédagogiques ?
Si pendant longtemps, le conseil d’administration, instance statutaire, est resté le talisman des échanges pédagogiques, plusieurs évolutions croisées ont réduit sa mission primordiale en alourdissant ses prérogatives. En trois années scolaires, 24 conseils d’administration d’une durée moyenne de trois heures ont été convoqués dans la cité scolaire. L’examen attentif des sujets portés à l’ordre du jour – administration générale – questions financières et matérielles – domaine pédagogique – vie scolaire – affaires de personnel – souligne l’hypertrophie des actes de gestion au détriment des débats et des décisions pédagogiques de fond. Au cours d’une année civile (2000), le conseil d’administration du lycée polyvalent a produit 51 actes décisionnels soumis au contrôle a posteriori de sa tutelle. Ces actes portaient essentiellement sur la signature de contrats et de conventions engageant la compétence juridique et financière de l’établissement public local d’enseignement. Par conséquent, l’hypothèse selon laquelle l’entrée du Droit dans les enceintes scolaires a changé la nature des débats au sein du conseil d’administration, n’est pas dénuée de sens. Elle correspond à une évolution du corps social et à l’approfondissement de l’espace d’autonomie dévolu aux établissements scolaires. Or, dans le même temps, la réforme des lycées de 1994 et surtout celle plus connue sous le nom “ du lycée du troisième millénaire ” ont élargi et approfondi la réflexion portant sur les contenus et l’organisation des enseignements, les nouveaux chantiers pédagogiques (aide individualisée, travaux personnels encadrés, projets pluridisciplinaires à caractère professionnel, enseignement civique juridique et social, nouvelles technologies de l’information et de la communication) et l’utilisation des moyens globalisés alloués à l’établissement chaque année. Si l’on considère avec Aniko Husty que l’organisation du temps scolaire est la résultante de décisions pédagogiques prises en amont, on voit bien le défi aux multiples visages que doivent relever les lycées en général et le lycée Dumézil en particulier pour réussir simultanément dans les missions traditionnelles et plus innovantes qui leur sont confiées.
Ces évolutions de grande amplitude ont eu lieu dans un univers qui se caractérise par la superposition de plusieurs temps. Déjà, le temps scolaire ne correspond pas à la règle de l’annualité civile de la gestion matérielle régie par la réglementation financière et comptable. Mais de surcroît, le temps de l’administration n’est pas celui des enseignants. A peine la rentrée des classes achevée et la remontée des structures via “ EPP ” effectuée, l’équipe de direction et d’encadrement se penche sur la prévision des effectifs de l’année scolaire suivante. A peine la dotation horaire globale est–elle notifiée en janvier ou février, qu’elle doit se projeter une nouvelle fois dans le futur pour étudier les nouvelles perspectives de structure, dans le cadre des réseaux d’unité d’enseignement ou des bassins d’enseignement. Or, si le temps de la décision est lui-même segmenté, il existe deux autres temps : celui de la concertation et celui de la communication. La société contemporaine souffre difficilement de décisions qui ne seraient pas préparées dans le cadre d’une large concertation préalable et qui ne seraient pas expliquées a posteriori.
Si le conseil d’administration en est réduit, faute de temps, à acter des projets ou des propositions de décisions, la commission permanente et les commissions ad hoc n’en demeurent pas moins des espaces privilégiés pour un travail plus technique fondé sur les échanges et la concertation. C’est à ce niveau que se situe le conseil pédagogique dont nous avons expérimenté le fonctionnement depuis deux ans au lycée Dumézil.
4. Le conseil pédagogique ; espace privilégié de l’analyse, du débat et des propositions.
C’est en octobre 1999 que le premier conseil pédagogique du lycée Dumézil s’est réuni pour la première fois. La rentrée scolaire venait de souligner la nécessaire maîtrise d’une structure pédagogique complexe. En outre, la connaissance parfaite des coutumes locales qu’il est permis de définir comme l’adéquation des instructions nationales (programmes, horaires, dédoublements) au jeu conjugué des ressources et des contraintes de l’établissement, était mise à mal par l’instabilité des équipes de direction qui venaient de se succéder à un rythme accéléré. Il convenait par conséquent de rendre la parole aux pédagogues et de retrouver une mémoire perdue, parallèlement à la mise en place d’outils de gestion et de contrôle efficaces (tableurs, informatisation des emplois du temps) et des ressources partagées (intranet, serveur local, accès à une base de données conçue par l’établissement. Ces instruments de transparence et de maîtrise technique paraissaient indispensables pour préparer un dialogue constructif.
