Cahier 8 Les pratiques artistiques à l'école

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Pour se procurer les cahiers :

http://www.educationetdevenir.fr/spip.php?rubrique5

 

 

 

Au Sommaire Les cahiers d'Education & Devenir n° 8 (nouvelle série)

 

Les pratiques artistiques à l'école

 

En complément sur le site :
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Des liens et des documents téléchargeables

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Une mise en perspective historique

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La sensibilisation à l'architecture et à la ville

 

     

  Editorial La rédaction d'Education & Devenir

Quelques perspectives

 
 
bullet Culture et école. Une longue histoire inaboutie
Raymond Cittério, DAAC à Lyon de 1980 à 2005
 
bullet L'éducation artistique et culturelle
Jean-Marc Lauret, chef du département de l'éducation, des formations, des enseignements et des métiers au ministère de la culture
 
bulletArt et éducation : un nouvel âge ?
Alain Kerlan, ISPEF, Université Lumière Lyon 2
 
bullet L'éducation artistique : donner du sens aux savoirs
Philippe Meirieu, Directeur de l'IUFM de Lyon de 2001 à 2005

Développer des partenariats

 
 
bulletLa continuité éducative
Hélène Mathieu, directrice de la jeunesse, de l’éducation populaire de 1999 à 2004*

* Les mentions qui suivent la signature de Mme Mathieu, sur le cahier p. 16 sont totalement erronées

 
bulletL'ANRAT ? Une partenaire historique de l'école
Jean-Pierre Loriol, délégué national de l'ANRAT**
 
bulletÉducation artistique et culturelle. Les enjeux d'une expérience fondatrice
Eric Favey, secrétaire national de la Ligue de l'Enseignement
 
bullet Du côté des parents
Georges Dupon-Lahitte, président
 
bulletUn exemple de convention
Marie-Claude Cortial, professeur d'Histoire-Géographie, responsable musées-patrimoine à l4IA de l'Eure

Les pratiques artistiques dans l'école

 
 
bullet Comment être un passeur culturel ?
Jean-Michel Zakhartchouk, professeur de français en collège à Creil, membre du CRAP
 
bulletConduire et piloter des projets artistiques
Martine Tauszig, proviseure du lycée du 1er film à Lyon de 1999 à 2006
 
bulletÉducation musicale et interdisciplinarité
Denis Waleckx, IA-IPR en éducation musicale, Montpellier
 
bullet Enseignement artistique ou éducation artistique ?
Michel Motré IA-IPR d'arts plastiques, Aix-Marseille
 
bullet L'expérience urbaine comme mode d'accès à la culture
Marie Raynal, responsable du département "Ville & Education" au CNDP

Quelques témoignages

 
 
bullet Un projet en lycée professionnel   
Josette Artaud, professeur d'arts appliqués en LP
 
bullet« Je me souviens... »
Caroline Zenatti, anciene élève d'une option théâtre à Voiron
 
bulletUn espace d'art contemporain en zone rurale
Sylvie Paulet, professeur d'arts plastiques, responsable du service éducatif du LAC
 
bullet Atelier théâtral au lycée
Mme Jacob-Champeau, professeur de lettres
 
bulletTémoignage de Jean-Claude Gallota, artiste
J-C Galotta, chorégraphe, responsable du centre chorégraphique national de Grenoble (propos recueillis par André Roux, ancien chargé de mission éducationet culture, principal-adjoint à Sigean)
 
bullet« On peut vivre sans art, sans amour, sans musique... »
Lise Madar, présidente du "Passage de l'Art", Marseille

Sitographie

 
 
bullet Que disent les textes officiels ?
 
     
 

** Association nationale de Recherche et d’Action théâtrale (ANRAT)

http://www.anrat.asso.fr/

Présentation

 

Il en va de l’Education artistique en France comme de l’Arlésienne : tout le monde en parle, bien peu l’ont côtoyée !  Le cahier qu’E&D consacre « aux pratiques et aux enseignements artistiques » a une ambition : montrer que loin de l’idée de supplément d’âme dont parlait Malraux, le contact avec l’art, avec les arts, offre aux élèves l’occasion d’un  « parcours de réussite » alors que l’on a trop longtemps confiné ces démarches à la marge du système scolaire. On trouvera donc dans ce cahier des témoignages d’élèves, d’enseignants, de chefs d’établissements, d’inspecteurs mais aussi de partenaires de l’école. En effet, s’il est une caractéristique fondatrice de ces pratiques artistiques en milieu scolaire, c’est bien celle du partenariat avec le monde de la culture et de la création contemporaine. On y trouvera, aussi,  une mise en perspective philosophique qui interroge le Sens même de ces approches dans une institution que d’aucuns souhaiteraient ramener à un passé idéalisé. On y trouvera, enfin, un renvoi à de nombreux sites institutionnels où les enseignants et les responsables d’établissements trouveront les textes officiels et les modalités d’élaboration de projets.

Comme le disait si bien Vladimir Jankélévitch :  “On peut vivre sans art, sans amour, sans musique, on peut vivre certes, mais pas si bien...”.

 

L'éducation artistique serait-elle la «statue» dont parle Philippe Meirieu lorsqu'il affirme que le socle commun des connaissances débouchera sur deux catégories d'enfants ? Ceux qui, grâce à un environnement familial et social privilégié, auront accès à toutes les dimensions de la culture, qu'elle soit artistique ou scientifique, et les autres qui n'auront « que le socle sans la statue » !

 

Les pages qui suivent ont une ambition que nous partageons avec celui qui fut directeur de l'lUFM de Lyon de 2001 à 2006 : montrer que l'éducation artistique n'est pas cette fameuse statue - Malraux parlait quant à lui de « supplément d'âme» - mais qu'elle est aussi un ensemble d'enseignements et de pratiques qui répondent à un triple projet - démocratique, éthique et pédagogique.

 

Projet démocratique

S'il est un domaine où l'inégalité règne en maître dans notre pays, c'est bien celui de l'accès à l'art.

Il y a quelques années, en 1996, l'actuel Président de la République, Jacques Chirac, s'exprimant sur l'éducation artistique déclarait alors au journal Le Monde de ['éducation : « Elle doit s'adresser à tous, telle doit être notre ambition. C'est un enjeu de démocratie, d'égalité des chances, d'appartenance à une même patrie culturelle ».

 

Il n'est pas certain que cette ambition, pourtant affirmée avec force au plus haut sommet de l'État, ait été pour autant suivie d'effet sauf, peut être, au tout début des années 2000.

 

Projet éthique

Les enseignements et les pratiques artistiques à l'école inventent cet espace de rencontre, d'ouverture aux autres et au monde et peut-être aussi de rêve, cette part de l'intime «non marchandable» dont Jean Zay parlait si bien dès 1936 : «Les élèves devront se garder de mépriser ou de méconnaître les valeurs qui n'entrent pas dans les calculs et qu'on ne peut mettre en équation, les valeurs spirituelles : l'art, la pensée, le désintéressement, l'enthousiasme, en se disant que ces impalpables leviers transportent les montagnes et ébranlent le monde. »

 

Projet pédagogique

Enfin et surtout ! Depuis des années que des enseignants et des artistes nous le montrent, le ministère vient de le valider ! Dans une récente note d'évaluation de la DEPP (Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance), on peut lire qu'enseigner dans une classe à projet artistique et culturel modifie les pratiques pédagogiques et que 53 % des élèves investis dans des dispositifs de l'action culturelle ou artistique ont plus de plaisir à venir au collège qu'auparavant. On trouvera dans ce cahier des témoignages de femmes et d'hommes de «terrain» qui confirme cette note d'évaluation. On découvrira comment un grand chorégraphe, Jean-Claude Gallotta, envisage dans sa pratique artistique cette question de la pédagogie.

 

La pédagogie n'est, cependant, jamais une fin en soi et on aurait tort de ne voir dans les enseignements et les pratiques artistiques qu'une «ruse». L'accès aux œuvres artistiques, qu'offrent ces enseignements et ces pratiques, est un des fondements d'une démocratie moderne, tout comme l'a été, au XIXe siècle l'accès à la lecture et à l'écriture. Il s'agit bien de permettre aux enfants et aux adolescents de ce pays de s'approprier une part du patrimoine de l'humanité, patrimoine d'hier, d'aujourd'hui et de demain, tant il est vrai que toute création contemporaine sera le patrimoine de demain.

