Débat sur la laicité

Nouveau site : http://www.educationetdevenir.fr/       

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Ce dossier de presse essaye de refléter - partiellement sans doute, avec des choix qu'on peut juger arbitraires - le débat sur la laïcité (il est complété par un dossier de presse sur le voile islamique)

L'ordre, chronologique au début, a été inversé. Les articles cités ne donnent bien sûr pas la position d'E&D.

Laïcité valeur de l’école républicaine : un dossier du Scéren-CNDP

Le rapport de Jean-Pierre Obin de Juin 2004 sur "Les signes et manifestations d'appartenance religieuse dans les établissements scolaires" est enfin téléchargeable avec les autres rapports de l'IGEN (après avoir été "hébergé" par le site Laïcité de la Ligue de l'Enseignement)

 

Partant de l'expérience "ZEP" de Sciences Po, vous trouverez un ensemble d'extraits d'articles sur la discrimination positive dans la page consacrée au Colloque 2004

La laïcité : des débats, une histoire, un avenir (1789 - 2005) : une journée débats au Sénat

Lancement d'un site sur la laïcité

 

La Ligue de l'Enseignement et des associations d'éducation populaire ont présenté jeudi à Paris devant la presse leur nouveau site internet, intitulé "la laïcité à l'usage des éducateurs".

Ce site s'adresse aux "éducateurs" au sens large, c'est-à-dire aux parents, aux personnels de l'Education nationale, aux formateurs animateurs ou travailleurs sociaux.

Son objet est d'avoir "réponse à tout" ce qui concerne la laïcité et aussi les religions? puisque le but est de favoriser le "vivre ensemble", expliquent les promoteurs du site.

En effet, il donne des réponses précises sur la pratique religeuse, la nourriture, le calendrier des fêtes religieuses et aussi des explications et des arguments pour "promouvoir la laïcité".

Le site, crée par la Ligue de l'Enseignement, les Francas et les Céméa (centre d'entraînement aux méthodes d'éducation active) est ouvert depuis jeudi (http://www.laicite-laligue.org). (AFP 05/04/07).

NB E&D fait partie du comité de parrainage de ce site

 

 

«Sauvegardons la laïcité de la République»

www.appel-laique.org

«Les organisations et personnalités signataires rappellent solennellement que, selon l’article Ier de la Constitution, "la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale". Ces quatre termes indissociables définissent des principes qui s’imposent à tous, au premier rang desquels le président de la République. Or les déclarations récentes de Monsieur Sarkozy, mêlant ses convictions personnelles et sa fonction présidentielle, portent atteinte à la laïcité de la République. La mise en cause de ce principe constitutionnel indispensable à la paix civile est inacceptable. Depuis 1905, grâce à la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, la République assure à chaque citoyen la liberté de conscience, garantit sa liberté de croire ou de ne pas croire et de pratiquer le culte de son choix, de n’en pratiquer aucun ou de pouvoir en changer. Elle permet ainsi de vivre ensemble, dans le respect de chacun, quels que soient ses origines, ses choix philosophiques ou ses convictions religieuses. Dans notre République et notre société multiculturelle, la diversité doit être richesse et non source de conflit. Pour cela, la laïcité, assurant l’égalité en droit des citoyens dans le respect des lois de la République, permet à la fois l’expression du pluralisme des convictions et la recherche de valeurs communes pour construire une communauté de destin. Dans un monde aujourd’hui global et de plus en plus complexe, où se multiplient les voies d’accès à l’information et aux connaissances, et où explose la médiatisation des événements et de la pluralité des représentations du monde, seule la laïcité permet l’émancipation de tous en favorisant le libre accès au savoir et à la culture et le discernement de chacun pour un libre choix de vie, par une démarche rationnelle et critique faisant toute leur place au doute, à l’imagination et à la créativité. C’est pourquoi, les organisations et personnalités signataires s’opposeront à toute tentative qui mettrait, de fait, en cause la laïcité par une modification du contenu de la loi de 1905. A l’heure où nos concitoyens éprouvent des difficultés et des inquiétudes croissantes, elles les appellent à promouvoir la laïcité comme une exigence partagée avec la ferme volonté de bâtir ensemble une société où la justice sociale assurera, quotidiennement, pour toutes et pour tous, la liberté, l’égalité et la fraternité.»

www.appel-laique.org

 

 

Laïcité : l’école et les enfants d’abord !

Licra, Grand Orient de France, Ni putes ni soumises, SOS Racisme, Comité Laïcité République, Coordination française pour le lobby européen des femmes (Clef), Commission contre les extrémismes religieux, Migrations et cultures de Turquie (Elele), Histoires de mémoire, Laïcité Ecologie Association, Mouvement pour l’abolition de la prostitution, de la pornographie et de toutes formes de violences sexuelles et discriminations sexistes (Mapp), Regards de femmes, Syndicat de l’inspection de l’éducation nationale (SIEN-Unsa éducation), Syndicat national des personnels de direction (SNPDEN-Unsa éducation), Union des familles laïques (Ufal)

Libé 10/12/07

Extraits

En mai dernier, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) a donné raison à des mères d’élèves qui s’étaient vu refuser la possibilité d’accompagner des activités pédagogiques parce qu’elles arboraient un voile islamique. Quand des parents ou d’autres personnes sont autorisés, par les directions d’école, à participer à l’encadrement d’activités d’éducation avec des élèves en situation d’apprentissage, ils deviennent de facto des auxiliaires éducatifs au côté des enseignants qu’ils accompagnent.

Depuis plus d’un siècle, la République et son école exigent des enseignants et des personnels éducatifs un devoir de réserve et une stricte neutralité, de façon à protéger les enfants de toute propagande et préserver une liberté de conscience naissante.

la circulaire d’application de la loi de mars 2004 sur les signes religieux dans l’espace scolaire, publiée au Bulletin officiel de l’éducation nationale (2004-084), est claire : elle exclut explicitement toute manifestation d’appartenance religieuse par «les agents contribuant au service public de l’éducation, quels que soient leur fonction et leur statut».

Une brèche a été ouverte dans laquelle, demain, d’autres formes d’obscurantisme pourront s’engouffrer. Rappelons que la Halde, instance mise en place pour informer les personnes s’estimant discriminées sur le territoire de la République, émet des recommandations et les rend publiques. Mais elle n’a ni autorité sur les citoyens ni agrément pour se substituer au pouvoir juridictionnel.

Nous demandons au ministre de l’Education nationale comme à l’ensemble des parlementaires, notamment ceux qui ont voté la loi du 15 mars 2004, loi d’apaisement et de concorde, de veiller au strict respect des principes de laïcité et de neutralité pour toute personne participant à l’encadrement d’activités scolaires dans le service public. Libé 10/12/07

L'Avis de la HALDE du 14 mai 2007

L’école n’a pas le droit de faire silence sur le fait religieux

Jean-Christophe Attias et Esther Benbassa

Libé 03/11/07

Extraits

Notre quotidien, notre culture sont saturés de références religieuses. L’architecture, et pas seulement celle des églises, la musique, la peinture, la littérature, les comportements... Impossible de faire l’impasse sur un phénomène aussi ancien et aussi massif. Il faut bien que nous allions chercher les clés de compréhension de notre histoire et de notre monde là où elles sont. Certaines sont religieuses, que nous le voulions ou pas, que nous y croyions ou non.

Le fait religieux n’a pas à devenir une discipline scolaire à part. Au contraire, toutes les disciplines déjà existantes peuvent être sollicitées : lettres, langues, histoire et géographie, philosophie, musique, arts plastiques… Faute de culture religieuse, une bonne part de l’histoire de l’art occidental, pour ne parler que de lui, devient opaque.

En France, la longue lutte des laïcs, la bataille pour la séparation entre l’Eglise et l’Etat, la tradition anticléricale ont finalement abouti à faire de la culture religieuse la chasse gardée des familles et des Eglises.

Le rapport Obin s’étonnait que des enseignants répondent aux questions d’ordre religieux que posaient les élèves. Mais si les jeunes n’ont de réponse ni à la maison, ni à l’école, il ne faut pas s’étonner qu’ils deviennent la proie de mouvements prosélytes plus ou moins bien inspirés. L’école n’a pas le droit de faire silence sur le fait religieux.

Un enseignant n’est pas un prêtre, un rabbin, un imam. Dans ce rôle-là, il est forcément illégitime. Mais s’il est compétent, s’il est capable de mettre en évidence la richesse et la diversité culturelle des traditions religieuses qu’il évoque, peut-être pourra-t-il se faire entendre. Faire savoir et, du même coup, rendre possible un vivre-ensemble. Libé 03/11/07

Un Observatoire de la laïcité sera installé dans les prochains jours
« La Croix » s’est procuré le projet de décret instituant l’Observatoire de la laïcité, voulu par Jacques Chirac

La Croix 22/03/07

Extraits

Grand défenseur de la laïcité, Jacques Chirac – qui a axé les principales déclarations de ses derniers mois à l’Élysée sur la défense des valeurs républicaines et de l’identité française – tenait absolument à installer cet observatoire avant la fin de la législature. Le chef de l’État avait promis sa création dès 2003, dans la foulée de la commission Stasi sur la laïcité.

« La société française est traversée de tensions, s’était-il inquiété. La montée de l’individualisme, les antagonismes, le risque de communautarisme. »  Si « ces tensions ne sont pas le signe d’un affaiblissement de nos valeurs, poursuivait-il, elles appellent en revanche une réaffirmation forte ». Tout en se félicitant de ce que la loi de 2004 avait « permis de pacifier les tensions qui traversent l’école », le chef de l’État avait appelé à la « vigilance » pour les hôpitaux, les services publics ou les équipements sportifs.

Contrairement à ce que souhaitait d’abord l’Élysée, l’observatoire, qui sera placé auprès du premier ministre, n’aura pas de pouvoir d’initiative ni de décision, mais plutôt un rôle d’information et de conseil. « Il réunit les données, produit et fait produire les analyses, études et recherches permettant d’éclairer les pouvoirs publics sur la laïcité ». L’observatoire peut « saisir le premier ministre de toute demande tendant à la réalisation d’études ou de recherches dans le domaine de la laïcité ». Il peut également « proposer au premier ministre toute mesure qui lui paraît permettre une meilleure mise en œuvre de ce principe, notamment pour assurer l’information des agents publics et des usagers des services publics ». Il pourra en outre « être consulté par le premier ministre ou les ministres sur des projets de textes législatifs ou réglementaires ».

Les représentants des ministres concernés (intérieur, affaires étrangères, éducation nationale, enseignement supérieur, justice, santé, fonction publique, outre-mer) sont tombés d’accord pour circonscrire les missions et le champ d’intervention de l’observatoire aux seuls services publics (hôpital, prison, etc.). L’Observatoire de la laïcité, qui devra remettre un rapport annuel au premier ministre, sera composé de 22 membres, dont sept hauts fonctionnaires, deux députés et deux sénateurs, et « dix personnalités désignées en raison de leurs compétences et de leur expérience » pour une durée de quatre ans. La Croix 22/03/07

Haut Conseil à l’Intégration PROJET DE CHARTE DE LA LAÏCITE DANS LES SERVICES PUBLICS

« La laïcité a été renforcée »

Hanifa Cherifi : ancienne médiatrice de l'Éducation nationale, auteure, avec Roger Fauroux, de Nous sommes tous des immigrés (Laffont).

Ouest-France 02/02/07

Extraits

Ces cinq dernières années ont été des années constructives pour l'islam et la République. Elles ont permis de définir le cadre d'un vivre ensemble qui n'existait pas. A partir de 2002, un certain nombre d'éléments se mettent en place qui marquent un tournant dans le rapport entre islam et République : commission Stasi sur la laïcité; mise en place du Conseil français du culte musulman (CFCM); adoption de la loi sur les signes religieux à l'école; commémoration de la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État... Tout cela a convergé pour donner corps à l'idée du « vivre ensemble », à la communauté de destin à la française, où la laïcité tient lieu de bien commun.

Un sondage paru dans La Vie, en septembre dernier, indiquait que 70 % des musulmans interrogés adhèrent à la laïcité.

La solution législative s'est révélée la plus adéquate. D'une part, cette loi sur les signes religieux à l'école a permis de rétablir la laïcité comme une règle commune à l'intérieur de l'enceinte scolaire. D'autre part, elle a disqualifié les organisations musulmanes favorables au voilement des femmes.

La société française qui s'était habituée à une sorte de laïcité mécanique a redécouvert qu'elle participe de la dynamique sociale et du processus d'intégration des vagues d'immigration. La laïcité à la française s'est trouvé plutôt renforcée ces dernières années. Ouest-France 02/02/07

Laïcité : une charte pour fixer les grands principes

Le Figaro 30/01/07

Extraits

Faut-il servir du porc dans les cantines scolaires, ou le remplacer par de la viande hallal ? Le Haut Conseil à l'intégration (HCI) a remis hier une charte au premier ministre. « Nous avons trop longtemps laissé les fonctionnaires se débrouiller de ces situations complexes », raconte le préfet Michel Sappin.

Les exemples de conflits, qui se sont multipliés, montrent que la loi sur le voile à l'école ne suffisait pas à régler tous les problèmes de laïcité.

Les onze articles du texte qui devraient être affichés dans les couloirs des grandes administrations, des hôpitaux et des écoles fixent assez clairement les principes. D'un côté, il « impose à tout agent public (...) un devoir strict de neutralité », de l'autre il reconnaît aux usagers « le droit d'exprimer leurs convictions religieuses dans les limites du respect de la neutralité du service public ».

« Les représentants de la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité), qui, par nature, se battent pour le respect des minorités, ont milité pour que le texte soit plus consensuel »

« Il est difficile d'édicter des règles pour dire si une mère de famille voilée peut accompagner des enfants lors d'une sortie scolaire », confie Richard Senghor, conseiller d'État. Le Figaro 30/01/07

Un projet de charte de la laïcité présenté à Dominique de Villepin Le Monde 30/01/07

Défendre la laïcité Le Monde 30/01/07

Police de proximité, économie solidaire, régies de quartier et laïcité...

Qu'elle serait verte ma cité !

Alain Lipietz député européen, Ile-de-France, Noël Mamère député-maire de Bègles et Djamila Sonzogni conseillère régionale d'Alsace, conseillère municipale de Mulhouse.

Libé 08/11/06

Extraits

L'application à nos banlieues des lois coloniales de «l'état d'urgence», les rafles médiatisées comme un débarquement US en Somalie, n'ont strictement rien changé au quotidien de nos concitoyens vivant dans les cités à problèmes.

La sécurité et la police sont aussi des exigences de l'écologie urbaine. Mais pas la police qui frappe, humilie, et s'enfuit. Une police de proximité, liée aux habitants, perçue, comme tous les services publics (transports en commun, agents de l'EDF, pompiers, médecins), comme au service de la communauté et protégée par elle tout autant qu'elle la protège.

Les mécanismes systémiques de la discrimination, il faut les analyser, les rendre visibles, les combattre : demandes de logements anonymes, fin des emplois réservés et des discriminations légales, abolition de la double peine...

Ce qui pose aussi la question d'une «laïcité» ouverte et moderne. La laïcité (du mot grec qui veut dire «peuple») doit enfin cesser d'être un outil à concasser le peuple dans un moule unique (des chrétiens blancs déchristianisés), pour redevenir telle que la rêvait Jaurès : un engagement de la République au service de tout le peuple, indépendamment de ses religions (ou absence de...). La commission Stasi avait proposé d'ajouter quelques fêtes musulmanes et juives à nos fêtes catholiques nationales. Il n'en est resté que l'exclusion des filles portant le foulard de nos collèges, et même de leurs mères de la porte de nos écoles !

La laïcité, c'est d'abord la liberté religieuse. Cela passe aussi par la protection des individus, en particulier des jeunes filles, contre les pressions, les discriminations internes à chaque religion. Mais n'inversons pas l'ampleur des problèmes : musulmanes et musulmans souffrent d'abord du mépris et des discriminations de la part des «autres». Et la République n'a pas lieu de pavoiser : les femmes ont obtenu, contre l'Eglise catholique, le droit de vote en 1944, la contraception en 1967, l'avortement en 1975 ! L'émancipation des musulmanes, comme celle des catholiques, sera l'oeuvre des femmes elles-mêmes. Réconcilier notre société déchirée, c'est une question de moyens. Mais d'abord une question de respect.

Libé 08/11/06

Rappel de l'esprit de la loi de 1905 à l'usage des pétitionnaires.

Vraie et fausse laïcité

Jean-François LAUNAY ex-principal de collège

Libé 16/05/06

Extraits

Le vicomte le Jolis de Villiers de Saintignon, qui voit des islamistes partout, aura eu le mérite d'obliger certains défenseurs de la laïcité à clarifier un peu leurs positions, dans une pétition «Contre un nouvel obscurantisme» (Libération du 28 avril).

Cette loi de 1905, dont les signataires se prétendent les plus farouches défenseurs, on se demande parfois si certains l'ont lue. Ou au moins en ont saisi l'esprit.

«Si minutieusement rédigée soit une loi aussi considérable, dont tous les effets doivent être prévus par des dispositions de droit civil, pénal et administratif, elle contient inévitablement des lacunes et soulève de nombreuses difficultés d'interprétation. Le juge saura, grâce à l'article placé en vedette de la réforme, dans quel esprit tous les autres ont été conçus et adoptés. Toutes les fois que l'intérêt de l'ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou le doute sur leur exacte application, c'est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur.

Il n'y a plus d'autres limites au libre exercice des cultes que celles qui sont expressément édictées dans l'intérêt de l'ordre public par le projet de loi lui-même. » (Aristide Briand)

La clarification est donc à poursuivre : cette laïcité, sous la bannière de laquelle on nous invite à nous unir, est-ce bien celle qui a présidé à l'élaboration de la loi de 1905 ? Et l'adjectif «républicain» renvoie-t-il aux grands acquis de la République dont la liberté d'expression? Ou se réfère-t-il à une conception étriquée qui pollue le débat sur l'école en opposant bizarrement les «républicains» aux «pédagogues» ? Libé 16/05/06

Hommage lyonnais à Samir Kassir

 

Blog France 2 12/05/06

À moins d’un mois du tragique anniversaire de la disparition de Samir Kassir, une journée de débats et de conférences a été organisée mercredi à Lyon pour lui rendre hommage.

C’est à l’initiative de l’Institut universitaire de formation de maîtres (IUFM) de l’Académie de Lyon, en partenariat avec les Universités Lyon 2 et 3, et l’École normale supérieure de la ville que cet hommage a pu avoir lieu, dans le cadre du cycle interuniversitaire lyonnais « Laïcité et faits religieux »

Une conférence sur l’apport, l’œuvre et l’action du disparu a été organisée à cette occasion. C’est dans ce contexte que s’est exprimé Michel Hajji Georgiou, l’excellent journaliste du quotidien francophone L’Orient le Jour et ancien élève de Samir Kassir, aux côtés de Ziad Maged. Blog France 2 12/05/06

Un site pour Samir Kassir

La Libre pensée assassiné au Liban

Samir Kassir assassiné

Assassinat de Samir Kassir : " Tout le monde doit jouer le jeu, à Paris et au Liban" Reporters sans frontières

Sectes : un rapport s'inquiète pour les enfants, la santé et l'humanitaire

AFP 26/04/06

Extraits

Les enfants sont souvent une "cible", selon le rapport*, parfois avant leur naissance (Fraternité blanche universelle, Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix). Chez les dévots de Krishna, ils ont un emploi du temps harassant (lever à 3H30, coucher à 20H30 pour les 10-15 ans).

Ils peuvent être retirés de l'école (enfants "indigo" ou "cristal" de Kryeon), scolarisés à part (Tabitha's Place, Frères de Plymouth issus du darbysme protestant). La cellule de prévention de l'Education nationale évalue à 10.000 les enfants instruits à domicile ou dans des établissements hors contrat. Les contrôles ont contribué au recul du nombre d'enfants instruits à domicile (1.000 en 2004 contre 6.000 en 1998).

Mais l'enseignement par correspondance est libre et concurrentiel --sans aucune garantie ni agrément hormis le CNED-- comme le soutien scolaire, créneau qui "semble être une des nouvelles pistes de la scientologie". AFP 26/04/06

*Rapport 2005 de la Miviludes

Les risques sectaires, toujours d’actualité L'humanité 27/04/06

Le Grand Orient de France auditionne pour défendre la laïcité

 

Le Monde 07/04/06

Extraits

La commission créée par le Grand Orient comprenait 18 membres, principalement des hauts responsables maçonniques et d'anciens grands maîtres, comme Patrick Kessel ou Jacques Lafouge. Parmi les autres obédiences maçonniques, seule la Grande Loge mixte universelle était représentée par son grand maître, Michel Miaille. La commission ne comprenait que deux femmes : Caroline Fourest, journaliste à Charlie Hebdo, et Nadia Amiri, conseillère technique au cabinet d'Azouz Begag.

Un "toilettage" de la législation serait "un grand risque" a déclaré François Bayrou pour l'UDF. Le socialiste Laurent Fabius a estimé qu'il y avait chez Nicolas Sarkozy "une tentative de confier à des religions des prérogatives de service public, comme l'enseignement, en échange de soutien électoral".

[Pour] Jean Glavany pas question bien sûr de toiletter la loi de 1905. "Ce serait ouvrir une boîte de Pandore extrêmement dangereuse."

Mais le secrétaire national du PS chargé de la laïcité ne voit pas d'inconvénient à ce que des maires financent des locaux annexes à des salles de prière musulmanes, dans le cadre actuel de la loi : "Ce n'est pas détourner la législation que de financer des lieux profanes adjacents à la mosquée, tels qu'un hammam ou une bibliothèque, comme cela s'est fait en 1928 pour la Mosquée de Paris."

"Ne comptez pas sur le PS pour demander l'abrogation du concordat en Alsace-Moselle, a insisté M. Glavany. C'est irréalisable." Le Monde 07/04/06

Discrète et convenue, la célébration de la loi de 1905 a manqué d'esprit d'innovation.

La laïcité revisitée

Jean Baubérot directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études (Ephe)

Libé 03/02/05

Extraits

Aucun politique n'a prononcé de parole forte sur la laïcité et son devenir, aucun n'a fait de proposition novatrice. A droite comme à gauche, on a répété, selon les règles de la méthode Coué, que la loi de mars 2004 fonctionne bien, qu'il ne faut pas modifier la loi de 1905 et qu'en conséquence tout va très bien, madame la marquise...

Au pays de Descartes, il est paradoxal de magnifier la loi de 1905, d'indiquer qu'elle est une «colonne du temple» républicain... et de ne pas vouloir l'appliquer en Alsace-Moselle et en Guyane. Comment justifier cela tout en stigmatisant de façon ritualisée le «communautarisme» qui serait la demande d'une partie de la population de disposer de lois spécifiques ?

Une laïcité même pas capable de mettre les pendules à l'heure est encore moins apte à faire preuve de la créativité nécessaire pour faire face [aux] mutations. On fait toujours comme si le problème était (éternellement !) l'intégration, alors qu'il est devenu beaucoup plus d'inventer un avenir commun et nouveau.

La loi de 1905, canonisée par ceux qui ne veulent pas vraiment l'appliquer, a été aussi couverte de fleurs par ceux qui se situent, en fait, dans la filiation de ceux qui l'ont jugé, à l'époque, «décevante», pas assez laïque. D'abord, il s'agissait de socialistes, tels Allard et Vailland, qui estimaient que la religion était nuisible et que la séparation devait diminuer sa nuisance sociale, voire à terme l'éradiquer. Il faut rappeler la réponse que fit Aristide Briand : vous cherchez, en fait, «une loi de suppression des Eglises par l'Etat».

L'autre catégorie de déçus, formée de radicaux comme Buisson ou Clemenceau, se situait dans l'optique de l'universalisme républicain, et se montrait hostile à l'article 4 de la loi qui demandait aux associations cultuelles de se «conformer aux règles générales du culte dont elles se proposent d'assurer l'exercice».

Contre ceux pour qui la liberté collective n'est qu'une conséquence de la liberté individuelle, Jaurès et Briand ont fait triompher une conception où la liberté collective est une dimension de la liberté individuelle. Libé 03/02/05

2005, la laïcité à la française en question

 

 Le Monde 28/12/05

Extraits

Le magazine allemand Der Spiegel, dans sa revue de fin d'année, de dresser un tableau apocalyptique : "Les dogmes de la laïcité et de la politique d'intégration ont été poussés jusqu'à l'absurde (...). Ainsi depuis plus de trente ans se rassemble dans les tristes cités-dortoirs des métropoles françaises une population étrangère ou dépossédée de son identité, marginalisée, défavorisée, victime de discrimination et sans aucune chance de formation."

La laïcité à la française est certes très spécifique mais nous aurions tort de penser qu'elle est la seule manière de pratiquer la séparation de l'Eglise et de l'Etat.

Sous des formes différentes, celle-ci existe dans la plupart des pays européens et également aux Etats-Unis, même si elle a plus pour fonction de protéger les religions contre l'Etat que, à l'instar de la loi de 1905 en France, l'Etat contre les religions. Dans les pays où existe une religion d'Etat, comme en Grande-Bretagne, le principe de tolérance garantit la liberté de pensée et la liberté de religion, y compris la liberté de ne pas en avoir.

Le concept de "citoyens libres et égaux", qui ne connaît de différences ni de religion, ni de race, ni de classe, n'est plus opérationnel dans une société multiculturelle. Toutefois le communautarisme qu'on oppose souvent à l'idée de la République française une et indivisible, a également échoué à assurer l'intégration, voire la simple cohabitation paisible.

Personne ne possède la recette miracle de l'intégration, et il est temps, au moins pour les Européens qui affrontent des problèmes comparables, de chercher ensemble des solutions. Le Monde 28/12/05

Combat laïque à l'école: de la lutte contre le privé à la tolérance résignée

 

AFP 05/12/05

Extraits
Alors qu'on célèbre le centenaire de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat et l'officialisation de la laïcité en France, le combat mené tout au long du siècle par le camp laïque contre l'école privée semble oublié et transformé désormais en tolérance résignée.
Ce combat remonte bien au delà de 1905 et même au delà des lois Jules Ferry des années 1882 à 1889 instaurant l'école publique, laïque et obligatoire. Dès l'époque des Lumières, dès Condorcet, avant même la révolution de 1789, des voix se sont élevées contre l'enseignement dévolu aux religieux.
En 1959, la loi Debré est combattue en vain par les syndicats enseignants du public et par un Comité national d'action laïque (Cnal) créé à cette époque et regroupant la Ligue de l'Enseignement, la FEN (actuellement l'Unsa) et les parents d'élèves FCPE.
La bataille[sur la création un "grand service public unifié d'éducation nationale"] fait rage jusqu'en 1984. Dix ans plus tard, en janvier 1994, une tentative de réformer la loi Falloux de 1850 provoque un sursaut des laïques
Depuis l'institutionalisation du "zapping scolaire" a sonné le glas du combat laïque. AFP 05/12/05

100 ans après, la laïcité est une valeur très actuelle pour de jeunes profs AFP 05/12/05

Un "Guide pratique de la laïcité" pour les professionnels de la jeunesse

 

AFP 10/11/05

Extraits

L'Institut national de la jeunesse et de l'Education populaire (Injep) coédite un "Guide pratique de la laïcité", outil juridique et pédagogique à l'intention des professionnels travaillant avec les jeunes, à l'occasion du centenaire de la loi de 1905.

Le Guide, tiré à 5.000 exemplaires et diffusé dans le réseau Jeunesse et Sports ainsi qu'auprès de l'Injep, cherche à répondre aux questions des animateurs, enseignants, cadres associatifs ou éducateurs, avec des fiches synthétiques élaborées à partir de cas concrets survenus à l'école, l'hôpital, l'entreprise ou dans les médias. Il comporte également des références juridiques et bibliographiques et des rappels de la jurisprudence. AFP 10/11/05

Jacqueline Lalouette, historienne, commente le thème central des 8es Rendez-Vous de l'histoire de Blois:
«La laïcité est un mythe national français»

Libé 15/10/05

Extraits

Commentant le thème de l'année [«Religion et politique»], Jacqueline Lalouette, professeure à l'université Paris-XIII, montre que la laïcité, apaisant ou exacerbant les rapports entre l'Eglise et l'Etat, a pris en France la puissance d'un mythe national. L'historienne a publié récemment la Séparation des Eglises et de l'Etat. Genèse et développement d'une idée.

Ce thème aurait pu intervenir avant : depuis le 11 septembre 2001, il s'impose dans l'actualité à travers la crainte de la montée des fondamentalismes ou les débats français sur la laïcité. Si les organisateurs ont attendu 2005, c'est que la loi sur la laïcité pose bien la question de la relation entre religion et politique.

Toute laïcité a besoin de la politique et de la religion. Elle consiste à ce que les pouvoirs religieux n'empiètent pas sur la vie politique et sur les décisions de l'Etat. Les différents fondamentalismes ­ juif, protestant, musulman ­ paraissent assez incompréhensibles pour une mentalité occidentale, y compris chez les croyants, d'ailleurs. Je suis beaucoup plus étonnée par la montée du fondamentalisme ­ ou de l'évangélisme ­ protestant aux Etats-Unis.