Si l’on considère la modélisation et l’organisation du temps scolaire comme le résultat de choix et d’arbitrages pédagogiques donnés en amont, il convient d’entrer dans le vif du réel en chaussant, un instant, des bésicles techniques. Dans une cité scolaire riche d’une offre de formation diversifiée, la rentrée 2001 a nécessité un volume de 2382 heures d’enseignement (heures postes et heures supplémentaires confondues) pour le lycée polyvalent et 1009 heures pour le lycée professionnel. Avec 79 divisions et 26 classes pour le seul niveau de Seconde générale et professionnelle, l’architecture systémique de l’emploi du temps nécessite la création de plusieurs centaines de partitions, de groupes et de sous-groupes. De ce seul point de vue, la préparation de la rentrée exige des compétences techniques partagées par une équipe de direction stable. Mais la compétence technique constitue le bras séculier d’une volonté pédagogique partagée dans le cadre d’un projet collectif. Ce consensus ne se décrète ni ne s’impose. Il résulte d’espaces d’échanges et de discussions, de débats et de controverses, de reculs et d’avancées portant sur l’application des directives ministérielles, les nouveaux programmes et les grandes orientations de la réforme des lycées.
Depuis 1999, une dizaine de conseils pédagogiques se sont tenus dans les deux lycées. Ils ont été habités par ces questions, avec des sentiments mêlés au départ, puis avec la certitude venue progressivement que les acteurs du territoire pédagogique disposaient d’un réel pouvoir. Pour preuve, les rentrées 2000 et 2001 ont laissé un goût amer à certains élèves du lycée polyvalent qui se préparaient à la traditionnelle grève festive de rentrée… Au lycée professionnel, travaillé depuis plusieurs années par une crise institutionnelle très profonde, le conseil pédagogique a permis de promouvoir les procédures alternatives à la suspension scolaire qui constituent l’axe privilégié du projet d’établissement.
Indéniablement, le conseil pédagogique a permis de maîtriser et de faire évoluer, dans le sens d’une meilleure adéquation aux besoins des élèves dans toute leur diversité, une structure vaste et complexe autour d’un consensus et de relever le défi posé par une crise institutionnelle endémique. Outil de structuration interne, il a concrétisé le souci d’appropriation de l’espace d’autonomie pédagogique des deux lycées. Une revue de détail des points abordés en séance, souligne l’extrême variété et la grande richesse de thèmes en discussion avec des effets positifs intra-disciplinaires et transdisciplinaires. Parmi les chantiers dévolus aux deux conseils pédagogiques, il est permis de relever :
les échanges sur les pratiques pédagogiques et
leur harmonisation ;
une réflexion sur les modifications à apporter aux
offres de formation des deux établissements dans le sens de la réussite des
jeunes ;
la mise en place de réelles classes de seconde de
détermination qui mixent les élèves indépendamment de leurs options ;
l’évaluation des acquis des élèves à l’entrée en
classe de seconde ;
la mise en œuvre de l’aide individualisée, des
PPCP[1]
et des TPE[2] ;
la réalisation de supports didactiques ;
le choix des équipements pédagogiques ;
une répartition équilibrée et acceptée par tous
des crédits de fonctionnement pédagogique ;
les relations avec les deux centres de
documentation et d’orientation ;
l’encadrement des professeurs stagiaires (PLC2),
des assistants étrangers ou locuteurs natifs ;
l’examen des projets d’initiative local concernant
la formation des professeurs et des personnels non-enseignants ;
les textes portant sur la citoyenneté lycéenne.
