Métier d'enseignant

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L’enseignement : une profession plurielle

 

INTRODUCTION  
 

Serpent de mer, la redéfinition du métier d’enseignant avait été très sérieusement envisagée il y a une dizaine d’années, sous le ministère de Claude Allègre. Entre le statut de 1950 et le replâtrage par de Robien il y bientôt deux ans, la circulaire de 1997 sur la mission de l’enseignant en lycée et collège avait esquissé d’une manière novatrice l’évolution de la profession. L’enseignant y apparaît au cœur d’un réseau. Ce texte, simple circulaire, n’a jamais eu l’impact qu’il méritait. Sa nature trop modeste n’a pas permis d’engager toutes les évolutions prescrites, du fait des fortes résistances corporatistes mais aussi de l’incapacité de l’institution à soutenir avec suffisamment de cohérence et de ténacité les orientations prises.

 

Le texte que propose Education et Devenir veut répondre aux attentes de tous ceux qui croient à la capacité d’adaptation du système aux réalités de la société actuelle. S’adapter n’est pas se soumettre, mais au contraire se mettre dans une posture qui favorise la maîtrise. Des pas décisifs doivent être franchis en matière d’appropriation collective de l’école par ses acteurs. La nécessité d’atteindre des objectifs précis sur la base de compétences identifiées, de développer des pratiques d’individualisation et de différenciation, de donner du sens aux enseignements par des dispositifs transversaux et les pratiques nouvelles qu’ils induisent, implique une rupture avec des fonctionnements individualistes confortés par le statut de 1950. Une école qui travaille en lien avec un grand nombre de partenaires, parents, chercheurs, associations citoyennes, artistiques, culturelles, sportives, en lien aussi avec les autres institutions… ne peut plus être le fait d’un assemblage d’individus isolés. Et pour permettre à ses acteurs de travailler autrement, l’école doit elle-même engager les évolutions structurelles et statutaires rendant possibles ces changements. Les enseignants de demain seront bien sûr des professionnels de la pratique pédagogique mais aussi les artisans d’un système complexe adapté à la diversité.

 

 

Yves ROLLIN Président d’Education et Devenir

   

Préambule

 
Chaque enseignant n’est désormais plus seulement celui d’une discipline, mais aussi le participant d’une action collective qui a pour but la réussite de tous les élèves.

Le métier d’enseignant a évolué avec la diversité des interventions exigées devant des groupes d’élèves très différents, selon le niveau d’enseignement et les objectifs de la formation, selon aussi les cultures et les origines sociales. Cette diversité entraîne une forte différenciation dans l’exercice de la profession en termes de charge de travail (temps consacré à la préparation, à l’évaluation, à l’aide aux apprentissages, etc.) et en termes de compétences effectivement mobilisées. La concertation entre les différents professionnels présents dans l’établissement (enseignants, équipe de direction, mais aussi quand l’établissement ou l’école bénéficie de leur intervention, travailleurs sociaux, infirmière, animateurs …) avec divers partenaires extérieurs et avec les familles est indispensable mais contraignante. Chaque enseignant n’est désormais plus seulement celui d’une discipline, mais aussi le participant d’une action collective qui a pour but la réussite de tous les élèves.

 

Le cloisonnement traditionnel des disciplines et des programmes fait que le temps consacré au travail pédagogique se décline dans un horaire annuel et hebdomadaire rigide qui doit être assoupli et diversifié. L’organisation de l’établissement et sa gouvernance devraient dépendre des missions internes identifiées, confiées à des responsables désignés, sous la responsabilité du chef d’établissement, en accord avec les projets élaborés collectivement. C’est pourquoi, au-delà de la réflexion sur la profession enseignante, c’est la question du fonctionnement pédagogique de l’établissement (temps scolaire, espaces dédiés aux différentes activités, moyens mobilisés) et celle l’articulation entre les différentes professions qui y sont représentées en vue d’assurer les missions de l’école qui doit être examinée. En outre, se posent de nouvelles questions : la mutualisation des ressources au niveau d’un bassin, l’entre aide entre enseignants de plusieurs écoles ou établissements dans la conduite de projets communs ou pour un partenariat plus fructueux avec des institutions hors Éducation nationale.