Pour certains existe un modèle français visant au strict enfermement de la religion dans la sphère privée. Ce sont les plus intransigeants et les plus nostalgiques : les militants de la séparation, qui vivent en partie dans un culte mythique de la loi de 1905. Pour d'autres, comme l'historien Jean Baubérot, ce modèle français n'est pas vraiment unique puisqu'il est partagé par d'autres pays, le Mexique, la Turquie, certains pays baasistes, pourvus d'un régime de séparation assez semblable : les rapports entre religion et politique y sont régis par des séries de lois et d'accords formant une sorte de compromis permanent. Pour certains juristes, enfin, la séparation de l'Eglise et de l'Etat serait moins poussée en France qu'aux Etats-Unis par exemple, puisque, dans l'Hexagone, l'Etat reste propriétaire d'un grand nombre de bâtiments cultuels, alors qu'en Amérique ces lieux appartiennent le plus souvent aux collectivités religieuses. Personnellement, je ne pense pas qu'il existe, juridiquement et politiquement, un modèle laïque français. Par contre, indéniablement, c'est en France une représentation mythique qui fait partie de l'imaginaire national. Libé 15/10/05

Laïcité à la réunionnaise: un modèle réussi mais difficilement transposable

 

 AFP 27/09/05

Extraits
Dans la société pluriculturelle réunionnaise où se côtoient chrétiens, musulmans, hindouistes et bouddhistes, les représentants politiques, syndicaux ou confessionnels mettent en avant le "vécu spécifique" de l'île pour justifier une conception de la laïcité différente de la métropole.
Ainsi, dans de nombreux établissements scolaires de la Réunion, des jeunes filles musulmanes continuent à porter le "châle." Une circulaire du ministère de l'Education autorise en effet à la Réunion "les tenues traditionnelles qui sont communément portées".
Là, où des professeurs ont contesté cette pratique, les élèves musulmanes ont toutefois accepté d'enlever leur voile en classe.
Autre spécificité locale: les municipalités de l'île participent financièrement aux manifestations cultuelles organisées par les différentes communautés.
Pour la présidente du conseil général, Nassimah Dindar (UMP), de confession musulmane, "la société réunionnaise a tellement intégré les valeurs cultuelles qu'il n'y a pas neutralité ou séparation du vécu religieux et de l'Etat mais accompagnement de tous".
Certains s'interrogent aussi sur cette bienveillance des élus, se demandant si elle ne cache pas des "intérêts bassement électoraux", les Réunionnais étant beaucoup plus croyants et pratiquants qu'en métropole. AFP 27/09/05

La fuite vers le privé

Depuis trois ans, l'enseignement «libre» affiche complet. Car la déception grandit à l'égard du public

L'Express 05/09/05

Extraits

Pour la troisième année d'affilée, l'enseignement «libre» a dû refuser des inscriptions - 20 000, estime le Secrétariat général de l'enseignement catholique. Cette année, certains établissements, à Paris, à Grenoble ou à Perpignan, devront gérer des classes de 35 à 40.

Selon une étude du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), les raisons de cet engouement s'enracinent, avant tout, dans la recherche d'un bon encadrement, de la transmission de valeurs morales, d'un lien étroit avec les professeurs... Et, pour 33% des parents, dans la déception à l'égard du public, aggravée par les convulsions du monde éducatif en 2003 et en 2005.

La fracture idéologique public-privé a largement cédé la place à une nouvelle fracture sociale qui distingue établissements protégés, publics et privés, et établissements ghettos. L'Express 05/09/05 Voir aussi : M. de Robien crée une polémique en réclamant "une égalité de moyens à l'enseignement public et privé " Le Monde 10/09/05

1905, l'année des tournants

L'Etat se sépare des Eglises

Le Monde 23/08/05

Extraits

1905 est une année en trompe-l'œil. Vue de France et du siècle qui nous donne l'apparence de l'avantage, c'est l'année de la laïcité victorieuse - ­ la loi de séparation des Eglises et de l'Etat, votée le 3 juillet par les députés, le 6 décembre par les sénateurs et promulguée dès le 9.

La loi de séparation est un achèvement plutôt qu'une rupture, une vieille promesse républicaine enfin tenue, avec doigté et intelligence, marquant la fin d'une querelle plutôt que sa relance, par-delà les cris d'orfraie des ultras du catholicisme romain.

On l'oublie trop souvent, la séparation, ce n'est pas Combes, Emile, le définitivement "petit père" de la bataille de 1902-1903 contre les congrégations, mais Briand, Aristide, la révélation parlementaire de ce débat qui lui ouvrira la voie du pouvoir, après des débuts à l'extrême gauche. C'est même le contraire de Combes, le refus d'un anticléricalisme obsessionnel et le choix d'une "séparation libérale", selon la formule d'époque, c'est-à-dire respectant la liberté des consciences et des cultes.

La promesse figurait depuis 1869 dans tous les programmes républicains, déjà admirablement résumée par Victor Hugo à l'Assemblée nationale, le 15 janvier 1850 : "L'Eglise chez elle et l'Etat chez lui." Mais ce ne fut pas seulement l'achèvement d'un vieux combat, ce fut surtout un accomplissement démocratique, modèle de travail parlementaire, riche, élevé, patient.

Quatre personnalités sont ici essentielles : Ferdinand Buisson, le président de la commission, radical-socialiste, ancien maître d'œuvre du fameux Dictionnaire de pédagogie sous Jules Ferry et futur Prix Nobel de la paix en 1927 ; Aristide Briand, le rapporteur de la loi, alors socialiste jaurésien, qui, après ce coup de maître, fera une des plus longues carrières ministérielles de la IIIe République, auteur en 1930 du premier mémorandum sur une union fédérale européenne et autre Prix Nobel de la paix, en 1926 ; Francis de Pressensé, député socialiste, ardent dreyfusard devenu indéfectible compagnon de Jaurès, président de la Ligue des droits de l'homme depuis 1904 et auteur, en avril 1903, de la proposition de loi de séparation la plus élaborée qui inspirera largement les travaux de la commission ; Jean Jaurès enfin, évidemment, tant la personnalité du député du Tarn domine alors la vie parlementaire.

Le résultat est digne d'eux : rien de moins qu'une conception nouvelle et positive de la laïcité, sans équivalent dans d'autres nations. Elle tient dans les deux premiers articles de la loi, modèles de clarté énoncés au titre des "principes" : "Article premier : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes." L'Etat laïque n'est ni hostile ni indifférent aux religions, il leur est étranger, son action relevant de ce monde et d'aucun autre, sans transcendance. Le Monde 23/08/05 Voir aussi : Sarkozy veut "toiletter" la loi de 1905 Nel Obs 19/09/05

L'association altermondialiste s'organise pour contrer un mode d'enseignement censé traduire, selon elle, une «offensive libérale» sur l'école
Enquête : comment Attac infiltre l'école

Figaro 05/08/05

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Avec plus de 36 000 adhérents revendiqués dont un tiers de salariés de l'Education nationale, Attac trouve dans les salles de professeurs des collèges et lycées un de ses terreaux les plus fertiles.

La dénonciation de l'enseignement de l'économie dite «libérale» est un des principaux combats de l'association. D'où la priorité qu'elle s'est fixée : la création d'un «service action» composé de professeurs d'économie.

Au ministère de l'Education nationale, on assure pourtant que «l'Inspection générale de sciences économiques et sociales veille à tout cela» et que la plupart des professeurs ont «une certaine éthique et évitent de faire de la politique en cours».

Attac, de son côté, jure ne donner «aucune consigne de recrutement à [ses] adhérents enseignants». Un fascicule édité par l'association prouve pourtant son activisme face à ce qu'elle appelle «l'offensive libérale sur l'école» : «Nous souhaitons oeuvrer à ce que les esprits conditionnés par près d'un quart de siècle de bourrage de crâne libéral recommencent à fonctionner librement. (...) En France, compte tenu de la spécificité de son système éducatif, c'est de l'intérieur même du secteur public que se mène l'offensive libérale, toujours en référence aux «valeurs de l'entreprise», ramenées aux seules valeurs des employeurs». Figaro 05/08/05

Colonisation : non à l'enseignement d'une histoire officielle

Claude Liauzu, professeur émérite à l'université Denis-Diderot - Paris VII ; Gilbert meynier, professeur émérite à l'université de Nancy ; Gérard Noiriel, directeur d'études à l'EHESS ; Frédéric Régent, professeur à l'université des Antilles et de Guyane ; Trinh Van Thao, professeur à l'université d'Aix-en-Provence ; Lucette Valensi, directrice d'études à l'EHESS

Extraits

La loi du 23 février 2005 "portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés" a des implications sur l'exercice de notre métier et engage les aspects pédagogiques, scientifiques et civiques de notre discipline.

Son article 4 dispose :"Les programmes de recherche universitaire accordent à l'histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu'elle mérite. Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord".

Cette loi impose une histoire officielle, contraire à la neutralité scolaire et au respect de la liberté de pensée qui sont au coeur de la laïcité ; en ne retenant que le "rôle positif" de la colonisation, elle impose un mensonge officiel sur des crimes, sur des massacres ; elle légalise un communautarisme nationaliste suscitant en réaction le communautarisme de groupes ainsi interdits de tout passé. Le Monde 25/03/05

Chacun de nous va devoir relever le défi de ce spectre ombrageux.
La religion, mauvaise conseillère d'Etat
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Salman Rushdie écrivain, auteur des Versets sataniques et de Haroun et la mer des histoires

Libé 22/03/05

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Les religions font toujours miroiter un accès aux vérités éthiques, prodiguant par-là même bienfaits et protection. Et invariablement, ces croyances débordent du cercle privé dans lequel elles s'inscrivent (au même titre que tant d'autres pratiques, acceptables dès lors qu'elles prennent place entre adultes consentants), et à convoiter le pouvoir.

En Europe, l'attentat à la bombe contre une gare à Madrid et le meurtre du cinéaste hollandais Theo Van Gogh commencent à être envisagés comme des sonnettes d'alarme indiquant qu'il est grand temps de sauvegarder et de renforcer les principes laïques qui président à toute démocratie humaniste digne de ce nom. Avant même que ces atrocités n'aient lieu, la décision française de bannir tout signe extérieur religieux ­ tel que le foulard islamique ­ avait reçu l'assentiment de toute la classe politique. De même, les demandes de «classes ségrégatives» et de «pauses consacrées à la prière» émanant des islamistes ont-elles été rejetées. En Europe, les Lumières ont constitué une échappatoire à l'emprise de la religion, en posant des points de repère sur la pensée. De nombreux Européens considèrent l'alliance américaine de la religion et du nationalisme comme effrayante. Libé 22/03/05

Racisme.

«Attention aux conclusions tendancieuses»

Sophie Ernst, chargée d'études à l'Institut national de recherche pédagogique, philosophe de l'éducation

Libé 21/03/05

Extraits

Il est très difficile d'avoir une photographie exacte et fiable d'une situation que, par ailleurs, tout le monde, et moi la première, est bien d'accord pour reconnaître comme exécrable. Les chiffres ne mesurent que ce qu'on leur donne à mesurer.

«Communautés», racisme, antisémitisme. Ces mots ont-ils une signification qui va de soi ? Leur usage a connu une dérive et une inflation qui en font des outils impossibles à manier simplement. Je me suis fait traiter d'antisémite de multiples fois, en fait chaque fois que je me suis risquée, au nom même des valeurs transmises par l'humanisme juif, à exprimer ma réprobation à l'égard de la politique israélienne.

Racisme, antisémitisme, xénophobie, affrontements de bandes sur des territoires, insultes sans fondements qui recouvrent d'autres griefs, on ne sait plus souvent où l'on en est... La crise sociale et la ghettoïsation des plus pauvres ont favorisé une recrudescence de formes anciennes de violences populaires, qui se donnent toutes sortes de formes pathologiques.

Toutes sortes de pathologies cumulent leur nocivité dans chaque affaire, petite ou grande. On paye les conséquences d'une irresponsabilité de trente ans et le développement d'un communautarisme sauvage que j'aurais plutôt tendance à imputer aux politiques. Nombre d'entre eux se sont constamment adressés aux «communautaires» et les ont «achetés» en satisfaisant les plus particularistes de leurs demandes. Libé 21/03/05

Les Noirs, les juifs et la victimisation

Esther Benbassa directrice d'études à l'Ecole pratique des hautes études

 

 Le Monde 17/03/05

 

 

Extraits

Les aspirations expiatoires d'une Europe lieu de naissance de l'antisémitisme et théâtre de prédilection des horreurs qu'il a engendrées ne sont pas étrangères à la sensibilité actuelle des politiques et des médias sur ces questions. Paradoxalement, les excès de zèle que ce climat induit renforcent la perception victimaire que beaucoup de juifs ont désormais d'eux-mêmes, en même temps qu'ils nourrissent indûment et injustement dans l'opinion le fantasme du "pouvoir juif". Si l'on veut combattre efficacement l'antisémitisme, c'est ce fantasme qu'il est urgent de déconstruire.

Les préjudices subis par les juifs n'empêchent pas la reconnaissance de ceux subis par les Noirs. Il n'y a pas lieu d'importer en France l'animosité qui oppose plus frontalement Noirs et juifs aux Etats-Unis depuis quelques décennies et de tomber dans la compétition victimaire. Dans nos sociétés, avoir été victime nourrit la recherche identitaire et autorise à exiger une reconnaissance culturelle. Désormais, l'affaiblissement de l'empathie désintéressée nourrit paradoxalement ce besoin de labélisation victimaire, seule susceptible d'attirer l'attention. C'est sur le socle de la souffrance du passé qu'on entend construire son présent, et souvent son avenir.

Pourquoi le combat contre les discriminations devrait-il emprunter ce chemin-là ? Est-ce parce que le politique, par facilité, a élevé la compassion au rang de valeur sociale ? Nous voilà donc passés de l'universalisme hérité des Lumières à l'universalisme de la souffrance manipulable à loisir. Peut-être nos sociétés n'ont-elles rien à offrir pour demain que cet universalisme réducteur et sans espérance. Le Monde 17/03/05 Comment en finir avec la fracture coloniale ? Nicolas Bancel, professeur à l'université de Strasbourg et Pascal Blanchard, chercheur au CNRS. Ils sont membres de l'Association pour la connaissance de l'histoire de l'Afrique contemporaine Le Monde 17/03/05 Nous, "indigènes de la République", par un collectif Le Monde 17/03/05 Pourquoi j'ai retiré ma signature, Clémentine Autain, adjointe au maire de Paris, apparentée communiste Le Monde 17/03/05

La discrimination positive peut-elle trouver sa place dans le système français ?
Le syndrome de la forteresse assiégée

Yazid Sabeg,  Président de la Convention laïque pour l'égalité et auteur de La Discrimination positive- Pourquoi la France ne peut y échapper, aux éditions Calmann-Lévy

Le Figaro 16/03/05

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La République serait-elle une forteresse assiégée ? Il faut le croire, à écouter le ton haut et fort de certains, qui revendiquent l'exclusivité de sa défense contre les assauts féroces du communautarisme rampant. Les mêmes s'empressent de s'autoproclamer les «républicains authentiques», s'époumonent pour défendre le «citoyen universel» et s'évertuent à dire combien seul le mérite compte contre ceux qui voudraient, disent-ils, distribuer les postes sur la base de la couleur de peau et organiser on ne sait trop quelle ingénierie ethno-raciale à laquelle il faudrait couper court.

Ce scénario de la République en danger s'avère particulièrement efficace : il permet d'amuser la galerie avec des mots magiques que l'on agite comme des fanions rassurants : «le mérite», «l'égalité», «la laïcité».

L'égalité des chances est une obligation de la République. Elle est déterminée par cette règle simple de la promotion fondée sur le seul mérite plutôt que sur l'origine, la race ou la religion.

La question aujourd'hui n'est plus de savoir si on valorise le mérite, ce qui va de soi, mais bien de définir ensemble la manière dont on s'y prend. Or c'est justement ce qu'on ne dit pas et qu'on ne fait pas. Car il est plus facile de galvaniser les foules en brodant sur le thème de la méritocratie républicaine menacée que de donner un contenu concret à l'égalité des chances et de traitement..

Prenons cette affirmative action américaine dont on se gargarise beaucoup chez nous sans vraiment la connaître, et que la traduction maladroite de «discrimination positive» contribue c'est vrai à caricaturer. Cette pratique exclut explicitement le recours aux quotas. Contrairement à certaines allégations inexactes, les Etats-Unis n'ont pas abandonné l'affirmative action.

La France aime se répéter qu'elle a le «meilleur système de santé», le «meilleur système scolaire» et, bien sûr, le «meilleur modèle d'intégration». Dessillons nos yeux : malgré ces proclamations creuses, la France a laissé s'installer, tantôt par volonté, tantôt par négligence, le communautarisme, comme une conséquence fatale de l'exclusion sociale et des discriminations.

Contrairement aux craintes que l'on alimente en prenant quelques islamistes radicaux comme les porte-parole d'une communauté jugée dangereuse, les musulmans de France savent qu'ils vivent dans une société avancée, où l'islam est minoritaire. La laïcité fait partie de leur culture et de leur éducation. Ils n'attendent de leur pays que l'égalité de traitement, l'impartialité et la tolérance laïque auxquels ils ont légitimement droit.

Ce chantage inadmissible qui consiste à présenter les défenseurs de l'équité comme des antirépublicains est une tentative grossière de disqualification systématique de toute politique alternative en matière de lutte contre les inégalités.

Le Figaro 16/03/05

Mémoire
Les devoirs de l'école

 

L'Express 14/03/05

 

Extraits

Avec une quinzaine de jeunes Français d'origine antillaise ou africaine, Ousmane est membre fondateur des Braves Garçons d'Afrique (BGA), une association du quartier. «A l'école, on ne valorise pas nos origines. Résultat: les discriminations que nous vivons aujourd'hui nous renvoient sans cesse à un passé d'esclaves».

Y aurait-il un tabou sur la traite et l'esclavage? Bien avant les diatribes incendiaires de Dieudonné, les Noirs de France avaient trouvé trop discrète la célébration officielle du 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage, en 1998. Malgré la promulgation, en mai 2001, de la loi Taubira reconnaissant «la traite négrière et l'esclavage [comme] un crime contre l'humanité», la population d'origine afro-antillaise réclame un effort supplémentaire. Selon elle, l'histoire de la traite et sa commémoration sont négligées, en métropole, par l'Education nationale et les institutions.

Une certitude: ne pas occuper ce terrain, c'est laisser la voie libre à toutes les manipulations, à toutes les tentations de surenchère entre communautés de victimes. Les délires antisémites de Dieudonné ou la confusion délibérément entretenue par les signataires de la pétition «Nous sommes les indigènes de la République!», entre esclavage, colonisation, discrimination et interdiction du foulard islamique à l'école... en sont les deux exemples les plus criants. L'Express 14/03/05

Discriminations : il est urgent d’agir !

Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS

Extraits

Pour ce qui est de l’accès à l’élite scolaire, l’exclusion et la relégation sont ressenties non seulement en banlieue, mais aussi en province et outre-mer chez tous les enfants des classes moyennes et populaires. Lorsqu’il s’agit de l’emploi, la discrimination ethnique est surtout grave pour ce qui est des cadres supérieurs du privé.

Dans l’enseignement supérieur, indépendamment de l’accès à l’université, qui reste la priorité absolue, la France pourrait s’inspirer de politiques pratiquées en Californie ou au Texas. Un pourcentage – de 5 à 10% – des meilleurs élèves de chaque lycée de France aurait un droit d’accès aux classes préparatoires aux grandes écoles et aux premières années des établissements qui sélectionnent à l’entrée. Dans l’entreprise, pour que des pratiques apparemment neutres ne produisent pas de discriminations indirectes, point n’est besoin de classer les salariés par minorités visibles ou par origines ethniques: les outils statistiques existent qui permettent de croiser le lieu de naissance de l’individu et de ses parents, la nationalité, la date d’arrivée en France. Ce sont des indices suffisants pour préjuger de la bonne ou la mauvaise foi de l’employeur. Le Nel Obs hebdo 10/03/05

«Dire que les immigrés sont les colonisés d'hier est absurde»

Patrick Weil, historien spécialiste de l'immigration

 

Le Figaro 25/02/05

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«Dire que les immigrés d'aujourd'hui sont les colonisés d'hier est absurde sur le plan historique et factuel. Contrairement aux musulmans d'Algérie pendant la colonisation, nos compatriotes de cette confession ont aujourd'hui une pleine nationalité, les mêmes droits civils que tous les Français et la liberté de conscience. En revanche, il existe dans leur vie quotidienne des discriminations réelles qui sont parfois le reflet des représentations datant du passé colonial.»

«Les Français ont besoin de connaître le passé de leurs compatriotes. L'ignorance favorise les manipulations. L'histoire de l'esclavage n'est pas enseignée à l'école. J'aimerais que François Fillon s'engage à l'inscrire dans les programmes, c'est une proposition de la commission Stasi, dont j'étais membre.» Le Figaro 25/02/05

Communautarismes, racismes, antisémitisme, la société française doit interroger son histoire.
Les enjeux de mémoire

Claude Liauzu professeur à l'université Denis-Diderot-Paris-VII

Libé 23/02/05

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Les guerres coloniales d'hier sont devenues des guerres de mémoires, à travers lesquelles les protagonistes et leurs héritiers se disputent le rôle exclusif de victime.

Une proposition de loi, dont l'adoption paraît acquise, rend hommage à «l'oeuvre positive de l'ensemble de nos concitoyens» dans l'Algérie française. A en croire nos élus, il n'y aurait eu ni massacre, ni destruction, ni spoliation, ni torture...

La laïcité n'a pas été un article d'exportation et jusqu'en juin 1962, le culte musulman a été (modestement) financé par Marianne, la séparation des Eglises et de l'Etat n'a jamais franchi la Méditerranée.

Indemnisations répétées, amnisties toujours insuffisantes, de génération en génération (car on arrive à la troisième génération d'enfants dits pieds-noirs ou harkis nés en métropole), la demande de compensation est illimitée.

Aussi, en face, des revendications s'expriment au nom des enfants perdus de la colonisation, des indigènes et des immigrés victimes de l'exploitation, de l'esclavage, de la ségrégation, du racisme.

Tout manichéisme empêche de prendre en compte l'ambiguïté de la situation coloniale. Si les soldats de l'An II faisaient rêver les élèves dans la nuit coloniale c'est parce qu'ils portaient un message universaliste. Libé 23/02/05

Faut-il réviser la loi de 1905 séparant les Églises de l'État ?

Cent ans de laïcité à la française

Jean Baubérot, membre de l'ex-commission Stasi sur la laïcité

Ouest-France 15/02/05

Extraits

Il faut profiter du centenaire pour bien vérifier si la loi est bien appliquée. Or, il me semble qu'elle ne l'est pas. Par rapport à l'islam, par exemple. La loi de 1905 prévoit des aumôneries dans les lieux fermés, hôpitaux, prisons, armée, lycées. Il y a peu d'aumôniers musulmans dans les prisons, il n'y en a pas à l'armée, il n'y en a pas dans les lycées.

Le but de la loi de 1905 et des lois de séparation qui ont suivi - puisqu'il y a eu trois lois entre 1905 et 1908 pour calmer le jeu - a été de permettre aux catholiques de « croire ce qu'ils voulaient croire et de pratiquer ce qu'ils croyaient » (F. Brunetière). L'idéal c'est qu'on puisse, aujourd'hui, affirmer qu'on peut être paisiblement musulman dans un pays laïc comme la France.

Aristide Briand, quand il avait présenté la loi au Parlement, avait dit qu'en cas de doute sur son interprétation, c'est l'interprétation la plus libérale de la loi qui devait triompher. Ouest-France 15/02/05

Lettre de Jean-Paul II aux évêques de France sur la laïcité La Croix 15/02/05 1905-2005  : l'Etat face aux Eglises, par Jean-Arnold de Clermont président de la Fédération protestante de France et de la conférence des Eglises européennes Le Monde 16/02/05

Il y a cent ans, la loi de 1905 imposait la séparation des Eglises et de l'Etat
Une solution pour intégrer l'islam dans la société

Michel Wieviorka Sociologue, directeur de recherche à l'Ehess

 

Le Figaro 15/02/05

Extraits

Durant un siècle, la laïcité fut l'objet d'affrontements passionnés entre une gauche républicaine voulant la promouvoir, et une droite confessionnaliste qui la rejetait. Le dernier acte s'est joué en 1984, quand un gouvernement socialiste a dû abandonner l'ambitieux projet d'un grand service public unifié et laïque de l'éducation.

Pour mesurer le chemin parcouru, il faut partir de la loi de 1905, qui mettait fin au Concordat en imposant la séparation des Eglises et de l'Etat. La laïcité a trouvé tout son sens dans cette dissociation. Avec l'islam il ne s'agit plus de dissocier les Eglises de l'Etat, mais d'intégrer une nouvelle religion. Cette religion s'est développée en France à partir du milieu des années 70, dans la transformation de l'immigration, devenant de peuplement alors qu'elle était initialement de travail, et sur fond, pour cette population plus que pour d'autres, de difficultés sociales considérables : chômage, exclusion, précarité, racisme.

L'école publique est ici en première ligne. Comment pourrait-elle se conformer à la fière devise «Liberté-Egalité-Fraternité» qu'elle arbore sur ses frontons lorsque ses personnels doutent de leur statut symbolique et sont mal préparés à accueillir leurs élèves, que son organisation générale suscite chez un ministre la comparaison peu flatteuse avec un mammouth, et que ses finalités mêmes (éduquer ? enseigner ? préparer au marché du travail ? etc.) semblent se brouiller ? en finir avec cette crise, régler ces problèmes ne passe-t-il pas par une ferme réaffirmation des valeurs de la laïcité ?

Pour une large majorité, le «foulard» à l'école indiquait l'amorce d'un processus généralisé d'atteintes à la raison mis en oeuvre par des minorités actives radicales, en même temps qu'il était perçu comme la preuve de l'aliénation des jeunes musulmanes : la mise en avant de la laïcité a été vécue comme devant mettre fin à des dérives de plus en plus inquiétantes.

L'affichage de la laïcité n'a en rien réglé la crise de l'école publique, qu'il s'agisse des difficultés de ses personnels, de son incapacité à se moderniser, ou de la définition de ses finalités. Le Figaro 15/02/05

Philippe Meirieu ravive, dans un essai libre de tout dogme, la vieille querelle des écoles.
Le scolaire sur le pied de guerre

Libé 25/01/05

Extraits

«49 % des familles françaises (dont la sienne) se tournent pour leurs enfants vers l'enseignement privé à un moment ou à un autre de leur parcours scolaire», il ne considère pas la concurrence entre secteurs public et privé comme une question tranchée par le Yalta éducatif qui fige l'équilibre des forces à raison de 80 % d'élèves dans le public et 20 % dans le privé. le choix du privé, pourtant confessionnel à 90 %, s'est «laïcisé».

«Ni les partis de gauche, ni même d'extrême gauche ne proposent de toucher à cet "équilibre" et, tout en dénonçant abstraitement l'emprise du marché sur l'éducation, entretiennent un silence religieux sur la question de l'école privée».

Philippe Meirieu stigmatise notamment les illusions égalitaires de la sectorisation scolaire, qui ne sert qu'à enfermer dans leurs ghettos ceux qui ne peuvent pas en sortir (les pauvres) ou à protéger ceux qui ne veulent pas en sortir (les riches). La coexistence de deux ordres d'enseignement renforce ces phénomènes, selon Meirieu.

S'il propose de sauver le public, il préconise pour ce faire de lui appliquer des méthodes qui s'apparentent soit à celles du privé, soit à des préconisations qui seront rattachées au libéralisme le plus débridé «On criera à l'ultralibéralisme. On stigmatisera le démantèlement du service public. [...] D'autres, à l'inverse, [verront dans mon projet] une véritable mise au pas soviétiforme du système éducatif.» Libé 25/01/05

École : sourire au désastre ?

Le bloc-notes

Ivan RIOUFOL

 

Le Figaro 14/01/05

Extraits

«Je veux renforcer la noblesse du métier d'enseignant», explique le ministre de l'Education,

Son idée : imposer, grâce à des soutiens individuels s'il le faut, un «socle commun de connaissances et de compétences» il faudra savoir parler, lire, compter et avoir été initié à la culture «humaniste et scientifique». Mais cette maigre ambition suggère l'étendue du désastre. 30% de mal-lisant à l'entrée en sixième, 40% de mal-écrivant, 35% de sachant pas compter. 200 000 élèves ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux. L'école produit, coûteusement, de l'illettrisme et de la violence.

Cela peut s'appeler une faillite. Elle n'est pas imputable aux seuls «pédagogues» et adeptes de l'enseignement festif. Le mal est plus profond : il tient aussi au manque de motivation de l'Education nationale à défendre l'héritage français.

Un rapport de l'inspection générale de l'Education nationale, révélé en juillet par Le Figaro, décrivait «l'accomplissement, en quelques années, de l'islamisation» la mixité est remise en question par les garçons. Des petits refusent de chanter, de danser, de dessiner un visage pour des raisons religieuses. Des élèves contestent Rousseau, trouvent Cyrano de Bergerac et Madame Bovary licencieux. D'autres s'interdisent d'utiliser le signe + parce qu'il ressemble à une croix.

Des emplois-jeunes ont permis à des «grands frères» de pénétrer dans les établissements. L'entrisme est observé également parmi les assistants d'éducation, les instituteurs, les professeurs de lycée professionnel.

Alors que des pans de l'Education se lézardent et que sa neutralité y est remise en question sans rencontrer de résistance, il nous faut supporter les mêmes leçons décalées de Gérard Aschieri, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU). Lui ne parle qu'argent, sans jamais s'interroger sur la propre responsabilité de certains «profs» dans la transmission de l'ignorance. Le Figaro 14/01/05

La dérive intégriste

Extraits

Le fondamentalisme religieux menace l'école républicaine. Un rapport de l'Inspection générale datant de juin 2004 et rendu public cette semaine constate la dérive en cours dans certains établissements partout en France. Aucune matière n'est épargnée : en EPS, des garçons refusent de se baigner « dans l'eau des filles ».En lettres, « Tartuffe »,« Madame Bovary » ou« Cyrano » sont considérés comme inconvenants. En sciences de la vie et de la terre, la théorie de l'évolution est contestée. L'enseignement du fait religieux, conçu pourtant comme une réponse à l'intolérance, est difficile : des élèves dénient à leur enseignant le droit de lire le Coran, un père refuse qu'on parle de Jésus à son fils.