 

En ce sens, loin de l'idée de «statue sur le socle» ou de «supplément d'âme», l'éducation artistique affirme la nécessité de placer au centre du système le Sujet. Mais le centre n'a de sens que par l'ouverture qu'il offre !

 

Et l'école a plus que jamais besoin de cette ouverture aux parents, aux associations, aux artistes. Nous avons, justement, Laissé la parole à ces partenaires naturels de l'école. Tous s'accordent sur l'impérieuse nécessité de donner, enfin, toute sa place aux arts dans notre système scolaire.

 

S'interrogeant, il a quelques années, sur «ce qui vaut la peine d'être enseigné», le philosophe Olivier Reboul proposait une double réponse : « Vaut la peine d'être enseigné ce qui unit, et ce qui libère. » Unir, car dans la découverte de la diversité artistique, il y a aussi la découverte de l'Autre et l'acceptation de sa différence. Libérer, car avec la philosophie, l'enseignement artistique donne à vivre l'apprentissage de la liberté la plus personnelle, pour ne pas dire la plus intime.

Le Premier ministre et le ministre de l'Éducation nationale viennent, à l'occasion de leur conférence de presse de rentrée de ce mois d'août 2006, de présenter l'éducation artistique comme une des priorités des années à venir. Il nous reste à espérer que les enseignants et les artistes obtiendront les moyens de cette ambition.

  La Rédaction d'Education & Devenir

Sitographie

 
 

Sans prétendre à l’exhaustivité, voici quelques liens sur les textes officiels qui régissent les projets artistiques.

Il est aussi possible de contacter, dans chaque académie ou dans chaque DRAC, soit le délégué académique à l'action culturelle (DAAC) soit, pour les services du ministère de la Culture, !e chargé de mission Éducation/Culture.

Sites institutionnels

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http://www.artsculture.education.fr/

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http://www.education.arts.culture.fr/

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http://www.culture.gouv.fr/

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http://www.education.gouv.fr/thema/arts/artsb.htm

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http://www.education.gouv.fr/thema/arts/arts6.htm (l'éducation artistique en Europe)

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http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i2424.asp (rapport de l'Assemblée nationale)

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http://passeursdeculture.injep.fr/

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Le fonctionnement des dispositifs de l’action artistique et culturelle

Une étude qui reconnaît l'impact positif des enseignements artistiques

ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/dossiers/dossier174/dossier174.pdf

 

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Cézanne 2006 : Un projet académique à Aix-Marseille (document de présentation téléchargeable) Informations complémentaires : http://www.ac-aix-marseille.fr/public/jsp/site/Portal.jsp?article_id=628&portlet_id=701

 

 

 

En complément :

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Symposium européen et international de recherche :
Le Centre Pompidou a accueilli du 10 au 12 janvier le premier symposium de recherche international sur l'
évaluation des effets de l'éducation artistique et culturelle.

> intervention d'Emmanuel Fraisse (pdf), professeur à l'Université Paris III, président du comité scientifique du symposium http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/politique/education-artistique/educart/discours-fraisse2007.pdf

> intervention de Benoît Paumier (pdf), délégué au développement et aux affaires internationales au MCC, lors de la séance de clôture http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/politique/education-artistique/educart/discours-paumier2007.pdf

> intervention de Jean-Marc Lauret (pdf), secrétaire général du comité de pilotage du symposium chef du département de l'éducation, des enseignements, des formations et des métiers (DDAI) Synthèse des interventions et des échanges avec le public

http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/politique/education-artistique/educart/discours-lauret2007.pdf

 

 

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L’éducation artistique : un nouvel enjeu pour les collectivités territoriales

Actes du Séminaire d’Angers 12, 13 et 14 novembre 2002

http://www.crdp-nantes.cndp.fr/ressources/document/education_artistique/actes_education_artistique.pdf

 

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La culture, c’est pas du luxe ! Actes du colloque organisé par le CRAP-Cahiers pédagogiques Montreuil - 27 et 28 octobre 2006

Les cahiers pédagogiques proposent un téléchargement payant (4,50 euros) d'un dossier "la culture à l'école, c'est pas du luxe!", en partie constitué à la suite du colloque organisé en octobre par le CRAP-Cahiers pédagogiques.
Au sommaire: des interventions de André Giordan et Serge Boimare, une large réflexion sur le partenariat, des échanges et outils autour de thèmes comme "culture et pédagogie", "la culture technique et scientifique", des compte-rendus d'expériences culturelles dans des écoles et collèges (opéra, arts plastiques, théâtre) . Egalement un entretien avec Philippe Meirieu sur Culture et socle commun, le regard décalé de Serge Beresteski et la republication d'anciens articles des Cahiers sur le thème (Perrenoud, Pantanella, Snyders). Sans oublier les aspects littéraires avec Jeanne Benameur et des échos surprenants des ateliers d'écriture.
Un dossier, coordonné par Jean-MIchel Zakhartchouk, qui nous rappelle l'importance de la culture, un des "fondamentaux" de l'école et revendique pleinement le rôle de "passeurs culturels" des enseignants.

Sommaire complet et manière de commander:

http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2770

 

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Vie pédagogique (revue en ligne Québécoise) : A l’école des arts (téléchargeable)

http://www.viepedagogique.gouv.qc.ca/numeros/141/vp141.pdf complétée par des articles sur le site http://www.viepedagogique.gouv.qc.ca/numeros/141/numero141.asp

 

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« Education, culture et territoires : comment articuler les politiques éducatives et culturelles ? » Actes du colloque de l’ANDEV organisé au Centre des Congrès d’Aix en Provence. des 30 novembre, 1er et 2 décembre 2005

http://www.andev.com.fr/pdf/actes_colloque_andev_2005.pdf

 

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Un accès démocratique à la culture artistique des jeunes passe par un renforcement des enseignements artistiques obligatoires à l’école… par Gilgamesh http://www.meirieu.com/FORUM/enseignementsartistiques.pdf

 

 

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Maison du geste et de l’image Centre de recherche et d’éducation artistique

http://www.mgi-paris.org/

 

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Association des Rencontres Internationales Artistiques (ARIA)

http://www.aria-corse.com/

 

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Service culturel du Musée de Grenoble

http://www.museedegrenoble.fr/museactp.htm

 

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L’évaluation de l’éducation artistique et culturelle à l’école INRP

http://www.inrp.fr/vst/LettreVST/pdf/fevrier2006.pdf

 

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La maison des enseignants Arts & culture

http://lamaisondesenseignants.com/index.php?action=afficher&rub=33&from=1

 

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CRAP cahiers pédagogiques N°394 - Musique !

http://www.cahiers-pedagogiques.com/numero.php3?id_article=227

 

 

Un autre éclairage…

André ROUX

Membre du Conseil d’administration de Education & Devenir

(extraits de son DEA de Science de l’Education : L’Education artistique : une ambition impossible ?)

 
 

 

L’éducation artistique semble faire consensus et pourtant reste à la marge du système éducatif. Bien sûr, il est rassurant de se dire avec Godard que « c’est la marge qui tient la page » ! (alors qu’on lui rapprochait de faire un cinéma en marge, il eut cette réponse lumineuse !)  On peut aussi s’interroger sur les raisons qui peuvent expliquer ce maintien en marge du système. Il est alors nécessaire de prendre un peu de recul et de revenir, d’une part à la fin du XIX° Siècle et au rationalisme triomphant, d’autre part à la pensée de Malraux à qui De Gaulle confia la responsabilité du premier ministère des affaires culturelles.

 

1° Du côté de la morale…et de la Raison triomphante !

 

L'histoire de l'éducation artistique n'est pas soluble dans celle, plus générale, de l'éducation nationale ou de l'art. A n'y voir qu'une discipline, parmi d'autres, du système éducatif français on risquerait fort de n'y voir qu'un objet d'enseignement. La conséquence serait alors  la mise à l'écart de ce qui fonde cet enseignement…l'art lui même !

L'histoire de l'éducation artistique n'est pas, non plus, un simple alinéa  de l'histoire de l'art. Accepter cette hypothèse nous conduirait à la négation même de ce notre hypothèse. En effet, l'aphorisme consistant à dire que la beauté ne s'enseigne pas, a marqué durablement l'histoire de l'art, niant, de facto, toute légitimité à l'éducation artistique. 

