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« ECOLE CHERCHE MINISTRE » Pascal BOUCHARD – Editions ESF – collection Pédagogies dirigée par Philippe MEIRIEU – 125 pages
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Un entretien avec Pascal BOUCHARD | |
Pascal Bouchard, journaliste - et ancien enseignant -
est membre du C. A. d'Education & Devenir. Il a bien voulu répondre à quelques questions sur son dernier ouvrage Ecole cherche ministre. Pour permettre aux futurs lecteurs du livre de s'en faire une idée, ils trouveront en préambule à l'entretien des extraits d'une note de lecture de Jean-Yves Langanay (Courrier d'E&D, n° 1 2007) et d'un édito de l'expresso du Café pédagogique du 23/01/07. Ceux qui ont lu le livre peuvent aller directement à l'entretien avec Pascal BOUCHARD |
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A contre courant de l’actualité politique, le journaliste spécialisé– mais aussi l’ancien enseignant – démontre dans un essai compact, précis et d’une grande lisibilité la difficulté à exercer les fonctions de Ministre de l’Education nationale. Sous la forme d’une lettre en dix brefs chapitres, il s’adresse aux candidats à cette impossible fonction pour leur exposer ce qui les attend et leur prodiguer quelques conseils pragmatiques mais éclairés par une connaissance très fine et remarquablement documentée des arcanes du 110, rue de Grenelle. Ses observations débouchent sur une réflexion exprimée avec prudence et modestie mais sans doute centrale : « Et si la première réforme était de rendre plus humaine une administration à bout de souffle ? » En parfaite harmonie avec les positions d’Education & Devenir, Pascal BOUCHARD se garde bien de clouer au pilori les professeurs, les manuels, les méthodes pédagogiques et les élèves. Il partage notre conviction qu’il convient de donner aux uns et aux autres les moyens de travailler pour que notre école aille beaucoup mieux. Sans avoir l’air d’y toucher, Pascal BOUCHARD apporte une précieuse contribution à la « feuille de route » du prochain ministre sous forme d’un authentique vade-mecum à lire et méditer avant la prise de fonctions :
Extraits de la note de lecture de J. Y. Langanay |
Pascal Bouchard nous amène à réfléchir à ce que devrait être
l'Ecole en croisant deux réflexions : une sur les demandes de la
société, une sur les principes sur lesquels l'Ecole devrait s'appuyer. C'est par la bande et surtout par le local que P. Bouchard voit le salut de l'Ecole. "Aucune réforme ne peut s'appliquer au niveau de la nation, sans des aménagements locaux. Les moyens nécessaires seront mieux répartis au niveau local que vos services ne pourront jamais le faire en appliquant une grille nationale. La question que vous devez régler en urgence n'est pas tant celle des remèdes que du cadre de leur discussion". Extraits de l'édito de l'expresso du 23/01/07 |
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Un haut fonctionnaire m'a confié récemment, sous couvert de l'anonymat, que plusieurs ministres récents avaient fait de la "culture hors sol", sans trop se soucier de ce qui se passe effectivement sur le terrain, dans les classes… C'est toute la difficulté d'être ministre. Il faut être présent médiatiquement, répondre aux demandes de l'opinion, sans méconnaître la complexité de la relation pédagogique. Le précédent directeur de cabinet de Robien avait reconnu, alors qu'il était recteur, qu'il ne lisait pas le BO dans son intégralité. Si lui ne lisait pas tout, j'imagine que beaucoup de responsables ne le lisent pas du tout. Les circulaires sont comme l'eau sur les plumes de ce pauvre canard, qu'on tente sans cesse de noyer. Les malins y trouvent les mots qui permettent d'habiller de neuf les pratiques anciennes… |
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Peut-on demander à un homme politique d'être modeste? Mais sur le fond, vous avez raison. Quoi qu'on en dise, l'immense majorité des chefs d'établissement et des enseignants pense avant tout à bien faire son métier, au service des élèves, et l'immense majorité des élèves ne rêve que d'une chose, réussir sa scolarité. Anthropologiquement, les hommes aiment travailler de façon à être reconnus comme "bons". Un bon ministre sera celui qui se donnera les moyens de leur faire confiance, ce qui suppose qu'il ait une véritable administration, qui, sur le terrain, soit capable de mettre les bonnes personnes aux bons endroits, les élèves en difficulté avec les enseignants qui sont capables de s'en occuper, dans des équipes qui ont un vrai projet, mais qui soit aussi capable de faire respecter les cadres nationaux. Actuellement, nous avons une administration faible, une gestion par le hasard, et le droit coutumier, voire le droit local, prime sur le code de l'éducation….