Le rapport de l'Inspection générale constate pourtant que« les dérives les plus graves » ont lieu là « où sont passés des compromis avec des adversaires prompts à utiliser toutes les failles ». Le Point 13/01/05

Bernard Stasi, contre les racismes

La Croix 07/01/05

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Bernard Stasi [a] conduit l’affaire [présider la commission de réflexion sur la laïcité] avec doigté et avec cette même désinvolture apparente, qui surprend bien des membres de la commission.
«Si nous avions voté le premier jour, nous nous serions sûrement prononcés contre le principe d’une loi interdisant les signes religieux à l’école. Mais, après les 104 auditions, nous avons changé d’avis. Nous sommes en effet persuadés que des groupes islamistes veulent s’en prendre à la République, qu’ils testent sa résistance et mesurent jusqu’où ils peuvent aller.» Le rapport de la commission ne sera que partiellement suivi. Bernard Stasi est encore furieux que les députés n’en aient gardé que les aspects répressifs, «car la laïcité n’est pas une police des religions, c’est essentiellement la tolérance et la liberté».

Il a toutes les chances d’être nommé à la tête de la future «Haute Autorité contre les discriminations et pour l’égalité».

La Croix 07/01/05

"Laïcité" et mémoire collective

Guilhem Labouret enseignant à l'université Paris-Sorbonne

 

Le Monde 25/12/04

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Saint Nicolas avait un tort : il était chrétien. Des écoles du Pas-de-Calais l'ont montré en interdisant des figurines en chocolat du saint en question, non sans avoir essayé de gratter la croix qui ornait son chapeau…

La loi sur la laïcité a eu pour effet de nier une partie de notre patrimoine culturel. Car qui, parmi les Alsaciens, Lorrains, Champenois ou Picards, croit dans les miracles opérés par saint Nicolas ? Qui encore attend le 25 décembre pour déposer dans la crèche le "petit Jésus"emmailloté ?

Supprimer ces deux représentations de notre mémoire collective, c'est jouer contre notre histoire culturelle et non œuvrer pour la laïcité. Tant qu'on y est, il faudrait également interdire la galette des rois à l'Epiphanie, les cloches en chocolat à Pâques, mais aussi les croissants.

On trouve aujourd'hui des étudiants se préparant à passer le concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure lettres et sciences humaines de Lyon, en se vantant de "se refuser à ouvrir la Bible, et surtout les Evangiles".

À trop vouloir refuser de parler de Dieu, au nom d'une prétendue laïcité, on en oublie notre histoire culturelle et les fondements de notre mémoire collective. Rares sont les étudiants qui pourront alors comprendre les enjeux du Curé de village et du Médecin de campagne de Balzac, ou encore saisir la portée de la critique de Voltaire puisqu'ils ne verront même plus à quelle religion il fait allusion.

Les censeurs de la Saint-Nicolas et du temps de l'Avent se trompent d'objet : à vouloir être laïques, ils interdisent l'unique rapport que les écoliers de l'école laïque, publique, gratuite et obligatoire ont avec le fait religieux : un rapport culturel, véhiculé par les traditions les plus anciennes.

Etre laïque, c'est être indépendant de toute confession religieuse : indépendant, et non intolérant. Le piège de la loi sur la laïcité est finalement d'avoir ouvert un boulevard à des protestations en tous genres, la plupart du temps infondées, comme l'illustre l'exemple du sapin problématique du lycée Van-Dongen. Le Monde 25/12/04 Voir aussi : Comment la laïcité bouscule les catholiques Le Figaro 25/12/04

Le grand oral de l'école catholique

L'enseignement catholique ouvre de nouvelles assises nationales sur les relations humaines au sein de l’école

La Croix 03/12/04

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La réflexion doit porter sur la place de la personne et la qualité des relations humaines au sein de l’école. «En 2001, nous nous sommes interrogés : l’école, comment faire ? Aujourd’hui il s’agit de se demander : l’école, pour qui ?», résume Paul Malartre, secrétaire général de l’enseignement catholique.

À l’issue des assises sur le thème «Penser l’école autrement», une soixantaine de propositions d’actions avaient été mises en avant dans le champ de l’innovation pédagogique.

«Depuis trois ans, on constate un renouveau de l’innovation pédagogique, estime Yves Mariani, membre de l’observatoire national de pédagogie. Mais on s’est aussi aperçu que l’on risquait de tomber dans un certain technicisme, qu’en cherchant à se libérer de la rigidité du système, on pouvait se créer d’autres contraintes. Nous avons donc voulu engager, avec ce nouveau temps d’assises, une réflexion plus globale sur le sens d’une école au service de la personne.»

«Le rôle de l’école est d’ouvrir au jeune des perspectives d’avenir, de l’aider à se construire dans toutes ses dimensions, intellectuelle, affective ou spirituelle,» commente Paul Malartre. La Croix 03/12/04

D'anciens militants d'extrême droite se recyclent dans une association familiale laïque

Le Monde 17/11/04

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Respublica, diffusée sur Internet et rédigée notamment par l'Union des familles laïques (UFAL), a publié un article intitulé "Les cathos veulent réévangéliser Paris : non merci !" aux accents nettement antisémites. Il est question de "Jean-Marie Aaron Lustiger (...), le juif converti-qui- s'avance sur le podium, vêtu d'une djellaba blanche".

Spécialiste de l'extrême droite, René Monzat rappelle que "c'est une secte intégriste, la Contre-Réforme catholique, qui sous la plume de son gourou, l'abbé Georges de Nantes, a commencé, au début des années 1980, à ne jamais mentionner le nom du cardinal Lustiger que précédé de son prénom juif". [Il] affirme qu'un "petit groupe d'anciens militants d'extrême droite a infiltré l'UFAL et essayé d'infléchir son discours dans un sens nettement antimusulman, identitaire et nationaliste". Nicolas Pomiès, secrétaire national de l'UFAL chargé de la communication et militant de l'association Attac a été "parmi les responsables d'une revue franco-belge qui flirtait avec le racisme anti-arabe, le néonazisme et le révisionnisme. On a connu aussi cet étrange militant laïque proche de l'Eglise druidique des Gaules et de la Wicca -une organisation sataniste -".

Bernard Teper, président de l'UFAL, reconnaît que, "effectivement, deux de nos militants ont participé à des courants d'extrême droite On a le droit d'avoir fait des erreurs de jeunesse. Quand à Respublica, ce n'est pas une publication de l'UFAL, même si je suis membre de son comité de rédaction".Le Monde 17/11/04

Laïcité: l'Ufal critique l'"intrusion" du CRCM dans un conseil de discipline

AFP 13/11/04

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Le rectorat de Créteil a confirmé la présence vendredi soir au lycée Pierre Mendès-France, lors de ce conseil de discipline, du président et du vice-président du CRCM d'Ile-de-France, venus assister la jeune fille, à sa demande.

"Ce n'est pas aux représentants religieux de re-négocier la loi. C'est une atteinte à l'esprit de la République et à la loi de 1905 sur la séparation entre l'Eglise et l'Etat", a estimé l’Union des familles laïques.

Le président du CRCM Ile-de-France, Anouar Kbibech, a expliqué qu'il s'était rendu à ce conseil de discipline "pour défendre l'intérêt de la jeune fille" et que "les représentants du CRCM ne sont pas des dignitaires religieux mais des représentants auprès des pouvoirs publics". "Notre présence se situe dans un cadre légal", a-t-il ajouté.

"Nous avons respecté le choix de la famille et le droit de la défense", [a assuré un représentant du rectorat]. AFP 13/11/04

Les évêques s'inquiètent des tensions autour des aumôneries de lycées

Un "effet indirect" de la loi sur le voile

Le Monde 09/11/04

 

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Le souci des catholiques porte essentiellement sur les aumôneries de l'enseignement public. Elles sont 2 000 dans les collèges et les lycées, et accueillent environ 115 000 élèves.

Les services de la Conférence épiscopale expliquent que "les difficultés à la rentrée n'ont pas été plus nombreuses que d'habitude. Mais, quand elles ont lieu, les réactions sont plus violentes". A Toulon (Var), c'est un prêtre portant la soutane, à qui l'on a refusé l'entrée du lycée Dumont-d'Urville. "Cela faisait quatre ans que le prêtre entrait dans l'établissement en soutane". Le recteur a demandé au proviseur d'appliquer la loi, et le prêtre a adopté une tenue civile.

Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes (Aube), glisse : « L'éducation nationale nous dit : "On ne peut pas ouvrir d'aumônerie catholique parce que, vous comprenez, autrement, il faudrait le faire aussi pour les musulmans..." » Le Monde 09/11/04 François Fillon estime que les parents d'élève et les aumôniers ne doivent pas être concernés par la loi sur les signes religieux à l'école. Nel Obs 09/11/04

Une circulaire contre le racisme et l'antisémitisme

Le Figaro 15/09/04

 

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«Trop souvent, on véhicule l'idée que l'Éducation nationale ne fait rien, a précisé le ministre de l'Éducation. Au contraire, elle agit en profondeur. Aucun acte ne doit être banalisé, tout acte doit être sanctionné, mais parallèlement, la pédagogie du quotidien doit nous apprendre à vivre ensemble.»

François Fillon a expliqué qu'il allait envoyer à tous les lycées le «guide républicain», document qui recense textes, livres, films et chansons célébrant les valeurs de la République. Mais il a également sommé les services académiques de faire parvenir dans les établissements le DVD d'extraits du film Shoah.

La réunion mensuelle de tous les recteurs, sera également l'occasion de présenter la circulaire visant «à prévenir, signaler les actes à caractère raciste ou antisémite en milieu scolaire et sanctionner les infractions». Les actes qui se produisent à l'intérieur des établissements «impliquent une population de plus en plus jeune aussi bien parmi les auteurs que parmi les victimes».

Le texte évoque également le rôle préventif que doit jouer l'école : «En cas de sanction, qu'elle soit disciplinaire ou pénale, des prolongements éducatifs doivent être systématiquement recherchés.» Le Figaro 15/09/04 Voir aussi : « Shoah » dans tous les lycées Le Parisien 15/09/04 et Un guide et un DVD pour "combattre tous les racismes" AFP 14/09/04

L'école catholique a le vent en poupe

La Croix 30/08/04

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Paul Malartre, secrétaire général de l'enseignement catholique, estime que la hausse des demandes d’inscription, depuis cinq ou six ans, traduit une nouvelle attente éducative

L’an dernier, nous avions dû refuser, faute de place, entre 20.000 et 50.000 élèves. Nous nous situons dans cette même fourchette. Nous constatons que cette progression ne touche plus simplement le collège mais aussi le pré-élémentaire et le primaire.

qu’il ne s’agit pas simplement d’un mouvement conjoncturel lié aux grèves. les résultats scolaires sont relativement homogènes entre l’enseignement public ou privé sous contrat. On peut donc aussi écarter l’idée que nous sommes choisis dans une seule logique de «performance». Depuis cinq ou six ans, nous voyons arriver de nouvelles familles qui expriment une forte attente à l’égard d’une qualité d’accueil, d’un projet éducatif qui prenne en compte toute la personne de l’élève.

Nous ne sommes pas une école du refuge. Contre les tentations de repli, quelles qu’elles soient, nous éduquons les jeunes à vivre ensemble. Cela étant, nous refusons de tout focaliser sur la question des signes religieux. L’école peut faire sa place à l’expression des différences.

La Croix 30/08/04

L'école et le droit après l'affaire Montaigne

Le Monde 26/08/04

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L'école n'est plus un sanctuaire où l'on laverait son linge sale en famille. Comme dans l'histoire du collège Montaigne, des familles et des élèves n'hésitent plus à contester devant les tribunaux administratifs les exclusions définitives, dont évidemment celles qui concernent le voile islamique. Elles mettent en cause les décisions d'orientation de leurs enfants. Elles contestent, devant le juge pénal, la responsabilité des fonctionnaires ou de l'Etat en cas d'accident.

A ce mouvement de "judiciarisation", l'école ajoute un mouvement de "juridicisation", selon la distinction donnée par Bernard Toulemonde dans Le Système éducatif en France. "La société scolaire a fonctionné pendant des décennies sur la base d'un infradroit, fondé sur des coutumes et des règles internes qui faisaient consensus", écrit Bernard Toulemonde, qui résume la situation en une formule : "La loi était celle du professeur".

Le monde scolaire reste mal préparé à la banalisation du droit à l'école. [Les chefs d’établissement sont recrutés] au sein du vivier des enseignants, dont très peu ont une formation juridique.

L'administration ajoute une seconde difficulté : sa tendance à noyer ses fonctionnaires sous les instructions. Conséquence : les acteurs ne connaissent pas, bien souvent, les règles qu'ils sont censés appliquer. D'où une inquiétude assez naturelle face aux exigences croissantes de la société et des juges. Le Monde 26/08/04 Sur ce sujet voir notamment les actes du colloque de Toulouse en 1996 et un texte inédit de ce colloque sur le Règlement intérieur.

Education nationale: la lutte contre les racismes, un "combat permanent"

AFP 23/08/04

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"La lutte contre tous les racismes est un combat permanent et il ne suffit pas de se livrer à des effets médiatiques au moment de la rentrée, surtout si l'on doit ensuite ne plus rien faire", a précisé le cabinet du ministre François Fillon

"Toute la communauté éducative est mobilisée en permanence et pas seulement à l'occasion d'incidents", a-t-il ajouté, évoquant notamment les divers projets pédagogiques portant sur la tolérance ou le souvenir de la Shoah.

La règle est la "tolérance zéro" vis à vis de toute manifestation de racisme et d'antisémitisme, a ajouté le cabinet. AFP 23/08/04

Gare au «racisme pour rire»

Jean-François Launay, ancien principal de collège.

Libé 13/07/04

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Les actes antisémites et plus généralement racistes, dans nos collèges et lycées, sont pour la plupart impunis car inconnus des responsables. Seules quelques affaires émergent. Le chef d'établissement doit jauger s'il s'agit d'une non-affaire, d'une altercation qui ne mérite qu'une réprimande ou plus dans l'échelle des sanctions à sa disposition ou encore d'un acte d'une gravité telle qu'il nécessite la convocation du conseil de discipline.

La presse a très brièvement rendu compte d'un incident de [type antisémite] à Lyon. Une élève, ayant dessiné une croix gammée sur sa main qu'elle agitait sous les yeux d'un camarade juif. Admonestation et explication du chef d'établissement. Récidive quasi immédiate. Exclusion par le conseil de discipline et plainte déposée par le proviseur. La volonté d'exemplarité est manifeste. Il s'agit de faire comprendre à tous qu'une agression raciste délibérée est une transgression grave non seulement au règlement intérieur mais aux lois de la République.

Il y a, pour les générations actuelles de jeunes, une banalisation du racisme* «qui va de soi» car «c'est pour rire», un peu comme le «nique ta mère» envoyé au prof, équivalent du «putain !» de générations précédentes.

Dans le monde éducatif, il faudra tendre à une forte cohérence interne et un soutien hiérarchique réel de ceux qui sont en première ligne, les personnels de direction. Libé 13/07/04

* Voir à ce sujet un entretien avec Didier Lapeyronnie sociologue (Bordeaux-II) Nel Obs hebdo 15/07/04

Quand la religion fait obstruction à l'écolepix


Un rapport  de l’IGEN s'inquiète de la multiplication des revendications religieuses

 Libé 09/07/04

 

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Un rapport de l'Inspection générale de l'Education nationale (Igen) sur «les signes et manifestations d'appartenance religieuse dans les établissements scolaires», [va] être remis à François Fillon.

L'Igen parle d'«évolutions inquiétantes».

Du côté de l'alimentation, une «nouvelle difficulté» leur a ainsi été signalée : le refus par un nombre croissant d'élèves de consommer toute viande non abattue selon un rituel religieux. Voire, dans l'enseignement professionnel, de cuisiner du porc et de manipuler ou goûter de la viande non consacrée. Les juifs et surtout ­ nouveauté ­ les adventistes sèchent souvent les cours le samedi. Certains élèves ou personnels revendiquent également d'«investir une partie de l'espace public d'une dimension sacrée en y pratiquant les prières rituelles».

Difficultés encore, le refus de la mixité et les violences à l'encontre des filles dans les quartiers «ghettoïsés».

L'antisémitisme est banalisé, «parfois dès le plus jeune âge».

L'organisation de sorties scolaires est devenue un «sujet de préoccupation majeure ». Un nombre croissant d'élèves refuse de visiter et d'étudier des oeuvres de l'architecture religieuse.

Les sciences de la vie et de la terre (SVT) sont contestées au nom du «créationnisme». Quant à l'histoire, elle est parfois qualifiée de globalement mensongère et partiale, «exprimant une vision "judéo-chrétienne" ». Libé 09/07/04 L'école gagnée par le communautarisme pour Le Figaro 09/07/04. Pour Le Monde du 10/07/04  et France-Soir du 10/07/04 : Un rapport s'alarme de la montée des communautarismes à l'école. La religion pèse de plus en plus sur l'école pour Le Parisien du 10/07/04. L’AFP (09/07/04) fait état de réactions : Ecole: des associations demandent à M. Chirac de rappeler les valeurs de la France ; Fillon: l'école subit une "prise d'otages" de "certains courants religieux"

«Il reste à mener un travail d'éducation»

Esther Benbassa, Ecole pratique des hautes études en sciences sociales

Libé 09/07/04

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Il reste à mener un travail d'éducation et de formation qui commencerait dès le primaire et concernerait aussi bien les élèves que les enseignants. Ce travail ferait plus largement place à la colonisation, à la décolonisation. Une recherche a été menée par une équipe de l'académie de Versailles qui montre que lorsqu'on le fait, on arrive à parler aussi de la shoah dans un climat plus serein.

Il faudrait montrer aussi les juifs et les Arabo-Musulmans comme des groupes ayant créé de la pensée, de la musique, de la littérature, et pas uniquement comme ayant subi des persécutions. Il est vrai que la position victimaire confère un statut aux groupes minoritaires dans la société. Du coup, les Arabo-Musulmans se disent : «Nous aussi, on ne nous reconnaîtra que lorsque nous aurons accédé au statut de victimes ?».

 Décloisonner les esprits, c'est aussi casser les ghettos mentaux. Car cela existe aussi même s'il est évidemment urgent de déghettoïser les banlieues. Libé 09/07/04

La France se nomme «diversité»

Charles ZORGBIBE Professeur à la Sorbonne, ancien recteur d'Aix-Marseille

Le Figaro 07/07/04

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Le modèle des Français conquérants – ceux de 1792 comme de la IIIe République jusqu'à la Première Guerre mondiale – est celui de l'assimilation. Aux XIXe et XXe siècles, l'empire colonial français s'est présenté comme l'héritier direct de l'Empire romain, fondé sur la même matrice assimilationniste et égalitaire.

Au modèle de l'assimilation, d'autres nations ont préféré celui de l'exclusion.

Les Français d'hier ont-ils été plus sensibles au modèle de la «condescendance» ? Nous estimons que l'autre appartient, comme nous, à l'humanité, mais à un niveau inférieur. Dans l'Algérie coloniale du XIXe siècle, les Algériens sont confinés dans un statut de «droit musulman».

Contrairement à d'autres grands peuples européens voisins, les Français d'aujourd'hui ont abandonné toute condescendance dans l'ordre interne.

En 1988, au début de l'affaire du «voile islamique», Jacques Delors déplorait que les Français ne fassent pas preuve de la même tolérance que leurs voisins britanniques : à l'écran, apparaissait une Pakistanaise voilée, au milieu d'un amphithéâtre universitaire. Contre-sens de l'éminent homme d'État : l'«intolérance» supposée des Français était la conséquence de leur vision égalitaire ; la tolérance affichée des Britanniques, le reflet de leur perception d'une échelle non-dite des ethnies et de leur indifférence à l'égard de citoyens de troisième catégorie.

S'interrogeant sur l'identité de la France, Lucien Febvre puis Fernand Braudel répondaient : «elle se nomme diversité». Seul compte le «vouloir-vivre ensemble», avec ses deux volets : un passé commun, une histoire commune et, pour l'avenir, «un plébiscite de tous les jours».

L'erreur consiste à vouloir aligner la nation française, nation organique, sur le modèle multicommunautaire dominant, celui des Etats-Unis. Le Figaro 07/07/04

Public et privé aussi bons élèves en théorie

Libé 06/07/04

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Dans une étude rendue publique hier, la Direction de l'évaluation et de la prospective (DEP) du ministère de l'Education nationale révèle que «toutes choses égales par ailleurs», le public obtient quasiment les mêmes résultats que le privé.

Ce qui favorise la réussite, plus que d'être dans le public ou dans le privé ? L'âge d'entrée en sixième, le niveau social des parents, le niveau d'étude de la mère, l'implication des parents dans les études de leurs enfants. Or sur ces critères, les choses ne sont pas égales entre public et privé, ce dernier ayant la liberté de choisir ses élèves et ses enseignants et n'étant pas contraint par les rigueurs de la carte scolaire.  Même les élèves issus de milieux défavorisés sont, dans le privé, «moins défavorisés» (parents plus impliqués, habitat moins dégradé, mère plus souvent diplômée du bac ou du supérieur...).

la part du privé est restée stable ces vingt dernières années (environ un sixième). [Pour le] «zapping» entre public et privé, 60 % des changements ont lieu à des moments clés de l'orientation : à l'entrée au collège et au lycée. Et les flux se font à l'avantage du public à l'entrée en lycée général ou technologique. Libé 06/07/04 Voir aussi un entretien avec Gilles du Retail, du secrétariat général de l'enseignement catholique : «La poussée consumériste est très forte, c'est à nous d'y résister». La «liberté de choix» s'est épanouie de la façon la plus hypocrite qui soit : sous couvert et au sein du service public. Conservatismes.

La vérité sur le match privé-public : très claire synthèse du Parisien 06/07/04 Éducation, le match public-privé Ouest-France 06/07/04 Regards croisés public-privé La Croix 06/07/04 L'école privée obtient de meilleurs résultats que le public pour Le Figaro 06/07/04 Excellence, proximité, réadaptation: les trois types d'établissements privés titre l'AFP 05/07/04 Les élèves du privé réussissent "légèrement mieux" que ceux du public pour Le Monde 07/07/04 Un entretien avec Denis Paget co-secrétaire général du SNES dans Le Nel Obs 07/07/04

La source : La revue Éducation & formations numéro 69 – édition juin 2004 _ Public-Privé : quelles différences (articles téléchargeables)

Les RG constatent un phénomène de repli communautaire dans la moitié des quartiers sensibles surveillés

Le Monde 06/07/04

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Dans les "quartiers ghettoïsés ou en voie de l'être", les RG notent une forte concentration de familles d'origine immigrée, "parfois majoritaires, cumulant les handicaps sociaux et culturels". "Ces populations conservent des survivances culturelles aboutissant à une certaine endogamie, à un maintien de modes de vie traditionnels, à l'émergence de modes de régulation sociale des conflits parallèles aux institutions, et à une vie associative repliée, organisée en fonction de l'origine des participants."

Les indices de l'influence croissante [d’un] islam radical sont notamment le port d'habits religieux et la dégradation du statut des femmes, en particulier celles d'origine maghrébine vivant à l'européenne, qui "sont régulièrement victimes d'injures et de violences".

L'école constitue, selon les RG, "un véritable miroir grossissant des dérives" constatées dans certains quartiers. Selon le rapport, les enseignants ont noté une "radicalisation des pratiques religieuses (ramadan, interdits alimentaires), une certaine remise en cause des cours d'histoire, de sciences naturelles et de sport, tandis que les jeunes filles subissent de la part des élèves masculins des pressions pour porter le voile". Le Monde 06/07/04 Lire aussi un entretien avec Didier Lapeyronnie, professeur de sociologie à l'université Victor-Segalen de Bordeaux

La paix scolaire a fait son œuvre

 

 

 La Croix 23/06/04

 

Extraits

Un président de région socialiste pour l’ouverture d’un congrès national des parents d’élèves de l’enseignement libre (Unapel) ?… Les paroles de Martin Malvy, le président de Midi-Pyrénées, se voulaient particulièrement rassurantes : «L’engagement envers la jeunesse est l’axe majeur de notre politique régionale. Un engagement pour tous les jeunes. »

Aujourd’hui, une famille française sur deux scolarise dans l’enseignement catholique, près de 200.000 élèves sont passés en 2002 d’un système à l’autre.

«Je constate une sorte de renversement de situation : il y a quelques années, nous passions pour le bastion d’une pédagogie traditionnelle ; on sait aujourd’hui que l’enseignement catholique est un lieu de recherche et d’initiative pédagogique», estime Paul Malartre, secrétaire général de l’enseignement catholique.

«La question prioritaire aujourd’hui n’est pas celle de l’enseignement sous contrat, estime [le secrétaire général  du CNAL] Jean-Louis Biot. C’est tout le rapport de la société à son école qui change à grande vitesse. Le monde marchand percute le système éducatif, le marché du soutien scolaire explose… C’est le signe d’un échec de l’école, publique ou privée, à accompagner les élèves en difficulté.»

Fin mai, le Conseil économique et social (CES), où siègent les grandes fédérations, a adopté un avis sur l’avenir de l’école. Le conseil fait des propositions qui visent l’école en général simplement l’école publique en particulier. Il reprend quelques thèmes chers à l’enseignement catholique, telle la notion de «communauté éducative». La Croix 23/06/04

Communautarisme et cloisonnement des mémoires

Le Monde 23/06/04

Extraits

Antisémitisme contre islamophobie, mémoire juive contre souffrance coloniale, Shoah contre traite des Noirs...

L'incessant recours aux victimes d'hier, s'ajoutant à l'instrumentalisation quotidienne du conflit israélo-palestinien, alimente une machine infernale. Des collégiens d'origine africaine chahutent le cours sur l'extermination des juifs au nom du silence fait sur l'esclavagisme. Les agressions racistes ou antisémites ont presque cessé de susciter des réactions collectives : chacun compte à présent ses victimes, ses stigmates et descend dans la rue pour défendre "les siens".

A cette communautarisation des émotions, se sont ajoutés un emballement réactif, une propension aux analyses à l'emporte-pièce. Récemment à Epinay-sur-Seine, le président du CRIF, avant que l'agresseur du jeune juif ne fasse d'autres victimes, avait immédiatement mis en relation cette agression à l'arme blanche avec le prétendu laxisme de la justice à l'égard de l'antisémitisme.

Les associations de lutte contre le racisme se distinguent par leur impuissance. Incapables d'adapter leur discours et leurs actions à la montée d'un nouvel antisémitisme d'origine maghrébine, elles paraissent avoir été emportées dans la grande bourrasque des affiliations communautaires.

Il est urgent de stopper la machine infernale de l'affrontement des mémoires et des victimes. En bannissant les amalgames du type "juif = Sharon" ou "musulmans = Ben Laden". En adaptant les sanctions infligées aux auteurs, souvent très jeunes, d'actes antisémites, qui oscillent aujourd'hui entre un vide incompréhensible et des peines pour l'exemple sans visée pédagogique.

Le Monde 23/06/04

La FCPE : "On va interdire le voile sous les crucifix en Alsace-Moselle"

AFP 17/05/04

 

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"Sous couvert de défendre la laïcité, on va interdire le voile sous le crucifix en Alsace-Moselle" à la rentrée, a déclaré le président de la FCPE Georges Dupon-Lahitte.

"Vous parlez d'une laïcité!" a-t-il lancé en dénonçant les "intégristes de la laïcité" qui vont faire "augmenter le communautarisme" en France.

M. Dupon-Lahitte a critiqué la loi interdisant le port ostensible de signes religieux à l'école en estimant qu'il s'agissait d'une loi "d'exclusion". "Le fameux dialogue, se résume à : tu obéis ou tu pars", a-t-il dit. "De plus, la loi ne s'applique pas à l'enseignement privé sous contrat".

"On risque de renforcer la loi du faciès", a-t-il encore noté en estimant encore que "suivant le chef d'établissement, et la pression qu'il recevra de ses enseignants plus ou moins intégristes, le bandana sera accepté ou non". AFP 17/05/04

Le CSE adopte la circulaire de la loi laïcité

Nel Obs 17/05/04

Extraits

Le Conseil supérieur de l'éducation (CSE), où siègent les représentants de l'ensemble de la communauté éducative - enseignants, parents, élèves, étudiants - a approuvé lundi 17 mai la circulaire d'application de la loi interdisant le port "ostensible" de signes religieux a approuvé le texte par 26 voix pour et huit votes contre, six abstentions et 25 refus de vote.

"Nous avons voté favorablement, car nous avons apprécié le changement de méthode retenu pour l'élaboration de cette circulaire, qui s'est faite dans la concertation, tant sur le fond que sur la forme" a déclaré le secrétaire-général de l'UNSA Education Patrick Gonthier. "J'ai rappelé toutes nos réserves vis-à-vis de cette loi et j'ai regretté qu'on ait circonscrit le débat sur la laïcité à la seule interdiction des signes religieux à l'école" a déclaré le secrétaire-général de la FSU, Gérard Aschieri.
Le ministre de l'Education nationale François Fillon a pour sa part admis que "l'exercice d'écriture" de cette circulaire, "ajustée à trois reprises", n'était "pas aisé".
Nel Obs 17/05/04 Voir aussi,le discours du ministre François Fillon au CSE. La Circulaire du 18 mai 2004 relative à la mise en oeuvre de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics est parue au J.O.

Les syndicats appuieraient la nouvelle formulation
La circulaire sur la laïcité finalisée

 

Le Figaro 10/05/04

 

Extraits

La phrase permettant d'interdire tous les couvre-chefs a été supprimée. La décision revient maintenant et comme par le passé aux chefs d'établissement.

Le texte précise que «les accessoires et les tenues qui sont portés communément par des élèves en dehors de toute signification religieuse» ne sont pas interdits. «En revanche, la loi interdit à un élève de se prévaloir du caractère religieux qu'il y attacherait par exemple pour refuser de se conformer aux règles applicables à la tenue des élèves dans l'établissement.»

Les syndicats appuieraient cette nouvelle formule. Enfin, le ministère fait savoir, comme pour prévenir les critiques, qu'il donnera des instructions aux recteurs d'académie dans le sens de la fermeté.