Pour autant, et pour ce qui concerne sa place dans le système scolaire, on ne peut mener une réflexion sur l'éducation artistique sans prendre en compte le contexte politique, philosophique et institutionnel qui marque l'histoire de l'enseignement en France, notamment pour ce qui concerne les fondements de l'Ecole Laïque en cette fin de XIX° Siècle. Il y a là, nous semble-t-il, une influence durable, qui à défaut de justifier la marginalité de l'éducation artistique en France, offre quelques clés de lecture pour le moins pertinentes

 

 Nous interrogeant sur les raisons, implicites plus qu'explicites, qui justifient la mise à l'écart de l'art dans le système scolaire français, il nous faudra donc questionner l'institution scolaire afin d'y révéler les partis-pris idéologiques qui justifient cette mise à l'écart. Une constante semble en effet traverser cette période qui va de la Révolution à la III° République en passant par la Restauration ou les deux empires : celle d'une éducation pour la Nation et non par la Nation. Il ne s'agit pas bien évidemment de passer aux pertes et profits, l'œuvre immense de démocratisation de l'enseignement menée par Guizot puis pas Ferry et la III° République. Tout au plus, et c'est bien là l'objet de ce texte, souhaitons nous comprendre comment cette période du rationalisme triomphant a pu "oublier" la part du sensible, de l'imaginaire, du questionnement critique mais aussi de la démocratisation de l'accès à l'art. L'histoire de l'éducation est décidément riche d'enseignements et nous questionne, par delà notre problématique – mais aussi en donnant une légitimité à notre hypothèse – sur les enjeux d'une époque qui n'est pas forcément si lointaine…le récent débat sur les méthodes de lecture en étant un avatar !

La sociologie d'Emile Durkheim porte témoignage d'une époque, celle de la Troisième République, époque des grandes lois laïques, du développement des sciences humaines mais aussi de la grande industrie. La doctrine de Durkheim  est faite, l'expression est de Claude Nicolet, par et pour  la République.[1] A la fois pédagogue, il enseigne la pédagogie à l'université de Bordeaux dès 1887, et sociologue, pour lui l'éducation est "chose sociale" et met l'enfant en rapport avec une société déterminée, il marquera de nombreuses générations d'enseignants notamment sur la question de l'éducation morale. En ce sens il reprend à son compte un des idéaux de Ferry : Le choix d'une morale positive est le choix d'une vérité qui trouverait sa raison d'être dans la science. Ce point de vue est déjà présent chez Comte et Ferry se revendique de cet héritage. Cependant, on peut affirmer à la suite du travail d'Alain Kerlan, que là s'arrête, pour ce qui concerne notre recherche, la similitude entre Durkheim et Comte. En effet, pour ce dernier, les études esthétiques priment, au moins jusqu'à l'adolescence, et servent de fondement à la moralité. Loin d'opposer science et art, on retrouve comme chez Schiller l'idée que l'éducation esthétique "prépare" à la science. Il n'en va pas de même chez Durkheim.

Laurence Loeffel a étudié La question du fondement de la morale laïque sous la Troisième République. Après avoir défini les conditions, politiques, historiques et philosophiques de l'instauration de la laïcité dans l'Ecole de la République, elle s'interroge sur les conditions qui ont conféré à la laïcité un ancrage résolument rationaliste. L'influence de Durkheim ne fait alors aucun doute, tant sur la priorité donnée à une approche rationnelle de l'éducation que sur l'objectif à lui assigner :

L'objectif de Durkheim est aussi de donner les conditions d'une éducation morale valable "pour les hommes de notre temps et de notre pays" ; il s'agit d'élaborer une éducation adaptée à notre "type national" (sic !). Rompant avec la philosophie traditionnelle, Durkheim indique d'emblée que son point de vue ne sera ni universel, ni universaliste. En revanche, son intention est bel et bien de fournir les conditions d'une éducation morale "entièrement rationnelle"[2]

Cet emprunt aux théories Durkheimiennes prend notamment appui sur un manuscrit qui reprend les dix-huit leçons sur l'Education morale à l'école primaire. Durkheim y montre aux instituteurs comment mettre à la portée des enfants les résultats de ce qu'il appelait "la Physiologie du droit et des mœurs". L'allusion aux "hommes de notre temps et de notre pays" n'est pas sans nous évoquer la création "d'un nouveau peuple" cher à Robespierre. On y retrouve aussi la question de la discipline et de l'autorité, véritables remparts contre l'anarchie, mais aussi conditions sine qua non  pour maintenir la cohésion de la Nation :

Le deuxième élément de la moralité, l'attachement aux groupes sociaux, détermine la fin de l'activité morale, cette fin ne peut-être que supra-individuelle   : "agir moralement c'est agir en vue d'un intérêt collectif." En nous limitant et en nous contenant, la morale répond aux nécessités de notre nature ; en nous prescrivant de nous attacher et de nous subordonner à un groupe, elle nous met en demeure de réaliser notre être.[3]

On ne peut être plus clair : la morale laïque est une condition de l'ordre, de la stabilité, voire de la préservation de la société et à ce titre ne saurait supporter aucun écart ! L'art, une fois de plus, ne peut qu'y être consensuel – c'est le cas avec l'académisme – et il n'est pas nécessaire d'en donner les codes dans le cadre de l'Ecole Laïque. Durkheim consacre d'ailleurs son dernier et dix-huitième cours à ce sujet. Cette leçon, dès son introduction, n'est en aucune façon équivoque :

Aussi bien, quoique la culture esthétique ne tienne que peu de place dans à l'école primaire, il est difficile que je la passe complètement sous silence. […] Je dois tout au moins expliquer pourquoi je ne lui assigne qu'une place secondaire et accessoire dans l'œuvre de l'éducation morale.[4]

Il montre ensuite que l'objet de l'art est finalement d'exprimer un idéal qui entraîne un détachement de soi. S'il concède que cet idéal peut développer chez l'homme des habitudes et des tendances tout à fait comparables à celles que nous avons trouvées à la racine de la vie morale[5], c'est pour mieux opposer l'art et le réel, le réel étant, bien évidemment ce que la science aura validé :

Et, encore, ne saurait-on dire à partir de quel moment, de quel point précis l'invraisemblable devient trop évident et trop choquant pour être toléré. Que de fois le poète nous fait accepter des thèmes scientifiquement absurdes, et que nous savons tels ! Nous nous faisons volontiers complices d'erreurs, dont nous avons conscience, pour ne pas gâcher notre plaisir.[6] 

L'artiste vivrait donc, pour prendre une expression ô combien contemporaine, dans un monde virtuel, et dans ce point de vue il y a, nous affirme Durkheim, "entre l'art et la morale un véritable antagonisme." Et là où l'art – et donc l'éducation esthétique – nous conduirait à porter sur la société un regard extérieur et donc critique en nous "faisant perdre de vue la vie telle qu'elle est et les hommes tels qu'ils sont", tout au contraire :

Le monde de la morale, c'est le monde même du réel. Ce que la morale nous commande, c'est d'aimer le groupe dont nous faisons partie, les hommes qui composent ce groupe, le sol qu'ils occupent, toutes choses concrètes et réelles, et que nous devons voir telles qu'elles sont réellement.[7]

De là à dire que l'art détourne de la morale…il n'y a qu'un pas – un pas bien mince – que Durkheim franchit allègrement ! Alain Kerlan ne s'y est pas trompé en montrant que cette exclusion de l'art c'est aussi, et peut être même d'abord, la négation de l'individu au profit du collectif :

Le reproche qu'encourt la culture esthétique fait échos à celui dont ce que Durkheim appelle le rationalisme simpliste est l'objet : tous deux referment l'individu sur lui-même et une intériorité illusoire si aucun obstacle réel  ne vient entraver son mouvement. L'individu artiste, l'esthète qu'a célébré Nietzsche appartient, selon  Durkheim à un passé aristocratique révolu et qui ne peut qu'entraver la naissance du citoyen de la démocratie scientifique.[8]

 

Ainsi, si l'on en revient au "rationalisme triomphant", nous ne pouvons que partager le point de vue du philosophe Olivier Reboul cité par Philippe Meirieu :

Je crois au contraire, que c'est l'arrogance de l'intelligence rationaliste qui fonde le relativisme parce qu'en son nom, précisément, tout est permis. Et particulièrement de refuser à l'autre celui qui ne partage pas les mêmes analyses, les mêmes convictions, le même rapport aux choses et aux êtres, le droit, la possibilité même, d'entrer en relation avec nous. Erigée en absolu, la valeur de pure vérité est une valeur d'exclusion.[9]

