Rapport Attali

Nouveau site : http://www.educationetdevenir.fr/

 

Extraits du Rapport ATTALI _ Questionnement et réponses de M. Jean KASPAR

 

Ambition 1 Préparer la jeunesse à l’économie du savoir et de la prise de risque

Se donner les moyens pour que tout élève maîtrise avant la fin de la sixième le français, la lecture, l’écriture, le calcul, le travail de groupe, l’anglais et l’informatique.

 

N. B. Ces extraits touchent essentiellement l'enseignement élémentaire et surtout secondaire (champ d'actions d'E&D)

 

Voir aussi : une contribution d'André Giordan, envoyée par son auteur La commission Attali et l'école

 

Etat des lieux

 

Les inégalités sont plus criantes que jamais : 50 000 jeunes par an, soit environ 6 % d’une génération, proportion considérable, sortent du système scolaire avant la terminale. Seuls 52 % des enfants d’ouvriers obtiennent leur baccalauréat, contre 85 % des enfants de cadres supérieurs. Moins de la moitié des enfants des classes populaires passent le bac général, alors que c’est le cas de 83 % des enfants des cadres supérieurs, qui occupent ensuite l’essentiel des places dans les grandes écoles. 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification [….]

 

La France consacre une part considérable et croissante de sa richesse à l’éducation : la dépense  d’éducation a été multipliée par 1,8 depuis 1980 pour atteindre 6,8 % du PIB aujourd’hui, soit 1 920 € par habitant et 7 160 € par élève ou étudiant.

 

Malgré ces efforts :

• Le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans est un des plus élevés des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), et approche les 22 % en 2007, sans être jamais  descendu sous la barre des 15 % depuis 1980 ;

• 40 % des élèves de CM2 finissent leur scolarité primaire avec de graves lacunes ;

• 17 % des jeunes quittent l’enseignement sans avoir ni Certificat d’aptitude professionnelle (CAP), ni Brevet d’études professionnelles (BEP), ni baccalauréat ;

• 50 000 jeunes par an, soit environ 6 % d’une génération, proportion considérable, sortent du système scolaire avant la terminale

Le poids de l’origine sociale n’a jamais autant déterminé les parcours scolaires, et ces derniers n’ont jamais autant déterminé les parcours professionnels :

• 52 % des enfants d’ouvriers obtiennent leur baccalauréat, contre 85 % des enfants de cadres supérieurs. Moins de la moitié des enfants des classes populaires passent le baccalauréat général, alors que c’est le cas de 83 % des enfants des cadres supérieurs.

 

Extraits du rapport Questionnement Réponses de J. Kaspar
Rapport complet :

http://www.liberationdelacroissance.fr/files/rapports/rapportCLCF.pdf

Ce questionnement, œuvre du responsable du site, n'engage évidemment pas l'Association Education & Devenir qui n'a, à ce jour, pris aucune position sur tout ou partie du "rapport Attali". Il avait pour but d'encourager au débat, en donnant le point de vue d'un des membres de la commission, qui avait animé avec conviction et talent une table ronde du Colloque de Nevers en 2004

Au total, 316 décisions, qui constituent autant de réformes majeures, devront être mises en œuvre. Toutes sont critiques pour le succès de l’ensemble. Elles constituent un plan global, non politique.

 

La commission Attali, dont vous étiez membre, vient de remettre son rapport. Avant d’en venir à l’éducation, une première question sur trois phrases d’introduction : Au total, 316 décisions, qui constituent autant de réformes majeures, devront être mises en œuvre. Toutes sont critiques pour le succès de l’ensemble. Elles constituent un plan global, non politique. Outre, le côté « à prendre en bloc » qui laisse peu de place au débat (plan global) l’affirmation que ce plan est non politique est pour le moins surprenante. Quelle conception de la politique sous-tend cette affirmation ?