   

Le sens d’une évolution

Une rigidité accrue du système entraînerait  une inadéquation par rapport aux besoins très divers des populations d’élèves, et un éclatement préjudiciable à l’égalité des droits à l’éducation et à la solidarité, valeurs fondatrices de la démocratie. L’histoire récente montre que le changement ne peut se faire contre la volonté des professionnels.

La définition du travail des enseignants et les modalités d’exercice de la profession ont pris un retard considérable par rapport aux exigences actuelles du travail pédagogique et par rapport à l’organisation des études. On assiste, à un renforcement de « l’école moyenne » ou de « l’école fondamentale » - selon les dénominations en usage - (notamment par la définition d’un Socle commun des compétences et des connaissances) qui nécessite une plus grande unité de structure et une meilleure harmonisation du travail des professionnels intervenant dans le premier degré et le collège. Par ailleurs, l’articulation entre les structures administratives locales et les structures régionales ou nationales devrait aller dans le sens d’une plus grande autonomie des établissements : autonomie pédagogique [1]qui requiert un équilibre entre une autonomie nécessaire des enseignants pour ajuster au mieux les pratiques pédagogiques aux besoins des élèves et utiliser de façon optimale les ressources disponibles, et des tâches prescrites nécessaires au bon fonctionnement du système éducatif.

 

L’évolution prévisible de la profession enseignante devrait avoir pour buts :

• un meilleur ajustement de l’organisation du travail pédagogique et de la composition des groupes d’élèves aux besoins de l’enseignement,

• une meilleure prise en compte des caractéristiques culturelles, sociales et psychologiques des élèves dans la vie quotidienne des établissements,

• une meilleure coordination de l’ensemble des professions de l’éducation.

 

Ces évolutions devraient concerner la définition du champ professionnel (la profession et son environnement institutionnel, social et économique), en particulier :

- la définition des missions variées nécessaires à l’éducation et à l’enseignement, prises en compte dans l’horaire ordinaire normal des enseignants,

- la place de l’expertise disciplinaire dans les compétences attendues des enseignants - et donc l’articulation dans des familles disciplinaires des différents contenus d’enseignements dans les cursus,

-   l’organisation du travail pédagogique et du travail des élèves,

-  la marge d’autonomie des établissements dans cette organisation et leurs rapports avec les acteurs locaux, leur responsabilité quant aux résultats de l’activité pédagogique

-    la coordination différenciée selon les zones géographiques (urbaines ou rurales) et les caractéristiques économiques des établissements d’un même secteur en réseau de ressources au service de projets éducatifs harmonisés.

 

L’évolution ne nous semble pas devoir se faire par une réforme globale, imposée au terrain. Elle devrait plutôt laisser une part d’initiative aux écoles et aux établissements, faire l’objet d’une observation rigoureuse afin que soient évités deux écueils : une rigidité accrue du système ce qui entraînerait inévitablement une inadéquation par rapport aux besoins très divers des populations d’élèves, et un éclatement préjudiciable à l’égalité des droits à l’éducation et à la solidarité, valeurs fondatrices de la démocratie. En effet, l’histoire récente montre que le changement ne peut se faire contre la volonté des professionnels. Il faut donc qu’il s’accompagne d’un soutien et d’une reconnaissance des efforts accomplis par les personnels et que son bien fondé soit directement expérimenté dans le quotidien du travail. C’est pourquoi, les évolutions décrites ci-dessous, ne peuvent  se faire que par un engagement au niveau le plus proche du terrain, dans des expériences pilotées et évaluées en concertation à divers niveaux, local d’abord, régional et national ensuite.