De Robespierre au Front Populaire on retrouve peu ou prou une même doctrine politique, celle – l'expression est de Guizot, -  de l'Etat-éducateur des esprits. Certes, cette éducation des esprits prit des formes différentes mais l'objectif affirmé était bien le même : établir l'ordre et la cohésion sociale par la direction des consciences grâce à l'Ecole. Jules Ferry le résumera on ne peut plus explicitement en 1879 :

Quand nous parlons d'une action de l'Etat dans l'éducation, nous attribuons à l'Etat le seul rôle qu'il puisse avoir en matière d'enseignement et d'éducation[…]. Il s'en occupe pour maintenir une certaine morale d'Etat, certaines doctrines d'Etat qui sont nécessaires à sa conservation.[10]

Jeanne Laurent, que l'on considère, à juste titre, comme l'instigatrice de la politique de décentralisation théâtrale après la seconde guerre mondiale, jette un œil sans aucune complaisance sur la troisième République dont Ferry, qui avait en charge l'instruction et les Beaux-Arts, fut un des acteurs majeurs. Non content de dénoncer la mise en place d'un "art officiel" voilà ce qu'elle écrivait en 1983 :

L'abandon de l'enseignement artistique à l'Académie des Beaux-Art par le biais d'une autorité totale sur le concours de Rome est la première manifestation de la méconnaissance, par la Troisième République, de l'importance des arts dans la vie en général et dans l'éducation en particulier.[11]

Le fait est, qu'à de rares exceptions près, et jusqu'en 1936, les hommes politiques en charge de l'administration de l'Ecole et de la Culture, n'accordèrent que peu d'importance à ces questions. A cela deux explications parmi d'autres : le poids du positivisme que nous avons pointé lors du chapitre précédent et le fait que l'art soit considéré comme "un plaisir de la vie privée". Jeanne Laurent avance une autre hypothèse, celle de l'instabilité ministérielle. Ainsi entre 1875 et 1879 ce n'est pas moins de sept ministres qui se succèdent à la tête de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts. Sept ministres pour qui la dimension artistique de leur charge était du domaine des "menus plaisirs" face à l'enjeu que constituait alors l'instauration des grandes lois laïques. Jules Ferry non seulement ne  déroge pas à cette règle mais semble avoir été particulièrement en retrait sur ces questions.

Il nous faut cependant nuancer ce point de vue quelque peu catégorique en rappelant que c'est sous l'autorité de Jules Ferry, alors ministre de l'Instruction Publique, que furent introduits le dessin et la musique dans les programmes officiels de l'école primaire en 1879. Nous reviendrons d'ailleurs sur le contenu des cours de dessin afin de montrer l'influence d'une vision quasi "scientiste" sur cette approche artistique.

C'est ainsi que l'on retrouve la présence du dessin et de la musique dans l'article 4 de la "Loi du 21 décembre 1880 relative à la création d'établissements destinés à l'enseignement secondaire des jeunes filles"[12]. Il y a, dans cette déclinaison des matières à enseigner, un classement qui n'est pas sans nous rappeler l'importance de la question de la morale. Cette"discipline" figure en effet en première position des matières à enseigner alors que le dessin et la musique sont renvoyés en avant-dernière position…juste après les travaux à l'aiguille ! Il en va de même pour la loi du 28 mars 1882, "Loi sur l'enseignement primaire obligatoire", qui ne parle pas d'enseignement du dessin ou de la musique, mais "d'éléments du dessin, du modelage et de la musique". La place qui est alors donnée à ces prémices d'enseignement artistique n'est pas étrangère au fait que pendant de nombreuses années  notre système scolaire a opposé ( oppose toujours ? ) "matières fondamentales" / "activités d'éveil". D'ailleurs c'est un des disciples de Durkheim, Paul Falconnet, qui préfaçant l'édition 1922 de  "Education et Sociologie" écrit :

Un bon esprit est un esprit dont les idées maîtresses, qui règlent l'exercice de la pensée, sont en harmonie avec les sciences fondamentales, disons mieux les disciplines fondamentales.[13]

 L'important n'était donc pas, pour les pères de l'Ecole Laïque, l'éducation de la sensibilité. Faire disparaître l'analphabétisme, bouter l'église hors de l'Ecole, asseoir la République, l'unité nationale, la morale positive ; telles étaient les valeurs que l'époque exigeait. Il serait candide d'oublier la réquisition d'une industrie et d'un capitalisme en plein essor. Il est donc demandé à ce balbutiement d'enseignement artistique, d'être "utile".

A titre d’exemple l’enseignement du dessin…

La conception de cet enseignement du dessin est le fruit d'un article publié par Eugène Guillaume dans "Le Dictionnaire de Pédagogie" de Ferdinand Buisson. Nous utiliserons, pour présenter cette approche, un Rapport présenté à la Commission Parlementaire de l'Enseignement Secondaire[14] par J.J. Pillet, Inspecteur de l'enseignement du dessin et des musées et lui même élève, voire disciple, de Guillaume. Nous ne ferons que peu de commentaires sur ce texte, son contenu étant, nous semble-t-il, on ne peut plus explicite. Quelques phrases, tout d'abord, de l'article de Guillaume publié dans le Dictionnaire de Pédagogie et présenté en annexe du rapport de Pillet.

Dans le monde, on ne pense le plus souvent au dessin que pour le considérer dans ses applications aux Beaux-Arts. On ne sait pas que c'est avant tout une science qui a sa méthode, dont les principes s'enchaînent rigoureusement et qui, dans ses applications variées, donne des résultats d'une incontestable certitude.

C'est, en résumé, le moyen graphique par lequel le maître de l'œuvre, quelle qu'elle soit, exprime ses conceptions, les transmet et les rend intelligibles à ceux qui sont chargés de les exécuter. Ce genre de dessin, qui est dit "géométral", est l'écriture propre de tous les arts et de toutes les industries du bâtiment, de toutes les professions qui s'exercent dans le monde de la forme. […] Entre l'art et la science l'union ne saurait être plus intime.

Même en élevant le point de vue primaire auquel nous nous plaçons, on peut dire que faire commencer l'étude de l'art comme celle d'une profession exacte, c'est le meilleur moyen de régler les esprits.[15]Si par-là on apaise la crainte souvent manifestée de susciter chez l'ouvrier les aspirations de l'artiste, on combat en même temps la vanité de l'artiste…[16]

Est-il nécessaire d'en dire plus sinon pour constater en cette fin 2006, que les fameux « fondamentaux » n’ont pas, notamment dans la définition du Socle commun, une fois de plus mis hors jeu l’intelligence sensible ?

 

 

2° L’Art : « un supplément d’âme » ( Malraux)

 

La création, en 1959, du Ministère des Affaires Culturelles, avec à sa tête André Malraux aurait pu donner une deuxième chance au projet d'un Grand Ministère de la Vie Culturelle imaginé en 1936 par le Front Populaire.  Il n'en fut rien et l'éducation artistique se trouva de nouveau en marge du système.

Le 3 février 1959, un décret du Président de la République transfère à André Malraux :

Les attributions du ministre de l'Education Nationale en ce qui concerne la direction générale des Arts et Lettres, qui comprend la direction des musées, le service de l'Enseignement et de la Production artistique, une sous-direction des Spectacles et de la Musique, la direction de l'architecture et des archives de France. […][17]

Le 22 juillet Malraux est nommé Ministre d'Etat, chargé des Affaires culturelles et le 24 juillet 1959 est publié un décret, qui définit les missions du nouveau ministère. L'article premier, écrit de la main même de Malraux est passé à la postérité :

Le ministère chargé des Affaires culturelles a pour mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ; d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des œuvres d'art et de l'esprit qui l'enrichissent.[18]