 

1. Quand Jacques ATTALI écrit : "Elles (les propositions) constituent un plan global, non politique, qui devra être mis en œuvre avec constances au cours des prochaines législatures, dans un environnement de dépenses publiques stabilisées", il met tout simplement l'accent sur le fait qu'il s'agit d'un plan non partisan qui devrait s'appliquer quelle que soit la majorité en place.

Nous partons en effet de l'idée que tout pouvoir, qu'il soit de droite ou de gauche, est confronté à la gestion d'un système éducatif qui, le moins que l'on puisse dire, ne brille pas par son efficacité c’est-à-dire dans sa capacité à donner à chaque enfant, quelles que soient ses origines, une bonne maîtrise des fondamentaux en lui permettant d'acquérir des connaissances, se préparer à une activité professionnelle, comprendre le monde dans lequel il vit et y prendre toute sa place.

En plaçant le savoir et donc l'éducation et la formation au début de nos propositions, la commission pose un acte fort. C'est un acte politique mais pas un programme politique.
 
    2. Sur l'éducation, nous faisons 32 propositions. Avant d'aborder les critiques sur telle et telle mesure, j'aurais aimé que vous mettiez en avant les 10, 15 ou 20 propositions sur lesquelles vous êtes d'accord. Pourquoi privilégier le négatif (ce qui ne va pas ou les points de désaccords) et ne pas mettre en avant les mesures qui vous semblent utiles, nécessaires pour rendre notre système éducatif plus efficace ? Je pense que sur l'ensemble des mesures, il y a une majorité d'entre-elles qui s'impose que l'on soit de gauche ou de droite. Une telle démarche s'impose d'autant plus qu'il me semble essentiel, sur une question aussi fondamentale que l'École, de dépasser quelques clivages pour les transcender dans une volonté commune pour mettre l'école et la formation des enfants et des jeunes au centre des préoccupations et de l'action de notre société.

Par ailleurs, pensez-vous sérieusement que l'efficacité et la pertinence d'une proposition se mesure à l'aune de l'idéologie comme si le fait d'être de gauche ou libéral donnait à la mesure sa pertinence. L'intelligence ou, au contraire, l'archaïsme se retrouve partout. Si ce n'était pas le cas, cela se saurait depuis bien longtemps.

 
Voir la composition de la commission ci-dessous

La composition même de cette commission pour la libération de la croissance est intéressante : sur les 45 membres, sauf erreur, 15 sont patrons auxquels on peut ajouter 1 DRH et 1 avocat d’affaires ; en face, outre l’ancien secrétaire général de la CFDT que vous êtes, une représentante de l’économie sociale et une autre de la défense des consommateurs (une alouette de social, un cheval de capital) ; mais, bien que l’éducation soit présentée comme l’ambition 1, aucune personnalité qui puisse apporter une expérience réelle sur ce sujet (un seul exemple : un André Legrand*, ancien recteur, directeur ministériel des lycées et des collèges, ex-président de l’université de Nanterre, éminent juriste n’eut-il pas pu apporter un regard plus sûr que celui d’un ex-patron de Volvo vantant une mesure prise par la majorité libérale en Suède ?).

* C'était juste un exemple de ce que naguère on aurait appelé un grand commis de l'état, Claude Pair, Christian Forestier, Claude Thélot, Antoine Prost auraient pu aussi être cités.

3. Votre jugement sur la composition de la commission est vexant pour l'alouette que je suis à vos yeux. Certes, on peut toujours discuter de la composition d'une telle commission, mais l'important n'est pas là. Je rappellerai que c'est Jacques ATTALI qui l'a composée en toute liberté. Ce dont je peux témoigner c'est que ces 43 personnes venues d'horizons différents ont eu le souci permanent d'œuvrer à un consensus pour servir au mieux l'intérêt général.  Lorsque vous affirmez qu'elle n'est composée "d'aucune personnalité qui puisse apporter une expérience réelle sur ce sujet", vous affichez une contre-vérité. Personnellement, j'ai enseigné comme professeur Associé à l'Université de Marne-la-Vallée pendant près de 10 ans. Je continue à animer quelques cours au CNAM, à Sciences-Po et à l'IAE de Paris. D'autres personnes sont également dans ce cas. Votre raisonnement fait penser que vous estimez que seuls les spécialistes peuvent avoir un raisonnement pertinent. Par comparaison, cela conduit à considérer que l'économie doit être laissée aux économistes, la science aux scientifiques, l'école aux professeurs, la recherche aux chercheurs, la technique aux techniciens, la défense aux militaires, etc…