En cas de conflit, les «tiers intéressés», expression dissimulant à peine les représentants des conseils régionaux du culte musulman, [peuvent] prendre contact avec les «recteurs». Le Figaro 10/05/04 La circulaire "devrait limiter les recours" juridiques selon le SNPDEN AFP 10/05/04 La notion de "couvre-chef" disparaît de la circulaire sur le voile Le Monde 11/05/04 La version finale de la circulaire Nel Obs 10/05/04 Nouvelles corrections pour la loi (sic) sur la laïcité à l'école Libé 11/05/04

Respectons l'esprit de la loi sur le voile

Alain Touraine, sociologue, était membre de la commission Stasi

Le Monde 9-10/05/04

Extraits

N'écoutons pas les débats imbéciles sur les bons et les mauvais bandanas. Revenons aux choses sérieuses. Et en premier lieu à la rentrée scolaire de septembre. Souhaitons-nous une vague d'exclusions ?

Nous savons en particulier que des pressions s'exercent sur des filles dans certains quartiers, à la fois pour les obliger à porter le voile et pour restreindre leurs libertés personnelles. Le problème serait inexistant si toutes les filles voilées étaient manipulées par des groupes sectaires et antimodernistes. [Mais] parmi les filles voilées, beaucoup sont modernistes mais veulent combiner leur passé et leur avenir, faire des études sans rompre avec leur famille.

La loi n'a pas été conçue dans un esprit de pure répression. Cette loi était dirigée contre ceux qui ne respectaient pas les règles de nos écoles et de nos hôpitaux et, en cela, elle a largement atteint son but. Son intention n'était pas de condamner en bloc les filles voilées. Le Monde 9-10/05/04

La Ligue de l'enseignement engage la commémoration de la loi de 1905

AFP 07/05/04

Extraits

"Nous avons souhaité prendre les devants et nourrir dès maintenant la réflexion, parler de laïcité au présent et de son aptitude à répondre aux défis actuels car rien ne serait pire qu'une commémoration convenue, un regard simplement posé sur le passé", déclare la Ligue.

Créée en 1861 pour "former l'homme et le citoyen", la Ligue s'est montrée, dès son origine, défenseur d'une laïcité scolaire

Pendant toute son histoire, [elle] a milité pour la défense de la laïcité et, plus récemment, pour la promotion actualisée de ses valeurs, défendant l'enseignement des religions à l'école pour mieux comprendre. Elle s'est en revanche déclarée réservée sur l'opportunité d'une loi sur le port des signes religieux

une expo itinérante "Histoire et actualité de la laïcité" qui, en 21 panneaux, explique le passé et le présent, "les défis actuels devant la montée des intolérances, des fanatismes, des nouveaux cléricalismes". http://www.laicité-laligue.org.       AFP 07/05/04

« La République doit affirmer ses valeurs »

Esther Benbassa, Historienne du judaïsme moderne, directrice d'études à l'École pratique des hautes études, vient de publier La République face à ses minorités, les juifs hier, les musulmans aujourd'hui (éditions Mille et Une Nuits).

 

Ouest-France 06/05/04

Extraits

Le voile est d'abord un marqueur identitaire. Tout le monde sait qu'on ne peut pas régler ce genre d'affaire avec une loi. Il vaut mieux que les jeunes filles rentrent avec le voile et le quittent d'elles-mêmes grâce à l'éducation. Ce serait là l'acquis de la République.

La question qui se pose, c'est de savoir si les valeurs de la République sont assez fortes pour rassembler. Au XIXe siècle, les juifs ont adhéré aux valeurs de la République, autour du thème de la laïcité. Ils ont fait la synthèse de ces valeurs sans pour autant abdiquer leurs traditions. Aujourd'hui, peut-être, les valeurs de la République ne sont-elles pas assez fortes pour que les Arabo-Musulmans fassent la synthèse avec leurs propres valeurs. Ouest-France 06/05/04

La deuxième mouture du texte sur les signes religieux a été rendue publique jeudi.
Voile à l'école : la nouvelle circulaire mate les fortes têtes

Libé 30/04/04

Extraits

La nouvelle version de la circulaire sur «le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse» à l'école sera présentée le 12 mai au Conseil supérieur de l'éducation.

La circulaire rappelle que sont interdits «le voile islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, la kippa, ou une croix de dimension manifestement excessive», et confirme que «la loi ne remet pas en cause le droit des élèves de porter des signes religieux discrets».

«La loi interdit à un élève de se prévaloir du caractère religieux qu'il attacherait au port d'un tel accessoire par exemple pour refuser d'ôter un couvre-chef là où il serait interdit dans l'établissement». Concrètement : un chef d'établissement peut interdire le bandana non seulement en classe mais aussi dans les autres espaces.

Il est rappelé que le dialogue «n'est pas une négociation et ne saurait bien sûr justifier de dérogation à la loi». Les chefs d'établissement auront toute liberté de maintenir ou pas l'élève en cours. «Le dialogue devra être poursuivi le temps utile pour garantir que la procédure disciplinaire n'est utilisée que pour sanctionner un refus délibéré de l'élève de se conformer à la loi.» Libé 30/04/04 Une nouvelle version plus synthétique du projet de circulaire sur la laïcité AFP 29/04/04 Laïcité : Fillon simplifie la circulaire Nel Obs 30/04/04 François Fillon propose une version clarifiée de sa circulaire sur le voile Le Monde 02/05/04  Dalil Boubakeur (CFCM): la circulaire laïcité est "une douche froide" AFP 30/04/04 Les ombres du voile titre L'Express 03/05/04 La circulaire allégée passe mieux : les groupes UMP et PS à l'Assemblée nationale y sont favorables Ouest-France 06/05/04 Ce fichu bandana Le Point 06/05/04

Le texte du projet de circulaire (téléchargeable au format *.pdf) - «A l'exception de la fée Clochette..» : un pastiche de la 1ère version de la circulaire à lire sur le site de la FCPE 34

Bernard Stasi : « La loi sur le voile est indispen-sable ! »

 

Extraits

Une partie de ceux qui contestent la circulaire aujourd'hui - des chefs d'établissement, des enseignants ou des directeurs - sont ceux qui m'ont justement convaincu qu'une loi était indispensable.

Cette loi est indispensable et, justement, sa circulaire d'application va dans le bon sens. Elle peut être encore améliorée pour éviter toute confusion mais il y aura toujours une part d'interprétation laissée aux chefs d'établissement. Ce projet de texte ne remet pas en cause le principe même de la loi.

Ce qui m'agace le plus actuellement, qui me scandalise même, c'est que la polémique tourne encore une fois autour du voile islamique, on ne se focalise que sur le port ou non du bandana, du foulard quel que soit son nom. La loi déjà avait été vécue comme une loi antimusulmane, ce qui n'est pas le cas. D'autres mesures doivent être prises. Ouvrir par exemple une école pour former les imams de France, enseigner le fait religieux à l'école sont des propositions qui restent à l'ordre du jour. Le Parisien 23/04/04 Voir aussi « Oser réaffirmer la laïcité » Par HENRI PENA-RUIZ, philosophe, membre de la commission Stasi Libé 23/04/04

« Un texte aberrant, inapplicable »

Le Parisien 22/04/04

Extraits

« La loi veut répondre à une question qui n'est pas posée. Plus qu'un fait de société, le voile est un phénomène téléguidé par des groupes qui ont intérêt à déstabiliser la démocratie au travers de l'école.» José Fouque, proviseur dans l'Oise, et président d'Education et Devenir, considère qu'une loi sur le sujet est, dans l'absolu, « quasiment inapplicable ». « C'est le retour à la case départ ! A la porte de mon établissement, il me reviendra, comme à tous mes collègues, la charge de juger si j'ai affaire ou non à des cas de prosélytisme. Comme avant, quoi ! »

Serge Patural, proviseur du lycée Lacassagne à Lyon, s'avoue, lui, terriblement « déçu » par le projet de circulaire. « J'ai vraiment défendu cette idée, mais j'espérais une loi ferme, pas ce projet hypocrite. » « J'ai longtemps considéré que le voile pouvait être un rattachement aux racines. Mais, à Vénissieux, je me suis aperçu de l'influence des intégristes sur les jeunes, de l'existence d'une véritable organisation. Je me suis rendu compte que, si on cédait sur le voile, si on n'était pas ferme, on allait se retrouver face à de nombreuses remises en cause, toujours plus nombreuses, des valeurs de la République. » Le Parisien 22/04/04

François Fillon propose son "mode d'emploi" de la loi sur le voile

Le Monde 22/04/04

Extraits

Après plusieurs semaines d'attente, le ministère de l'éducation nationale livre son mode d'emploi de la loi interdisant les signes religieux à l'école. Dans un projet de circulaire, qui doit être transmis aux organisations syndicales et confessionnelles

"La loi est rédigée de manière à pouvoir s'appliquer de la même manière à toutes les religions, connues ou moins connues, et de manière à permettre de répondre à l'émergence de nouveaux signes ou à d'éventuelles tentatives de contournement de la loi", indique le texte.

Sont exclues de l'application de la loi les "tenues traditionnelles" qui témoignent de "l'attachement de ceux qui les portent à une culture ou à une coutume vestimentaire". le ministère entend donner un peu plus de souplesse aux établissements des DOM et TOM

La loi n'interdit pas les accessoires et les tenues qui, même s'ils peuvent être portés dans certains cas pour des motifs d'ordre religieux, sont aussi portés communément par des élèves en dehors de toute signification religieuse",

La loi donne aux collèges et lycées le droit d'exclure le port de tout couvre-chef dans les salles de classe

La circulaire détaille les modalités du dialogue obligatoire avant toute mesure disciplinaire.

Pour les agents du service public, aucun signe religieux, même discret, ne peut être admis ; à l'inverse, aucune exigence particulière ne touche les parents. "Les convictions religieuses des élèves ne leur donnent pas le droit de s'opposer à un enseignement". Le Monde 22/04/04  La circulaire sera modifiée après concertation, selon Fillon Le Figaro 22/04/04 Des extraits de la circulaire Le Monde 22/04/04  "Le texte donne tous les moyens pour contourner la loi" affirme P. Guittet (SNPDEN) dans Le Monde 22/04/04 Proviseurs et enseignants rejettent la circulaire d'application de la loi sur la laïcité à l'école Le Monde 23/04/04 La circulaire est "améliorable" pour Le Nel Obs 23/04/04 Fillon va repriser le texte sur le voile pour Libé 23/04/04 La circulaire sur le voile fait trébucher François Fillon Le Monde 24/04/04 Circulaire, y'a tout à revoir ! titre L'Humanité 24/04/04 Philippe Guittet Expliquez-vous demande aussi L'humanité 24/04/04

Un imposant travail destiné à tous les éducateurs
Un «livret républicain» contre les communauta-rismes à l'école

Le Figaro 10/03/04

Extraits

L'Idée républicaine aujourd'hui se veut référence sur l'idée de la laïcité en France.

«Il s'adresse à tous ceux qui sont, à quelque titre que ce soit, en charge de l'éducation des jeunes, écrit de son côté le ministre de l'Éducation. Il vise à leur apporter une aide dans la lutte contre la montée des affrontements communautaires ainsi que de leurs dérives racistes ou antisémites.»

Il a tout d'abord été demandé à 29 personnalités de réaliser «un abécédaire républicain».

Une deuxième partie présente une chronologie des grands événements fondateurs de la notion républicaine en France à partir de 1789 (les états généraux se proclament Assemblée nationale) jusqu'au 7 décembre 2000, jour où l'Union européenne se dote d'une charte des droits fondamentaux.

Une anthologie regroupant quarante-deux textes autour de quatre thèmes – la liberté, l'égalité, une République de citoyens, à l'école de la République – composent la troisième partie. Le Figaro 10/03/04 Voir aussi Le Monde 11/03/04 et le dossier de presse

En matière de religion comme de culture, l'autorité et la loi ne suffisent plus. Il faut convaincre.
La laïcité, un droit à effet boomerang

Dominique Wolton directeur de recherche et de la revue Hermès au CNRS

 

Extraits

Hier, il s'agissait d'une laïcité d'interdiction et d'une intégration par autorité. Aujourd'hui, il faut une laïcité d'adhésion et une intégration par coopération. Il faut donc convaincre et pas seulement interdire. En matière de culture et de religion, l'autorité et la loi ne suffisent plus. Laissons de côté l'argument selon lequel il fallait agir contre un complot islamiste lié au terrorisme international. C'est prêter au terrorisme une toute-puissance culturelle discutable.

Interdire est perçu comme le contraire de la liberté individuelle qui est un des acquis de la démocratie et de la laïcité.

Plus il y aura de modernité, de mondialisation, plus les communautés ­ et cela n'a rien à voir avec le communautarisme trop facilement utilisé comme bouc émissaire ­ revendiqueront les identités, langues, cultures, religions, traditions...

L'universalité de la laïcité à «la française» rencontre de plein fouet l'altérité culturelle et l'incompréhension.

C'est cela, les trois boomerangs. La revendication de la liberté dans un des rares pays où elle est possible. L'affirmation des identités culturelles collectives. Les conséquences de la mondialisation de l'information.

Assurer la dignité et l'égalité dans le travail, l'école, la santé, le logement, le cadre de vie, est au moins aussi important que les droits et devoirs politiques et culturels. Revaloriser enfin l'école que certains ont trop voulu réduire à l'apprentissage de la modernité. Elle est le lieu privilégié de la socialisation, du respect d'autrui, de l'apprentissage de l'Histoire, de l'égalité entre les sexes, du dialogue et de l'intégration. Libé 04/03/04

La loi sur la laïcité a été adoptée : Le Sénat a adopté mercredi dans les mêmes termes, par 276 voix contre 20, le texte que l'Assemblée avait voté le 10 février par 494 voix contre 36. (Nel Obs et Libé 04/03/04)

Luc Ferry annonce une "politique de la laïcité plus générale"

AFP 02/03/04

Extraits

"Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui n'est pas un point d'arrivée mais un point de départ", a souligné M. Ferry, en présentant mardi au Sénat le projet de loi sur l'interdiction des signes religieux à l'école publique.

Le ministre a aussi insisté sur la nécessité de "traiter les causes des problèmes et pas seulement leurs conséquences". "Notre politique doit reposer sur deux piliers: la lutte contre les discriminations et la promotion sociale par la formation et l'emploi."

Au nom du groupe socialiste, M. Lagauche a déclaré: "Nous sommes pour la loi, même si le texte qui nous est soumis aujourd'hui ne nous convient pas totalement."

Pour le groupe communiste, Nicole Borvo a dénoncé "la faillite du pacte social".

Le président du groupe centriste Michel Mercier a laissé prévoir une forte abstention de l'UDF: "Beaucoup d'entre nous ne sont pas convaincus qu'un texte aussi partiel, aussi peu novateur, soit à même de résoudre tous les problèmes que pose l'intégrisme à notre société aujourd'hui." AFP 02/03/04  Voir aussi : Le sénateur Vergès défend la spécificité de la Réunion

Notre civilisation laïque est apparue à la Renaissance. Les croyances n'ont plus lieu de s'imposer comme la norme.
La France terre d'incroyance

Michel-Antoine BURNIER écrivain et journaliste

Libé 02/03/04

Extraits

La France retrouve les problèmes qu'elle avait cru résoudre il y a un siècle : qu'est-ce qu'une religion, quels sont ses droits, jusqu'où peut-elle empiéter sur le domaine public, que peut-elle imposer à ses fidèles, que ne peut-elle pas leur imposer ?

Nous voulons séculariser l'islam ? Permettons-lui de construire ses mosquées.

La première conviction des Français se nomme l'incroyance ; les observances, tous cultes confondus, ne viennent qu'ensuite. La République ne garantit la liberté religieuse que parce qu'elle garantit plus largement la liberté de conscience et donc, tout autant, la liberté de ne pas croire. Or cette liberté, dont beaucoup d'entre nous usent avec indifférence, fut le fruit d'une longue, courageuse et sanglante conquête.

N'y a-t-il pas de professeurs pour enseigner la vie et les idées d'Etienne Dolet, pendu et brûlé à Paris en 1546 parce qu'il avait traduit Platon et douté de l'immortalité de l'âme ? Celles de Giordano Bruno, brûlé vif à Rome en 1600 pour hérésie et panthéisme ?

La République, la séparation des pouvoirs, le suffrage universel, la laïcité, la liberté de conscience, la décolonisation, l'égalité de l'homme et de la femme ne viennent pas du catholicisme, qui les a longtemps combattus, pas plus que les Eglises n'ont eu, en dix-huit siècles, l'idée d'abolir l'esclavage.

Il est fâcheux que l'enseignement scolaire s'arrête à l'étude des grandes religions. Des cours sur l'agnosticisme et l'athéisme ? Libé 02/03/04

Interdit d’interdire ?

Jean Daniel

Nel Obs hebdo 26/02/04

Extraits

Une véritable campagne contre la loi sur le voile se déchaîne de manière rétroactive et stratégique. On prétend voir la main invisible du capitalisme derrière les préoccupations sécuritaires et intégrationnistes qui ont conduit à l’interdiction du voile.

A l’école que nous fréquentions dans notre jeune âge, nous savions qu’il y avait une morale laïque aussi rigoureuse que la morale religieuse et que, loin de s’opposer à la diversité des origines, elle conduisait à la communion des comportements.
Mais je veux m’insurger avec force contre l’étrange spectacle donné par des universitaires respectés qui voient dans la loi interdisant le voile la révélation de nos peurs suspectes, «droitières et néocolonialistes», sans jamais éprouver le moindre besoin de s’inquiéter de l’opinion des élites musulmanes dans notre pays.

Pour la plupart de ceux que l’on appelle les «nouveaux penseurs de l’islam», la symbolique du port du voile constitue la négation de l’émancipation intellectuelle que la France laïque permet et encourage. Ces musulmans progressistes admirent en France ce que l’on appelle une laïcité «à l’ancienne». Nel Obs hebdo 26/02/04

Laïcité : le revirement

Le Monde22/02/04

Extraits

Ce qui est évident, c'est l'émoi que provoque le port du voile par des jeunes filles musulmanes dans des collèges et des lycées. Elles mettent les chefs d'établissement dans un embarras extrême.

Aussi sages et mesurés qu'aient été l'avis du Conseil d'Etat et la circulaire de François Bayrou, ces guides ne suffisent pas aux proviseurs et aux principaux de collège. Une telle situation déclenche un réflexe : s'abriter sous une loi.

L'opinion réclame un "coup d'arrêt"…Mais coup d'arrêt à quoi  ? A l'islamisme  ?

Si ce "coup d'arrêt" destiné à rassurer les Français agissait comme un coup d'accélérateur en attisant le mal-être des musulmans, cette loi "citoyenne"obtiendrait un effet inverse de celui que l'on a recherché.

Pourtant l'avis du Conseil d'Etat, exprimé en novembre  1989, expliquait parfaitement à quelles conditions et dans quelles circonstances des signes d'appartenance religieuse pouvaient éventuellement être interdits. La liberté restait la règle, et elle n'était limitée que lorsque l'ordre public était troublé.

La nouvelle loi exprime purement et simplement une interdiction. Elle prohibe les signes qui "manifestent ostensiblement une appartenance religieuse". Or de cette prohibition naîtront les mêmes difficultés pratiques que celles qui découlaient de la règle précédente.

Comment d'ailleurs ne pas trouver contradictoire de valoriser à ce point la neutralité religieuse dans l'enseignement public et, dans le même temps, non seulement d'autoriser, mais de subventionner, des collèges et des lycées chrétiens, juifs et musulmans. Le Monde22/02/04

Discriminations : Bernard Stasi remet son rapport 16/02/04 téléchargeable
«Chaque modèle de civilisation a son sacré social»

Régis Debray médiologue

Le Figaro 14/02/04

Extraits

Cette loi [sur le voile], strictement nécessaire et totalement insuffisante, ne porte que sur un très léger symptôme.

Les pays de souche protestante et de souche catholique ne possèdent pas le même «logiciel» historique. Là où nous parlons secte, par exemple, et confiscation des consciences, les Américains parlent liberté religieuse.

Les manifestations au sein du monde arabe sont minoritaires et normales.

On est tellement saturé de débats qu'on finit par oublier que la République est née d'une série de combats et non d'une série de colloques.

C'est d'abord de l'école qu'il s'agit et, ensuite, par voie de conséquence, des signes religieux, qui ne sont pas des signes mais des conduites ou des annonces de conduite: refus de programme ou d'assistance à tel ou tel cours.

Chaque modèle de civilisation a son sacré social. Nous respectons celui des autres; qu'on respecte le nôtre. Chez nous, c'est le pacte de citoyenneté. Chez d'autres, c'est la révélation divine.

Un effondrement symbolique a frappé l'institution scolaire. Le Figaro 14/02/04

Le texte de la loi après adoption en 1ère lecture à l'Assemblée Nationale (format *.pdf) ; un dossier du Sénat avec notamment le texte du projet de loi adopté par l'assemblée, le rapport du député Pascal Clément au nom de la commission des lois, l'avis du député Jean-Michel Dubernard au nom de la commission des affaires sociales et des liens vers de nombreux textes de référence. Le rapport du Sénateur J. Valade, au nom de la commission culturelle du Sénat

La loi sera adoptée aujourd'hui par les députés

Laïcité: oui à la concertation, non à l'exclusion

Ouest-France 10/02/04

Extraits

Il serait hypocrite de nier que le signe ou symbole « ostensible » le plus visé est bien le voile islamique. Mais l'esprit de la loi n'est pas de stigmatiser l'islam. Les principes de laïcité et d'égalité des sexes sont l'oeuvre de rudes et longs combats, et les Français n'ont aucune raison d'y renoncer sous prétexte que d'autres Français plus récents dans leur histoire arrivent avec d'autres valeurs et d'autres traditions.

La laïcité a pu, et peut encore, recouvrir des pratiques peu compatibles avec la tolérance ou la liberté de pensée, mais dans sa visée originelle définie par Jules Ferry (cf sa lettre aux instituteurs), elle se traduit par un état d'esprit de neutralité ouverte vis-à-vis des religions, et aussi par un lieu : l'école, censée mettre tous les enfants à égalité.

[Cette loi] devra être appliquée avec discernement. Il faudra trouver le juste équilibre, dans un esprit de concertation et non d'exclusion, entre la règle qui impose et le dialogue qui éclaire, apaise, et parfois convainc. Ouest-France 10/02/04

La focalisation sur le voile occulte le seul vrai problème, celui de l'intégration sociale
Encore un effort, M. le Président

Sami Naïr, député européen MRC. Dernier ouvrage publié : l'Empire face à la diversité, éditions Hachette (2003)

Libé 10/02/04

Extraits

communautarismes, confessionnalismes et autres différentialismes. Les Eglises l'ont admis à leur corps défendant, il n'y a aucune raison pour que les musulmans dérogent à la règle.

Et si ce n'était pas l'islam qui menaçait les fondements éthiques de la République, mais l'incapacité de celle-ci à incarner un sens qui puisse concurrencer l'aliénation religieuse dans un monde où règne en maître le désespoir social ? Et si le rôle des pouvoirs publics dans cette affaire de voile et de la crise de la laïcité était plus que trouble, coupable même ?

En 1989, dominée par la «moraline» différentialiste et multiculturaliste, la gauche n'osait réaffirmer les principes de base de la laïcité.

Faut-il rappeler que l'islam, en France, n'est pas une abstraction, une simple croyance enfouie au fond des consciences ? Dans ce creuset de forces contraires, le succès est assuré pour le plus démagogue : accusez certains intellectuels partisans d'Israël de l'être en raison de leur origine juive, et vous êtes assurés du soutien de tous les crétins antisémites et d'un glorieux scandale médiatique. Dites que vous détestez l'islam, et vous aurez les suffrages des revanchards néocoloniaux.

Depuis la fin des années 70, on voit bien que ce sont les milieux populaires, les couches ouvrières immigrées, leurs enfants, qui sont de fait les principales victimes des ajustements socio-économiques : ghettoïsation, racisme à l'emploi, apartheid au logement, regroupements scolaires voués à l'abandon, humiliation culturelle quotidienne.

Ce n'est pas seulement de quelques mots sur l'interdiction du «port de signes manifestement ostensibles» dont on a besoin : c'est d'une grande loi d'intégration sociale où l'emploi, l'éducation, le logement, mais aussi le rappel des devoirs liés à la citoyenneté républicaine, soient proposés comme projet de vie en commun. Libé 10/02/04

La loi, vite ! Et passons à l'intégration

Fawzia Zouari, romancière et essayiste franco-tunisienne

Le Monde 10/02/04

 

Extraits

Ne revenons pas sur les contradictions d'une mesure prohibitive qui prétend libérer les femmes, quitte à les renvoyer sous la férule familiale, qui parle de signes ostensibles, sans en préciser les contours, qui s'obstine à dénoncer une inégalité entre les sexes, tout en s'opposant au choix revendiqué de certaines femmes.

Au lieu de s'évader dans des lectures symboliques - voile répression, voile prosélytisme, voile sexisme... -, il aurait été plus utile de se référer à ce qui se passe sur le terrain, d'écouter les voilées, pour éviter une loi préventive qui jugera selon des idées reçues et non sur des faits avérés, qui stigmatisera une communauté entière pour quelques centaines de fichus dont le sens et l'usage échappent même à celles qui les portent. De la loi peut émerger le pire : faire naître une nouvelle minorité dans la minorité, les filles voilées qui symboliseront demain un islam martyr.

A défaut de vrais débats et de démarches réfléchies et cohérentes, il faudra édicter des lois interdisant, cette fois, le délit de faciès, le parcage ethnique des élèves musulmans, la discrimination à l'embauche, au logement, pour les postes de la fonction publique ou dans les médias.  Le Monde 10/02/04

La laïcité, un chantier toujours reconduit

Par Roger Martelli, historien, directeur de la revue Regards

L'Humanité 09/02/04

Extraits

Je plaide  pour que le Parti communiste affirme nettement son refus de la loi présentée devant le Parlement.

si par malheur la loi produit de l'exclusion, elle peut conduire au contraire de ce qu'elle énonce, c'est-à-dire le respect des fondements de toute vie commune.

Il me paraît évident que le voile, au-delà d'un simple signe d'identification religieuse, est un symbole historique de l'oppression des femmes. [Mais] nul ne peut ignorer la diversité des manières dont des jeunes femmes baignant dans les cultures de souche musulmane vivent aujourd'hui le port du voile, discret ou ostensible. En réduisant légalement le port du voile à une seule signification, la loi conforte à sa façon la lecture intégriste qu'en donnent les islamistes patentés. Elle justifie des mises à l'écart systématiques de l'école publique, promeut de facto l'école confessionnelle et, ce faisant, exacerbe l'enfermement communautaire.

Être un laïque conséquent devrait nous contraindre à libérer la laïcité de la double tutelle de la concurrence marchande et de l'étatisme, de la parcellisation des communautés et de la normalisation des individus.

Cette loi ne fera reculer ni le voile ni l'oppression qu'il véhicule ; à mes yeux, il s'agit d'une mauvaise loi.

L'Humanité 09/02/04

Plutôt que mettre en oeuvre une politique de façade, l'Etat devrait d'abord se donner les moyens de lutter contre les discriminations existantes
La discrimination positive, idée pernicieuse

Michaël Faure, sociologue, auteur de Voyage au pays de la double peine (2000) et d'En finir avec la double peine (collectif, 2002)

Libé 09/02/04

Extraits

Ne faudrait-il pas avant tout s'attacher à lutter contre les discriminations, parfois institutionnalisées et connues dans les nombreux secteurs de la société ?  A commencer par la police et la justice, tant sont nombreux en France les contrôles et arrestations au faciès et les inégalités de traitements judiciaires.

L'application d'une discrimination dite «positive» laisserait entendre qu'une réussite à un concours par exemple ou l'accès à un emploi serait une faveur. Cela représenterait par la suite un risque de suspicion permanent quand aux compétences réelles des personne.

Lorsque l'on veut affirmer une volonté politique et une action de lutte contre les discriminations qui aient un sens, ne convient-il pas d'abord de s'assurer de l'égal accès de chacun et de lever les entraves existantes ?

L'application de la loi Gayssot, le testing auprès de certaines entreprises et institutions diverses... et la sanction de celles qui sont délinquantes à son endroit, ainsi que des campagnes offensives contre toutes les discriminations, ne seraient-ils pas les premières des choses à envisager ? Libé 09/02/04

L’influence des radicaux musulmans n’a rien de massif

Bruno Etienne

Libération 07/02/04

Extraits

Je distingue deux [courants de pensée qui s’affrontent derrière le débat sur le voile], représentés par l’opposition entre le relativisme culturel et le monisme existentiel. Levi-Strauss contre Finkielkraut. Levi-Strauss, après Montaigne et Las Casas, nous a appris qu’il n’y avait pas de sauvages, que toutes les cultures avaient des logiques internes non hiérarchisables…. Il nous montre qu’il faut avoir un minimum de relativisme culturel pour comprendre que l’Autre existe en tant que tel. À l’opposé, Alain Finkielkraut qui, avec la Défaite de la Pensée, symbolise un courant qui va de Chevènement à Le Pen, soutient que la République est une et indivisible, qu’il n’y a pas de différence entre les citoyens,que l’Autre doit devenir le Même… La France traverse actuellement une crise d’identité très profonde, dont le voile n’est que la partie immergée de l’iceberg. Quand on légifère sur le Mitsein, l’être ensemble, c’est que l’être ensemble ne fonctionne plus.

Je soutiens que 90 % des musulmans veulent s’intégrer, qu’ils sont modérés, pas trop pratiquants…[Le danger d’islamisation des banlieues n’est qu’]un fantasme !... Toutes les études de terrain démontrent que le problème n° 1 c’est le chômage, la précarité et la drogue… Selon une de nos dernières enquêtes, la pratique canonique obligatoire des musulmans à Marseille tourne entre 12 et 17 %.

On peut distinguer six groupes actifs auprès des musulmans de France. Il y a d’abord les prédicateurs à la solde de pays comme l’Algérie, la Maroc, la Tunisie et la Turquie… Puis l’UOIF… Le Tabligh, présent dans le nord depuis longtemps, vient de faire son apparition dans le sud. C’est un mouvement d’origine pakistanaise, néo fondamentaliste…Tarik Ramadan, proche des Frères musulmans [représente] l’école de Genève… Le groupe le plus dur sont les Salafistes ...  ils s’alignent sur les positions wahhabites de l’Arabie Saoudite… L’influence de ces groupes n’a rien de massif. Libération 07/02/04

Colère d'une sage de la mission Stasi sur "le ratage du débat démocratique"

AFP 06/02/04

Extraits

La sociologue Jacqueline Costa-Lascoux dit sa "colère" devant "le ratage du débat démocratique" sur la laïcité.