Ce ministère est donc créé pour, et d'une certaine manière par Malraux. Certes, ce n'est pas la première fois que l'on voit les beaux-arts sortir du giron de l'Education Nationale alors "instruction publique". Deux brèves tentatives ont ainsi vu le jour en 1870 et 1881, mais l'idée que l'Etat puisse intervenir véritablement dans le domaine culturel n'était pas encore  d'actualité. Il faudra pour cela attendre le Front Populaire puis l'esprit de l'Ecole d'Uriage et de la Résistance. La création de ce ministère des Affaires Culturelles marque pourtant une double rupture : celle qui laisse les pouvoirs publics en dehors "des choses de l'art" et celle qui conduit l'éducation nationale à ne plus avoir la responsabilité de la politique artistique. Il y a dans cette séparation, une dimension douloureuse voire un accouchement au forceps qui marquera longtemps les relations entre les deux ministères.[19]  Cependant, l'enjeu dépasse très largement une simple question d'organisation administrative. Ce n'est pas non plus une querelle de clochers sur des questions budgétaires, même si l'on sait l'importance des moyens financiers pour mener à bien une politique artistique et culturelle. L'enjeu est ailleurs. Ce divorce éducation / culture, que Pierre Moinot proche collaborateur de Malraux en 1959, qualifie  de grave erreur[20], Jeanne Laurent – très critique à l'égard de l'auteur de L'Espoir – y voit,  non sans une certaine prémonition, une opportunité perdue de raviver l'ambition de Jean Zay :

Nommé ministre d'Etat, siégeant auprès du Général de Gaulle, André Malraux n'avait, semble-t-il,, en janvier 1959, qu'à formuler des souhaits pour être exaucé. Or, il se détourna de l'Education Nationale, de la Jeunesse, de la recherche scientifique, de la radio et de la télévision, pour ne s'intéresser qu'aux beaux-arts. Il ne revendiqua même pas l'enseignement du dessin et de la musique, s'interdisant par-là d'avoir une influence sur l'éducation de tous les enfants.[21]

Il y a en effet chez Malraux cette "grave erreur" qui, loin de trouver sa raison d'être dans le contexte politique de l'époque, va durablement pénaliser la politique d'éducation artistique de notre pays.

 Je m'appuierai, pour étayer cette affirmation, sur quelqu'un que l'on ne saurait suspecter de dévoyer la politique menée par Jacques Lang tout au long des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt dix, je veux parler de Claude Mollard. Prenant une certaine distance avec Malraux, l'actuel conseiller du Ministre de l'Education nationale a consacré près de six cents pages aux relations entre la Culture et  l'Etat de Malraux à Lang. On peut  notamment y lire ces deux phrases révélatrices :

Car derrière le feu d'artifice des projets, l'action prend un sens qui touche, au-delà même du rassemblement entre les hommes, à notre projet de civilisation. Ce en quoi Lang rejoint Malraux. […]

Ma réponse est que  Lang est objectivement un continuateur plus qu'un vrai novateur.[22]

Bien évidemment nous n'aurons pas ici à tenter un rapprochement entre deux hommes que tout séparait. Autant l'un était marqué par une présence de la mort quasi-obsessionnelle, autant l'autre a inscrit son action dans un rapport, parfois contesté, avec une culture pour "ici et maintenant". Mais le fait est, pour ce qui est de notre domaine de recherche, qu'on ne peut ignorer que ces "noces orageuses" dont parlait Hélène Mathieu ont durablement assombri le ciel de l'éducation artistique ! Trois points méritent alors d'être précisés pour mieux discerner les raisons qui ont  engendré cette nouvelle marginalisation de l'éducation artistique.

Il y a tout d'abord l'histoire personnelle de Malraux, ensuite son point de vue sur l'art et enfin ce que je nommerai "une vision polysémique" de ce que doit être l'éducation artistique pour les deux ministères concernés.  Je ne prendrai pas en compte ici le point de vue du ministère de la Jeunesse et des Sports, ministère qui fut d'ailleurs,  - lui aussi ! -  longtemps une "annexe" de l'Education Nationale.

 

1.1  Malraux et l'école. 

On connaît peu de choses de l'enfance de Malraux. L'homme était volontairement discret, masquant sans nul doute des zones d'ombres dont il souhaitait garder le secret. Dans ses Antimémoires il dit ne pas avoir aimé son enfance, peut être peut-on aller plus loin et cela mériterait bien évidemment d'être approfondi, en affirmant qu'il n'était pas forcément convaincu de l'importance de l'enfance, du moins pour ce qui est de la question artistique. Voilà ce qu'il déclarait à ce propos à l'Assemblée Nationale le 14 octobre 1965.

[…] Or dans l'enseignement , c'est absolument indiscutable : chacun sait que n'importe quel enfant apprend très facilement le chinois par exemple, mais que, pour les adultes, c'est sensiblement plus difficile. Il y a donc un âge privilégié. Mais l'ensemble des recherches psychologiques poursuivies depuis maintenant trente ans montrent que ce qu'on appelle l'âge de la culture, ce n'est nullement la jeunesse, c'est la seconde moitié de la vie. […]  Il ne s'agit pas du tout de vieillesse ou de jeunesse : il s'agit de savoir pourquoi, dans le domaine dont nous avons la charge, les Français seraient morts à partir de trente ans.[23]

Le fait est, pour ce qui est de l'école, que Malraux n'y fut guère assidu, bien que reconnu comme brillant par ses professeurs. A 17 ans il quitte le lycée, préférant le contact direct à la création littéraire y cherchant des valeurs, là où l'enseignement ne proposait qu'une explication de textes.

Dégoûté des couloirs venteux et des cours verbeux qu'on dispense au lycée Turgot, André Malraux tente en 1918 de s'inscrire au lycée Condorcet. Il n'y a pas d'amis et du coup renonce au bachot et à ces diplômes qui ménagent des carrières sûres. Aux grandes vacances de la guerre vont succéder celles qu'il s'octroie définitivement.[24] 

Sans doute faut-il voir, dans cette démarche d'autodidacte, une possible explication du refus de toute démarche propédeutique pour aborder la création artistique. C'est là que réside, avec quarante d'avance, le fondement de l'opposition entre "enseigner" et "rendre présent". Si l'on considère avec Malraux que l'homme n'existe que par ses actes et ses choix, il est certain que l'école ne laissait alors que peu de place à cette revendication ! Il serait intéressant, le temps nous manque ici, d'interroger des artistes qui interviennent dans le cadre de l'Ecole sur leur propre scolarité et sur leurs motivations, autres que pécuniaires, à venir dans ce que beaucoup considèrent comme un espace coupé de la "vraie vie". L'enfance de Malraux ne serait certainement  pas loin…

 

2.2 Malraux et l’éducation à l'art.

Le titre est présomptueux ou maladroit ! Nombreux sont en effet les chercheurs et autres spécialistes de l'esthétique à s'être penchés sur cette question et il ne saurait être ici question de rivaliser avec ces travaux ! Plus modestement, beaucoup plus modestement, nous souhaitons dégager quelques idées-forces de la pensée du premier ministre des Affaires culturelles afin de vérifier notre hypothèse. Nous pensons en effet que la réflexion de Malraux aura une incidence notable sur plus de trente ans d'histoire de l'enseignement des arts en France.

Qu'en est-il justement de la place de l'éducation artistique dans le système scolaire en 1959, date de la création du ministère confié à Malraux ? Certes, il y a toujours, en primaire, l'enseignement du "dessin" et de la "musique". Mais il n'est pas anodin de voir en quels termes la réforme Berthoin aborde cette question de "l'éducation culturelle". Dans l'exposé des motifs du décret n° 59-57 du 6 janvier 1959 on trouve en effet un paragraphe intitulé : L'éducation culturelle et le perfectionnement professionnel. L'éducation culturelle y est on ne peut plus explicitement associée avec la formation professionnelle. Pour le ministre :

 L'éducation culturelle ne se sépare pas du perfectionnement professionnel : non seulement celui-ci doit assurer, à tous les niveaux, une adaptation constante des hommes et des emplois que la rapidité de l'évolution économique et industrielle rend relativement instables, mais encore il constitue souvent la condition matérielle et la base spirituelle de l'effort de culture. [25]

Cette conception n'est pas sans nous rappeler celle développée à la fin du XIX° siècle, notamment dans l'approche de Guillaume. L'article 47 du décret d'application  reste plus qu'évasif sur les objectifs de cette éducation culturelle parlant de "d'accès aux sources de cultures" et de "développement personnel". L'article 48 nous paraît plus clairement, et on pardonnera ci la trivialité rugbystique de l'expression, "botter en touche".