Cette liste d’items n’est pas exhaustive. Elle repose sur des chantiers transversaux le plus souvent communs à plusieurs disciplines. Elle répond à des préoccupations ou des inquiétudes du moment. Elle ouvre le débat et dessine le contour des consensus souhaitables. Elle éclaire l’équipe de direction sur ses choix, prépare les travaux de la commission permanente et les propositions décisionnelles soumises au conseil d’administration.
En observant ce qui se passe ailleurs, le lecteur apprendra que la mise en place du conseil pédagogique n’est pas une œuvre révolutionnaire. Une rapide incursion sur la toile informationnelle mondiale permet de lire de nombreux comptes rendus de conseils pédagogiques dans des établissements étrangers de nature comparable au nôtre. Quelques exemples pour voyager un peu au-delà de nos frontières virtuelles. Chez nos voisins belges, le conseil pédagogique du lycée de Namur se réunit une fois par trimestre. Animé par des professeurs de chaque discipline, il se donne pour but de « préparer les orientations pédagogiques de l’école et de réfléchir sur l’utilisation des moyens pédagogiques et l’affectation des ressources humaines. A l’Escola Basica de Madrid, le site internet fait référence au conseil pédagogique où siègent les représentants de chaque discipline auprès du directeur. Dans plusieurs établissements du Québec, en particulier celui d’Almeyr jumelé avec le lycée Dumézil, il est dit que « le conseil pédagogique est une instance de réflexion pédagogique et de propositions. Il discute, entérine et transmet les décisions d’intérêt général pour le lycée. Menant un travail collégial de coordination des enseignements et d’organisation de l’année scolaire, il concourt à la définition et à la communication d’un projet global. Plus près de nous, les Instituts universitaires de formation des maîtres sont administrés par un conseil d’administration assisté d’un conseil scientifique et pédagogique.
5. Représentativité et légitimité du conseil pédagogique.
Si dans l’enseignement supérieur, le législateur a bien reconnu le caractère d’instance statutaire au conseil pédagogique en lui conférant une mission d’assistance auprès du conseil d’administration, il nous semblerait judicieux d’étendre cette mesure à l’enseignement secondaire, du moins dans les établissements de plus de 600 élèves, chiffre à partir duquel diffère le nombre de membres et la composition du conseil d’administration. Dès la publication des nouveaux textes sur la mise en œuvre de la citoyenneté lycéenne (juillet 2000), des voix se sont élevées pour critiquer la place accordée au conseil de la vie lycéenne dans l’équilibre des instances de concertation et de décision au sein des établissements. S’il ne nous appartient pas de porter ici une appréciation sur les motivations et le contenu de ce nouveau débat, nous avons néanmoins la faiblesse de croire qu’il résulte de l’absence d’un étage de concertation statutaire institutionnellement dévolu aux pédagogues.
Parvenus à ce stade de notre réflexion et de nos propositions nées d’une expérimentation in vivo, il nous appartient de nous pencher sur la question de la représentativité et de la légitimité d’une telle instance. Ce questionnement n’est pas un exercice de l’esprit. Il correspond à une réalité que nous avons vécue au lycée Dumézil. Dès la réunion du premier conseil pédagogique, au lycée polyvalent, les représentants élus du personnel se sont inquiétés d’un dessaisissement possible de leurs attributions et de ce qu’ils percevaient comme une atteinte possible à la démocratie interne. Cette critique n’est pas anecdotique. De la perception d’une instance, dépend très largement le degré d’adhésion et de participation de ses membres ainsi que de la mobilisation de tous les acteurs autour de ses propositions. Deux ans après la mise en place du conseil pédagogique, alors que les réunions revêtent désormais un rythme de croisière et que les conversations sont plus apaisées, plus techniques et plus constructives, la profession de foi de l’une des listes en lice à l’élection au conseil d’administration manifestait « le souci de vigilance » sur l’articulation des instances consultatives de l’établissement avec le conseil d’administration. C’était poser en d’autres termes la question de la légitimité et de la représentativité du conseil pédagogique.