"Je suis en colère. J'aurais aimé que les politiques prennent leurs responsabilités avec des discours fondateurs sur la laïcité. Au lieu de quoi on se concentre sur un bout de tissu. C'est grave pour les populations des quartiers qui ne demandent qu'à être protégées mais qui voient maintenant en cette loi un texte répressif.

Même si elles sont le fait d'une toute petite minorité, nos auditions ont révélé [que des pressions] s'exercent dans tous les aspects de la vie scolaire et les hôpitaux, les activités sportives... Mais notre rapport contenait tout un train de mesures dont on ne parle plus.

[Les associations laïques et féministes] sont majoritairement archaïques, raccrochés à des stéréotypes et des vieilles lunes idéologiques. Mais on oublie que l'immense majorité des personnes de culture musulmane veut vivre dans une société laïque et démocratique et que la vraie diversité culturelle c'est de s'appeler Fatiha et de ne pas vouloir porter le voile, de lire Voltaire." AFP 06/02/04

Faite de communautés, notre société ne doit pas pour autant tolérer le communautarisme
La loi, un voile sur la «laïcité»

Marek Halter, écrivain

Libé 06/02/04

Extraits

En 1905, en obtenant la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la France a réinventé l'agora grecque et l'a appelée «laïcité». Espace où les hommes et les femmes peuvent se côtoyer sans attenter aux croyances des uns et des autres et même à la liberté de ne pas croire du tout.

Fallait-il pour autant une nouvelle loi ?

il ne s'agit pas seulement du foulard islamique. Ce signe «ostentatoire» révèle un problème plus grave, Par exemple, le refus par certains élèves d'origine musulmane de partager un savoir universellement enseigné, comme l'histoire contemporaine, l'anatomie, ou la biologie... Et, plus tard, pour ceux et celles qui terminent leurs études de médecine, le refus de l'exercer aussi bien au service des femmes que des hommes. C'est tout cela qui menace la laïcité.

les communautés existent. Les démocraties les ont reconnues dans tous les pays où elles sont au pouvoir. Pourquoi ne pas faire une distinction entre le communautarisme et une société constituée de communautés ? Libé 06/02/04

La loi sur les signes religieux à l'école abordée vendredi à Genève

AFP 05/02/04

Extraits

"La loi telle qu'elle est proposée est contraire à la Convention internationale des droits de l'enfant, car elle est trop générale. Elle interdit en général le port d'un signe religieux dans un établissement scolaire", a déclaré Jean-Pierre Rosenczveig, président de l'association Défense des enfants international (DEI-France).

"La Convention internationale reconnaît la liberté d'expression des convictions religieuses. Elle dit qu'il ne peut y être porté atteinte par une loi que pour des considérations d'ordre public"

"Si on s'était situé sur le terrain de l'égalité homme/femme, on aurait été mieux armé, car effectivement le voile est une atteinte majeure à l'égalité des sexes" AFP 05/02/04

Voile, la loi de trop

Alain Madelin, ancien ministre, député (ump) d'ille-et-vilaine

Le Monde 06/02/04

Extraits

Cette loi, quel que soit le nom qu'on lui donne, est une loi contre le voile islamique.

Une menace pourtant limitée : "1260  cas de voile à la rentrée, 20  cas difficiles, 4  cas d'exclusion" pour le ministre de l'intérieur. Dix cas de contentieux par an pour le ministre de l'éducation nationale.

Il est pourtant légitime de demander à celles pour qui le port du voile est l'expression d'un choix personnel et intime, de respecter les usages vestimentaires de l'école de la République. Il est tout aussi légitime de bannir le voile islamique de l'école lorsque celui-ci se fait étendard politique. Légitime encore de ne pas accepter dans l'enceinte de l'école, le voile de la contrainte, qu'il faut porter pour être respecté dans son quartier, celui qui enferme et qui renvoie à une conception inacceptable de la femme.

Les enseignants disposent déjà de tous les moyens nécessaires pour faire face à ces situations.

Une prohibition pure et simple de tout voile à l'école, de tout foulard, et même de tout signe religieux, serait assurément une solution de facilité. La laïcité, jusqu'à présent, est la laïcité des enseignants et de l'enseignement, pas la laïcité des élèves.

Toute la sagesse de nos institutions, celle du Conseil d'Etat, celle de la circulaire Bayrou de 1994, consistait à laisser aux enseignants et aux chefs d'établissement le soin de régler les problèmes posés par le voile au cas par cas.

Regardons les réalités en face. Celle des ghettos communautaires que nous avons fabriqués. Celle des écoles ghettos où les enfants de ces cités sont assignés à résidence. Où sont le pacte républicain et l'égalité des chances ? Où est la liberté de choisir une autre école pour échapper à la pression du quartier ? Le Monde 06/02/04

Des réformes structurelles sont nécessaires pour intégrer les quartiers populaires.
Les musulmans ne veulent pas de cadeaux de la République

Hakim El-Ghissassi, directeur de la Médina, magazine politique et culturel édité en France

 

Extraits

Le 17 janvier, les musulmans ont été guidés, malgré eux, par un populiste qui attendait cette heure depuis son retour d'une formation dite théologique en Syrie. L'ambiguïté de certaines organisations musulmanes les a impliquées dans ce jeu dangereux qui consiste à les couper du reste de la société.

La société française a ses canaux et espaces de protestation ; qu'ils soient politiques, syndicaux, ou sociaux, c'est à travers ces canaux qu'il faudra agir et réagir. L'échec des milieux musulmans à investir ces lieux est dû à leur frilosité, à leur volonté de se démarquer ; par manque de confiance en soi, ils ont peur de perdre leur identité en s'intégrant totalement dans de tels mouvements.

Des centaines de médecins et d'ingénieurs pratiquent aujourd'hui, des milliers de chercheurs et universitaires participent quotidiennement à la vie de la société. Ces personnes n'ont pas besoin d'une discrimination positive mais appellent à l'équité et au respect de leurs particularités.

Dans un département comme la Seine-Saint-Denis, moins de 48 % de réussite au brevet (la moyenne nationale est de 68 %), dans certains secteurs, 7 élèves sur 10 sont orientés vers la formation professionnelle. On leur demande de connaître la culture et la société française et on les parque dans des quartiers propres à eux, pour ne pas dire des ghettos. Le problème des quartiers populaires n'est pas un problème religieux ou culturel. Faisons de ces quartiers des lieux de rencontre, d'hospitalité mais non pas des lieux de non-droit et de marginalisation. Libé 05/02/04

Trois enseignants sur quatre veulent l'interdiction des signes religieux

Le Monde 05/02/04

Extraits

Avec un rapport de force de trois contre un, le principe du texte est plébiscité, plus nettement encore que dans l'ensemble de la population où un sondage similaire donnait, en décembre  2003, 69  % d'opinions favorables à la loi. Largement majoritaire, cette tendance est particulièrement marquée parmi les femmes, les jeunes enseignants, ceux qui exercent dans les zones d'éducation prioritaire (ZEP), ceux qui ne se sentent proches d'aucun syndicat, ainsi que chez les électeurs de droite. 57  % d'entre eux approuvent la version du texte présentée comme la plus radicale et que défend le PS, celle qui emploie le mot "visible".les professeurs approuvent même à 72  % l'interdiction des insignes politiques. La crainte d'une atteinte à la liberté d'expression reconnue aux élèves par la loi d'orientation scolaire de 1989 et que la génération précédente, la leur, a conquise, ne semble donc pas les effrayer. Si les enseignants sont peu nombreux à se dire confrontés à des situations scolaires mettant en scène le foulard (91  % n'ont aucune élève voilée dans l'établissement où ils enseignent et 65  % n'en ont même jamais vu dans leur carrière), ils sont 78  % à considérer que "le port du voile à l'école" est un problème important. 84  % des professeurs envisagent donc d'aller jusqu'à l'exclusion. Le Monde 05/02/04

Les revenantes et le plafond de chiffon

Raymonde Coudert ingénieur de recherche à l'université Paris-VII  -  Denis-Diderot et Thérèse Filippi chargée de mission au ministère de l'éducation nationale  ; toutes deux anciennes militantes du MLF

Le Monde 05/02/04

Extraits

Voici que des défilés de bigotes islamistes revendiquent une communauté des voilées dans une démocratie occidentale, au nom de la liberté individuelle due par la République à ses citoyen(ne)s.  La manifestation la plus significative étant celle de Téhéran, qui dit sans ambiguïté le caractère "démocratique" de la revendication du port du voile. On voit quel fond touche cette mascarade.

Le turban des garçons sikhs et la kippa des garçons juifs pratiquants ne sont pas un signe d'asservissement sexuel, le foulard, oui. On ne souligne pas assez que la loi est faite pour empêcher le foulard à l'école, qu'à ce titre elle est une loi pour l'école, et avant tout pour les filles et les petites filles, pour marquer une limite perdue de vue pour leur liberté : pour qu'elles respirent un autre air qu'en famille, pour se déprendre d'elle et pour apprendre, comprendre - l'école est déjà le monde.

Rien ne changera tant que la question des femmes ne sera pas prise au sérieux en France, où on la traite toujours comme une question éternellement mineure et qui fait rire. Six mois d'audition des "acteurs sociaux" par la commission Stasi ne guériront pas trente ans de cynisme, d'hypocrisie, de silence narquois, de refoulement, de paresse, de négligence, d'agressivité, de goujaterie français sur les femmes. Le Monde 05/02/04

La loi et les moeurs

Emile Perreau-Saussine, Assistant («lecturer») en philosophie politique, université de Cambridge

 Le Figaro 04/02/04

Extraits

Si la République contraint les jeunes musulmanes à ôter le voile, elle doit prendre garde à ce que son interdiction ne revête pas un tour humiliant. Pour un certain nombre d'entre eux, l'obligation d'enlever le voile, c'est un peu l'obligation d'enlever le haut : comme si on demandait aux adolescentes laïques ou chrétiennes d'ôter leur chemise et leur soutien-gorge pour aller à l'école.

Les musulmans les moins libéraux n'ont guère de sympathie pour les féministes et cette antipathie est réciproque. Du côté féministe comme du côté musulman, on partage une question essentielle : comment éviter que les femmes ne soient réduites à l'idée que s'en font ou que voudraient s'en faire certaines formes de convoitises masculines. Dans les deux cas il s'agit de mettre les femmes à l'abri de la brutalité sexuelle dont elles sont parfois victimes. Il s'agit de s'assurer que la femme n'est pas abaissée, réduite au statut d'objet.

Comment éviter de trop humilier celles auxquelles on demande d'abandonner le voile ? En désexualisant un peu la vie publique, en renonçant aux formes les plus provocatrices de la manipulation publicitaire du corps féminin, en continuant à tenir la pornographie pour honteuse. Comment rendre moins douloureuse l'interdiction du voile pour les jeunes filles ? En choisissant d'insister non sur le désir mais sur la reproduction ; en considérant le visage de la mère, qui est en principe situé au-delà des appétits charnels. Le Figaro 04/02/04

De la diversité à la fraternité

 Eric Raffin, Président de l'Union nationale des associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (Unapel).

Le Figaro 04/02/04

Extraits

A tout problème, une loi : mettant l'imagination et la confiance dans l'intelligence humaine au second plan, le pouvoir politique reproduit à l'envi cette solution dont le principe est simple et dont la mise en oeuvre est, en revanche, d'une complexité extrême.

Vivre ensemble : si le rapport de la commission Stasi l'évoque, c'est davantage par défaut que pour en décrire les comportements qu'il suppose. Il revient donc aux auteurs de la communauté éducative d'accomplir ce travail essentiel, autour de deux convictions.

Tenir pour acquis le fait que les jeunes qui sont confiés à l'école d'aujourd'hui n'y vivront bien, et ne s'y comporteront bien – c'est-à-dire, à tout le moins, en citoyens respectueux du code laïc –, que dans la mesure où ils auront adhéré au contrat social que la nation doit leur proposer dès le temps de leur scolarité.

Il n'existe d'unité que dans la reconnaissance des diversités. Les hommes comme les peuples n'acceptent de s'unir que s'ils sont reconnus dans leur caractère propre, constitué de leur histoire, de leur culture et de leurs convictions, y compris religieuses. Le Figaro 04/02/04

Cette introuvable laïcité

Bruno Mattéi professeur de philosophie à l'institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Lille

Le Monde 04/02/04

Extraits

On peut faire l'hypothèse que si la République vient de s'offrir un débat aussi passionnel et confus, que même la perspective de la loi ne parvient pas à apaiser, c'est tout autant parce que la laïcité est si peu assurée d'elle-même.

L'idée séminale qui donne son sens plénier à la laïcité, c'est bien celle d'un laos  (le peuple, en grec) rassemblé dans un projet de société, où chacun est à égalité, inclus dans une "communauté humaine".

Dans le débat que nous venons de connaître, la question aurait dû être : la République est-elle "laïque"; accomplit-elle sa mission de rassembler le "peuple" au nom de ses principes et valeurs proclamés - en particulier ceux de l'égale dignité de chaque personne (avec des droits afférents) et de la fraternité  ? [Il ne suffit pas] pour être laïque de tenir en respect - la fameuse neutralité - toute intrusion de l'adversaire religieux dans l'espace public.

Depuis quarante ans que des politiques de démocratisation sont menées, les inégalités scolaires, non seulement n'ont pas été réduites, mais se sont plutôt aggravées pour les plus pauvres, et parmi eux la cohorte des enfants issus de l'immigration, avec tous les effets de stigmatisation et de relégation que cela comporte. Notre école laïque a raté l'intégration d'une génération de jeunes immigrés.

Une république peut-elle être laïque en se dispensant d'être fraternelle et sociale ? Le Monde 04/02/04

Il est réducteur de n'envisager la notion républicaine fondatrice que sous l'angle religieux


La laïcité méritait mieux

 

Alexandre Dorna, professeur de psychologie sociale et politique à l'université de Caen, directeur de la revue (en ligne) Les C@hiers de psychologie politique (www.cahierspsypol.fr.st).

 Libé 04/02/04

Extraits

Ne pas légiférer maintenant serait une attitude imprudente pour tous ceux qui défendent la liberté de pensée et de conscience. Ensemble de principes non négociables, fruits d'une histoire et d'une intention de donner un espace au dialogue et à la délibération contradictoire, la laïcité rend possible l'équilibre de la société et efficaces les mécanismes d'intégration.

La laïcité méritait mieux qu'une discussion de «chiffonniers». La laïcité méritait mieux qu'une commission d'«experts».

Rappelons-le avec les propos lucides et courageux de Léon Gambetta : « Quant à la religion, je n'en parle pas. Cela est un domaine en dehors de la politique... Allez dans vos temples, priez, je ne vous connais pas. Ce que je demande, c'est la liberté, une liberté égale pour vous et pour moi, pour ma philosophie comme pour votre religion. » La laïcité n'est pas un courant de pensée parmi d'autres, elle reste le refus d'abriter dans l'espace public des vérités révélées ou des dogmes idéologiques. Elle repose, à notre avis, sur une réflexion riche de principes communs :

- Le citoyen aspire à la liberté de conscience sans dogme. Liberté et égalité se situent au même niveau, et sont unies par les liens de la fraternité qui fondent l'identité politique de la nation.

- Pour les républicains laïques, la vérité n'est jamais une vérité révélée, mais relative et expérimentale.

- L'école est au coeur du dispositif laïque républicain. Ce n'est ni le maître ni l'élève qui doit être au centre du dispositif scolaire, mais la transmission et la vérification de la connaissance.

- La République n'est ni religieuse ni athée, mais le garant politique de l'espace public et de la vie privée, la séparation de l'Etat et de l'Eglise n'étant qu'un de ses moyens.

- La laïcité est un adogmatisme et un anticléricalisme (au sens d'un refus des oligarchies de tout poil).

- La laïcité, enfin, n'est pas une attitude neutre, mais une attitude impartiale. Libé 04/02/04

L'Assemblée nationale a commencé ses débats sur le projet de loi gouvernemental


Le choix de l'équilibre

Xavier Bertrand, Député de l'Aisne. Eric Raoult, Ancien ministre, secrétaire général adjoint de l'UMP, député de Seine-Saint-Denis, vice-président de l'Assemblée nationale

Le Figaro 04/02/04

Extraits

Il doit être clair que la laïcité signifie pour chacun la liberté de croyance et de culte. l'Etat doit être neutre sur le plan religieux, précisément afin de garantir la liberté de croyance de chacun.

Comment le principe fondamental peut-il s'appliquer à l'école ? C'est pour répondre à cette question difficile, restée en suspens depuis près d'un siècle, que le gouvernement a présenté un projet de loi qui veut proscrire, à la rentrée 2004, «le port des signes ou des tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement leur appartenance religieuse».

Alors que chacun s'accorde en effet sur la réalité et la montée des phénomènes communautaristes, notamment à l'école, l'Etat ne peut plus se «défausser» sur les chefs d'établissement. l'école n'est pas un simple espace de tolérance. Elle est par excellence le lieu de l'apprentissage et de la formation de l'esprit critique, un lieu de neutralité et de sérénité. La laïcité de l'école consiste à écarter tout ce qui est susceptible d'entraver le principe du libre examen, de l'élévation des consciences par le savoir.

L'adverbe «ostensiblement» vise une réalité bien déterminée : celle de la revendication publique d'une appartenance. Le Figaro 04/02/04

Voile et contrôle sexuel

Francis Fukuyama est professeur d'économie politique internationale à l'université Johns-Hopkins (Maryland).

Le Monde 04/02/04

Extraits

Les musulmans d'Europe sont les premiers responsables de l'augmentation du nombre d'incidents antisémites au cours des trois dernières années. La position du gouvernement français contre la guerre en Irak et, de façon plus générale, contre la politique étrangère américaine, cherche en partie à apaiser l'opinion musulmane.

Les Européens diffèrent dans leur façon d'aborder le problème de l'intégration. Pendant de nombreuses années, les Allemands n'ont pas essayé d'intégrer les immigrés. En revanche, les Français ont toujours accepté le principe d'intégration. La citoyenneté française n'est pas basée sur l'appartenance ethnique. La tradition républicaine ne reconnaît que les droits individuels, pas ceux des groupes. La nouvelle politique française à propos du voile peut ainsi être vue comme une forme d'intégration forcée.

En Europe, il existe une forte corrélation entre les immigrés et la délinquance, comme entre la race et la délinquance aux Etats-Unis. Mais, dans leur majorité, les hommes politiques ont répugné à le reconnaître.

Les Européens ont raison de dire qu'avec les populations d'immigrés musulmans ils font face à un problème bien plus compliqué que les Américains avec leurs immigrés hispaniques. La rapidité avec laquelle un groupe de la deuxième ou troisième génération s'intègre dépend en partie du taux de mariages hors communauté, qui est lui-même une conséquence du degré de contrôle par les familles d'immigrés de la sexualité de leurs filles. Les musulmans traditionalistes sont plus astucieux qu'il n'y paraît lorsqu'ils insistent pour distinguer leurs filles avec un voile qui signale qu'elles ne sont pas sexuellement disponibles pour des non-musumans. Le Monde 04/02/04

La société préfère gérer la différence par le fantasme plutôt que se remettre en question.
Sous le voile, la mascarade de l'identité

Ahmed Boubeker, maître de conférences à l'université de Metz Dernier ouvrage paru, les Mondes de l'ethnicité, Balland, 2003

Libé 03/02/04

Extraits

«Cherchons-nous à conduire nos batailles politiques dans les cours de récréation des écoles ?» La question de la philosophe Hannah Arendt dans l'Amérique de la ségrégation trouve écho, un demi-siècle plus tard, dans la France du foulard musulman. La hantise du «communautarisme» n'est que le dernier avatar d'un dialogue de sourds entre la République et ses héritiers de l'immigration.

Toutes les recherches sociologiques montrent en fait que les forteresses communautaires sont vides, laminées par un modèle français qui à défaut d'intégrer les individus a dispersé les groupes.

Dans le contexte d'une société postmoderne, le foulard musulman comme d'autres signes ostentatoires manifestent d'abord une individualisation croissante et la volonté de tout un chacun d'être reconnu pour ce qu'il prétend être.

A la différence de l'égalité des chances à l'américaine, le modèle français de l'égalité républicaine se fonde sur un mouvement d'égalisation des conditions censé amener les individus à se reconnaître comme semblables au-delà de leurs appartenances d'origine. On parle alors de «problème d'intégration» pour mieux occulter la faillite historique des relais publics et institutionnels de l'égalité. Non seulement l'école, les partis, les syndicats ou les entreprises n'ont pas joué leur rôle intégrateur, mais ils sont même devenus des foyers de reproduction des inégalités et des discriminations. Comme si la bête noire communautariste n'était autre que le double fantasmagorique de l'immigration.

Féministes, républicains ou anticalotins, chacun dans son pré carré a pu tirer le voile de son côté pour se refaire une virginité sur le dos de quelques gamines dont l'avenir d'exclusion n'émeut personne. Libé 03/02/04

Le débat commence aujourd'hui à l'Assemblée nationale


Liberté et laïcité

Edouard Balladur

Le Figaro 03/02/04

Extraits

Il est légitime de réglementer le port de signes religieux à l'école. Il y va du principe de la liberté de conscience et de celui de la laïcité qu'il faut concilier.

[Le projet de loi] interdit le port par les élèves de «signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse». Dans son principe, il n'est pas contestable. Encore faut-il qu'il puisse être mis en oeuvre de façon claire par les chefs d'établissement, et que la liberté de conscience de tous, quelle que soit leur conviction religieuse, soit pleinement respectée.

Dès lors que le texte mentionne la «manifestation ostensible d'une appartenance religieuse», il appartiendra au juge de la vérifier.  Quels seront les principes supérieurs à la loi dont le juge sera tenu de faire application ? L'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : «Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi» ; l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit, lui, que : «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé (...). La liberté de manifester sa religion ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique (...) à la protection de l'ordre (...)».

L'interdiction du port de signes religieux est légitime, «dès lors qu'il est de nature à troubler le bon ordre de l'établissement». C'est l'objet de l'amendement que je propose. Il permet de tenir compte des conditions locales variables. Il permet de proportionner l'interdiction aux circonstances de fait.

Dans une société de liberté, l'intervention du juge n'est pas un élément d'insécurité mais de sécurité ; de toute façon, l'automaticité de l'interdiction est impossible puisque le juge devra apprécier les signes manifestement ostensibles et ceux qui ne le sont pas. Le Figaro 03/02/04

De la nécessité d'une loi inutile

Paul Bernard, ancien vice-président de l'Union des étudiants juifs de France, moniteur normalien (littérature française) à l'université Paris-IV

Le Monde 03/02/04

Extraits

"Ne faites pas de lois inutiles, elles affaiblissent les lois nécessaires." L'avertissement est de Montesquieu.

On a aiguisé le ressentiment de l'islam envers la France, on a exacerbé la méfiance de la France envers l'islam, on a offert une tribune à l'intégrisme, on a alimenté, à quelques semaines de consultations électorales, ces rancunes exaspérées qui ne profitent qu'aux extrêmes.

L'Etat ne s'est pas demandé (apparemment, ce n'est pas son affaire) à qui il allait livrer les jeunes filles qui, se dérobant à la "médiation" débonnaire de leur proviseur, refuseraient d'enlever leur voile. La laïcité à l'école n'est qu'accessoirement une règle de décence, elle est d'abord la garantie de la liberté de conscience des enfants.

Neuf imams de France sur dix ne sont pas français, six sur dix ne parlent pas le français. Veiller à ce que les ministres de tous les cultes maîtrisent la langue française, ne serait-ce pas, pour la laïcité, c'est-à-dire pour la compatibilité des religions et de la République, un enjeu autrement plus sérieux.

Si la laïcité ne s'arrête pas aux portes de l'école, elle ne se limite pas non plus aux frontières de la religion. Pour qui fréquente les lycées et les universités, il est clair pourtant que le "communautarisme", c'est-à-dire la soumission de l'intérêt général aux revendications particulières, y est moins religieux que politique. La paix civile n'est pas tant menacée par la kippa que par la chemise de Tsahal, par le voile que par le keffieh palestinien.

Adoptée, cette loi ne sera une victoire pour personne. Rejetée, elle serait une défaite pour tout le monde. Elle est devenue aussi nécessaire qu'inutile. Le Monde 03/02/04

Une laïcité à géométrie variable

Thomas Piketty, directeur d'études à l'EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales)

Libé 02/02/04

Extraits

Dans le domaine scolaire, le compromis que l'Etat français a passé avec l'Eglise est beaucoup plus nuancé que ce que l'on décrit parfois. Dans le cadre de la loi Debré (1959), les écoles privées confessionnelles voient l'essentiel de leurs coûts pris en charge directement par le contribuable. Il n'y a jamais eu un dollar d'argent public dans les écoles confessionnelles américaines. Cette situation est d'ailleurs en passe de changer, des républicains entendent développer les mécanismes de «vouchers» (chèques éducation).

La France est le seul pays qui ferme ses écoles un jour par semaine pour laisser la place à l'éducation religieuse.

La loi antivoile est, au moins en partie, une opération politique, peu surprenante au demeurant quand on connaît l'opportunisme légendaire de notre président.

La discussion devrait se concentrer sur la seule question importante, qui est avant tout une question empirique. Combien de jeunes filles vont être sauvées par la loi, dans le sens où elle leur permettra de résister aux pressions masculines visant à leur faire porter le voile, et combien de jeunes filles vont, au contraire, se radicaliser face à une loi qu'elles ne manqueront pas d'interpréter comme une loi anti-islam. Et on est en droit de se demander si les quelques auditions réalisées par la Commission Stasi ont véritablement permis de faire progresser nos connaissances sur cette question sociologique complexe. Libé 02/02/04

La loi, estimable dans son principe, risque d'avoir des effets contraires à l'attente des Français
Voile, liberté et ordre public

Daniel Soulez-Larivière, avocat

Libé 02/02/04

Extraits

Qu'il existe une loi ou qu'il n'en existe pas, le directeur d'établissement désireux d'exclure une élève pour port du voile sera toujours soumis aux décisions du juge. Si les parents de l'enfant exclu sont mécontents, ils demanderont la réintégration de l'élève au juge administratif qui statuera, demain, au regard de son interprétation de la loi nouvelle, alors qu'il statue, aujourd'hui, en application du droit existant résumé par l'avis du Conseil d'Etat du 27 novembre 1989.

Il semble bien que, depuis 1989, le juge administratif appliquant ces principes républicains [résumé par l’avis du Conseil d’état] ait mené à bien sa tâche à l'occasion des cas, d'ailleurs peu nombreux, dont il a été saisi.

Si la loi renvoie aux règlements intérieurs des établissements, ce «cadeau» fait aux chefs d'établissement serait fortement empoisonné.

C'est au juge que revient le soin d'apprécier concrètement une multitude de cas particuliers, en fonction de principes généraux. Et ce n'est pas la substitution du mot «ostensible» au mot «ostentatoire» qui changera grand-chose à ses décisions.

Si le pari de la loi est à la fois estimable, légitime et raisonnable, est-il pour autant efficace ? Libé 02/02/04

Un siècle après 1905, la Ligue de l'Enseignement "parie sur l'intelligence"

AFP 31/01/04

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La Ligue de l'Enseignement veut promouvoir les vertus d'une citoyenneté critique et "parie sur l'intelligence", dans un contexte marqué par le débat sur le voile, en ouvrant ce week-end à Rennes une série de colloques consacrés à la loi sur la laïcité de 1905.

"Nous ne voulons pas commémorer le centenaire de la loi de 1905, mais plutôt réfléchir à l'héritage que nous lègue ce texte fondateur pour la laïcité française. Ses principes sont résumés dans ses deux premiers articles: le premier affirme la liberté de conscience et d'exercice des cultes, garantis par l'Etat, le second spécifie que la République ne salarie aucun culte."

"Pour nous, la laïcité ne se limite pas à la question de la religion ni de l'école", explique [Pierre Tournemire, secrétaire général de la Ligue], estimant que la laïcité est également attaquée par "la doctrine économique néo-libérale, pensée comme unique" ou par "le traitement uniforme de l'actualité par les médias".

Une actualisation de la loi de 1905 aurait suffit à résoudre le problème du voile à l'école, notamment par le biais de son article 28 qui "interdit d'apposer des insignes religieux en dehors des cimetières et des lieux de culte". "Le pouvoir préfère voter une nouvelle loi plutôt que d'interpréter intelligemment l'arsenal législatif existant depuis 1905".

"Le débat sur le voile est clos, on ne va pas mener un combat d'arrière-garde", [dit] M. Tournemire, qui souhaite désormais mener "un travail de fourmi pour faire vivre une forme intelligente de vie commune, la laïcité". AFP 31/01/04 L’intervention de Jean-Michel Ducomte (téléchargeable au format *.pdf)

Plus conciliant à l'égard du projet gouvernemental, le président de la Conférence des évêques relève toutefois les indices d'une certaine «crispation» laïque
Mgr Ricard : «La loi sur la laïcité ne menace pas la liberté religieuse»

Le Figaro 30/01/04

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Il paraît légitime qu'un gouvernement, responsable de la cohésion nationale, rappelle le caractère laïc de notre République où aucune communauté n'a le droit d'imposer aux autres ses règles propres. nos concitoyens s'inquiètent des initiatives et des pressions venues de groupes politico-religieux liés à l'islam. Une loi n'effacera pas cette inquiétude.

Il existe un risque de déstabilisation de la part de groupes qui testent aujourd'hui les capacités de résistance de notre vie démocratique et républicaine. Les évêques ne sont pas naïfs pour ne pas l'apercevoir. Il ne faut pas laisser croire qu'il y aurait un front commun des religions contre la loi ou contre l'État. Notre réserve vient du fait qu'au lieu de freiner les revendications communautaristes, cette loi risque de les exacerber.