Ne croyez-vous pas que nous avons de plus en plus besoin, sans nier la place des spécialistes, d'approches multidimensionnelles tout à la fois économique, sociale, culturelle, écologique et juridique, et que cela passe nécessairement par une approche pluridisciplinaire.

Repenser le socle commun des connaissances pour y ajouter le travail en groupe, l’anglais,  l’informatique et l’économie.

L’Éducation nationale a défini un « socle commun des connaissances » qui s’articule autour de 7 « piliers » : la maîtrise de la langue française ; la pratique d’une langue vivante étrangère ; la connaissance des principaux éléments de mathématiques, et la maîtrise d’une culture scientifique ; la possession d’une    culture humaniste ; la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication ; l’acquisition des compétences sociales et civiques ; l’accession à l’autonomie et l’acquisition de l’esprit d’initiative. La maîtrise de ce socle est contrôlée en CE1, à la fin de l’école primaire, et au niveau du brevet. Dans ce socle, rien n’est dit sur la maîtrise d’Internet, la capacité à travailler en groupe, la maîtrise de  l’anglais, le développement de la créativité ou l’apprentissage de l’économie.

 

S’agissant donc de cette ambition 1, la commission part d’un constat (coût, taux de chômage des jeunes, sorties sans qualifications, poids de l’origine sociale) pour émettre  le vœu, notamment, que l’on se donne les moyens pour que tout élève maîtrise avant la fin de la sixième le français, la lecture, l’écriture, le calcul, le travail de groupe, l’anglais et l’informatique (cet « avant la fin de la sixième » est assez singulier : en général on juge des acquis soit à l’entrée, soit à la sortie). On retrouve ces objectifs dans un socle commun incluant travail en groupe, anglais, informatique et économie. Alors qu’un des piliers du socle est « la pratique d’une langue étrangère », la commission semble décréter l’anglais obligatoire, ce qui ne peut qu’accentuer le déclin de l’enseignement de l’allemand (et par contre coup le déclin de celui du français à l’étranger) : pourquoi cette focalisation sur l’anglais ? 

 

4. Oui, nous pensons que l'utilisation de l'informatique et la maîtrise de l'Anglais dès le plus jeune âge, fait partie, que cela plaise ou non, des fondamentaux qu'il faut maîtriser pour réussir dans de multiples domaines sur le plan professionnel et que cela constitue un atout dans la capacité à construire son avenir. Il faut ignorer ce qu'est la vie aujourd’hui dans les entreprises (publiques ou privées) pour le contester ou en voir une dérive libérale ou le seul poids de la pensée anglo-saxonne.

 

Prendre les moyens pour éviter les redoublements dans l’enseignement primaire.

Le redoublement n’apporte aucune solution au retard des élèves. Il faut l’éviter au maximum. Le rôle du maître doit donc être avant tout de faire confiance et de donner confiance. L’optimisme s’acquiert dès ce  stade et détermine le goût de travailler, de créer, d’entreprendre, essentiel à la croissance.

Accord, bien sûr, avec la commission sur le constat que le redoublement n’apporte aucune solution au retard des élèves. Qu’il faut l’éviter au maximum. Que le rôle du maître doit donc être avant tout de faire confiance et de donner confiance. Mais le 1er ministre, naguère ministre de l’éducation*, en est-il convaincu ?

* F. Fillon, ministre de l'éducation nationale avait dit en substance : on dit que le redoublement n'est pas efficace, qu'est-ce qui prouve que le non redoublement l'est.

 

Accorder plus d’autonomie aux établissements primaires et secondaires.