 

Éducation et Devenir propose un maillage interne à l’établissement (de vraies missions reconnues pour les professeurs principaux, les coordonnateurs, les chefs de projets, les professeurs référents…), une démarche de progrès (diagnostic, actions, régulation…) selon une approche systémique, une adaptation des structures spatiales et temporelles (de vrais espaces de travail pour les enseignants, des emplois du temps évolutifs) et des structures pédagogiques (différenciation pédagogique), des établissement en prise avec leur environnement (partenariats, relations avec les familles et les acteurs locaux). L’association propose également un maillage des établissements entre eux dans une zone significative au regard des populations scolarisées (le bassin ne correspond pas toujours à une réalité sociale) avec un porteur de projet ayant une réelle responsabilité et des moyens pour coordonner une politique éducative,  notamment au niveau des écoles et des collèges.

 

 

1. L’organisation du travail pédagogique

 

L’organisation du travail pédagogique ne peut être repensée sans examiner en même temps l’organisation et le contenu du travail scolaire, les enseignants étant les prescripteurs du travail des élèves. Il est nécessaire de procéder à un inventaire précis des missions effectivement assurées actuellement par les enseignants à l’intérieur de l’établissement et de construire une image fiable de leur répartition en fonction des caractéristiques des personnels (statut, âge, genre, etc.).

 

• Le service effectif des enseignants doit inclure l’ensemble des activités à caractère éducatif et pédagogique, qu’elles se déroulent ou non en présence des élèves. Pour permettre une bonne gestion des services, nous demandons que les établissements disposent « d’heures postes » en lien avec les objectifs éducatifs définis dans le projet d’établissement. Les missions devraient faire l’objet d’une contractualisation sur une base annuelle au niveau de l’établissement. Corrélativement, le temps de travail des élèves devrait être annualisé afin d’introduire une plus grande souplesse dans le suivi des apprentissages, la gestion de l’orientation et l’aide aux apprentissages. Nous estimons, en conséquence, que la dichotomie enseignement/vie scolaire perd de sa pertinence et devrait être mise en débat.

 

• L’encadrement et la gestion des ressources. Actuellement, l’organisation administrative des écoles et des collèges est très différente. Si les collèges disposent de chefs d’établissement susceptibles de devenir la cheville ouvrière des transformations, dans le premier degré, les responsabilités organisationnelles et pédagogiques sont réparties au niveau de la circonscription et des écoles. Dans le cadre d’une évolution vers une « école fondamentale » mieux coordonnée, il semblerait souhaitable que les modes d’organisation se rapprochent. Cette question ne constitue pas un préalable à l’évolution de la profession enseignante mais en est une des composantes.

 

Le chef d’établissement ou l’IEN de circonscription (en accord avec les directeurs d’école) sont chargés de l’évaluation des besoins et du repérage de la gestion des ressources en termes de compétences pédagogiques ainsi que de la contractualisation des missions. Le chef d’établissement et le directeur d’école, en concertation avec l’équipe éducative, sont responsables du pilotage pédagogique :

- analyse des besoins éducatifs en fonction du niveau d’enseignement (« école moyenne », lycée), 

- organisation d’une offre éducative concertée dans une zone déterminée,

- organisation et gestion du travail pédagogique et éducatif.

 

Ils contribuent, avec le corps d’inspection, à l’évaluation des établissements[2] (prise en compte des résultats des élèves mais aussi qualité des relations avec les familles et les partenaires, bon usage des ressources, ...). La contractualisation des missions, en lien avec les besoins reconnus de l’établissement, tiendra compte des caractéristiques des personnels (par exemple : degré d’ancienneté, compétences spécifiques, contraintes de la mission). Elle prend sens dans le cadre d’un « pilotage partagé »[3] et d’une autonomie accrue des établissements dans l’organisation d’une réponse formative adaptée.