{La loi] n'aborde pas l'obligation pour tout élève de participer à tous les cours, [elle] ne règle pas les pressions exercées sur des enseignants à l'occasion de cours sur l'histoire du Moyen-Orient ou de la Shoah.

Dans son application, [elle] risque de poser d'innombrables difficultés. Les discussions qui ont déjà commencé laissent entrevoir la casuistique à venir. Le Figaro 30/01/04

Le point de... Guy Carcassonne


La religion et la République

 

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Dans le débat sur le voile, une dialectique est à l'oeuvre, dans laquelle les libertés qu'offre la République paraissent pouvoir être inlassablement retournées contre elle.

Il y a quelques semaines, l'on entendait revendiquer « mon droit à la piscine » en même temps qu'un « droit à ma pudeur ». L'idée qu'on ne puisse pas tout avoir, et qu'il leur faille faire un choix entre ces deux droits, n'effleurait même pas celles qui les exigeaient.

[Le] compromis est rendu impossible lorsque l'on estime que la religion seule peut énoncer obligations ou interdits, tandis que la République ne serait là que pour prodiguer des droits et libertés.

Bien avant même que ne soit adopté le principe de laïcité, la Déclaration de 1789 avait déjà défini, dans son article 10, les termes d'une conciliation : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. » Lorsqu'il apparaît que des manifestations d'appartenance religieuse peuvent, dans le cadre étroit de l'école, troubler l'ordre de celle-ci, la loi est fondée, moyennant des précautions de sagesse, à les interdire. Même si chacun doit avoir conscience que cela sera insuffisant à régler le problème. Le Point 29/01/04

Le bloc-notes de Bernard-Henri Lévy


Pour la loi sur le voile

Le Point 29/01/04

Extraits

Oui, tout bien pesé, en dépit des effets pervers, voire des risques, je suis partisan d'une loi interdisant clairement le port du voile à l'école.

Qui dit laïcité dit émancipation des sujets par rapport aux disciplines et carcans religieux, donc liberté. Qui dit laïcité dit mise à distance, au sein de l'espace public, de toutes les appartenances spirituelles ou communautaires, donc égalité. Qui dit laïcité dit construction d'un espace citoyen où hommes et femmes communient quelles que soient leurs croyances et leur foi, donc fraternité.

L'affaire du voile, autrement dit, [n’est] qu'un levier dans la longue épreuve de force entre les valeurs démocratiques et l'intégrisme.

Qui sommes-nous prêts à désespérer : celles et ceux qui, en islam, nous rappellent que le port du foulard n'est en aucune façon un commandement du Coran ou les partisans de la lapidation des femmes qui manifestaient, l'autre semaine, devant les consulats français ?

Le voile est un signe, non religieux, mais politique. Le voile est un signe, non de piété, mais de stigmatisation le combat contre le voile est un combat pour la liberté des femmes, donc pour les droits de l'homme. Le Point 29/01/04

L'éditorial de Claude Imbert


Le dévoilement

Le Point 29/01/04

 

Extraits

Un quarteron de filles voilées met la République en pétard. Pourquoi ?

Les cagots d'une vingtaine de pays musulmans qui nous déblatèrent. Un vrai ramdam !

Au début, il ne s'agissait que de soigner le malaise d'enseignants répondant, dans un fâcheux désordre, au voile à l'école. On les voyait troublés par une jurisprudence boiteuse du Conseil d'Etat. Or un déboulé de témoignages convergents a ruiné cette aimable vision. Car on comprit vite que le voile des demoiselles n'annonçait qu'une opération sourde et concertée de fanatiques patentés.

On découvrait - belle découverte ! - que le port du voile affiche, dans tout l'univers musulman, la soumission des femmes. Et que l'égalité des sexes est, chez nous, chaque jour victime des mariages forcés, de la polygamie et autres répudiations.

On vit l'islam militant sortir effrontément du bois. Disqualifier comme raciste tout examen critique du dogme et de la pratique de l'islam.

Il était temps pour la République, comme osa le dire Raffarin, « de ne pas se laisser ronger de l'intérieur ». Le Point 29/01/04

Le chef de l'Etat a défendu hier la nécessité de légiférer pour interdire le port de signes religieux ostensibles dans les écoles publiques
Laïcité : Chirac justifie le recours à la loi

Le Figaro 29/01/04

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Après l'avis favorable du Conseil d'Etat, le texte en trois articles, rédigé par le ministre de l'Education nationale, Luc Ferry, propose, conformément aux recommandations de la commission Stasi, d'interdire «dans les écoles, collèges et lycées publics le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse» Jean-Pierre Raffarin présentera lui-même le projet de loi il prendra effet à la rentrée scolaire suivant sa publication. Cela «afin que les établissements adaptent leur règlement intérieur ». «Ne rien faire serait irresponsable, ce serait une faute (...). Et ce serait laisser ouverte la voie du communautarisme», a indiqué Jacques Chirac. Le Figaro 29/01/04  Voir aussi : La commission des Lois adopte le texte et introduit le dialogue (AFP 29/01/04) ; La commission a adopté un amendement socialiste (Nel Obs 29/01/04)

La loi sur le voile va enfin aider les musulmans à se sentir membres de la République
Contre l'islamiste, le citoyen

Chahdortt Djavann écrivaine

Libé 29/01/04

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L'immense majorité des immigrés d'origine musulmane en France est laïque.

Beaucoup ont souffert du dogmatisme qui domine, depuis des siècles, les sociétés musulmanes et souhaitent que les lois de la République les protègent contre l'intégrisme religieux.

Mais en France, dans ce pays d'accueil où ils ont été marginalisés, ignorés, stigmatisés, souvent à cause de leur origine, où ils n'ont pas eu droit à l'égalité des chances, ni pour eux-mêmes ni pour leurs enfants, ils peinent à trancher entre le souvenir des blessures et l'envie de croire aux engagements pour l'avenir.

La loi qui va être bientôt votée est une réelle chance pour tous les musulmans laïcs de France.

Le voile inscrit la femme dans le registre du non-droit, la désigne comme sous-humaine, et il est surtout le symbole qui autorise toute violence à son endroit.

La loi est une chose, son application une autre, dit-on parfois. Je suis persuadée que son application à l'école posera très peu de problèmes.

C'est à la République, et très concrètement à l'action gouvernementale, de faire en sorte que nos banlieues ne deviennent pas une terre de mission pour ceux qui font leur miel de la misère, du désarroi et du désespoir de leurs fidèles. Libé 29/01/04

La chronique de Jacques Julliard
Le coin du voile

Nel Obs Hebdo 29/01/04

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Ce qui est irritant dans la querelle du voile, c’est le contraste entre le dérisoire de l’objet et l’importance de l’enjeu. La France est la seule à s’alarmer du symbole islamique et à donner une forme législative à ses alarmes. Dans ce combat entre la démocratie laïque et la théocratie, la France n’est pas à la traîne mais en avance.

Dans un monde où la facilité des communications matérielles et immatérielles met en contact permanent les peuples, les civilisations, les religions, la laïcité est la seule solution: laïcité ou barbarie.
La loi est l’expression de la volonté nationale. Dans nos sociétés, c’est le conformisme qui opprime et c’est la loi qui libère. Ravages de la démocratie compassionnelle : c’est la première fois que j’entends dire qu’il ne faut pas une loi parce qu’elle pourrait déplaire aux contrevenants. Nel Obs Hebdo 29/01/04

Un long débat pour une courte loi

 

La Croix 27/01/04

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En installant la commission Stasi, le 3 juillet dernier, Jacques Chirac espère reprendre le contrôle d’un débat parti en roue libre sur la question du voile islamique à l’école.

depuis un an, les propositions de lois pour interdire les signes religieux s’accumulent UMP Jacques Myard, (UMP) Maurice Leroy (ex-communiste devenu UDF) ou Jack Lang. En décembre 2002, des enseignants du quartier de la Duchère, à Lyon interdisent à une élève l’accès aux salles de classe. L’élève n’est pas à proprement voilée car elle a replié le morceau de tissu en simple bandana. Le recteur refuse la tenue d’un conseil de discipline. Un «manifeste pour une loi» réunit près de 2 000 signataires parmi lesquels Élisabeth Badinter, Guy Coq, Régis Debray ou Henri Pena-Ruiz.

Nicolas Sarkozy, au congrès de l’Union des organisations des islamiques de France (UOIF), rappelle que la loi [oblige] les citoyens à poser tête nue sur les photos d’identité. [Il est] hué.

Le 4 juin, le président de l’Assemblée, Jean-Louis Debré[crée] « une mission de réflexion sur les signes religieux à l’école » qu’il présidera lui-même.

Les membres de la commission Stasi vont débuter leurs auditions publiques au mois de septembre.

Fin septembre, deux sœurs voilées sont exclues d’un collège-lycée d’Aubervilliers. L’affaire est hors normes : le père est un avocat juif athée, la mère musulmane non-pratiquante. Les deux jeunes filles semblent davantage en proie aux troubles existentiels de l’adolescence que soumises à un réseau islamiste.

[En] décembre, le débat semble définitivement s’être déplacé de l’opportunité d’une loi au contenu exact de cette loi. Les sages -à l’exception du sociologue Jean Baubérot- se prononcent pour un projet de loi sur la laïcité assez large. Il concernerait à la fois l’école et l’université, l’hôpital et l’entreprise. Le texte ne concernera que l’école. Le grand débat sur la laïcité n’a pas vraiment dépassé le niveau du voile. La Croix 27/01/04 Voir aussi Libé du 28/01/04 : Dérapages et «Ostensible», le mot qui s'est imposé Et dans Le Figaro (28/01/04) La loi à l'épreuve

Contamination

Tahar Ben Jelloun écrivain

Le Monde 26/01/04

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Ceux et celles qui manifestent contre le projet de loi sur la laïcité sont en train de transférer, de façon délibérée ou inconsciente, les souches de problèmes qui enveniment une grande partie de la société maghrébine. Ces phénomènes, enrobés dans du religieux, sont violents et bien installés dans les mentalités. Ils sont responsables du sous-développement culturel et politique de ces pays.

Si la loi sur la laïcité est discutable (je pense qu'elle ne résoudra pas le problème), elle a été une réponse rapide à une panique qui s'installait dans le pays. La France a manqué d'audace et d'imagination. Cette loi (mal rédigée) s'imposait mais ne suffisait pas. Elle aurait besoin d'être accompagnée d'autres actions et d'autres initiatives notamment en direction des milieux concernés.

Si la France se laisse intimider par une minorité de gens qui se servent de l'islam pour rejoindre dans un saut étrange la régression que leurs parents ont laissée au pays, c'est qu'elle est en train de mettre en péril d'autres acquis, d'autres valeurs. Il ne faut pas que la France, qui a une longue et belle tradition de lutte pour l'égalité, pour la justice, contre le racisme, se laisse contaminer par une vision du monde rétrograde et intolérante.

La laïcité garantit le libre exercice de toutes les religions. Aux croyants de vivre leur foi dans la discrétion et le respect des lois. Ils n'ont pas à ramener en France des problèmes qui harassent aujourd'hui le monde arabo-musulman. Le Monde 26/01/04

Le Haut Conseil à l'intégration fustige la discrimination positive

Le Monde 27/01/04

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Opérer "un retour à la politique de l'intégration" en rupture avec les orientations des gouvernements précédents : "Force est de constater un relatif échec de la politique passée", affirme-t-il d'entrée de jeu en faisant le constat d'une population immigrée confrontée, plus que les autres, à la précarité sociale, professionnelle et civique.

Cette "panne de l'intégration" est datée, aux yeux du conseil, du jour où Martine Aubry, ministre socialiste de l'emploi et de la solidarité de 1997 à 2000, a réorienté la politique d'intégration vers celle de la lutte contre les discriminations. "Ce fut un tournant où en mettant la société française en cause, tenue comme responsable des discriminations, on a renoncé à l'intégration et mis sous le boisseau la politique de la ville". la création du Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations (GELD) a tenu lieu de politique globale.

Il serait ainsi urgent de proposer un contrat social aux immigrés et à leurs enfants, afin de leur permettre de "passer de la multitude indifférenciée, particularisée, à l'unité d'un peuple, dans une collectivité rassemblée". C'est l'idée fondatrice du "contrat d'accueil et d'intégration" mis en place par M.  Fillon pour les primo-arrivants.

Le HCI propose deux pistes majeures pour "rectifier les politiques antérieures". La "promotion sociale des jeunes issus des quartiers en difficulté"et une inflexion plus "civique"du contrat d'accueil et d'intégration. Les 12-16 ans seraient "aujourd'hui abandonnés à eux-mêmes" en grande partie à cause d'un système scolaire inadapté. A l'éducation nationale, il recommande de développer les stages en entreprises, la découverte des métiers, et la révision des dispositifs d'orientation des jeunes des quartiers. Le Monde 27/01/04 Mais pour Le Figaro du 26/01/04 qui publie un entretien avec Blandine Kriegel Présidente du HCI,  La discrimination positive s'invite dans la politique d'intégration L’Express du 26/01/04 publie aussi un entretien avec Blandine Kriegel L'intégration est en panne: mobilisons ! pour Ouest-France 27/01/04 avec un éditorial d’Alfred Grosser Devenir Français, Le Parisien du 27/01/03 titre : Trois idées pour l'intégration,  Pour Libé 27/01/04 «Promotion par le mérite, pas par considération ethnique»,  Le Rapport du HCI est téléchargeable ;  L’édito de Libé du 27/01/04, très sévére pour ce rapport : Un HCI que c'est pas la peine

Une loi sur les signes religieux s'impose car, comme l'a constaté la commission Stasi, l'exercice de la liberté de conscience est plus que jamais menacé en France.
La laïcité en voie d'adaptation

Marceau Long, vice-président honoraire du Conseil d'Etat, et Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS. Tous deux ont été membres de la commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité

Libé 26/01/04

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Le Conseil d'Etat, qui s'est réuni en assemblée générale, a donné un avis favorable au projet de loi interdisant des tenues et signes ostensibles d'appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

En 1989, le Conseil d'Etat avait dû rappeler à ceux qui, dans notre société, s'indignaient de l'irruption dans nos écoles de jeunes filles vêtues d'un voile, que la liberté de conscience était au fondement de la laïcité et qu'en l'occurrence, ce droit ne pouvait leur être retiré.

Nous avons dû constater que, si le voile restait pour certaines un signe individuel d'appartenance librement choisi, il était devenu pour d'autres ­ plus nombreuses que les chiffres officiels ne l'indiquent ­ un choix fait sous la contrainte.

Dans notre tradition laïque, l'Etat est le protecteur du libre exercice par chacun de sa liberté de conscience

Le Conseil d'Etat, en donnant son aval au texte du projet de loi, a signifié qu'il le considère comme conforme à la Constitution et aux conventions internationales. Une fois votée, cette loi devra être mise en oeuvre dans un esprit de dialogue et de médiation. Libé 26/01/04  Voir aussi dans le Libé du même jour un ironique Malheur aux barbus... de J.-F. Deniau

L’Alsace-Moselle tient à sa laïcité

La Croix 26/01/04

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La prochaine loi sur l'interdiction à l'école du voile et des signes religieux inquiète

L'Alsace-Moselle est en effet un cas à part. Du fait de son histoire singulière, la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905 n'y est pas applicable. l'enseignement religieux est obligatoire dans tous les établissements publics : les établissements le proposent et l'organisent au même titre que les autres matières prévues dans les programmes.

Rodolphe Cahn, président de la Licra, argumente : « À l'heure où la nation estime qu'il est nécessaire de réaffirmer la laïcité comme un principe fondamental de la République, peut-on admettre que ce principe ne doive pas s'appliquer sur une parcelle du territoire de cette dernière ? L'existence même de cours de religion à l'école en Alsace-Lorraine constitue une entorse au principe de l'école publique et laïque. »

« Avec l'élargissement de l'Union européenne, note le pasteur Jean-François Collange, on s'aperçoit que c'est la laïcité française qui est atypique. Tous les autres pays ont, de fait, établi des relations de partenariat avec les Églises et les cultes. »

La laïcité à l'alsacienne a su intégrer différentes religions. Pourquoi pas l'islam aujourd'hui ? La Croix 26/01/04

L'affaire du voile révèle la difficulté de la société à tolérer les signes de son multiculturalisme.


L'encombrante visibilité

Patrick Simon socio-démographe à l'Ined, ancien président du conseil d'orientation du Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations (Geld)

Libé 23/01/04

Extraits

Les discussions lexicographiques qui accompagnent la rédaction du projet de loi sur la laïcité à l'école peuvent prêter à sourire. Elles signent explicitement la profondeur des résistances à la reconnaissance du caractère multiculturel de la société française. Qu'est-ce qui menace les valeurs et qu'est-ce qui les nourrit et, in fine, fait advenir une société respectueuse de la diversité des origines, des convictions et des pratiques ?

Dans la Vie devant soi, Romain Gary faisait dire à Madame Rosa «dès qu'on sait qui vous êtes, on est sûr de vous le reprocher». Pour une partie de la population, il est préférable aujourd'hui de ne pas montrer qui elle est pour pouvoir accéder à un traitement égalitaire. Si l'on se place du point de vue des porteurs de signes renseignant ostensiblement sur leur origine : la dissimuler, c'est se renier.

Ce qui caractérise les discriminations, quel qu'en soit le motif (le sexe, l'origine ethnique ou raciale, la religion, l'orientation sexuelle, le handicap...), c'est qu'elles s'établissent sur des perceptions visuelles, des identifications. Le principal obstacle à l'intégration résiderait dans la distance entretenue par les immigrés avec la société française, et maintenant par leurs descendants lorsqu'ils signalent leur altérité.

les discours publics sur l'intégration mettent en avant la possibilité pour les immigrés, ou supposés tels, de conserver une identité propre. Le problème est qu'à chaque fois que celle-ci se traduit par des pratiques concrètes, elles sont stigmatisées

Curieusement, alors que la loi visait une clarification, on en revient aux mêmes dilemmes de l'interprétation. Il était difficile de décider de ce qui était ostentatoire, mais qui appréciera le caractère ostensible ou visible des signes et tenues, sinon les équipes éducatives qui cherchaient à se décharger de cette responsabilité ? Libé 23/01/04

Du projet de loi sur la laïcité à la défense de l'identité nationale

Ces Français venus d'ailleurs

 

Vincent Viet Historien, chercheur associé à l'IDHE et à l'IHTP (CNRS). Auteur de: Histoire des Français venus d'ailleurs, Perrin, tempus, 2004.

Le Figaro 23/01/04

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Si l'on est juridiquement Français ou étranger, gageons qu'il est possible, selon les circonstances, de se sentir Français et étranger : le Francétranger serait une figure à géométrie variable de l'altérité d'en France, qui nous rappellerait l'intime diversité de nos origines devenues communes.

La dialectique national versus étranger [a eu un fort impact] sur les conditions ultérieures de régulation de la présence étrangère. Car elle a fait le lit de violences xénophobes ou antisémites. Le droit républicain fut sollicité pour aménager les conditions d'un vivre ensemble où le national n'aurait plus rien à «craindre» de l'étranger. A travers plusieurs formes de régulation: «nationaliser» l'étranger et sa descendance pour fabriquer indéfiniment l'homogénéité de la nation ; protéger le premier contre la concurrence économique du second (origine de la «préférence nationale»); [conférer] à l'étranger des droits civils et sociaux pour qu'il contribue à l'enrichissement de la société française, fût-ce en marge de la citoyenneté.

Les deux conflits mondiaux ont incontestablement «rapproché» les nationaux des étrangers, en créant des conditions communes d'infortune. Il s'y ajoute bien sûr la colonisation, puis les contradictions de la décolonisation.

Sans doute l'intégration individuelle est-elle une constante de la République laïque. Si elle continue assurément d'intégrer, la France ne cesse, comme par le passé, de «fabriquer» des étrangers, en durcissant depuis les années 1980 les conditions d'entrée et de séjour des étrangers. Le Figaro 23/01/04

Islamisme : la «zizanie» en France

Ivan Rioufol

Le Figaro 23/01/04

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Ces islamistes qui défilent en France pour défendre le voile à l'école publique : ils ne tiennent pas seulement des discours ouvertement antioccidentaux, antisionistes, antisémites, antihomosexuels, tout en dénonçant l'«islamophobie». Ils disent aussi qu'ils ne se soumettront pas aux lois communes et qu'ils nous sont supérieurs en tout.

Tout incite à redouter leurs appels à l'insoumission. La France, qui se fait donner des leçons de démocratie par les plus totalitaires des islamistes, doit apprendre à se faire respecter. [Ces] intégristes, convaincus de leur soutien dans certaines cités touchées par le chômage, l'insécurité et l'exclusion ethnique, font le jeu du Front national pour attiser des tensions entre communautés et rendre peut-être irréversibles des fractures culturelles.

Seul l'intégrisme fondamentaliste représente une menace pour l'ordre public C'est lui, uniquement lui, qui devrait être visé par une loi interdisant le seul port du voile devenu, à cause des islamistes, le symbole politique d'un fascisme conquérant. Le Figaro 23/01/04

L’éditorial de Jean Daniel


Marianne et

son voile

Nel Obs hebdo 22/01/02

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Les islamistes des pays européens s’émeuvent et les gouvernements «amis» s’inquiètent: dans cette affaire du voile, la France stigmatiserait l’islam! Cette émotion et cette inquiétude sont tout simplement scandaleuses. Je ne sache pas que ceux qui se disent choqués par le fait que nous prétendons traiter les enfants musulmans comme tous les autres à l’école aient eu le sommeil troublé par l’oppression que subissent des centaines de millions de musulmanes dans le monde.
On a pu hésiter jusqu’au dernier moment sur le point de savoir s’il était opportun de recourir à une loi pour empêcher le port du voile à l’école. La majorité de ceux qui ont été «auditionnés» [par la commission Stasi] ont vu dans le port du voile un signe de ralliement religieux qui entraînait, ici chez les écoliers, là chez les patients, une résistance à l’exercice normal de l’enseignement ou de la médecine. Ils n’ont pas exclu le fait que le port du voile pût être dans certains cas un choix personnel [ou] une protection contre le harcèlement. Mais ils ont convaincu la commission sur la laïcité du fait que tout laxisme sur ce point trahirait le combat des musulmanes libres de France.

La dimension sectaire et communautariste des propos [des] meneurs islamistes a totalement compromis la cause des adolescentes les moins aliénées. Leur fanatisme les a détournés de la tentation d’organiser un rassemblement national et tricolore contre la loi sur le voile. Ils n’ont voulu que regrouper les musulmans de France pour les mobiliser et les radicaliser.

Les échecs de la politique d’intégration ont fait obstacle de manière alarmante à la nécessité pour les nouveaux citoyens de comprendre et d’épouser les valeurs de la République. Nel Obs hebdo 22/01/02

Alors que le Parlement s'apprête à légiférer pour interdire le port de signes religieux «ostensibles» à l'école


Une loi pour rien ?

Michèle Tribalat Démographe, coauteur de La République et l'islam, Gallimard, 2002

 

Le Figaro 22/01/04

Extraits

L'audition de Jean-Paul Costa, vice-président de la Cour européenne des droits de l'homme, a été un tournant. Il est venu expliquer à la commission Stasi que la France pouvait renouer avec sa tradition juridique laïque, sans courir aucun risque de désaveu de la Cour européenne, qui admet tout à fait les spécificités nationales.

La laïcité n'est pas une affaire juridique, mais politique. Les incertitudes qui ont accompagné la gestion des premières affaires de voile, l'embrouillamini qui est sorti de l'avis et de la jurisprudence du Conseil d'Etat signent l'échec des politiques.

Contrairement au Conseil d'Etat, la Cour européenne a reconnu le caractère prosélyte du voile islamique, «dès lors qu'il semble être imposé aux femmes par une prescription coranique qui est», ajoute-t-il, «difficilement conciliable avec le principe d'égalité des sexes» (arrêt Dahab, 2001).

Le projet de loi, tel qu'il est actuellement formulé, remplaçant ostentatoire par ostensible, conforte simplement le statu quo du Conseil d'Etat. Le Figaro 22/01/04

Sécularisation et fondamen-

talismes

Alain DUHAMEL

 

Libé 21/01/04

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L'offensive [tendant à] imposer des préceptes religieux musulmans à la plus laïque des républiques occidentales lieu au sein d'une société où la sécularisation triomphe irrésistiblement.

L'école et l'hôpital, l'instruction et la santé, les intégristes musulmans s'en prennent aux symboles les mieux enracinés de la république la plus laïque.

C'est en France que le taux de pratique religieuse est le plus bas de toute l'Union européenne, que les divorces sont les plus fréquents, que les familles recomposées sont les plus nombreuses, que l'avortement est le plus banalisé (avec les Pays-Bas et la Suisse)…

C'est au coeur de cette société d'individualistes, de cette communauté de matérialistes, que les fondamentalistes musulmans tentent brusquement de savoir jusqu'où ils peuvent aller trop loin.

En s'élevant contre la loi interdisant le port du voile islamique à l'école, les Eglises ne choisissent pas le beau rôle. Ce qui ressemble à une union sacrée des confessions de toutes obédiences s'exerce au détriment des femmes à coup sûr, au bénéfice des islamistes radicaux sans doute. Libé 21/01/04

Glavany (PS) dénonce la "confusion d'esprit" de Ferry

AFP 21/01/04

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"Il faut un texte clair. Cette tartufferie est choquante. Luc Ferry a donné la preuve mardi qu'il était dans la plus grande confusion d'esprit". "Alors qu'il a été de tous temps opposé à une loi sur le sujet, M. Ferry fait maintenant preuve des excès de zèle du néophyte".

Le parti socialiste prévoit trois amendements: le premier portera sur le titre même de la loi, qui ne devrait plus être qualifiée de loi sur la laïcité, mais de loi "interdisant le port d'insignes religieux à l'école. La laïcité à l'école ne se résume pas au port de signes religieux"

Un deuxième amendement est destiné à "prévoir explicitement le temps du dialogue, de la pédagogie" pour éviter les "abus de pouvoir des chefs d'établissement".

Le troisième proposera de remplacer le terme "ostensiblement" par "visiblement" ou "de façon apparente". AFP 21/01/04

Ferry interprète ostensiblement la loi
Le ministre, auditionné à l'Assemblée, élargit les interdictions de «signes».

 

Libé 21/01/04

Extraits

«Le foulard islamique sous toutes ses formes» n'est pas le seul visé,  [mais aussi] les grandes croix portées par des syro-chaldéens, le turban des Sikhs.

La République sera également attentive aux tentatives de contournement, fussent-elles imaginatives ­ «le propre de l'être humain est d'inventer des signes», le bandana porté «ostensiblement» pourra être considéré comme un signe religieux : nul doute que chacun saura en juger indépendamment des origines des élèves concernés.

[La loi] s'inscrit, a-t-il rappelé, dans un «contexte de montée des affrontements communautaires». Il faut éviter «que nos classes se structurent selon les appartenances religieuses, avec ici le clan des catholiques, là celui des juifs, là encore celui des musulmans». Libé 21/01/04  Voir aussi, le Nel Obs (20/01/04) Laïcité : le bandana interdit aussi qui précise : Quant à l'interdiction des signes politiques, elle est déjà prévue par une circulaire datant de 1936, a rappelé le ministre de l'Education. Toujours en vigueur, celle-ci interdit les signes politiques susceptibles "de provoquer une manifestation en sens contraire".
Pour le reste, "aucune loi ne réglera définitivement et exhaustivement tous les problèmes d'application".
Voir aussi : Signes religieux : Luc Ferry sème le trouble (Le Parisien 22/01/04) ; Cardo (UMP): qualifier la barbe ou le bandana de signes religieux pas sérieux (AFP 22/01/04) Les petits camarades de Ferry lui bottent les fesses (Libé 23/01/04) Nouveau couac gouvernemental sur le voile (Le Figaro 23/01/04) Une confusion à peine voilée (L’Humanité 23/01/04)

Stasi défend son rapport

à « 100 Minutes pour comprendre ».

 

 Le Parisien 20/01/04

 

 

 

Il a regretté hier sur France 2 que «certains fassent croire que cette loi est contre l'islam»

Les désarrois de l'élève Stasi

 

Le Figaro 20/01/04

 

Extraits

Bernard Stasi a dès les premières minutes de l'émission rappelé l'évolution des vingt « sages » qu'il a présidés : « Au premier jour, les trois quarts des membres de la commission étaient contre la loi. Mais les témoignages nous ont fait changer d'avis : nous avons finalement voté pour une loi à l'unanimité moins une abstention.

Citant trois versets du Coran, la sociologue Leila Babès explique que « le voile n'est pas un pilier de la pratique de la foi ». Fouad Alaoui, le secrétaire général de l'UOIF, s'est contenté de répondre : « Le voile, c'est la liberté de chacun. »

Elisabeth Badinter explique pourquoi, elle, est pour la loi : « L'école laïque doit protéger ces petites jeunes filles qui sont sous la pression des grands frères, des religieux... » Le Parisien 20/01/04

 

Extraits

«Les musulmans, en France, ont le droit de manifester. Et, dans beaucoup de pays musulmans, ils ne peuvent pas le faire !» après l'intervention sur le plateau de «Cent minutes pour comprendre», sur France 2, de Fouad Alaoui, le secrétaire général de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), le sang de Bernard Stasi ne fait qu'un tour. « Ce n'est pas rendre service à la France que de dire que c'est un pays anti-musulmans. C'est un mensonge !» Lui qui a écrit, comme il l'a rappelé, hier, L'Immigration, une chance pour la France, et qui «l'a payé cher» ne supporte pas d'être assimilé aux extrémistes de tout poil. Le Figaro 20/01/04 Voir aussi Le pape mal informé sur la laïcité (Le Monde 21/01/04) Face-à-face tendu sur France 2 (Ouest-France 21/01/04)

Malgré les discours laïques, le judéo-christianisme reste, hélas, le fondement de notre éthique.


Pour une religion du bonheur

Yann Kerninon professeur de philosophie et d'histoire de l'art.