L'éducation culturelle est assurée, soit dans des centres spécialisés, gérés ou reconnus par l'Etat ; soit dans les divers établissements d'enseignement ; soit par des œuvres privées […]. [26] 

On conviendra aisément que le "soit" ne laisse que bien peu de chance à une présence de l'enseignement artistique ou culturel dans les établissements scolaires ! Le ministère de l'Education Nationale était alors confronté à un afflux sans précédent d'élèves, et avait donc d'autres priorités, sans doute ceci explique-t-il cela…

Malraux, lui, venait de se voir confier un ministère devant "rendre accessibles les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de français", il semblait donc patent que l'école, à défaut d'être le seul moyen de cette ambition, pouvait y concourir et que, dans cette hypothèse, le ministère de la culture et son ex. "maison mère" pouvaient œuvrer d'un commun accord. On sait qu'il n'en fut rien. C'est là qu'intervient le point de vue personnel que Malraux avait sur l'art. Nous avons montré et c'est une litote, que le futur ministre du Général de Gaulle avait, pour le moins, quelques états d'âme concernant le lycée…Cette question de l'âme – le rapprochement était trop limpide pour l'éviter ! – est justement au centre de la réflexion de Malraux sur l'art. On pourrait utilement explorer son œuvre romanesque et montrer combien "l'âme", celle qui transcende la mort, est intimement liée à la création artistique. On ne citera, pour exemple, que cette dernière scène de L'Espoir dans laquelle Manuel se retrouve seul avec cette musique qui ouvre aux hommes "la possibilité infinie de leur destin". On pourra aussi, pour aller plus avant dans le sujet, lire Les Voix du Silence[27]  qui regroupe la plupart des écrits de Malraux sur l'art. Que retenir de cette pensée foisonnante sur la création artistique ? En quoi peut-on affirmer ici que ces réflexions ont eu autant de conséquences  sur le sujet qui nous intéresse ?

Nous interrogeant sur l'art et les conditions de son appropriation il nous faut grossièrement en donner une définition proposée par Malraux. Agnostique, il considérait que les dieux n'existant plus, il revenait alors à l'art, non plus de les figurer, mais de les remplacer. C'est à lui qu'incombe le pouvoir de sauver l'homme :

C'est un très grand honneur pour un pays que de porter la charge du destin des hommes et surtout la charge de ce qui peut les sauver.[28]

Malraux aimait d'ailleurs à dire qu'il était en art comme d'autres étaient en religion, sans doute faut-il y voir l'explication des "Cathédrales du vingtième siècle" dont il parlera à propos des maisons de la culture. On l'a dit, l'homme était obsédé par la mort et la seule voie vers l'immortalité est alors la création artistique :

 Or la seule force qui permette à l'homme d'être aussi puissant que les puissances de la nuit, c'est un ensemble d'œuvres qui ont en commun un caractère à la fois stupéfiant et simple, d'être des œuvres qui ont échappé à la mort.[29]

Cette dimension, plus spirituelle que religieuse – Malraux n'a jamais dit que le XXI° Siècle serait religieux, mais spirituel, ce qui, on en conviendra, implique d'autres "valeurs" – suppose,  de facto,  que la découverte de l'art est du domaine d'une "Rencontre" et non de la pédagogie. Dès 1959 il oppose devant les  sénateurs l'éducation qui "enseigne" et la culture qui "rend vivant". Plus tard, inaugurant la Maison de la culture d'Amiens le 19 octobre 1966 il déclare :

Il n'est pas vrai que qui que ce soit au monde ait jamais compris la musique parce qu'on lui a expliqué la Neuvième Symphonie. Que qui que ce soit au monde ait jamais aimé la poésie parce qu'on lui a expliqué Victor Hugo. […] Chaque fois qu'on remplacera cette révélation  par une explication, on fera quelque chose d'utile, mais on créera un malentendu essentiel.[30]

Un tel discours, qui précise et amplifie celui prononcé au Sénat en 1959, va marquer durablement les relations éducation / culture. On peut en tirer une analyse en trois points :

è l'explication de l'œuvre ne saurait constituer une étape préparatoire, une propédeutique à l'expérience esthétique. Qui plus est, elle constitue, pour le ministre des Affaires culturelles, un obstacle à cette expérience esthétique. Le sujet est donc autonome dans son jugement et l'art, par sa seule présence, parle à sa  sensibilité ;

è le contact direct avec les œuvres vaut tous les discours sur l'art qui doit nous révéler ce qu'est "la grandeur humaine" ;

è la mission de l'Ecole est de conserver et éventuellement transmettre un patrimoine du passé alors que la Culture, synonyme de plaisir contre l'ennui de l'enseignement, donne vie à ces œuvres du passé.

Si la phrase de Malraux, l'Etat n'est pas fait pour diriger l'Art mais pour le servir, nous semble toujours opérante, on peut compléter ce point de vue en affirmant que l'éducation artistique peut, aussi et autrement, "servir l'art". En effet, si Malraux – vision ô combien annonciatrice ! -  constate l'importance des "usines à rêves" que sont la télévision ou le cinéma, il n'en tire aucune conclusion quant à la nécessité de mieux les maîtriser pour défendre l'art vivant en apprenant aux jeunes écoliers la "lecture" de ces images nouvelles. La dimension cognitive est donc bien ici au service du sensible mais aussi de la liberté du regard, deux éléments incontournables du rapport à la création.  En fait comme le montre bien Augustin Girard, le ministre était avant tout un visionnaire, laissant à ses services le soin d'imaginer la concrétisation de ses idées, il n'est pas prouvé que ce fut le cas…

Lors du Front Populaire, Jean Zay et Léo Lagrange avaient parfaitement compris l'importance que revêtait l'éducation populaire pour asseoir  leur politique de démocratisation culturelle. Les pédagogies actives n'étaient pas non plus tenues à l'écart de ce grand mouvement. Il n'en sera rien avec le premier ministère Malraux et c'est une erreur de considérer que le "proche ami" du général de Gaulle était l'héritier Du projet de Jean Zay. Malraux se méfiait en effet de l'éducation populaire et plus particulièrement de la Ligue de l'Enseignement, très proche de l'Education Nationale. Pour André Holleaux qui fut son directeur de cabinet entre 1962 et 1965,

il redoutait l'espèce de puissance à la fois massive et secrète du ministère de l'Education nationale, il craignait le rôle de la Ligue de l'Enseignement ainsi que tout ce qui pouvait être, de près ou de loin, proche de la maçonnerie.[31]

On comprend mieux pourquoi, y compris pour Jacques Lang dans un premier temps et pour des raisons différentes,  Jean Caune donnera comme sous-titre à un de ses essais, de Vilar à Lang le sens perdu[32]. Il y a en effet chez Malraux une volonté récurrente de disjoindre la culture du contexte socio-éducatif. Le fait est que les relations entre les deux ministères (l'éducation populaire dépendant de l'Education nationale) furent souvent, c'est bien évidemment un euphémisme, complexes, entraînant par là-même un retard dans la mise en place "d'une éducation artistique pour tous".

 

On est donc très loin du projet de Grand Ministère  de la vie culturelle élaboré par le Front Populaire et beaucoup plus proche d'une vision Kantienne qui, en dehors de toute réalité sociale et de toute contingence personnelle, fait exister le sentiment du beau a priori.

L'évolution des relations entre les deux ministères, notamment à partir de 1983, aurait pu (dû?) nous rapprocher de cette ambition de 1936. Pas si simple, surtout lorsqu'on ne met pas le même sens derrière les mots …et ceci explique peut être cela !

 

André ROUX

Membre du Conseil d’administration de Education & Devenir

(extraits de son DEA de Science de l’Education : L’Education artistique : une ambition impossible ?)

                       

 

 


 

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[1] Claude nicolet ; L'idée républicaine en France. Essai d'histoire critique , Gallimard, Paris 1982 , p. 312

 

[2] Laurence Loeffel, La question du fondement de la morale laïque sous la III° République ( 1870-1914 ) , PUF , Paris septembre 2000,  p. 180

[3] idem. ; p.183

[4] Emile Durkheim ; L'Education  morale –dix- huitiéme leçon : la culture esthétique et l'enseignement historique , PUF , Paris 1974, p. 227

[5] idem. , p. 228

[6] ibidem. , p.229

[7] ibid. , p. 231

[8] Alain Kerlan, , op. cit. p.158

[9] Philippe Meirieu ; L'envers du tableau, quelle pédagogie pour quelle école ? ;  ESF, Paris 1993 ; p. 101

[10] J. Ferry ; Discours à la Chambre des députés ; 26 juin 1879.

[11] Jeanne Laurent, Arts et Pouvoirs en France de 1793 à 1981 – histoire d'une démission artistique - ; CIEREC ; St Etienne 1983 , P.75

[12] M. Allaire et M.T. Franck , op. .cit. p. 97

[13] Paul Falconnet, préface de Education et Sociologie de E. Durkheim, P.U.F., Paris 1922 , p. 31

[14] J.J. Pillet, L'enseignement général du Dessin, dans les Lycées et Collèges de France ; Librairie des Arts du Dessin, Paris le 28 mars 1899.