 

• Missions communes aux enseignants et compétences requises

L’évolution des missions des enseignants entraîne une réévaluation des compétences nécessaires pour les assurer.

 

S’il est bon d’affirmer l’unité de la profession, nous tenons à préciser que les conditions d’exercice et les priorités locales peuvent varier de façon considérable. Si bien qu’il faudrait considérer que l’enseignement constitue une famille professionnelle susceptible de variations en raison du niveau d’enseignement et des besoins locaux.

 

Le groupe d’experts « Nouvelles pratiques d’enseignement et d’éducation » a défini en 2002 quatre champs de compétences correspondant à quatre types de missions[4] qui nous semblent couvrir, pour l’essentiel, l’étendue des missions souhaitables actuellement :

·        un champ de compétences mobilisées par la « direction d’études »  des élèves qui comprend l’enseignement, l’orientation et le suivi éducatif,

·        un champ de compétences liées au pilotage de projets, de dispositifs d’enseignement et d’éducation

·        un champ de compétences mobilisées par la mise en oeuvre de projets et démarches  pluridisciplinaires.

·        un champ de compétences relatives à la conduite et à la maîtrise de sa pratique professionnelle

 

À ce noyau, il conviendrait d’ajouter  un champ de compétences spécifiques, mobilisées dès lors que la conduite de la politique éducative résulte d’un « pilotage partagé » : des compétences liées aux fonctionnements institutionnels (système éducatif, établissements, groupes de travail et équipes)[5]. Enfin, certaines compétences  sont nécessaires pour mener à bien toute forme de travail des équipes pluridisciplinaires et/ou pluricatégorielles. Une réflexion sur ce sujet doit être engagée  pour renforcer la continuité de structure entre l’école élémentaire et le collège. 

 

L’autonomie dans l’exercice de la profession ne doit pas être confondue avec la liberté pédagogique souvent revendiquée. Le travail enseignant comporte à la fois des tâches prescrites obligatoires, des activités pour lesquelles les ressources sont essentiellement personnelles et d’autres pour lesquelles les ressources sont forcément collectives. L’autonomie, expression directe de la compétence, doit donc être comprise comme la capacité à faire face à l’incertitude des situations éducatives, la reconnaissance des initiatives et de la responsabilité individuelles et la participation au contrôle des résultats du travail pédagogique.

 

• Le travail des équipes

Le travail des équipes (équipes de classes, de discipline, de projet, équipes pluri catégorielles) doit être reconnu et organisé de façon fonctionnelle :

                                    - par la valorisation et la reconnaissance des fonctions intermédiaires (coordinateurs des diverses équipes, professeurs principaux, professeurs référents) non pas en termes de hiérarchie mais en termes de responsabilité à l’égard de la communauté scolaire ;

                                     - par la définition des fonctions de coordination des équipes à l’aide de lettres de mission explicites et individualisées ;

                                     - par l’accord des équipes concernées ;

                                     - en dégageant des temps pour le travail collectif sous ses diverses formes (suivi des élèves, concertation sur des projets, conception d’outils pédagogiques, rencontres avec les familles ou des partenaires, etc.)

                                     – en organisant le temps scolaire de telle façon que le travail des équipes soit rendu possible, en prévoyant des espaces de travail spécifiques.

 

Une période d’observation nous semble nécessaire dans chaque établissement pour déterminer les conditions optimales du fonctionnement des équipes et leurs besoins. Le conseil pédagogique pourrait être le lieu du suivi et de la coordination du travail des équipes et devenir ainsi un outil efficace pour un meilleur ajustement de l’organisation du travail pédagogique.