 

Libé 19/01/04

Extraits

Le plus naturellement du monde, la commission Stasi, au nom même de la laïcité, suggère de régler, un peu plus encore, le calendrier scolaire sur les fêtes de ces trois religions [judaïsme, Christianisme, Islam] aux origines communes. Or, en France une large majorité ne croit plus ni ne pratique.

Une telle façon de faire met en évidence notre incapacité à affirmer sereinement, sans violence ni exagération, la puissance libératrice d'une éthique laïque, matérialiste et, disons-le, joyeusement païenne.

Ce que Fernando Pessoa nommait «l'opération chirurgicale antichrétienne» apparaît aujourd'hui comme une nécessité pour tout individu désireux d'accroître son bonheur et sa liberté.

L'Etat, les milieux économiques, les représentants religieux et les penseurs dominants s'accordent fort facilement pour circonscrire tout débat dans le cadre triangulaire de la pseudo-science économique, de la morale judéo-chrétienne et d'une éthique mollement «humaniste».

On souhaiterait vivement entendre la voix de quelqu'un qui oserait dire que Dieu n'existe pas ou que le divin n'est pas ce qu'en disent les juifs, les chrétiens et les musulmans, ou encore que l'homme n'est pas sur terre pour souffrir et travailler en attendant la mort, mais pour rire, jouir et être heureux !

Les conclusions de la commission Stasi viennent confirmer l'idée peu ambitieuse que l'on se fait aujourd'hui de l'école laïque. En résumé, il s'agirait de former à l'école des «bons citoyens», raisonnables et modérés, techniquement adaptés au monde de l'entreprise et qui disposeraient de quelques jours fériés pour recevoir sous forme de traditions religieuses des principes moraux idéalistes et figés.

Sans mépris ni agressivité, il s'agit aujourd'hui d'oser revendiquer une ontologie vive, joyeuse et libertaire, bienveillante et ludique, individualiste et collective à la fois. L'école pourrait être le lieu de cette revendication, de cette nouvelle genèse, de cette re-création, de cette récréation. Libé 19/01/04

Pour une loi sur la nationalité

Maurice Druon de l'Académie française

 

Le Figaro 19/01/04

 

Extraits

Quand les choses ont commencé, j'ai pensé, naïf que je suis: «Le proviseur n'a qu'à flanquer ces deux gamines à la porte et, si elles récidivent, à les exclure de son établissement.» C'était trop simple. Le proviseur, lui et tous ses collègues voulaient être couverts par leur hiérarchie Cette attitude s'exprime d'un mot: manque d'autorité. S'il fallait un texte, j'aurais incliné pour une simple circulaire du ministre de l'Education nationale: «Pour raisons d'hygiène, tous les élèves devront se présenter tête nue, dans toutes les classes.» Point final. Encore eût-il fallu qu'il y eût une éducation, qu'elle fût nationale, et qu'il y eût un ministre, non un otage de soviets syndicaux.

Rappelons-nous Montesquieu: «Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.» Comment espérer d'une disposition légale qu'elle rétablisse une discipline que personne n'est plus capable d'imposer?

Nous allons passer, par une tragique inadvertance, de la république laïque à la république athée, autant dire nous acheminer insidieusement vers l'Etat totalitaire.

Ce n'est pas d'une loi sur la laïcité que nous avons besoin, mais d'une loi sur la nationalité! Il est trop facile de devenir français. Le Figaro 19/01/04

« Les valeurs de la République s'imposent à tous »

Alain Juppé Président de l'UMP

 

Le Parisien 18/01/04

Extraits

Il ne s'agit en aucune manière d'un combat contre l'islam. La religion musulmane a toute sa place en France. Cela dit, il y a des valeurs de la République qui s'imposent à tous. Le voile n'est pas le seul problème qui se pose à nous. Il y a beaucoup d'autres signes qui montrent qu'il y a aujourd'hui une sorte de bras de fer entre des mouvements politico-religieux et la République. Et j'observe à l'école, au-delà du port de signes religieux, la montée du racisme, de l'antisémitisme, du négationnisme.

Il y a un principe fondamental qui n'est pas négociable : celui de l'égalité entre les sexes.

Le texte rédigé est à la fois clair et équilibré. Il prohibe dans les écoles, les collèges et les lycées le port de signes et de tenues qui manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. Je fais confiance aux chefs d'établissement et à la jurisprudence pour distinguer ce qui est discret et ce qui ne l'est pas. Le Parisien 18/01/04

Elaboré au sein de l'Institut Montaigne
Le rapport Sabeg favorable à la discrimination positive

Le Figaro 16/01/04

Extraits

L'Institut Montaigne, un club de réflexion fondé par Claude Bébéar, l'ancien patron d'Axa, prône «l'action positive» dans un rapport sur «les oubliés de l'égalité des chances».

«L'exigence de résultat doit enfin prendre le pas sur les principes ! La France ne peut s'accommoder plus longtemps des disparités devant la formation et l'emploi. »

Les «minorités visibles», principalement noires et maghrébines, qui représentent «autour de 12% de la population» sont jusqu'à 5 fois plus victimes du chômage. En moyenne, leur taux de chômage atteint plus du double de celui de l'ensemble de la population.

Le rapport préconise la «reconnaissance de la diversité ethnique». Les minorités visibles sont majoritairement constituées de Français (et non d'immigrés) qui se sentent rejetés pour leur couleur, mais niés dans leur spécificité.

Les entreprises seraient invitées à signer une «Charte de la diversité».  Le rapport propose «une loi de programmation antighettos». Enfin, le rapport se penche sur l'éducation et suggère d'augmenter fortement le budget des écoles placées en zones sensibles, en passant des 9% de crédits supplémentaires actuels à 17%, sachant que les Canadiens dépensent jusqu'à 40% de plus dans les écoles des quartiers difficiles pour lutter véritablement contre l'échec scolaire. Le Figaro 16/01/04

«La laïcité doit se décréter»

Régis Debray

L'Express 15/01/04

Extraits

La République ne s'est pas installée dans le consensus. En 1792, on était à la veille de la

guerre. 1905, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, ça ne s'est pas fait non plus en toute amitié avec le monde catholique... Aucune société n'est laïque spontanément. Nous sommes tous portés par des intolérances, des irritations. L'Etat, c'est-à-dire l'intérêt général, est là pour essayer de pacifier, de coordonner. Oui, il faut un Etat pour qu'il y ait une laïcité, et donc des lois.

Lorsque vous voulez barrer la route au fanatisme, il est normal que les fanatiques ne soient pas contents. Et puis, il y a un immense malentendu avec le monde arabo-musulman: le voile n'est absolument pas interdit en France! ce dont il est question dans l'affaire du voile, c'est de l'école, et pas de la religion. L'Express 15/01/04

Face aux inégalités économiques, appliquer strictement la loi est préférable à l'instauration de quotas


La discrimination positive, une aberration

François DEVOUCOUX DU BUYSSON, essayiste, directeur de l'Observatoire du communautarisme

 

Libé 08/01/04

 

Extraits

«Quand on crée des quotas pour les personnes handicapées, quand on légifère pour que 50 % de femmes se trouvent sur les listes aux élections, quand on crée des zones franches ou des zones d'éducation prioritaire, qu'est-ce que c'est, si ce n'est de la discrimination positive ?» (N. Sarkozy).

Devant de mauvaises mesures, doit-on appeler à leur généralisation ou s'engager pour que l'on revienne sur leur principe funeste ?

Ces mesures ne sont pas nécessairement mises en application dès lors qu'elles ont force de loi. la majeure partie des entreprises ne se conforment pas à l'obligation légale d'embaucher 6 % de handicapés. lors des dernières législatives, les grands partis de gouvernement, y compris le PS, qui a pourtant fait voter la parité, n'ont pas respecté l'obligation de présenter 50 % de candidates.

Admettons que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin adopte des mesures de discriminations positives en faveur des jeunes français d'origine africaine qui, en effet, souffrent d'inégalités criantes sur le marché du travail ou dans la quête d'un logement. Comment soupèsera-t-on le poids de leur «handicap» ?

Les inégalités existent. Mais elles sont avant tout économiques. Elles touchent en priorité les couches sociales les plus fragilisées par l'insécurité sociale et frappent en priorité les étrangers et leurs enfants. Et redonner à l'école son rôle dans la réduction de ces injustices criantes, obliger les entreprises à appliquer la loi dans le strict respect de l'égalité des chances, demandent à la fois des moyens considérables, une volonté de fer et un courage politique hors du commun. Libé 08/01/04

Le projet de loi est consultable sur le site du Ministère de l'Education

En se positionnant contre le voile, la France ne préconise pas un laïcisme antireligieux mais privilégie la liberté de conscience face à la montée inquiétante des intégrismes.


Modernité et convictions

 

Alain Touraine

Libé 07/01/04

Extraits

Aucun pays démocratique n'impose une religion ou une idéologie comme obligatoire en rejetant les autres cultures. Même les pays où existe encore une religion d'Etat, dont les ministres sont payés par eux, sont très largement des pays laïques, comme le démontre le cas britannique. Inversement, il ne peut pas exister de société complètement multiculturelle car aucune communication n'y serait possible.

Laissons donc de côté l'idée qu'il y aurait un modèle multiculturel dominant et une exception française.

Nos sociétés dites modernes reposent bien sur une séparation du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel, sont bien laïques et, de plus, elles croient à la pensée rationnelle et à ses applications scientifiques et techniques. [Elles] croient à des droits individuels que les lois elles-mêmes ne peuvent pas abolir.

Problème posé à tous : comment maintenir les principes centraux de la modernité tout en respectant la diversité des orientations culturelles ?

Moi, qui ai constamment dans le passé défendu les jeunes femmes voilées, je veux faire comprendre pourquoi, en signant le rapport de la commission Stasi, j'ai gardé les mêmes idées. Nous sommes confrontés à la montée d'un islamisme radical qui attaque ce que j'ai défini comme le noyau de la modernité. Je fais l'hypothèse que la loi peut arrêter les mouvements islamistes qui veulent porter atteinte à l'organisation scolaire et hospitalière, mais qu'elle conduira à plus de souplesse, et non pas à plus de répression, face aux signes personnels d'une foi.

Il n'y a pas à choisir entre la laïcité et la libre expression des croyances et des convictions ; elles sont complémentaires. Libé 07/01/04

Légiférer sur le port du foulard à l'école aidera-t-il l'islam à s'adapter?
La laïcité, garante de l'unité nationale

 Chahdortt Djavann Ecrivain, auteur de Bas les voiles (Gallimard) et d'Autobiographie de l'autre à paraître

 

Le Figaro 06/01/04

Extraits

L'islam est une religion qui n'a pas encore intégré ni la laïcité, ni les droits de l'homme, ni l'égalité des sexes.

La laïcité permet l'unité nationale, car, dans l'espace républicain et laïque, on peut réunir, unir les gens de diverses croyances, alors que, à l'intérieur de chacune de ces croyances cela est impossible. La laïcité ne peut et ne doit s'adapter à aucune religion, car les dogmes d'aucune religion ne sont universels et seuls les droits de l'homme le sont.

Dans les pays musulmans ce sont hélas! toujours les dogmes islamiques qui régentent la vie sociale et politique. Le terme «islamophobe», si à la mode aujourd'hui en France, Khomeyni l'avait déjà utilisé pour stigmatiser et condamner tous les opposants à son régime islamique avant de les exterminer.

L'islam qui dicte les menus détails de la vie sociale et quotidienne de ses fidèles, qui condamne l'apostasie, qui se veut politique, englobante et conquérante, est-elle compatible avec la laïcité?

Il y a aura des islamologues, des sociologues de l'islam, des mollahs pour répondre que oui, bien sûr, à condition que la laïcité ne soit plus la laïcité, mais une laïcité islamique.

La confrontation entre la laïcité et l'islam en France est certes délicate et la faute en revient en partie aux responsables politiques qui, pour gérer les banlieues et les ghettos, ont fait longtemps appel aux pompiers pyromanes comme Ramadan, aux islamistes camouflés qui ont réussi à récupérer une partie de la jeunesse issue de l'immigration.

Il fallait un coup d'arrêt, la nouvelle loi sera un appui aux musulmans laïques de France.

Il faudrait que, dans l'univers des musulmans, les mentalités progressent et qu'il soit admis qu'il peut y avoir des citoyens d'origine musulmane de toutes opinions. Le Figaro 06/01/04

Les avantages de la "discrimination positive"

Le Monde 06/01/04

Extraits

Affirmative action : favoriser, par une politique préférentielle volontariste, l'accès à l'emploi et à l'enseignement supérieur de certaines catégories de population victimes de discrimination, c'est-à-dire les femmes et les minorités ethniques (noires, hispaniques, etc.). la traduction "discrimination positive" a une connotation négative.

Il y a vingt ans, la marche des beurs avait réveillé les Français, soudain conscients de la présence en leur sein des jeunes issus de l'immigration. L'intégration ne s'est pas réalisée. Les inégalités se sont creusées. La part des jeunes d'origine populaire dans les grandes écoles est passée de 21 % dans la première moitié des années 1950 à 7 % aujourd'hui : on ne peut qu'imaginer le nombre de fils d'immigrés dans ces 7 % ! Le moment n'est-il donc pas venu de dire qu'un coup de pouce est nécessaire ?

Las ! M. Sarkozy [a commis] une bévue majeure [en parlant] des "musulmans" plutôt que des Français "issus de l'immigration".

Les élites françaises sont essentiellement masculines, uniformément blanches, désespérément fermées. Faut-il indéfiniment accepter qu'au nom de l'égalité se perpétuent les inégalités ?

Peut-être est-il temps de se pencher attentivement sur les expériences d'"action positive", d'en laisser de côté les quotas, et d'en adapter la dynamique, celle de mesures préférentielles visant à compenser des discriminations naturelles, à nos réalités. Le Monde 06/01/04

Laïcité, le grand écart

Jean Baubérot, titulaire de la chaire d'histoire et sociologie de la laïcité à l'Ecole pratique des hautes études (section des sciences religieuses)

Le Monde 04/01/04

Extraits

Nous utilisons avec gourmandise l'expression "exception française" et l'appliquons volontiers à la laïcité. Or notre spécificité la plus forte est ailleurs, dans la capacité à maximaliser l'écart entre principe et réalité.

Mon refus de voter la proposition d'interdire les signes religieux "ostensibles" à l'école publique ne signifie pas que je me drape dans la posture de l'opposant. Mais rétrospectivement, je trouve que nous n'avons pas su élucider le rapport entre principe et application.

Mettons, un moment, entre parenthèses notre obsession nationale (depuis 1989 !) : le foulard. Le problème posé semble clair : nous montrer inventifs pour transformer ce pays, qui a vécu des siècles d'uniformité, en nation qui sait réaliser, de façon non communautariste, une réelle diversité.

La deuxième partie du rapport Stasi titre : "La laïcité à la française, un principe juridique appliqué avec empirisme", et justifie ce titre en précisant : "La laïcité n'a pas les mêmes contours à Paris, Strasbourg, Cayenne ou Mayotte." Ensuite dans la quatrième partie : "La commission estime que la réaffirmation de la laïcité ne conduit pas à remettre en cause le statut particulier de l'Alsace-Moselle." Et elle se contente de proposer un seul petit aménagement, refusant même d'envisager la disparition des crucifix dans les salles de classe de l'école publique. La République, constitutionnellement "indivisible", admet que des règles constitutionnelles ne s'appliquent pas dans une partie de l'Hexagone. On applique les principes de façon rigide ou élastique selon que l'on perçoit ou non une menace. Contrairement à ce que l'on croit, notre politique est moins guidée par la raison que par l'émotion et la peur.

Il n'est pas honteux de se sentir menacé, à condition de savoir surmonter une peur mauvaise conseillère. Pouvons-nous - en matière de laïcité - presque tout concéder aux Alsaciens-Mosellans et pratiquement rien aux musulmans ? Le Monde 04/01/04

Vous avez dit "modéré" ?

Gilles Martinet, ambassadeur de France

Le Monde 04/01/04

 

Extraits

Nous souhaitons avoir en France un islam "modéré". Aucune religion n'est, par nature, "modérée". Dès que l'une d'elle obtient le monopole de la croyance, elle se révèle dominatrice et répressive.

Après avoir condamné jusqu'au milieu du XIXe siècle la démocratie, l'Eglise en reconnaît aujourd'hui les vertus. Mais, pour qu'il y ait la paix, il fallait qu'il y ait d'abord la guerre. Le droit d'exprimer des sentiments religieux est totalement respecté, mais aussi celui d'être agnostique ou athée.

En terre d'islam, les choses sont quelque peu différentes.

La France laïque devrait offrir le cadre d'une évolution positive. Il faut d'abord considérer que tous les Français d'origine maghrébine ne relèvent pas des instances religieuses musulmanes.

Nous ne pouvons pas raisonner comme s'il n'existait pas de ghettos dans les banlieues, comme si l'égalité était la règle en matière d'emploi, d'éducation et de dignité.

Nous vivons dans une société où tout est imprégné de traditions catholiques. [Mais] depuis plusieurs siècles, s'est affirmée une autre et puissante tradition, celle des Lumières et de la pensée rationaliste. Sans elle, ce compromis raisonnable et pacificateur qui s'appelle la laïcité n'existerait pas. Le Monde 04/01/04

Le projet de loi sur la laïcité sera présenté en début de semaine au Conseil d'Etat

Le Monde 03/01/04

Extraits

Le gouvernement français a achevé la rédaction du projet de loi sur le respect de la laïcité à l'école et s'apprête à le déposer "en début de semaine prochaine" au Conseil d'Etat, appelé à émettre son avis sur le texte.

""Ostensible", c'est presque "visible", mais je vois toujours une marge de manœuvre possible", a déclaré, vendredi, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur. Il a estimé envisageable que les jeunes filles puissent porter "un substitut", symbolique, "qui permette à la jeune musulmane de se sentir en règle avec la religion". Comme "un petit bandana ou, pourquoi pas, un petit bandeau blanc ou un serre-tête vert". 

"Il s'agit manifestement d'une opération politique pour montrer l'efficacité du gouvernement. Il est plus facile de faire un texte que de mener une (...) politique d'éducation pour mener le combat pour la laïcité", a lancé Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU. "Satisfait" qu'une loi puisse être appliquée dès la prochaine rentrée scolaire, le secrétaire général du SNPDEN, Philippe Guittet, a rappelé que "cela n'empêchera bien évidemment pas le dialogue". En revanche, l'idée d'un bandeau ou serre-tête le fait bondir. Le Monde 03/01/04

Voir aussi Ferry fait rimer rapide avec ostensible et

Scepticisme dans l'éducation dans Libé du 03/01/04 et aussi AFP 02/01/04, Nel Obs 02/01/04, Le Parisien 03/01/04, Le Figaro 02/01/04

On ne peut accepter la subordination des principes universels de justice au différentialisme.
L'individu autonome contre le multiculturalisme

Alain POLICAR professeur agrégé  de sciences sociales

Libé 26/12/03

Extraits

Dans l'affrontement actuel sur la question du voile, nombreux sont ceux qui s'inquiètent, à juste titre, des dangers de fragmentation sociopolitique que ferait courir à notre société la logique communautariste.

L'institutionnalisation du multiculturalisme obéit [aux Etats-Unis] à deux logiques distinctes, l'une de nature socio-économique, l'autre de nature identitaire. La discrimination positive vise à restaurer l'égalité. La discussion a porté essentiellement sur les mesures de préférence, c'est-à-dire les politiques de quota. Celles-ci ont été conduites principalement en faveur des minorités ethniques mais aussi des femmes. La seconde logique relève de la «politique de la reconnaissance». La dignité renvoie à la fidélité à moi-même, à ma propre manière d'être et, par conséquent, à l'idéal d'authenticité. Le refus de la reconnaissance peut causer une blessure morale à l'individu et un déni de droit à une entité collective. D'où la revendication du droit à la différence, de nature à réparer les discriminations engendrées par la politique d'assimilation. Cette approche ouvre la voie à des demandes de réparation dont les contours sont extrêmement nombreux.

Selon les multiculturalistes il ne peut exister de perspective extérieure à une communauté, car on ne peut se placer en dehors de son histoire et de sa culture. Le multiculturalisme constitue une profonde remise en cause de la conception libérale de l'autonomie individuelle. Les libéraux, en effet, considèrent le moi comme préalable aux fins qu'il affirme, afin de préserver le droit de tout individu à renoncer à ses propres engagements. Les multiculturalistes, à l'opposé, décrivent un individu qui, tenant son identité de la communauté dans laquelle il a été socialisé, est le plus souvent incapable de s'arracher aux valeurs et au passé supposés le constituer. L'importance et le respect de la tradition tendent à relativiser la spécificité de la science moderne, le plus souvent présentée comme une conception du monde parmi d'autres.

L'exigence d'universalisme ne peut accepter la subordination des principes universels de justice au différentialisme culturel. Nous devons être attentifs à la mise en garde de Roger Kimball : «N'en déplaise aux multiculturalistes, le choix auquel nous devons faire face aujourd'hui n'est pas entre une culture occidentale "répressive" et un paradis multiculturel, mais entre la culture et la barbarie. La civilisation n'est pas un don du ciel, c'est une réalisation ». Libé 26/12/03

Une liberté au service d'une servitude

Jean Daniel

Nel Obs 24/12/03

Extraits

Personnellement, j'ai eu des doutes sur l'opportunité d'une loi interdisant le voile jusqu'au moment où j'ai compris qu'il s'agissait d'une grande épreuve entre musulmans bien plus que d'un rapport de force entre l'islam de France et l'Etat français. Des dizaines de milliers de musulmanes demandent aux Français, et surtout aux Françaises, de les aider dans leur lutte pour l'émancipation.

Je ne puis m'empêcher de penser aujourd'hui que la manifestation de quelques centaines de musulmanes en faveur du port du voile constitue une triste et ingrate réponse à l'offre fraternelle des enseignants de France qui veulent faire règner entre tous les enfants l'égalité, la solidarité et le respect réciproque. Finalement, s'il fallait une justification à la promulgation d'une loi, il faudrait la chercher dans la manifestation qui vient de s'y opposer. Traiter de fascistes et de racistes les Français qui veulent aider les musulmans à s'affirmer est inexcusable. Nel Obs 24/12/03

Laïcité: la grogne des cardinaux

Alain Duhamel

 Libé 24/12/03

 

Extraits

Les cardinaux français sont irrités par l'arbitrage de Jacques Chirac en faveur d'une loi interdisant le port de signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires publics. Les cardinaux français considèrent donc qu'il y a beaucoup d'irrationalité et de démesure dans le psychodrame qui agite la France à propos du voile islamique. Ils jugent le recours à la loi disproportionné. Orthodoxes et même protestants (ceux-ci pourtant si impliqués dans la tradition laïque française) ont réagi à l'unisson.

Le discours de Jacques Chirac apparaissait pourtant aux antipodes d'un laïcisme répressif. Personne n'a mis en cause, à cette occasion, le statut de l'Eglise catholique romaine, tout avantageux qu'il soit.

Tout se passe comme s'il existait une sorte d'esprit de corps instinctif, de réflexe de proximité entre les principaux responsables des différentes confessions.

Peut-être s'inquiètent-ils en catimini des risques de remise en cause à terme de la confortable loi de 1905 ; [ils] hausseraient le ton, à titre en somme préventif. A moins, autre hypothèse, qu'ils n'échappent pas eux-mêmes à la tentation communautariste et que, face aux nouvelles questions que posent la biologie, la génétique et la médecine, ils ne cherchent à opposer leurs prescriptions religieuses aux lois de la République. Ce qui révélerait, non pas un accès de laïcisme, mais un nouveau type de cléricalisme. Libé 24/12/03

La philosophe et le sociologue débattent de la laïcité en France
Chantal Delsol-Michel Wieviorka : les limites du modèle républicain

Chantal Delsol, professeur de philosophie à l'Université de Marne-la-Vallée, romancière et essayiste (Eloge de la singularité, La Table ronde, et La République, une question française, PUF) ; Michel Wieviorka, directeur d'études à l'EHESS, sociologue, est l'auteur d'essais (La Différence, Balland, et Un autre monde, Balland) animés par la question: «Comment vivre ensemble?».

 Le Figaro 23/12/03

Extraits

Chantal DELSOL. – La laïcité peut-elle être autre chose que tolérante et ouverte? Cela dit, je ne pense pas qu'en l'occurrence la laïcité soit la réponse adaptée à ceux qui se réclament d'un intégrisme religieux.

Michel WIEVIORKA. – La laïcité, pour la grande majorité de nos concitoyens, c'est d'abord la séparation du religieux et du politique Aujourd'hui, le problème [est] comment éviter de restreindre la liberté de conscience, en l'occurrence religieuse, et en même temps, face aux surenchères de minorités agissantes, mieux articuler le droit et la raison pour préserver les valeurs universelles?

CD La France doit intégrer une religion – l'islam – qui n'a pas de tradition de sécularisation. Le chantage au voile islamique, cela dit, n'est pas de nature exclusivement religieuse.

MW Faut-il dissocier l'islam et l'islamisme ? Je pense qu'il faut les disjoindre, tout comme il faut dissocier le catholicisme, le judaïsme ou le protestantisme de leurs intégrismes. Nous devons distinguer entre un islam qui n'entend pas spécialement se subordonner à une vision politico-religieuse et un islamisme qui est une combinaison indémêlable de politique et de religion, mettant la politique au service de visées religieuses. La différence fondamentale qui existe en France entre l'islam concret et l'islamisme est que le premier est susceptible de se séculariser, d'accepter une institutionnalisation.

CD Dans son pamphlet Bas les voiles! (Gallimard), l'Iranienne Chahdortt Djavann souligne la dimension anthropologique, quasi ontologique de l'oppression par le hidjab. La Cour européenne va d'ailleurs dans son sens en précisant le caractère discriminatoire du voile islamique. «Les hommes ont autorité sur les femmes, en vertu de la préférence que Dieu leur a accordée sur elles». Si on croit aux droits de l'homme, on ne peut que défendre l'unité du genre humain.

MW Le voile peut recouvrir dans certains cas une dimension d'affirmation d'un sujet personnel, typique de l'ère contemporaine: une auto-affirmation dont rien ne démontre qu'elle soit teintée d'un goût prononcé pour la servitude.

CD La religion musulmane est-elle vraiment susceptible d'entrer dans un système collectif de laïcité? Franchement, je ne crois pas au mythe de l'«islam des Lumières»

MW Je crois, contrairement à vous, que reconnaître des identités culturelles, en l'occurrence musulmane, peut fort bien s'accompagner du projet de les faire participer à l'universel.

CD A partir du moment où une population musulmane a vocation à former une partie croissante de la population française, je pense qu'il nous faut transformer nos institutions pour sauvegarder l'essentiel: le lien social et la solidarité.

Légiférer me semble très dangereux. Nous avons négligé et raté la politique d'intégration. Un système de communautés serait, je pense, plus profitable aux musulmans de France que le surplace dans une intégration ratée.

MW Les populations immigrées se ghettoïsent dans certains quartiers et l'école républicaine tient de plus en plus en mal ses promesses. Ses finalités mêmes se sont brouillées. Ne se bornant plus à simplement reproduire les inégalités, l'école aujourd'hui les renforce et accentue la ségrégation.  Le Figaro 23/12/03

La loi prohibant les signes religieux à l'école clarifie le débat sur le voile et place les chefs d'établissement et les musulmans devant leurs responsabilités.
Laïcité: le bon choix de Chirac

Zaki Laïdi politologue

Libé 22/12/03

Extraits

Certes, le port du voile ne met pas en péril la République ­ d'autant qu'il reste très limité. Il devient de moins en moins fréquent de voir les démocraties, qui sont de plus en plus des démocraties d'opinion par définition divisées et par là même de plus en plus relativistes, réaffirmer les principes essentiels qui les fondent. Or même une démocratie libérale a besoin de principes d'ordre sur lesquels on puisse s'appuyer pour vivre ensemble.

Le retour à la loi simplifie l'équation du problème : les signes religieux sont tout simplement bannis de l'école. Si elle est bien comprise et bien expliquée, cette loi ne conduira pas, comme on le dit souvent, à déresponsabiliser les acteurs. La responsabilité des chefs d'établissement n'est pas la seule à être interpellée. Celle des parents et des filles musulmanes est et sera décisive. C'est à eux de voir si le respect d'une pure tradition ­ qui, rappelons-le quand même, a été largement réinventée depuis la Révolution iranienne,­ est préférable au choix de l'intégration. Tout doit donc être entrepris pour accroître la reconnaissance de l'islam en France, mais, en même temps, tous les musulmans pratiquants doivent admettre que l'intégration passe par des concessions, par des adaptations.

S'il y a un domaine où l'Etat ne peut pas tout, c'est bien celui des discriminations insidieuses. Les syndicats sont cordialement invités à suivre l'exemple de la CFDT, qui est la seule à prendre ce sujet au sérieux. Libé 22/12/03

Chirac et la laïcité : au-delà des mots

Le Monde 20/12/03

Extraits

Le travail de la commission Stasi s'est inscrit dans une tension croissante. Au lieu d'apaiser l'émotion et d'insister sur le contexte social, urbain, international et historique dans lequel s'inscrit cette réalité, les politiques ont peu à peu accrédité l'idée d'une menace contre laquelle il faut frapper rapidement un grand coup. Au point que la question du foulard a masqué, à la satisfaction du gouvernement, les débats sociaux. Majorité et PS sont à l'unisson et rivalisent de vigueur. Comme si la montée des revendications identitaires et religieuses et le trouble qu'elle occasionne pouvaient être analysés indépendamment des secousses sociales que vivent les Français. Le pays n'en serait peut-être pas là si une mobilisation intellectuelle et politique équivalente à celle décrétée contre le foulard islamique l'avait été pour renverser la tendance en matière de ségrégation urbaine et scolaire. En présentant implicitement l'islam comme une réalité nouvelle pour la France, liée à l'immigration, en gommant toute référence à l'histoire coloniale le président de la République s'est privé de l'une des clés essentielles du débat actuel. Le Monde 20/12/03

Que vont faire les musulmans ?