Une autonomie de gestion accrue des établissements scolaires, depuis l’école primaire, permettrait de mieux adapter l’enseignement aux besoins.

Une liste de recrutement national constituant un « vivier » doit être établie, dans laquelle les établissements puiseront pour embaucher leurs professeurs. Cette autonomie permettrait aussi, en motivant les enseignants, d’encourager la nouveauté en matière de réussite scolaire, alors que le pilotage actuel des enseignements, trop centralisé et tatillon, leur ôte beaucoup de possibilités de s’approprier leurs cours et  d’adapter la pédagogie aux besoins spécifiques des élèves.

Évaluer les professeurs sur leur capacité à faire progresser tous les élèves.

Chaque école devra faire l’objet d’une évaluation par une autorité administrative spécialisée et indépendante du ministère, tenant compte de l’avis des usagers, de leurs résultats, de leurs évolutions à  moyen terme. Ces évaluations devront être rendues publiques.

L’évaluation des professeurs ne peut pas reposer uniquement sur les notes qu’obtiennent leurs meilleurs élèves ni sur l’examen d’inspecteurs. Elle doit aussi reposer sur une évaluation de leur pédagogie par leurs élèves, sur leur capacité à faire progresser chacun et sur la prise en compte des résultats scolaires ultérieurs.

En revanche les propositions suivantes ont une coloration franchement libérale :

Outre le fait que les établissements primaires n’ont aucune réalité juridique contrairement aux établissements secondaires, on voit mal sur quel critère le collège de Beaussire, par exemple, à Luçon, bas-Poitou, irait puisé dans un « vivier » national (et, pour le coup, les établissements des zones dites défavorisées puiseraient ce que les autres n’ont pas pris). N’y-a-t-il pas eu une légère confusion avec le fonctionnement de la Bourse ?

Que les établissements soient évalués par une autorité administrative indépendante pourquoi pas. Mais pourquoi demander « l’avis des usagers » puisqu’ils peuvent en quelque sorte voter avec leurs pieds ? Quant à rendre ces évaluations publiques, l’expérience anglaise ne semble-t-elle pas montrer que cette publicité a des effets pervers, accentuant la désertion de certains établissements de plus en plus ghettos ?

Evaluer les professeurs sur leur capacité à faire progresser leurs élèves est un objectif très ambitieux. Faire appel aux élèves pour « évaluer leur pédagogie » va sans doute faire bondir tous les rétropenseurs. Mais cette évaluation individuelle, nécessaire, n’est pas complétée par un objectif de travail plus collectif : peut-on initier les élèves au travail de groupe quand les enseignants ne le pratiquent pas ?

5. Je terminerai enfin sur l'argument "les propositions ont une coloration franchement libérale". Je le répète, la pertinence d'une proposition ne se mesure pas à l'aune de son fondement idéologique mais de son efficacité concrète. Mon parcours m'a fait mesurer que ce n'est pas parce que l'on est de gauche que l'on a toutes les qualités et toutes les vertus (et vice-versa). L'intelligence, ou la pertinence d'une réflexion, ne résulte pas de ses référents idéologiques mais de sa capacité à analyser le réel et à le changer. De ce point de vue, nous devons admettre que les libéraux peuvent avoir de bonnes réponses. Sachons sortir des enfermements idéologiques qui nous donnent bonne conscience mais qui nous empêchent d'avoir la lucidité nécessaire pour répondre aux défis de la période.

 

Permettre aux parents de choisir librement le lieu de scolarisation de leurs enfants.

La carte scolaire, qui oblige les enfants à s’inscrire dans l’école de leur quartier, sépare les élèves des  quartiers difficiles de ceux des centres-villes. Elle est contournée par ceux qui ont les moyens de bénéficier  de passe-droits ou de financer des études dans un établissement privé. Il faut donc permettre, dans un premier temps, un libre choix total de l’établissement par les parents et les élèves, qui pourront tenir compte de l’évaluation publique des établissements.

En cas de demande excédentaire pour un établissement, des priorités transparentes, géographiques et sociales, seront établies.