 

• La définition de la politique éducative et l’organisation pédagogique

Le chef d’établissement assisté du conseil pédagogique, le directeur assisté du conseil d’école ont la responsabilité d’impulser, de coordonner, de concevoir et mettre en œuvre de nouvelles formes d’organisation pédagogique. Ils s’appuient sur les avis des diverses équipes, sur des indicateurs transparents et accessibles aux membres de la communauté scolaire pour conduire et évaluer les effets de cette organisation, partie essentielle de la politique éducative. Les modes d’organisation pédagogique peuvent varier d’un établissement à l’autre à condition de s’inscrire dans un cadre commun (par exemple un nombre d’heures annuel d’enseignement et des orientations en termes de résultats attendus). Les enseignants doivent pouvoir intégrer dans leurs services divers modes d’intervention, face à des groupes de taille différenciée, individualisation, co-animation … ainsi que les objectifs de transmission d’un contenu, la direction d’études, l’aide ou le conseil. Les interventions auprès des élèves doivent être compatibles avec les temps consacrés au travail d’équipe entre professionnels.

 

• Le travail scolaire

La considération de la charge de travail des élèves est un élément central dans la détermination de l’organisation pédagogique. Elle doit être compatible avec l’âge, le niveau d’enseignement et permettre aux enfants et aux adolescents de mener une vie sociale satisfaisante en dehors de l’école. La gestion du temps scolaire doit permettre d’articuler harmonieusement les interventions auprès des élèves des divers professionnels dans l’établissement, tenir compte des ressources éducatives locales, hors établissement et permettre d’offrir une bonne qualité de vie aux jeunes (restauration, transports scolaires) ainsi qu’aux personnels. Les élèves, en tant qu’ils sont concernés par l’organisation du travail scolaire peuvent être associés, en fonction de leur âge et de leurs centres d’intérêt, à l’organisation pédagogique. Leur implication dans la réflexion, le respect de leur avis, sans démagogie ni faux-semblant, est non seulement nécessaire à la réussite des innovations mais c’est aussi un des domaines les plus sensibles pour l’éducation à la citoyenneté. Ils sont, de ce point de vue, les premiers partenaires des enseignants.

 

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[1] L’autonomie pédagogique ne signifie pas « liberté ». Bien au contraire, elle suppose une bonne insertion de l’activité individuelle de chaque enseignent dans les projets collectifs, associée à une capacité d’initiative et à une flexibilité des pratiques pour obtenir une bonne efficience.

 

2 L’établissement scolaire : quelles incidences des nouveaux dispositifs sur le pilotage, l’organisation et le travail de tous les membres de la communauté scolaire ?, Groupe d’experts « Nouvelles pratiques d’enseignement et d’éducation », 20 juin 2002.

 

[5] En évitant l’émiettement d’une liste et en privilégiant la détermination du sens du travail pédagogique, le texte du groupe d’experts offre de meilleurs appuis pour le travail des établissements (et des écoles, bien qu’il soit d’abord destiné au second degré) que le référentiel de compétences de 2007, plus orienté vers l’évaluation de la formation. Il pourrait servir de base pour la réflexion interne dans les établissements et de référence pour les négociations dans le cadre d’un « pilotage partagé ».

   
Le recrutement des enseignants ne peut plus se faire sur la seule reconnaissance académique d’un savoir disciplinaire.

La distinction entre les titulaires d’un CAPES et les agrégés n’a plus de réel fondement.

2. La conduite de la carrière

 

• Le recrutement

Le recrutement des enseignants ne peut plus se faire sur la seule reconnaissance académique d’un savoir disciplinaire. Il est temps également de reconnaître dans la gestion des carrières, les autres compétences requises par les missions actuelles, notamment les compétences relationnelles, sociales et organisationnelles ainsi que les savoir-faire techniques (en lien avec les technologies de l’information par exemple).

 

La décision de devenir enseignant doit être préparée à l’Université dès la licence, dans le cadre de la professionnalisation des diplômes universitaires, par des stages à plusieurs niveaux d’enseignement et dans divers types d’établissements ou d’écoles. La distinction entre les titulaires d’un CAPES et les agrégés n’a plus de réel fondement et le niveau de recrutement (ainsi que les carrières qui y correspondent) doit être homogénéisé dans le sens d’une valorisation effective de la profession. Pendant les premières années après leur titularisation, les nouveaux nommés doivent bénéficier d’un accueil par les équipes constituées et, en cas de besoin, d’une aide adaptée, reconnue comme une mission normale. Le suivi de leur intégration et la détermination de la nature de l’aide fait partie du pilotage ordinaire de l’établissement.