Le conseil pédagogique est une instance consultative nommée par le chef d’établissement. Il est présidé par ce dernier et constitué par ses adjoints et par les professeurs coordonnateurs des différentes disciplines, chefs de département ou représentants des sections d’enseignement. Les dénominations sont importantes et méritent de s’adapter à la sensibilité de l’établissement. Le chef de travaux qui peut être perçu comme le représentant de son département ou comme membre à part entière de l’équipe de direction - son statut pourrait être celui d’un proviseur-adjoint spécialisé dans le sens d’une plus grande lisibilité, participe de plein droit aux travaux du conseil pédagogique. Incarnant la discipline qu’ils enseignement, ces professeurs sont représentatifs d’une réalité pédagogique à laquelle ils tendent le miroir de Psyché. Mais sauront-ils et pourront-ils faire part des réflexions et des propositions du conseil pédagogique à leurs collègues et ces derniers y adhéreront-ils ? En d’autres termes sont-ils pour autant légitimes et à quelle condition peuvent-ils le devenir ? Le débat sur la légitimité réside au cœur des pratiques démocratiques fondées sur l’élection. Il nous semble par conséquent de la plus haute importance que les professeurs coordonnateurs soient élus par leurs pairs avant d’être nommés dans leur fonction par le chef d’établissement. Dans le cas contraire, le conseil pédagogique serait entraîné dans un débat opposant le mérite à la démocratie, débat stérile à nos yeux puisque ces deux termes constituent un couple de forces indissociables. Il apparaît également souhaitable que le conseil d’administration procède à la désignation de plusieurs de ses représentants (enseignants et A.TOSS) pour siéger au sein du conseil pédagogique, dans la proportion du quart ou du tiers de ses membres selon la taille de l’établissement et le nombre de disciplines représentées. La préservation du caractère collégial du conseil pédagogique constitue un gage d’efficacité. La présence de représentants des A.TOSS désignés par le conseil d’administration puise sa source dans la mission éducative conférée aux agents, mission confirmée par la circulaire Vergnaud du 2 juin 1982. Valorisante pour ces derniers, elle est d’autant moins théorique que le conseil pédagogique peut être amené, in concreto, à se pencher sur l’organisation de l’espace scolaire, sur des projets d’aménagement et d’équipements.
Ces précautions ne sont pas vaines. L’expérience nous a démontré que l’émergence de deux sources de légitimité élective différente pouvait être de nature à parasiter le bon fonctionnement et l’autorité pédagogique naturelle de cette instance. Assemblée paritaire ou commission d’experts ? L’absence des élèves qui disposent d’organes de concertation spécifiques (Conférence des délégués des élèves, conseil de la vie lycéenne) et des parents d’élèves, confère une mission d’expertise pédagogique de plein exercice au conseil pédagogique. C’est dans le sein de la commission permanente que se retrouvent les différents partenaires associés au fonctionnement paritaire de l’institution et que s’établit la continuité entre l’expertise et la décision.
Dans ces conditions, le conseil pédagogique pourrait assister efficacement la commission permanente et le conseil d’administration, à l’instar du conseil de la vie lycéenne destiné à prendre le pouls des lycéens et à créer un espace de dialogue apaisé en faveur des élèves et des étudiants. Dès lors, pourrait se dessiner, au sein de nos établissements, une nouvelle architecture systémique du dialogue, de l’expertise et la décision, sans remettre en cause les principes fondateurs du décret du 30 août 1985 modifié selon lequel l’établissement est dirigé par le chef d’établissement et le conseil d’administration. Résultant de la complexité croissante des attributions dévolues aujourd’hui au conseil d’administration, dans le contexte d’une autonomie encadrée accrue, de la montée en puissance du débat pédagogique, des pratiques innovantes, du souci de répondre localement et efficacement à la diversité des attentes des jeunes et de leurs parents et du caractère de plus en plus sophistiqué de l’organisation du temps scolaire, le conseil pédagogique pourrait se situer à la confluence du courant jacobin réformateur et de la pratique girondine du terrain.
Paul Quénet
Inspecteur d’Académie-Inspecteur pédagogique régional
Guy Soudjian
Proviseur de lycée. Académie de Rouen
[1] Projet professionnel à caractère pluridisciplinaire dans les lycées professionnels
[2] Travaux personnels encadrés dans les lycées généraux ou polyvalents