[15] Souligné par nous en référence au "gouverner les esprits "de Guizot.

[16] In L'enseignement général du dessin, op. cit. ; p.113 à 122

[17] Décret n° 59-212, Journal Officiel de la République Française, 4 février 1959.

[18] Décret n° 59-889, Journal Officiel du 26 juillet 1959.

[19] Les négociations entre les deux André  Malraux et  Bouloche (ministre de l'E.N.) sur le rattachement de certaines associations d'éducation populaire est à ce titre un véritable morceau d'anthologie ! 

[20]Augustin Girard et Geneviève Gentil ;  Les Affaires Culturelles au temps d'André Malraux,  Journées d'études du 30 novembre et 1° décembre 1969 ; La Documentation Française ;  Paris 1996 ; p. 16

[21] Jeanne Laurent ; op. cité ;  p. 157.

[22] Claude Mollard ; Le 5° Pouvoir, la culture et l'Etat de Malraux à Lang ; Armand Collin ; Paris 1999 ; p. 279 et 292.

[23] A. Girard et G. Gentil ; op. cit. p. 298

[24] Jean Lacouture ; Malraux, une vie dans le siècle ; Editions du Seuil ; Paris 1973 ; p.15

[25] Journal Officiel de la République Française, n° 5, 7 janvier 1959, p. 425.

[26] Idem p. 427 à 430.

[27] André Malraux, Les Voix du Silence, Gallimard, Paris ; 1952.

[28] Discours à l'Assemblée Nationale le 9 novembre 1963, cité par A. Girard et G. Gentil, op. cité p.287.

[29] idem.

[30] Discours pour l'inauguration de la Maison de la Culture d'Amiens le 16 mars 1966,  cité par A. Girard et G. Gentile, op.cité p. 33

[31] A. Girard et G. Gentil ; op. cité ; p. 177

[32] Jean Caune ; op. cité.

 

 

La sensibilisation à l’architecture et à la ville 

Intervention du mardi 12 décembre 2006 au Conseil général des Bouches du Rhône lors de la Rencontre des CAUE de France.

   

Quels apports réciproques entre pratiques pédagogiques auprès des jeunes, conseil aux particuliers et aux collectivités ?

 

L’an dernier, à l’issue d’un séminaire de formation,  Monsieur Jean Louis Langrognet, Inspecteur général de l’Education nationale, doyen du groupe des enseignements artistiques précisait :

« Engagement de l’Etat et des Collectivités territoriales, vitalité de la recherche universitaire, multiplication des initiatives éditoriales, travail continu de l’inventaire et des conservations régionales des monuments historiques dans les régions, actions des associations et des CAUE, politique des villes d’Art et d’Histoire, médiatisation des expositions, des concours et des chantiers les plus spectaculaires, ont contribué à faire aujourd’hui de l’architecture, dans son actualité comme dans sa dimension patrimoniale, un fait culturel majeur ».

 

En m’appuyant sur ce propos et à partir d’exemples pris dans l’académie d’Aix- Marseille, je vais tenter de répondre aux interrogations suivantes :

 

Comment se situe le système éducatif dans cette « sensibilisation à l’architecture, à la ville » ? Quels objectifs ? Quelles démarches ? Quels projets ? Quels partenariats ? Quels enjeux ?

 

1)  En rappelant que la sensibilisation à l’architecture et à la ville :

se fait d’abord à l’école et plus particulièrement dans le cadre des programmes,

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des disciplines : arts plastiques (collèges lycées)

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d’arts appliqués – design (en lycées professionnels)

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de l’option Histoire des arts au lycée (1993)

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et dans différentes spécialités des sciences et techniques industrielles.

Ces programmes prennent appui sur d’autres pratiques et cultures artistiques dans des domaines aussi variés que ceux des arts visuels, des arts du son ou encore du spectacle vivant.

 

2° Elle est aussi abordée dans d’autres disciplines, notamment  :

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Histoire géographie Education civique ( Patrimoine Environnement) ,

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Sciences et Vie et de la Terre (environnement),

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Sciences économiques et sociales,

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Mathématiques- lettres musique (son)…

et également dans les programmes de l’école élémentaire et plus particulièrement dans ceux du cycle III

3) « La sensibilisation à l’architecture et à la ville » existe également sous la forme de dispositifs transversaux spécifiques à l’Education nationale : (Itinéraires de découverte, Travaux croisés, projets pluridisciplinaires à caractère professionnel) et en partenariat : ateliers de pratique artistique, projets culturels, classes à projet artistique et culturel…

 

Dans tous les cas cet enseignement ou sensibilisation répondent à des objectifs : « comprendre la richesse des œuvres relevant de la création contemporaine et du patrimoine, développer chez les élèves une attitude informée, curieuse, critique et vigilante sur leur environnement quotidien…affiner leur sensibilité à l’image et l’urbanisme ».

Les objectifs poursuivis sont culturels, méthodologiques et civiques.

 

Il ne s’agit pas d’enseigner l’architecture (c’est la fonction des écoles spécialisées), ni de transformer les enseignants … en architectes ou en enseignants en architecture, mais plutôt :

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« de fournir aux élèves, à l’aide de situations d’enseignement fondées sur une véritable pratique artistique, des outils  qui permettent d’appréhender l’ensemble des formes architecturales et urbanistiques »

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« d’expliciter la notion complexe du patrimoine dans sa diversité, de leur montrer combien le patrimoine est un point d’ancrage pour comprendre et construire le monde contemporain »

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« de les aider à la construction d’une identité culturelle et citoyenne en les amenant à s’inscrire dans un héritage culturel porteur de valeurs communes, en passant du local à l’universel ».

 

Pour réaliser ces objectifs, cette approche du patrimoine, de l’architecture, de la ville, l’école ne peut tout faire seule ; un travail en partenariat s’impose. Voyons comment et dans quel cadre il se fait aujourd’hui dans l’académie d’Aix- Marseille avec le ministère de la Culture et avec les collectivités.

 

Le partenariat avec la DRAC- PACA : (Direction Régionale des Affaires culturelles – Provence- Alpes- Côte D’Azur) existe depuis de nombreuses années (1988), mais a été renforcé depuis la signature de la convention du 17 novembre 2004 ayant pour objectif d’installer une synergie commune placée au service du développement d’actions touchant les publics scolaires les plus défavorisés et éloignés de l’offre culturelle.

Dans cette convention cadre sont fixés des objectifs communs, des axes prioritaires privilégiant certaines actions et des formations.

 

Les actions conjointes s’appuient sur  les dispositifs de l’action culturelle ; citons quelques exemples d’ateliers de pratique artistique 2006-2007 validés et financés conjointement, répondant à cette thématique, en précisant que ces projets partenariaux réalisés  avec des professionnels de l’Art , émanent des établissements, sont adaptés à la réalité du terrain, sont en liaison avec les enseignements, et inscrits dans le projet d’établissement.

 

A partir de ces exemples concrets de projets partenariaux (avec la DRAC) issus d’écoles, collèges, lycées, lycées professionnels des les Bouches- du- Rhône, j’essaierai d’étayer mon propos :

 

Deux écoles dans les Bouches du Rhône « Bel Air »  et l’école Mazargues Vaccaro (Marseille), travaillent sur deux projets intitulés « Il était une fois «ma maison » et «  L’enfant dans la cité ».

Elles partent de l’étude de leur environnement proche La maison, la quartier, la ville, pour découvrir leur architecture et à travers une pratique, s’engagent dans une démarche active critique citoyenne. Les partenaires sont le CAUE des Bouches du Rhône, la Maison d’architecture et de la ville de Marseille.

 

Citons deux exemples en collèges qui inscrivent fortement leurs ateliers de pratique pluridisciplinaires dans le projet d’établissement tel le collège Grande Bastide de Marseille dont l’atelier s’intitule « J’y suis bien » et le projet d’établissement « Mon collège c’est ma maison ». Ce partenariat se fait avec le CAUE des Bouches- du- Rhône, un plasticien et un chercheur du CNRS.