 

• Des postes à profil

Les écoles et les établissements devraient pouvoir donner un avis, par l’intermédiaire du conseil d’école et du conseil pédagogique, sur la compatibilité des affectations des nouveaux personnels avec les projets de l’école ou d’établissement. Ce qui conduirait à énoncer des « profils » correspondant aux missions à assurer localement au-delà des missions communes à tout le système éducatif. La gestion des affectations devrait tenir compte de ces profils et des avis émis par les conseils parmi les autres critères administratifs (vœux, ancienneté,  etc.).

 

Le travail pédagogique s’inscrit dans une carrière qui peut comporter des passerelles vers d’autres fonctions exercées à titre temporaire ou définitif. Tout enseignant doit pouvoir bénéficier, selon des conditions à définir, de possibilités de congés longs pour formation, recherche ou conversion, afin qu’enseigner demeure un vrai choix tout au long de la carrière et que la pratique s’enrichisse d’expériences variées. Le chef d’établissement ou son adjoint, l’IEN de circonscription se verraient confier une véritable mission d’encadrement et de suivi de la carrière des professeurs pour une meilleure adéquation aux besoins des élèves de l’établissement ou de la circonscription. Ils pourraient contribuer ainsi à améliorer l’efficacité des DRH rectorales.

 

• Une mobilité positive et une aide adéquate.

Une mobilité est demandée aux chefs d’établissements (9 ans maximum dans un même poste). On pourrait imaginer une incitation à la mobilité chez les enseignants, afin de mieux diffuser les acquis de la culture professionnelle et de l’innovation, soit par mutation, soit temporairement, par voie de détachement ou d’affectation à d’autres tâches que l’enseignement en présence des élèves au sein de l’EPLE. 

 

Lorsqu’un enseignant se trouve en difficulté grave dans le cadre de l’exercice de sa profession, il appartient au chef d’établissement ou au directeur d’école de saisir l’équipe éducative d’une demande d’entre aide. Momentanément, l’enseignant peut se voir confier des missions différentes, plus compatibles avec les difficultés qu’il rencontre et en rapport avec ses aptitudes. Il est aussi souhaitable que les établissements confrontés à des publics difficiles puissent bénéficier d’une aide extérieure (groupes d’analyse des pratiques, Soutien au soutien[1], etc.)


 

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[1] Groupes SOS de Jacques Lévine par exemple.

   

La formation doit permettre de dépasser une représentation individualiste du travail pédagogique et de construire une culture réellement professionnelle.

3. La formation des enseignants 

 

• La formation initiale

La formation initiale des enseignants doit consacrer une plus large place à la préparation des missions autres que la transmission des connaissances. Dans ce but, la formation initiale doit mettre l’accent sur des connaissances relevant du champ des sciences de l’éducation. Il faut, notamment, que les jeunes enseignants disposent de repères adaptés pour analyser les situations éducatives et de points d’appuis pour donner du sens au travail pédagogique. Ces connaissances, puisées aux meilleures sources scientifiques, doivent toutefois correspondre à des questions professionnelles clairement identifiées. La formation doit leur permettre de dépasser une représentation individualiste du travail pédagogique et de construire une culture réellement professionnelle. La mutualisation des moyens au sein du bassin peut aussi contribuer à répondre efficacement aux besoins de formation des enseignants. Les crédits d’enseignements acquis lors de la formation universitaire (quelle qu’elle soit) doivent faire l’objet d’une reconnaissance par l’institution et faciliter l’accès à une formation ultérieure.