Des « droits à l’école » seront attribués à chaque enfant et utilisables dans toutes les écoles : ce dispositif permettra d’établir une véritable liberté de choix, pour que chacun puisse bénéficier dans son voisinage d’écoles publiques et privées conventionnées. En pratique, l’État affectera aux parents une somme d’argent par élève. Chaque parent pourra l’utiliser dans un établissement public ou privé de son choix. Le  conventionnement des écoles privées devra être très strict sur la nature des enseignements et le respect des valeurs de la République. Les parents pourront ainsi bénéficier d’une totale liberté de choix de l’établissement et profiteront de ce financement quel que soit leur choix.* La Suède utilise déjà ce système efficacement.

 

* Alain Madelin préconisait des 1984 (Pour libérer l’école Robert Laffont) un système assez proche : Chaque individu bénéficierait ainsi d'un capital-éducation, lequel permettrait aux parents de choisir, à l'intérieur d'un paysage scolaire concurrentiel…

Reste le gros morceau : Permettre aux parents de choisir librement le lieu de scolarisation de leurs enfants avec l’instauration d’un chèque éducation, comme le préconisait, il y a plus de 20 ans le libéral Alain Madelin.

Cette vision d’un marché de l’éducation ne supposerait-il pas que tous les clients aient une égale connaissance de toutes les offres du marché et surtout un égal accès  à ces offres : les enfants des quartiers enclavés de familles modestes, monoparentales souvent, ne seront-ils pas voués à leurs établissements ghettos ? La volonté de favoriser l’enseignement privé « conventionné » est manifeste mais comment faire croire que les « droits à l’école » favoriserait l’implantation d’établissement privé dans les zones dites difficiles ?

Et sans employer de trop gros mots, n’y-a-t-il pas une vision marchande de l’éducation qui rompt avec toute idée de Service Public (ou Service d’Intérêt Général).

6. Les propositions de la commission ne traduisent pas une vision marchande mais un ensemble de mesures qui devraient nous permettre d'améliorer réellement notre système éducatif, de le rendre plus efficace en démontrant qu'il représente réellement un service d'intérêt général ayant pour objectif de permettre à chaque enfant de progresser sur le chemin des connaissances, de se construire un parcours professionnel, de comprendre le monde dans lequel il vit pour devenir un acteur de son destin et de lui donner envie de participer à la construction de notre destin collectif.


Tout en étant de gauche, car je reste fidèle à mes racines, je me sens totalement solidaire des 316 propositions de la commission présidée par Jacques ATTALI. Cette fidélité à une conception du monde et de la société ne me conduit pas à me réfugier dans un clan mais à faire un bout de chemin avec d'autres qui pensent différemment mais qui, comme moi, souhaitent réformer notre pays pour le rendre globalement plus juste, plus solidaire, plus ouvert et … plus efficace. N'ayons pas peur de certains mots !!!

Composition de la commission

Philippe AGHION Professeur d’économie à l’université d’Harvard, ancien enseignant au MIT et à Oxford

Jacques ATTALI Président de la Commission.

Franco BASSANINI Universitaire, sénateur, ancien ministre italien pour la réforme de l’Etat.

Claude BEBEAR Président-fondateur de l’Institut Montaigne. Président du conseil de surveillance d’AXA

Jihade BELAMRI Président directeur général d’un Bureau d’Etudes et d’Ingénierie, fondateur du club Convergence,

Christian de BOISSIEU Economiste et président du Conseil d’Analyse Economique (CAE).

Stéphane BOUJNAH Managing Director à Deutsche Bank, Cofondateur du groupe de réflexion « En temps réel » et Cofondateur de SOS Racisme.

Peter BRABECK-LETMATHE Président directeur général de Nestlé

René CARRON Président directeur général du Crédit Agricole S.A.

Jean-Philippe COTIS Directeur Général de l'Institut National de la Statistiques et des Etudes Economiques (INSEE).

Boris CYRULNIK Médecin, neurologue et psychiatre

Jean-Michel DARROIS Avocat d’affaires.

