communiqué

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Voir aussi l'Appel du collectif "Pour un débat national sur le collège unique"

IL EST TEMPS DE DEBATTRE SERIEUSEMENT DE L’ECOLE !

  Education & Devenir
Le moral et la morale des enseignants

Une nouvelle fois l’Education nationale est en crise. Le malaise des personnels est profond. Projets de réforme et rumeurs les ont déstabilisés. L’effet de cumul mine leur moral… et leur morale dans les cas les plus extrêmes. L’indispensable réforme des retraites a réveillé interrogations et inquiétudes sur les conditions d’exercice de leurs métiers. Le projet de transfert de certaines catégories professionnelles vers les collectivités territoriales a été annoncé brutalement. Le sens n’en a pas été clairement indiqué Il a provoqué une réaction de rejet en bloc de la décentralisation et alimenté doutes et rumeurs sur les inégalités et les risques d’externalisation voire de privatisation. La souhaitable remise à jour du statut des maîtres d’internat et surveillants d’externat (qui datait de 1937 !) a été décrédibilisée par un solde négatif de 10 000 personnels d’encadrement éducatif à la rentrée prochaine. Et cela au moment même où sécurité et lutte contre les incivilités sont énoncées comme des priorités. Nombre de ces réformes sont légitimes dans leurs intentions mais leur cumul lié à une communication brouillonne et maladroite les compromet aujourd’hui.

   

Le décalogue décalé

 

S’y ajoute le fossé entre les dix propositions contenues dans la « Lettre à tous ceux qui aiment l’école » et l’ampleur des chantiers à mettre en œuvre. Au-delà d’un discours humaniste et de constats souvent justes mais non hiérarchisés et peu porteurs de solutions crédibles, Luc FERRY exprime une pensée conservatrice et stigmatise à contre-emploi les supposés effets de la « pensée 68 ». Il appelle à restaurer la seule transmission des savoirs au détriment de la pédagogie et de l’action éducative qui la permettent. Le décalogue est décalé.

   

Désarroi et déontologie

 

De ce profond désarroi naissent des réactions inquiétantes. L’image de la profession enseignante est gravement altérée par le sort indigne réservé ici où là au livre de Luc FERRY. Il en est de même pour le blocage des examens où les conseils de classe du troisième trimestre. Les principales fédérations syndicales enseignantes peinent à faire entendre leurs appels à la responsabilité face à des coordinations locales éphémères ou manipulées curieusement plus favorables à un Etat lointain qu’à la démocratie de proximité. Il conviendrait cependant de ne pas renouveler l’effet désastreux d’un appel à jouer l’opinion publique contre les enseignants.

Cette situation nous conforte dans la conviction de l’urgence d’une réflexion et de décisions  sur la nécessaire déontologie dans les métiers de l’éducation.

   

Pour une décentralisation au service de la réussite scolaire

 

La décentralisation suscite des peurs multiples : remise en cause de l’unité nationale, aggravation des disparités régionales, report du budget de l’Etat vers les collectivités locales, externalisation des services, réduction du nombre des fonctionnaires, etc. Les défauts apprents de communication et de pilotage seraient délibérés pour masquer une stratégie libérale dont les seuls objectifs seraient économiques.

Or la première phase de décentralisation conduite par la gauche en 1982 avait des visées aux antipodes de ces craintes : elle se voulait une réponse adaptée aux problèmes posés par une société complexe- où l’Etat ne peut tout faire- et soucieuse de faire progresser la démocratie en rapprochant les décisions des citoyens.Elle se fixait aussi pour objectif de réduire des inégalités régionales patentes.

 

Un deuxième train de mesures peut aujourd’hui répondre aux mêmes visées, y compris au service  du système éducatif, à condition que les trois conditions suivantes soient respectées :

 

1.       La finalité des mesures de décentralisation doit être clairement affichée : les mesures prises doivent rendre l’école plus efficace dans la lutte contre l’échec scolaire qui continue de frapper les populations les plus démunies et de façon inégale selon les Régions. Par une capacité  davantage donnée aux acteurs locaux de prendre en compte la diversité des situations et l’hétérogénéité des publics scolaires, les mesures de décentralisation doivent ainsi aider à la démocratisation du système éducatif.

2.       Le principe des compétences partagées entre l’Etat, les collectivités territoriales et les unités de base (les établissements publics locaux d’enseignement) doit sans cesse être affirmé. La décentralisation remet effectivement en question  le partage des pouvoirs. Elle peut favoriser le développement de la démocratie de proximité, si les compétences soient explicitement partagées entre ces trois lieux de pouvoirs. C’est à cette condition que l’on évitera la crainte souvent exprimée qu’émergent des potentats locaux, représentants de l’administration ou élus locaux qui outrepasseraient leurs prérogatives. La réussite de la décentralisation passe donc par un Etat fort, soucieux de préserver l’unicité du service public et de mettre en œuvre les orientations nationales, par des collectivités locales et des établissements usant chacun à fond de leurs marges d’initiative.

3.       Or actuellement, les mesures prises ne font nullement apparaître ces enjeux. Au lieu d’expliquer d’abord pourquoi on décentralise, on commence par annoncer, en désordre, des mesures qui concernent la gestion de certains personnels dont on ne sait trop pourquoi ils sont les premiers ciblés. Personne ne peut adhérer  à un projet si lourd de conséquences pour la démocratie s’il ne sait pas où il va. L’adhésion nécessaire implique donc une clarification des intentions politiques qui président aux choix et un grand débat public sur les modalités de leurs mises en œuvre.

 

 

Mettre l’Ecole au centre du débat public

 

C’est à ce débat que nous appelons. Nous avons besoin que soient clarifiées les missions que la Nation confie à l’Ecole, que nos élus débattent sur les personnels qu’elle doit former et recruter et la manière dont ils doivent exercer leurs métiers. La décentralisation a sa place dans ce débat. Pour qu’il ne soit pas vain il importe que l’Etat fixe en même temps les modalités incontournables pour prévenir les dérives et restaurer la confiance.

Les reculs successifs des gouvernements depuis de nombreuses années pour ouvrir un débat devant le Parlement,  reporté régulièrement à des discussions en commissions, ou le dangereux simplisme d’un référendum imposent aujourd’hui que le débat soit préparé avec le plus grand soin. Il ne peut plus se limiter à la seule classe politique peu empressée d’y offrir le courage nécessaire  mais doit impliquer la société toute entière.

 Nous sommes prêts à y apporter notre contribution

 

Education & Devenir

 

Le 24 mai 2003

   
 
   

Créé par Jean-François Launay