 

• La formation continue

La formation continue peut prendre plusieurs formes : stages, recherche en relation avec une action pédagogique ou éducative, récapitulation de l’expérience individuelle ou collective.

 

Les écoles et les établissements sont des lieux où se construisent des compétences. Dans chacun de ces lieux, des enseignants peuvent constituer des ressources pour la communauté. Le diagnostic de ces personnes ressources et leur désignation est de la responsabilité du directeur d’école en relation avec l’IEN, et du chef d’établissement en accord avec les corps d’inspection lorsque les ressources concernent les contenus disciplinaires et leur didactique.

 

Individuellement les enseignants doivent pouvoir bénéficier dans de bonnes conditions d’un congé formation sur un modèle analogue au CIF avec la possibilité de cumuler les droits afin de bénéficier d’une formation longue. Celle-ci peut se dérouler entre autres à l’Université soit pour conforter une formation disciplinaire, soit pour conforter d’autres compétences professionnelles. L’accès à un niveau d’initiation à la recherche (M1, M2) est à privilégier dans la mesure où il permettrait une bonne actualisation des connaissances scientifiques d’une part et, d’autre part, permettrait aux établissements de constituer des ressources pour la conduite de recherches sur les pratiques d’enseignement et d’éducation. La formation individuelle peut aussi répondre à une commande de l’établissement désireux de renforcer les ressources dans un domaine particulier. Des séjours à l’étranger, notamment dans l’Union européenne doivent être facilités afin d’inscrire l’activité des enseignants dans un horizon plus vaste d’échanges au sein de l’Europe.

 

Collectivement, la formation devrait se concevoir de façon pluriannuelle pour accompagner les projets des établissements, faciliter la construction d’une mémoire collective, réfléchir aux expériences menées, compléter la maîtrise des connaissances utiles pour la pratique. La formation continue doit privilégier la dimension interactive (échange et la coopération) et réflexive (reprise, analyse et mise en forme de l’expérience).

 

 

Les établissements devraient se voir reconnaître une réelle autonomie pédagogique et organisationnelle. Disposant d’une marge d’initiative plus grande, les compétences des chefs d'établissement seraient donc accrues notamment dans le domaine pédagogique, dans celui de la gestion des ressources humaines.

3. L’accompagnement des évolutions

 

Il faut rappeler que l’école n’a pas vocation à résoudre tous les problèmes sociaux de la jeunesse. Il faut donc distinguer clairement ses missions de celles d’autres institutions et, éventuellement, lui donner les moyens d’une meilleure articulation de son intervention avec les autres secteurs de l’action publique en faveur de l’éducation. Il faut également prendre acte des évolutions des mentalités et des comportements sociaux. Un professeur ne peut plus fonder son autorité pédagogique sur la seule transmission d’un savoir. Il doit en outre être capable d’assister les élèves dans la construction d’une signification des apprentissages visés par l’école, l’élaboration progressive d’un projet de vie et la maîtrise de leur parcours de formation. Ce travail ne peut se faire qu’à travers des échanges de qualité et continus avec les autres secteurs de la société (entreprises, associations, institutions diverses). Ce qui suppose un engagement de l’ensemble des citoyens pour l’éducation de la jeunesse.

 

• La récapitulation des savoirs professionnels et la diffusion des ressources

Les innovations, les pratiques les plus pertinentes doivent faire l’objet d’une récapitulation et d’une diffusion. La condition pour que ces récapitulations et ces diffusions aient un impact positif réside dans le soin apporté à leur élaboration (passer du récit et de la description à la problématisation, identification des savoirs professionnels). Le travail d’accompagnement est l’une des missions de l’INRP qu’il faudrait probablement renforcer par un recentrage de son activité sur les questions posées par les terrains d’exercice de la profession. Les CRDP ont vocation à assurer la diffusion des expériences et des ressources. Il s’agit là d’une mission de service public qui ne saurait être totalement régulée par les règles du marché de l’édition. Les départements de sciences de l’éducation des Universités peuvent également contribuer, à travers des contractualisations, à la recherche réflexive des établissements et des équipes sur leurs pratiques et à l’accompagnement des expérimentations.