Michèle DEBONNEUILEconomiste, membre du Conseil d'analyse économique, Présidente du comité scientifique de l’Agence nationale des services à la personne (ANSP).

Jacques DELPLA Economiste, historien, professeur et membre du Conseil d’Analyse Economique (CAE).

Pierre FERRACCI Président du Groupe ALPHA, cabinet d’analyse financière et de conseil spécialisé dans l’assistance aux comités d’entreprise.

Xavier FONTANET Président directeur général de Essilor.

Evelyne GEBHARDT Parlementaire européen élu en Allemagne, rapporteur de la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur

Marion GUILLOU Présidente directrice générale de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA).

Pehr G. GYLLENHAMMAR Entrepreneur suédois et ancien président de Volvo.

Nathalie HANET Secrétaire générale du Coorace - Solidaires pour l'emploi

Jean KASPAR Ancien secrétaire général de la CFDT, professeur, M. KASPAR gère depuis dix ans son propre cabinet de conseil, spécialisé dans les relations sociales.

Yves de KERDREL Editorialiste au journal Le Figaro

Eric LABAYE Directeur général de McKinsey France

Jean-Pierre LANDAU Second sous-gouverneur de la Banque de France, M. Landau a entre autres été conseiller technique pour la réforme administrative et le commerce extérieur.

Bruno LASSERRE Président du Conseil de la concurrence et conseiller d’Etat.

Anne LAUVERGEON Présidente du directoire d’Areva

Eric LE BOUCHER Editorialiste au journal Le Monde,

Hervé LEBRAS Historien et démographe

Reine-Claude MADER Secrétaire générale de l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV) et membre du Conseil de la concurrence.

Mario MONTI Commissaire européen de 1995 à 1999 (marché intérieur et services financiers), puis de 1999 à 2004 (concurrence), M. Monti est actuellement président de l’université Bocconi à Milan.

Pierre NANTERME Président d’Accenture France et de la fédération Syntec, qui regroupe les sociétés des services informatiques, du conseil et de la formation professionnelle.

Erik ORSENNA Ecrivain, académicien, conseiller d’Etat et économiste,

Ana PALACIO Ancienne ministre espagnole des Affaires étrangères du gouvernement de José-Maria Aznar et vice-présidente de la Banque mondiale.

Geoffroy ROUX DE BEZIEUX Fondateur de Phone House et président du club CroissancePlus, qui réunit les entreprises françaises en très forte croissance

Luc-François SALAVADOR Président directeur général de Sogeti.

Pierre-Sébastien THILL Associé et président du directoire de CMS Bureau Francis Lefebvre, cabinet spécialisé dans le droit fiscal, le droit social et le droit des sociétés.

Philippe TILLOUS-BORDE Directeur général du groupe Sofiproteol,

Jean-Noël TRONC Directeur général d’Orange France Mobile,

François VILLEROY DE GALHAU Président de Cetelem,

Michel de VIRVILLE Au départ ingénieur de recherche au CNRS, M. de Virville est aujourd’hui secrétaire général et DRH du groupe Renault

Serge WEINBERG Président du fonds d'investissement "Weinberg Capital Partners" et Président du Conseil d'administration du groupe Accor

Dinah WEISSMANN Spécialiste en neurobiologie et présidente directrice générale de Biocortech, une entreprise consacrée au traitement des maladies cérébrales qu’elle a créée en 2001.

Théodore ZELDIN Historien et sociologue

http://www.liberationdelacroissance.fr/files/biographies/kasparj.pdf

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Commission Attali et l’école !

 André Giordan

 

André Giordan est professeur à l’université de Genève. Site Web : http://www.ldes.unige.ch

 

 

 

Qu’auriez-vous pensé si la Commission Attali s’était mise en tête de transformer le moteur de la fusée Ariane 5 ou aurait proposé un nouveau plan pour câbler l’A380 ?.. Tout le monde se serait insurgé : « ils sont devenus fous » ; « où sont leurs compétences ? » Pourtant en matière d’école, certains applaudissent, d’autres contestent, mais tous les politologues trouvent normal que cette Commission puisse formuler non pas un constat social global ou des recommandations d’orientation, mais des propositions susceptibles de transformer l’école !..