 

De même le collège René Cassin à Tarascon articule ses différents projets dans le projet d’établissement « Le collège dans la quartier », grâce aux interventions d’une plasticienne du « parcours de l’art » en Avignon, d’une association marseillaise  « métamorphoses » professionnel de la photo portant des regards croisés photo et écriture sur l’environnement et de celle de « Tambour de soie » de Marseille pour la filmographie.

Ces projets permettent également aux élèves d’avoir une ouverture sur leur quartier (reportage sur la population issue de Taza (Maroc)

Précisons par ailleurs que ce projet du collège s’articule avec celui de l’école primaire du secteur (école Jules Ferry) en liaison avec l’école primaire de Chefchaouen et travaillent sur la thématique conjointe retenue par les académies d’Aix-Marseille et Tétouan – Tanger « Mon école, mon quartier, ma ville »

 

Un travail sur la même thématique se fait au lycée Montgrand de Marseille. Le projet intitulé «  Lycée lieu de vie, liens de vie » permet aux professeurs d’arabe, d’espagnol et de lettres, travaillant en partenariat avec l’association « Métamorphoses » de Marseille de réaliser un roman photo sur leur établissement, leur ville,  et d’établir des échanges sur la même thématique avec le lycée Moulay Rachid de Tanger. Cette démarche permet une ouverture vers l’international, l’universel.

 

En  lycées professionnels des projets pluridisciplinaires de sensibilisation à l’architecture ont tous un lien étroit avec l’enseignement des métiers.

Ainsi au lycée professionnel Les Alpilles à Miramas cinq professeurs enseignant les arts appliqués, la peinture, la vitrerie, la taille de la pierre, la maçonnerie, la construction des bâtiments, engagés dans un projet « Architectures éphémères », découvrent l’architecture à  travers une pratique artistique menée avec un plasticien et valorisent ces métiers grâce à ces productions artistiques.

 

C’est une démarche identique qui a conduit les enseignants des lycées professionnels Vauvenargues à Aix et Mistral à Marseille à restaurer durant plusieurs années deux œuvres d’art du sculpteur Jean Amado (présentes dans leur établissement au titre du 1%), avec des professionnels de l’atelier Amado.

 

Mais pour permettre que la sensibilisation à l’architecture et à la ville touche le plus grand nombre d’élèves il est également primordial de s’inscrire dans une démarche cohérente de partenariat avec les collectivités établie sous le forme de conventions. Exemples : la convention tripartite entre l’académie, la DRAC et le Conseil régional signée le 16 mars 2006 ou celle avec le Conseil général des Alpes de Haute- Provence (datant du 1er janvier 2002) et en cours de réactualisation actuellement ou encore celle avec la ville d’Aix- en- Provence (du 23 octobre 2003) également en cours de réactualisation avec élargissement prévu à la DRAC pour 2007-2009.

 

Ces conventions avec les collectivités, articulées avec celles de la DRAC et de l’académie, permettent de fixer des objectifs communs prioritaires, une plus grande mise en cohérence, une mutualisation des moyens (y compris financiers) et une extension de l’éducation artistique au plus grand nombre d’élèves sur un territoire donné.

  

Citons deux exemples d’actions 2005- 2006 rendues possibles par ces partenariats

è « Une rentrée en images » septembre 2006 proposée par les « Rencontres de la photo » d’Arles dans le cadre de leur manifestation annuelle.

Grâce aux partenariats avec la ville d’Arles (rencontres de la photo - musées- service du patrimoine) le Conseil général et le CAUE des Bouches- du- Rhône, le Conseil régional, cette manifestation a pu s’inscrire dans la politique académique d’action culturelle et toucher 4 000 élèves travaillant sur des projets liés à la photo, l’architecture, la ville, le patrimoine.

è De même l’exposition « Cézanne en Provence » présentée au musée Granet d’Aix- en- Provence de juin à septembre 2006 a été retenue comme projet prioritaire de l’année inscrit dans la convention avec la ville. Une annonce anticipée de cet évènement a permis aux établissements de l’académie de monter des projets pluridisciplinaires autour de Cézanne (300 projets touchant 12 000 élèves dont certains en architecture- environnement) de bénéficier d’une mallette pédagogique, de stages de formation et de visiter l’exposition et les parcours pédagogiques scénographiés au musée.

Ceci a été réalisable grâce aux multi partenariats établis entre la ville d’Aix, la communauté du pays d’Aix, le Conseil général des Bouches- du- Rhône, le Conseil régional, la DRAC PACA et l’académie d’Aix- Marseille.

Mais pour étendre cette approche de l’architecture au plus grand nombre, doit être également mise en œuvre une politique d’accompagnement des enseignants qui passe par la formation-l’information et la réalisation d’outils pédagogiques

 

Quelques exemples de formations réalisées conjointement par l’académie et la DRAC :

 

En 1999 un stage académique à destination de professeurs d’arts plastiques réalisé avec le CAUE du Vaucluse (Mr Guérin) leur a permis de découvrir le fait architectural. Une publication conjointe intitulée « L’architecture au collège » témoigne de la richesse de cette formation.

Cet accompagnement pédagogique a été renforcé  et inscrit dans le temps depuis cinq ans, grâce à l’arrivée de Madame Reyre (conseiller en architecture à la DRAC).

Ainsi, les formations retenues conjointement ces dernières années ont porté en 2003- 2004 sur

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« l’approche pluridisciplinaire de l’architecture »  (partenaires : Maison de l’architecture et de la ville et MUCEM (musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée- Marseille

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en 2004- 2005 sur « pédagogie et architecture » observer manipuler projeter rêver. Partenaires CAUE Bouches- du- Rhône, Maison de l’architecture et Ville Marseille

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et 2005- 2006 sur « La réhabilitation des lieux » Partenaires : CAUE de Vaucluse (84) et  (Maison d’architecture et de la ville) Marseille.   

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Et en 2006- 2007 sur « Comment la ville fait image(s) » Partenaires : CAUE des Bouches- du – Rhône (La Cité radieuse) Château d’Avignon (Conseil général des Bouches du Rhône) « Les ateliers de l’image » (Photo) Marseille.

Cette formation accompagnée d’une politique d’information se fait également dans le cadre de deux PNR de l’académie portant sur le patrimoine antique et le design de mode.

Cette politique d’information se fait vers les établissements scolaires grâce aux différents sites de l’académie  et du CRDP.

Des liens sont établis avec celles des structures qui présentent leurs actions à destination du public scolaire, leurs manifestations (expositions, rencontres avec les professionnels). Des courriels parfois co-signés CRDP-académie complètent ces informations.

 

Exemples :

Des informations ont été données pour ce séminaire, celui des 12-13-14 octobre 2006 « L’architecture se livre » et  pour cette exposition présentée actuellement à Marseille « Une cité en chantier ».

Faisons une remarque cependant : la nécessité de connaître ces informations en amont afin que les enseignants puissent intégrer ces sorties  à leurs projets dans un souci d’efficacité et de cohérence.

Ainsi l’annonce du projet d’exposition réalisée par la BNF « Regard sur la ville » Albums d’Eugène Atget et albums d’aujourd’hui 30 mars 2007 se fera sur les sites du CRDP et de l’académie afin de permettre aux enseignants intéressés d’inscrire cet évènement dans leur démarche de projets pour l’année scolaire 2007- 2008

        

L’accompagnement de projets sur l’architecture et la ville se fait aussi grâce à l’existence d’outils pédagogiques et de publications  réalisés par

l’Education nationale SCEREN- CNDP ; CRDP, voir publications (sites)

ou par des partenaires voir le projet « 50 activités pour découvrir l’architecture et l’urbanisme avec les CAUE » présenté ce jour.

 

En conclusion :

Sensibiliser les élèves à l’architecture aux patrimoines et à la ville, se fait bien  à l’école, tout comme avec les acteurs de la construction, de la restauration et les usagers.

Des résultats sont là, mais des progrès restent encore à réaliser pour sensibiliser le plus grand nombre d’élèves à l’architecture, la ville, les patrimoines. Cela ne pourra se réaliser que grâce au renforcement d’une politique cohérente et concertée en région entre l’Etat et les Collectivités, ayant pour enjeu de permettre à l’élève de devenir un citoyen actif, critique,  engagé, prêt à assumer sa responsabilité face au bien public : son école, son quartier, sa cité, tout en portant son regard éclairé sur le monde.

 

 

Marie Paule Lazennec

Académie d’Aix- Marseille

Délégation académique à l’action culturelle

Chargée du suivi des dossiers architecture – arts plastiques et citoyenneté