Le futur ministre devra aussi trouver le moyen de faire dialoguer l'Ecole et la société. Contrairement à ce que prétendent les "Républicains", l'Ecole ne peut pas procéder d'elle-même, mais ils ont raison de dire qu'elle ne peut pas être soumise aux diktats de l'opinion publique, et des alternances démocratiques. Son temps est le temps long. Je suggère au futur ministre de s'appuyer sur le Conseil économique et social. |
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L'autonomie des établissements peut tourner, si on la développe en même temps qu'on supprime la carte scolaire, à la catastrophe. Des établissements en concurrence chercheront à attirer les meilleurs élèves. Ils développeront donc une politique de communication qui sera fonction des idéaux des parents socialement susceptibles d'avoir des enfants bons élèves. Ces catégories sociales ne sont pas forcément acquises aux vertus de la mixité sociale, ni à l'intérêt des pédagogies fondées sur le détour par l'artistique. Or la nation a besoin que les établissements scolaires prennent en charge tous ses enfants, qu'ils en fassent des médecins et des ingénieurs, mais aussi des musiciens et des philosophes (ou mieux encore, des ingénieurs musiciens et des médecins philosophes!), et que se développent la fraternité et le respect mutuel.
A toute décentralisation doit correspondre une déconcentration de l'administration de l'Etat. En matière d'éducation, nous avons eu la décentralisation sans la déconcentration. Il faut créer un échelon administratif qui réunisse tous les établissements et les écoles d'un même bassin de formation. |
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Si on attend que la mixité sociale soit une réalité dans les villes pour changer l'école, on attendra longtemps. De plus, une administratrice d'Education et Devenir me faisait remarquer que Marseille est un exemple de mixité sociale. Ce n'est pas le cas dans les établissements scolaires de Marseille. Il faut arrêter avec ce slogan creux sur la politique de la Ville. |
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La judiciarisation est en route. On a déjà vu des élèves se plaindre devant les tribunaux d'avoir raté leur bac à cause de tel enseignant. Jusqu'à présent, les juges ont refusé d'aller sur le terrain de la pédagogie, et en sont restés à des considérations sur l'organisation du système, et le non remplacement de professeurs absents. Jusqu'à quand? Un bon ministre devra prendre les devants, et définir ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Et son administration devra cesser de tolérer l'intolérable. |
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Le psychanalyste Ali Magoudi a bien montré que les formes d'une constitution politique structuraient les inconscients. Soyons plus modestes. Une structure administrative qui réunira premier et second degré amènera les enseignants des deux niveaux à travailler ensemble plus sûrement que toutes les exhortations et les appels à la vertu. Si elle donne aux enseignants la possibilité de se regrouper autour de projets cohérents, sans passer par les aléas des mutations, chacun devra clarifier son discours sur ses pratiques, et le rapport au métier sera changé. |
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En matière d'éducation, il est parfois difficile de tracer des lignes de partage. Gilles de Robien a beaucoup puisé son inspiration politique chez Le Bris et Brighelli, qui se réclament de la gauche plus ou moins radicale… Comprenne qui pourra, mais il faut se souvenir, qu'historiquement les fiançailles d'une partie de la gauche et d'une partie de la droite n'ont rien donné de bon. |
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Propos recueilli (échanges de courriels) par J.F. Launay ouèbe maître |
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Voir aussi École cherche ministre : entretien avec Pascal Bouchard La Maison des enseignants et du même auteur : Les républicains ont raison contre les pédagogues, mais le savent-ils ? |