Cela est d’autant plus étonnant -ou détonant- que dans sa composition, on ne rencontre parmi les n. énarques de la Commission, aucun enseignant, aucun chercheur en éducation, pas même un seul inspecteur scolaire, c’est dire.... Personne qui n’ait vu de près ou de loin un élève, à part leurs enfants et petits enfants, personne qui n’ait franchi la porte d’une école depuis le temps où ils étaient eux-mêmes élèves… Ont-ils consulté au moins ? Notre enquête montre plutôt le contraire… Ont-ils au moins du « bon sens » ! A la lecture du rapport, il est possible d’en douter !

 

Prenons leurs propositions « pour des réformes urgentes et fondatrices[2]. » Certes «150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification. » Cela n’est pas une révélation. Que proposent-ils pour remédier à ce scandale ? Rien ! Et cela ne semble pas les préoccuper plus longtemps…

Pour le reste, du présomptueux ! « DÉCISION FONDAMENTALE 1. Se donner les moyens pour que tout élève maîtrise avant la fin de la sixième le français, la lecture, l’écriture, le calcul, le travail de groupe, l’anglais et l’informatique. » Rien de bien nouveau ! Des lieux communs pour commencer, niveau étudiant d’IUFM. Mais où sont les outils et les ressources pour répondre à « lAmbition 1. Préparer la jeunesse à l’économie du savoir et de la prise de risque » ?...

Une économie du savoir par exemple ne peut faire aujourd’hui l’impasse sur une culture scientifique et technologique dont il est nulle part question. Et cela n’est pas antinomique avec le fait d’apprendre à lire, à écrire et à calculer. Bien au contraire…

Et que veulent dire ces termes ? Dans une société en mutation, la « lecture » n’est plus seulement savoir déchiffrer le texte d’un livre. C’est comprendre et partager un message écrit sur tout support. Avec les bases de données, les réseaux et les moteurs de recherche, il s’agit d’apprendre à lire en lecture rapide, en hypertexte et à trier. La lecture, c’est encore apprendre à lire… les images, fixes et animées. D’abord, apprendre à lire, n’est-ce pas s’interroger en permanence sur les sources, la validité et la pertinence des informations ?

De même, que met-on sous « informatique » ? L’accès à la programmation… si tous les élèves avaient appris le langage « basic », comme Attali le proposait il y a 20 ans, ils seraient bien avancés aujourd’hui !.. Un peu de réflexion n’aurait pas été de trop !

Et… si on ne change pas les approches actuelles de l’anglais à l’école, on n’ira pas très loin !

 

Certes, il s’agit de « repenser[3] le socle commun des connaissances », mais pas seulement pour y ajouter « le travail en groupe, l’anglais, l’informatique et l’économie ». Des repères en économie ont bien sûr leur place dès l’école maternelle. Nous sommes tous des illettrés en la matière, le scandale de la Société Générale est un bon révélateur s’il en fallait un !.. Mais pour que les savoirs en économie prennent sens, encore faudrait-il les croiser avec des connaissances sur l’environnement, la complexité ou l’éthique. D’autres regards sur le monde auraient tout autant leur place comme l’anthropologie, l’histoire des idées,..,. Sans oublier des regards transversaux, si chers à Edgard Morin… mais pas seulement, des démarches comme l’analyse systémique ou la pragmatique.

 

En outre, est-ce le rôle de l’école obligatoire de promouvoir une conception si utilitaire et si à court terme des savoirs ? Où est la vocation structurante de l’école ? Comment permettre aux jeunes de s’inscrire dans l’histoire culturelle de la France et de l’Europe ?