 

• Les implications sur la profession des chefs d’établissements et du corps d’inspection

Les établissements devraient se voir reconnaître une réelle autonomie pédagogique et organisationnelle. Une harmonisation des textes et circulaires dans le sens de la reconnaissance de cette autonomie, constituerait, pour les professionnels quelle que soit leur catégorie, une véritable avancée. De même, une évolution du contrôle du fonctionnement du système et de l’évaluation des personnels, devrait entraîner une redéfinition des missions des corps d’inspection et, notamment, une meilleure articulation de leur travail avec celui des chefs d’établissement.

 

Il serait nécessaire de renforcer, en même temps que les initiatives locales sont reconnues et valorisées, les instances de régulation intermédiaires (rectorat, IA, bassins). De même, la responsabilité des chefs d’établissement serait engagée et ils devraient rendre des comptes devant des instances collégiales administratives et pédagogiques (rectorat, IA, IEN, IA-IPR). Disposant d’une marge d’initiative plus grande, leurs compétences seraient donc accrues notamment dans le domaine pédagogique, dans celui de la gestion des ressources humaines. Cette professionnalisation devrait entraîner une valorisation de la fonction en tant que « managers » prenant appui sur une équipe de collaborateurs. Le recrutement et la formation devraient être conçus en fonction de ce haut niveau de responsabilité.

 

• Les partenariats

Dans le cadre de la décentralisation et du partage des compétences, il semble nécessaire de lancer un plan de travail dans les champs culturels, sportifs et pour l’encadrement scolaire après la classe, entre les collectivités territoriales, les associations et l'Éducation nationale afin de mieux coordonner et développer les politiques éducatives locales. Des enseignants, quels que soient le type d’établissement ou leur discipline d’enseignement, pourraient se voir confier une mission pour développer les partenariats avec les entreprises locales pour, entre autres finalités, permettre à la communauté scolaire d’avoir une meilleure information sur l’économie locale et faciliter l’introduction des élèves à une meilleure connaissance du monde du travail. La participation à ces partenariats et l’information de la communauté scolaire sur l’avancée des travaux dans ce domaine font partie des missions des enseignants.

 

• Les locaux

Il n’est pas possible de penser une nouvelle organisation pédagogique des établissements, sans en même temps, repenser l’espace scolaire. C’est pourquoi, il conviendrait de lancer avec les régions un plan sur cinq ans de restructuration des locaux.

 

Les espaces scolaires doivent permettre aux différents professionnels, enseignants ou non, de trouver de bonnes conditions pour leur travail individuel et pour les activités des équipes. Cela entraîne une nouvelle conception des locaux qui doivent non seulement comprendre des salles diversifiées (par la taille, les finalités, les ressources médias, le mobilier) pour l’enseignement et le travail des élèves mais aussi des bureaux, des salles de réunion, des ressources documentaires et informatiques pour les personnels. Les centres de documentation et les BCD sont des lieux où tous les membres de la communauté scolaire doivent pouvoir trouver des ressources et, éventuellement, une assistance pour des recherches et des productions. La diversification des tâches des documentalistes suppose la création et/ou le renforcement des postes de cette catégorie de personnel.

 

L’apprentissage de la vie en société passe par l’acquisition de comportements respectueux à l’égard d’autrui mais aussi à l’égard de l’environnement. L’éducation dans ce domaine n’est pas du seul domaine de l’équipe éducative. Les élèves doivent apprendre à respecter le travail des personnels IATOS et, en fonction de leur âge, ils peuvent se voir attribuer des responsabilités à l’égard du cadre scolaire.

   
Voir aussi la page débat presse
Le pré-rapport Pochard téléchargeable : http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/pre-rapport-pochard.pdf