Et surtout dans une société en mutation rapide, rien n’est proposé pour apprendre à entreprendre, à réagir face à l’incertain ou l’aléatoire. Rien n’est dit sur l’importance désastreuse accordée aux mathématiques algorithmiques trop présentes et qui bloquent la pensée pour comprendre les questions d’aujourd’hui. Pas un mot non plus sur l’importance de la créativité ou de l’esprit critique pour se situer dans cet océan d’informations.

 

Last, but not least… ce dont manque cruellement les jeunes aujourd’hui, ce sont des repères. Des repères qui font sens ; pas une accumulation de détails disciplinaires non situés. Ces repères ont besoin d’être incarnés –ce qui demande du temps et un autre regard sur les savoirs- pour leur permettre de se situer, pour leur donner une « colonne vertébrale » propice à affronter le changement permanent.

 

Par ailleurs, rien ou… presque n’est avancé sur le « comment ? Tout au plus, y trouve-t-on d’autres lieux communs, présentés sur le mode incantatoire de celui qui « ne peut mais », comme :

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« prendre les moyens pour éviter les redoublements dans l’enseignement primaire ». Lesquels ? Pourtant ils sont bien connus.

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« accorder plus d’autonomie aux établissements primaires et secondaires ». Concrètement, cela veut dire quoi ? Comment sortir de la culture de l’administration scolaire actuelle ?

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« permettre aux parents de choisir librement le lieu de scolarisation ». Sur quels critères ?

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« refonder l’information sur l’orientation sur les carrières et prendre davantage en compte les aptitudes non académiques »… D’accord, mais comment les faire émerger ? ou encore

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« développer les stages en entreprises », « lancer des concours d’innovation », « mettre en place au collège un service civique hebdomadaire ». Autant de pratiques déjà anciennes de certains enseignants qui ont été torpillées ou qui continuent à se faire sans aucune reconnaissance de la hiérarchie éducative.

 

La transformation de l’école demande de sortir de cet appareil déresponsabilisant centré sur la consommation de savoirs, pour préparer à la consommation tout court. Sa réussite ne viendra  pas de commissions de « copains », ni des réformes ministérielles, venues d’en haut. Ceux qui croient vraiment à l’école doivent y travailler de l’intérieur, sur la durée, et sans à-coups. Une autre formation des enseignants peut le promouvoir. Or rien n’est promu sur ce plan dans ce rapport.

De même, la recherche ou l’innovation en éducation, seul moteur véritable dans de multiples domaines, n’est même pas envisagée pour l’école. Vouloir simplement « évaluer les professeurs sur leur capacité à faire progresser tous les élèves », c’est les maintenir dans leurs difficultés actuelles, sans les accompagner. Comme si un enseignant, seul dans sa classe, est toujours l’unique chance de faire apprendre. C’est l’ensemble du système éducatif qui doit devenir « apprenant » pour que les élèves apprennent enfin à… apprendre ; ce qui implique une tout autre dynamique.

 

Sans doute manque-t-il encore à l’école –comme il a manqué dans la formation de nos brillants commissaires- l’exigence. Comment pourraient-ils signer un tel rapport…

Quelle société ! Où l’important est de savoir se mettre en avant… Où tout est dans la frime, peu importe la qualité, pourvu qu’on existe et qu’on fasse du tam-tam !

 

Si les autres dossiers ont été travaillés de la sorte -ce que je crains-, la France n’est pas « encore sortie de l’ornière », Attali dixit. A quand une Commission pour penser le rôle des commissions. L’esprit critique reste à partager… et pour commencer dès l’école !

 

 

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[1] André Giordan est professeur à l’université de Genève. Site Web : http://www.ldes.unige.ch

[2] Nous ne traiterons pas ici de l’université qui demanderait un papier en soi…

[3] On ne peut pas dire que le socle commun ait été jusqu’à présent « pensé ». Il n’a fait que s’ajuster aux programmes en cours. Aucune réflexion conséquente n’a été menée pour s’interroger sur ce que pourrait être les savoirs organisateurs pour notre époque.

 

  Voir aussi : http://www.meirieu.com/ACTUALITE/contre_expertise_attali_laforge.pdf