Le Parisien 19/12/03

Extraits

« Une loi très brève », composée de « un ou deux articles » pour interdire les signes religieux ostensibles (voile, kippa et grande croix) à l'école publique, selon le ministre de l'Education nationale, Luc Ferry. Le Conseil français du culte musulman (CFCM), a aussitôt fait savoir qu'il entendait participer à l'élaboration de ladite loi « afin que les dispositions adoptées soient respectueuses des libertés et prescriptions religieuses ».

Au-delà du débat sémantique autour des adjectifs « visible », « ostensible » et « ostentatoire » qui ne devrait pas manquer de rebondir au Parlement, l'interdiction du voile ne sera pas facile à appliquer dans les écoles des cités, à en juger par la réaction de Lhaj Thami Breze, président de l'Union des organisations islamistes de France (UOIF), [qui a] « donné des directives pour que les associations locales et les filles voilées ou non aillent dire à leur député que cette loi, qui ne pénalise que les musulmans, est injuste ». Une « opération ruban vert » a aussi été lancée avec la caution de Malika Dif, une Française convertie à l'islam. Le Parisien 19/12/03 Voir aussi Ouest-France 19/12/03

Les trois raisons qui militent contre
Pourquoi légiférer sur le voile?

Daniel Amson Professeur à la faculté de droit de l'université de Lille-II, avocat à la cour d'appel de Paris

Le Figaro 19/12/03

Extraits

1)      Le cadre juridique du débat a été fixé par l'avis du Conseil d'État du 27 novembre 1989 dans des termes pleinement conformes aux règles de la laïcité. Cette jurisprudence permet ainsi l'exclusion des élèves qui conservent leur voile en classe d'éducation physique ou de technologie (parce qu'il leur fait courir un danger) et de celles qui, le portant pour assister à d'autres enseignements, provoquent, à son sujet, des troubles.

2)      Il n'existe aucun critère objectif pour distinguer le signe «ostensible», c'est-à-dire – pour reprendre la définition du dictionnaire – celui «qu'on affiche, qu'on laisse voir à dessein», de celui qui ne l'est pas. Le foulard, la kippa et, peut-être même la croix sont ostensibles pour ceux qui s'y intéressent, et non pour ceux que la question ne passionne pas.

3)      Les difficultés d'application seraient pratiquement insurmontables. En vertu du principe de l'opportunité des poursuites, tous les parquets n'adopteraient pas nécessairement la même attitude et cette distorsion aggraverait le sentiment d'injustice. Le juge administratif pourrait être tenté d'appliquer l'article L521-2 du Code de justice administrative et décider – en fonction des risques que l'interruption de scolarité ferait courir aux élèves exclus - une suspension provisoire de l'exécution de la sanction, en attendant qu'un tribunal statue sur le fond.

Le Figaro 19/12/03

Notre identité ne se résume pas à l'appartenance religieuse

Libé 19/12/03

 

 

Extraits

Français d'origine kabyle, je me félicite de la décision de Jacques Chirac La religion est affaire de conscience et de spiritualité individuelle, elle n'a pas à être étalée, revendiquée dans l'enceinte scolaire. Une telle loi protégera les filles contre la pression de ces groupes politico-religieux qui avancent, dans nos cités, dissimulés derrière «le voile» de la démocratie.  Ces groupes politico-religieux nous donnent tous les jours de nouveaux porte-parole pour propager une idéologie qui nulle part n'a fait le bonheur de l'islam lui-même, ni a fortiori celui du citoyen. Le dernier en date est Tariq Ramadan. Nous, enfants d'immigrés, oeuvrons chaque jour à faire avancer les consciences, mais nous restons effarés par les contre-vérités et les approximations qui se dégagent de certains débats. Notre identité ne saurait se résumer à un assujettissement religieux. Nous prenons part aux actions politiques, syndicales, culturelles de NOTRE pays. Libé 19/12/03

Après la publication du rapport Stasi et l'intervention de Jacques Chirac
La France reste un pays catholique

Gérard Israël Historien des idées religieuses, auteur notamment de La Question chrétienne-une pensée juive du christianisme, Payot éditeur, 2002.

Le Figaro 19/12/03

Extraits

C'est autour de la religion chrétienne que la France a constitué son unité, voilà plus de mille ans.

«Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu» ; «Mon royaume n'est pas de ce monde». Le christianisme semble bien se définir aujourd'hui en dehors de toute volonté de modifier l'ordre politique. La religion chrétienne peut se présenter doctrinalement comme le précurseur de la laïcité.

Fondée sur la liberté de conscience qui ne souffre aucune exception et sur la liberté religieuse qui, elle, peut être limitée par la loi, notamment pour des raisons d'ordre public, la laïcité aujourd'hui, notamment dans les établissements d'enseignement public et dans les universités, règne absolument.

Et pourtant la France demeure un pays catholique. Par sa culture, ses moeurs, sa mentalité et même dans son paysage géographique, l'ensemble français reste tributaire d'une tradition qui imprègne la conscience populaire et infléchit la formation des élites. Le Figaro 19/12/03

Avis de la Fédération protestante

La Croix 18/12/03

Extraits

Elle renouvelle ses craintes quant au risque discriminatoire que pourrait comporter la rédaction en urgence d'une loi contre le port de certains signes religieux à l'école. Le véritable malaise de notre société touche aux questions d¹égalité des chances pour tous, d¹intégration véritable, de nouvelles conquêtes pour le droit des femmes et de lutte contre toute discrimination.

La Fédération protestante de France avait répété à plusieurs occasions son attachement aux principes de la Loi de 1905 : "la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes".

Tout en reconnaissant qu'il revient au pouvoir législatif de décider s'il est nécessaire d'inscrire dans une Loi certains principes et certaines limites, elle renouvelle son avertissement quant au risque discriminatoire que pourrait comporter la rédaction en urgence d¹une loi contre le port ostensible de signes religieux à l¹école, et l'illusion de croire que les graves questions concernant le respect les uns des autres ou l'égale dignité entre hommes et femmes seront réglées par une seule loi d'interdiction de signes religieux. La Croix 18/12/03

Voir aussi la Déclaration de Mgr Ricard

Jacques Chirac s'est prononcé en faveur d'une loi

Le Monde 18/12/03

 

Extraits

"En conscience, j'estime que le port de tenues ou de signes qui manifestent ostensiblement l'appartenance religieuse doit être proscrit dans les écoles, les collèges et les lycées publics", a déclaré le chef de l'Etat "Pour cela, une loi est évidemment nécessaire. Je souhaite qu'elle soit adoptée par le Parlement et pleinement mise en œuvre dès la rentrée prochaine". "Le voile islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive n'ont pas leur place dans les enceintes des écoles publiques."

"Je ne crois pas qu'il faille ajouter de nouveaux jours fériés au calendrier scolaire, qui en compte déjà beaucoup"

"Il faut rappeler les règles élémentaires du vivre ensemble, a estimé M. Chirac. Je pense à l'hôpital, où rien ne saurait justifier qu'un patient refuse, par principe, de se faire soigner par un médecin de l'autre sexe."

Il a ainsi annoncé la création d'"un Observatoire de la laïcité" et d’un "code de la laïcité", réunissant "tous les principes et les règles relatifs à la laïcité", "La République s'opposera à tout ce qui sépare, à tout ce qui retranche, à tout ce qui exclut". Le Monde 18/12/03 L’intégrale du discours

Pour Libé : Jacques Chirac sort l'artillerie laïque ;

Les propos de Chirac plutôt bien accueillis pour le Nel Obs ; Un rappel solennel dit l’éditorial d’Ouest-France ;

Chirac se prononce pour une loi titre La Croix ; Une nouvelle France pour l’éditorial du Figaro. Au nom de la loi titre l'Humanité.

"L'importance accordée à la question des foulards est démesurée par rapport à d'autres problèmes"

Edgar Morin, sociologue

Extraits

Cette affaire de foulard a été extraordinairement gonflée. Les cas restent assez peu nombreux et je suis pour le maintien de ces jeunes filles au sein de l'école laïque afin de leur permettre d'évoluer. Autant je comprends qu'on inscrive l'étude du phénomène religieux à l'école, autant je répugne à l'obsession du religieux.

Les juifs étaient en grande partie des libres penseurs, comme le sont aujourd'hui bien des gens d'origine maghrébine. Enfermer les uns et les autres dans la religion d'origine, c'est comme si on définissait la majorité des Français comme chrétiens.

Un texte de loi est superfétatoire. Il s'agit de dépasser l'opposition entre communautarisme et homogénéisation. La francisation ne doit pas détruire les différences, mais les intégrer. Cela n'est pas du domaine de la loi mais de mesures politiques.Le Monde 18/12/03

Membre de la commission Stasi, Alain Touraine s’est converti au principe d'une loi

Le Monde 18/12/03

Extraits

Il ne renonce pas à l'idée qu'il faut "défendre ces filles -voilées- qui négocient un passage difficile vers la modernité". Mais, avant de poursuivre le dialogue, martèle-t-il, "il faut avoir donné un coup d'arrêt. Avoir dit très clairement que le communautarisme, on n'en veut pas, que la pensée rationnelle, ça existe, l'égalité entre hommes et femmes, ça existe, la citoyenneté, ça existe".

il a obtenu que la définition de l'école fasse référence à la rencontre de l'autre. Et il souligne les pas faits par l'autre bord, pour qu'au final soient combinées la défense de la citoyenneté et celle de la pluralité culturelle. "On a fait avancer les choses, assure-t-il, à la fois en déclenchant une prise de conscience de la réalité, et en avançant vers la reconnaissance de l'histoire culturelle" des jeunes musulmans. Le Monde 18/12/03

Derrière le voile

Claude Imbert

Le Point 18/12/03

Extraits

L'islam, dans son messianisme - dans sa volonté spécifique de diriger non seulement les âmes, mais les moeurs et les lois -, n'est pas, ne peut pas, ne veut pas être une religion comme les autres. Ainsi la querelle du voile prend-elle, au fil des ans, une nouvelle dimension. Il s'agit de répondre aux cabales de dévots abusivement institués en représentants de tous les musulmans ou « nés musulmans » de France... qu'ils soient pratiquants ou - bien plus nombreux qu'on ne croit - non pratiquants de l'islam, une majorité de « beurs », et plus encore de beurettes, veulent une loi. Ils s'estiment, de surcroît, outragés lorsqu'ils se voient indifféremment désignés comme « musulmans ». Ils refusent cette étiquette héritée de l'usage colonial. Ce n'est pas de discrimination positive qu'ils ont d'abord besoin. C'est de voir disparaître la discrimination négative qui les écarte d'emplois mérités. Le Point 18/12/03

Un voile sur les discriminations

Alima Boumediene-Thiery députée au Parlement Européen (Verts), Dounia Bouzar Gaspard sociologue, Christine Delphy directrice de Nouvelles questions féministes, Eric Fassin est sociologue, Madeleine Rebérioux historienne, Nicole Savy vice-présidente de la Ligue des droits de l'homme

Le Monde 17/12/03

Extraits

Des alliances, inimaginables il y a quelques mois, se forment, des fronts laïco-féministes qui ont pour dénominateur commun un fonds de fantasmes apocalyptiques : le "salafisme" et le "wahhabisme" sont aux portes de nos mairies, prêts à piétiner notre Constitution.

Il faut retrouver la raison : les jeunes filles et les femmes qui portent le foulard ne sont pas la cinquième colonne d'une puissance étrangère. Et la France n'est pas près d'être transformée en République islamique.

C'est à qui exhibera le plus fort "complexe de Charles Martel": si on ne peut pas les arrêter à Poitiers, au moins leur interdira-t-on l'entrée des écoles, des administrations, des hôpitaux, etc. !

La France ne pourra tenir sa promesse d'égalité tant qu'elle refusera de regarder en face l'inégalité illégale tous les jours perpétrée : la discrimination permanente à tous les niveaux - emplois, école, administration, logement... Traquer les traitements discriminatoires, qu'ils s'exercent à l'encontre des femmes ou d'autres groupes, relève d'un véritable enjeu de société. Cela demande des études, dans tous les domaines, sur les mécanismes de discrimination, qui ne sont pas le fait d'individus racistes, mais de tout le système social.

Comment des féministes peuvent-elles soutenir une loi qui aboutit à exclure des jeunes filles de l'école, souvent leur seul lieu d'émancipation ? Le Monde 17/12/03

Stasi : un rapport à lire en entier

 

Alfred Grosser

Ouest-France 17/12/03

Extraits

Ce n'est pas au président de la République de décider de tout. Mais il est plus commode de s'en remettre à un homme. Comme il était plus commode pour les conseils d'administration des lycées et collèges, en général si désolés de n'avoir aucun pouvoir, de s'en remettre à une règle générale à propos du « foulard islamique », plutôt que d'accepter les sages arrêts du Conseil d'Etat, en 1989 et 1992, disant que chaque établissement devait peser les cas.

L'admirable rapport de la commission Stasi analyse avec rigueur et honnêteté aussi bien les dérives et les affrontements actuels que l'histoire et les exigences de la laïcité républicaine. Il ne faudrait pas pour autant que chacun n'y lise que ce qui l'arrange.

« Chômage supérieur à 40 %, problèmes aigus de scolarisation... Les habitants de ces quartiers [difficiles] ont le sentiment d'être victimes d'une relégation sociale qui les condamne au repli sur eux-mêmes... 32 % de la population y a moins de vingt ans. »

« La grande majorité des musulmans confesse une foi et une croyance parfaitement compatibles avec les lois de la République. » Ouest-France 17/12/03

Le manque d'audace du rapport Stasi envers l'islam

Le Monde 17/12/03

Extraits

La mesure phare de ce document de 67 pages concerne l'interdiction des "tenues et signes manifestant une appartenance religieuse ou politique". Sont énumérés ensuite, pour ce qui concerne les religions, les "signes ostensibles", catégorie nouvelle qui inclut les "grandes croix, voile ou kippa".

Les quelques propositions d'ouverture étaient déjà exposées dans un rapport du Haut Conseil de l'intégration (HCI) consacré à "l'islam dans la République" et remis au premier ministre le 14 décembre 2000. Le rapport du HCI demandait la suppression de l'enseignement des langues et cultures d'origine, "inadapté" et "détourné de son objectif initial". Déjà, il préconisait des "accommodements raisonnables" dans les cantines, tels que l'offre de menus sans porc. Il allait plus loin que le rapport Stasi, en prenant position, par exemple, en faveur de la création d'un centre de formation des imams à Strasbourg, financé sur fonds publics La seule avancée réelle concerne les fêtes religieuses non chrétiennes : "L'ensemble des élèves ne travailleraient pas les jours de Kippour et de l'Aïd el-Kébir."

Il n'aurait pas été aberrant de demander l'extension du statut de culte reconnu à l'islam en Alsace-Moselle.

L'interdiction des signes religieux ostensibles ne s'applique pas à l'enseignement privé. Or il n'existe actuellement aucune école privée musulmane sous contrat d'association avec l'Etat en France métropolitaine. Par comparaison, environ 30 % des jeunes catholiques et des jeunes juifs sont scolarisés dans le privé.

Vers la fin du rapport, on trouve tout de même une phrase, peut-être la plus importante, et qui risque d'être la moins suivie d'effet : "Encourager la destruction des ghettos urbains par le remodelage de villes". Le Monde 17/12/03

"La politique ne relève pas de la seule sphère privée"

Robert Ballion, sociologue, Directeur de recherche au CNRS et auteur de Démocratie au lycée

L'humanité 16/12/03

Extraits

Pour ne pas avoir à affronter directement le problème spécifique du voile, on a amalgamé, par couches successives, des interdictions touchant d'autres formes d'expressions Mais où cela s'arrête-t-il pour les signes d'appartenance politique ? Le terme " politique " recoupe une réalité très vaste.

Contrairement aux opinions religieuses, les opinions politiques ne relèvent pas simplement de la sphère privée. C'est un engagement dans la vie de la cité.

Dans mon observation de la vie des lycées, je n'ai jamais vu de problèmes posés par l'expression des droits politiques. Le chef d'établissement est le garant de l'ordre public. Il peut interdire toute manifestation individuelle ou collective qui serait, selon lui, susceptible de troubler la vie de l'établissement. 

Il est superflu de légiférer. Il suffit, finalement, d'une directive aux chefs d'établissement remplaçant "ostentatoire" par "ostensible"... L'humanité 16/12/03

Laïcité: Chirac devrait proposer une loi, mais pas de jours fériés en plus

AFP-Voilà 16/12/03

Extraits

Jacques Chirac ne devrait pas faire sienne la proposition de la commission Stasi d'instaurer deux nouveaux jours fériés à l'école pour l'Aïd el-Kebir et Kippour. Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin se déclare d'ailleurs "surpris" par cette proposition, et se demandant "si la commission Stasi a beaucoup réfléchi à (sa) mise en oeuvre".

"Ce qui me guidera dans ma position, c'est le respect des principes républicains et l'exigence de l'unité nationale et du rassemblement des Français" [avait dit Jacques Chirac], "L'objectif est de garantir à chacun des Français sa liberté, avec pour seule limite le respect de la règle commune, et de garantir aussi à tous les Français l'égalité des chances". AFP-Voilà 16/12/03 Voir aussi Le Figaro 16/12/03 L'Humanité 16/12/03

Le rapport Stasi, preuve de démocratie vivante, ne clôt pas le débat mais le fait rebondir.
La laïcité, le chêne et le roseau

Jean BAUBEROT

Libé 15/12/03

 

Extraits

La laïcité est, indissociablement, «liberté de conscience, égalité en droit des options spirituelles et religieuses, neutralité du pouvoir politique». Elle «soustrait le pouvoir politique à l'influence dominante de toute option spirituelle ou religieuse, afin de pouvoir vivre ensemble». «La laïcité distingue la libre expression spirituelle ou religieuse dans l'espace public, légitime et essentielle au débat démocratique, de l'emprise sur celui-ci qui est illégitime». En effet, «en garantissant la libre expression de chacun, en procurant à tous l'éducation qui forgera l'autonomie et la liberté de jugement, l'Etat inscrit la laïcité dans la filiation des droits de l'homme».

La laïcité française peut emprunter au Québec la pratique de «l'accommodement raisonnable» pour résoudre des problèmes concrets ; cette méthode a déjà été utilisée aux périodes fondatrices de la laïcité («l'instauration d'un jour vacant pour permettre l'enseignement religieux» les aumôneries), et donc elle est foncièrement laïque. [Elle] permet de sortir de la logique du «tout ou rien».

La proposition de modification des jours fériés scolaires prend sens à partir de cette optique. Qu'un élève n'ait pas classe le jeudi de l'Ascension ou le jour de la Toussaint serait de la pure laïcité républicaine ; qu'il n'ait pas classe les jours de Kippour et de l'aïd, serait de l'affreux communautarisme ! [C’est de la] catholaïcité.

La commission a refusé tout accommodement raisonnable [sur les signes religieux «ostensibles»] au nom «notamment (de) l'égalité entre les hommes et les femmes». [Mais] il n'était pas question d'étendre cette disposition aux établissements privés sous contrat bénéficiant de fonds publics.

Qu'en est-il de l'unité de la République quand celle-ci se prépare à interdire le foulard à l'école publique et à financer les futures écoles privées sous contrat, qui vont se créer précisément pour recevoir les jeunes filles à foulard ?

La stratégie du chêne peut en séduire beaucoup. Et pourtant, l'école laïque me l'a appris, c'est le roseau subtil qui plie et ne rompt pas. Libé 15/12/03 Voir aussi "La première explicitation de la laïcité" Nel Obs 11/12/03

Pour une laïcité positive

Joseph Macé-Scaron

Le Figaro 13/12/03

Extraits

On peut toujours feindre de croire que l'entrée dans la communauté nationale se déroulait jadis sans heurts et sans douleurs. Or, même au temps des hussards noirs de la République, l'intégration n'était pas une partie de campagne. Le premier acte de l'intégration, c'est l'épreuve initiatique de l'entrée dans la communauté nationale ; le respect de la laïcité est une conséquence de l'intégration, non son présupposé. Or quand on évoque l'intégration de l'islam, on envisage facilement l'accès à la deuxième «étape» (la laïcité) en faisant soigneusement l'économie de la première.

Il est devenu urgent après une décennie de laisser faire-laisser voiler de réaffirmer avec vigueur les principes fondateurs de notre République ainsi que les principes salvateurs de notre démocratie.

Alors, faut-il légiférer ? On ne compte plus les laïcs de la onzième heure qui sautent sur leurs strapontins en s'écriant : «Une loi ! Une loi ! Une loi !» Mais change-t-on les mentalités par décret ?

Le voile n'est pas un signe religieux. C'est l'expression d'une de ces identités vindicatives qui fleurissent actuellement. Il n'y a plus dans notre société de limite au carnaval des identités. Du piercing à la compétition des marques, de la fashion victim au «foulardisme» fanatique, tout est occasion pour faire la promotion débridée de soi en s'aliénant davantage.

La fermeté est une ardente et constante obligation, une attention et une tension de tous les jours. Elle ne se juge pas sur une loi qui permettrait aux politiques de se débarrasser vite fait du mistrigri islamiste jeté en pâture à une opinion publique versatile. Le Figaro 13/12/03

Voir aussi : La régression programmée, Alain-Gérard Slama Le Figaro 15/12/03

La laïcité est l'affaire des chrétiens, Paul Thibaud Le Figaro 15/12/03

Aïd el-Kébir et Kippour fériés : la droite hostile, la gauche divisée

Le Monde 14/12/03

Extraits

La proposition de la commission Stasi d'instituer deux nouveaux jours fériés à l'école républicaine, pour les fêtes juive de Kippour et musulmane de l'Aïd el-Kébir, soulève une controverse passionnée dans l'opinion et embarrasse la classe politique.

Dans la majorité présidentielle, la tonalité est au rejet de cette proposition - qui risque de profiter au Front national. "C'est le communautarisme en plein", dénonce franchement le président de l'UDF, François Bayrou.

"  N'ayons pas peur d'afficher la complexité du sujet", a déclaré au Monde [Jean Glavany, PS]. Bertrand Delanoë pense qu'il s'agit d'un "  très beau symbole et d'une excellente idée". Laurent Fabius juge l'idée " inopportune". Le Monde 14/12/03

Dangers

Jean-marie Colombani

Le Monde 13/12/03

Extraits

"L'islamisme, voilà l'ennemi !..." Que ce soit un adversaire, nous n'en doutons pas. Que ce soit l'ennemi central, cardinal et essentiel, qu'il faudrait désigner d'urgence à nos concitoyens, nous en sommes moins certains. La loi aujourd'hui proposée rassurera les personnels confrontés au voile et à l'idéologie qui, parfois, l'accompagne. Elle confortera aussi les Français musulmans qui n'en peuvent mais d'être assimilés à un islam intolérant.

Prendre le risque de la loi-sanction qui, à la fin des fins, exclut (les jeunes filles, pas les frères), c'est, en dernier ressort, nier la laïcité, ses chances et ses vertus... au nom de la laïcité. Qui peut s'y retrouver ? De quels points de repère disposera-t-on si l'accumulation byzantine d'une jurisprudence interprétative complexe et, inévitablement, contradictoire vient progressivement alourdir le poids d'une loi qui serait déjà, en soi, discriminante, quelle qu'ait pu être la bonne foi d'une partie de ses inspirateurs ? Le Monde 13/12/03

M. Stasi prône l'interdiction des signes religieux et politiques à l'école

Le Monde 12/12/03

 

Extraits

Côté fermeté, la loi prohiberait à l'école les "tenues et signes manifestant une appartenance religieuse ou politique". Cette interdiction serait précisée dans l'exposé des motifs du texte : les signes "ostensibles" ("qui est fait avec l'intention d'être remarqué", selon Le Petit Robert) étant seuls prohibés. Côté ouverture, la commission propose de faire des fêtes de Kippour et de l'Aïd el-Kébir des jours fériés pour tous les élèves et les salariés qui le souhaitent.

Alors que l'idée d'une loi n'était nullement majoritaire au début des travaux, elle s'est imposée à mesure que se précisait le portrait d'une France travaillée par des tensions d'une ampleur nouvelle.

Les "sages" ont cherché à labourer des terrains où on les attendait moins  : dans le sens de la fermeté "laïque" d'abord, avec, par exemple, l'interdiction, ajoutée dans la loi hospitalière, de récuser du personnel soignant en raison de son sexe. En direction inverse, celle du "respect de la diversité" spirituelle et de la lutte contre les discriminations  : obligation de permettre le respect des interdits alimentaires dans les cantines, insistance sur l'enseignement des faits religieux, de l'histoire de l'esclavage, de la colonisation et de l'immigration. Le Monde 12/12/03  Voir aussi : Des propositions pour affirmer le principe d'une "laïcité ouverte"

Les conclusions et propositions Nel Obs 11/12/03  et

La Croix 12/12/03

Clarification pour l'éditorial de Ouest-France 12/12/03

Le rapport complet (format *.pdf)

Ni ostentatoire ni visible : les sages ont opté pour une formulation de compromis pour lutter contre le prosélytisme religieux à l'école publique
Le rapport Stasi contre les signes «ostensibles» à l'école

Le Figaro 11/12/03

Extraits

Le terme «ostensible», qui, selon le Larousse, signifie «que l'on ne cache pas, qui est fait avec l'intention d'être vu», aurait fait l'unanimité. Car il inclut l'idée d'affichage, pouvant porter atteinte à la liberté de conscience d'autrui, mais repose sur un aspect objectif.

Les sages ont tenu à fixer un cadre clair, pour permettre aux chefs d'établissement de s'appuyer sur une loi ferme. Qu'ils peuvent ensuite décliner intelligemment sur le terrain.

Dans leur rapport, les sages proposent plusieurs ajustements législatifs ou rappels des règles pour rétablir la laïcité. Dans toute la France, les cantines seront invitées à servir des plats de substitution lorsque le porc est au menu, mais à refuser les menus confessionnels.

En revanche, pour établir l'équité entre les religions, les sages entendent favoriser la présence d'aumôniers musulmans dans les prisons ou encore l'installation de carré musulmans dans les cimetières. Le Figaro 11/12/03

Voir aussi : Le rapport Stasi remis à l'Elysée, la balle dans le camp de Chirac AFP-Voilà 11/12/03

Un «livret républicain» contre le racisme et l'antisémitisme

 

Le Figaro 10/12/03

 

Extraits

Proposé par Luc Ferry, ce livret devrait être distribué dans tous les établissements scolaires début 2004 afin de répondre aux problèmes de communautarisme, de racisme et d'antisémitisme à l'école. Il se présente comme un guide d'action permettant aux équipes enseignantes et aux médiateurs de l'Éducation nationale d'apporter une réponse «concrète et adaptée», lors de paroles ou actes racistes ou antisémites dans le cadre scolaire. une «cellule républicaine» fonctionne déjà au ministère, avec des correspondants dans les académies, formés pour intervenir sur ces questions. Et éviter qu'en l'absence de réponse adéquate, des actes isolés ne dégénèrent en véritable psychose, voire en lutte communautaire. Le Figaro 10/12/03

Voir aussi AFP-Voilà 09/10/03

La commission Stasi prône une loi

Libé 10/12/03

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Les sages avaient quasiment achevé leur rapport sur la laïcité, hier soir.

La proposition d'une loi interdisant le port des signes religieux à l'école publique devrait bien figurer dans le rapport de la commission sur l'application du principe de laïcité dans la République présidée par Bernard Stasi. Au fil des auditions­ notamment des chefs d'établissement ou des enseignants, mais également des personnels de santé ou d'un directeur de prison ­, les sages se sont convaincus que le statu quo n'était plus possible.

Reste que le rapport Stasi contiendra bien d'autres choses. Un état d'abord de la laïcité en France une série de propositions censées redonner une nouvelle vigueur à la laïcité. Libé 10/12/03

La commission Stasi se méfie d'une loi

La Croix 09/12/03

 

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« Notre examen de la laïcité a un spectre large, on ne se limite ni aux signes religieux ni à l’école ».

Un consensus est ainsi progressivement apparu pour ne pas porter atteinte aux grands équilibres posés par la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 (liberté de conscience garantie, non-subvention des cultes) et par une pratique somme toute libérale de ce texte. La commission devrait rappeler que la laïcité française n’est pas tout entière contenue dans la loi. Elle est le produit d’une histoire, elle traduit un équilibre trouvé de manière empirique.

une seconde partie du rapport devrait établir un inventaire du corpus juridique sur lequel repose aujourd’hui la laïcité à la française.

Deuxième conclusion des sages, il y a bien un problème spécifique posé par l’islam. « Cette religion n’est là que depuis un demi-siècle. Il y a un temps d’adaptation » Une troisième partie du rapport devrait donc se livrer à une description sans fard de la situation pas question de se restreindre à l’école. Le rapport va balayer tous les secteurs soumis aujourd’hui aux tensions religieuses et communautaires : hôpital, prison, entreprise… Les membres de la commission Stasi ne pouvaient éviter la question du voile à l’école. La formulation de leur proposition sur le sujet a fait l’objet de discussions acharnées L’hypothèse la plus vraisemblable serait qu’ils proposent de donner force de loi à la jurisprudence du Conseil d’État, à savoir l’interdiction des seuls signes religieux ostentatoires. Toutefois, les difficultés de l’école ne se limitent pas à cette problématique et la loi ne règlera pas tout. « Cette idée qu’il faut, pour tout, recourir au législateur est une illusion. Il faut désacraliser la loi. Elle ne résout pas, à elle seule, tous les problèmes du vivre ensemble », De manière plus positive, elle défendra le principe d’égalité entre les cultes, notamment en faveur de l’islam. La Croix 09/12/03

Bernard Stasi homme de bonne foi

Le Figaro 09/12/03

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Il est centriste. Depuis des années, l'ancien vice-président du CDS brouille les pistes. Revendique son amitié avec Michel Rocard, fait scandale en publiant, il y a quelques années, un livre intitulé L'Immigration, une chance pour la France, se mue en porte-drapeau de l'opposition au Front national tout en se posant en premier des barristes…  [Il] est aujourd'hui médiateur de la République.

«Viscéralement laïc», profondément chrétien, mais aussi très soucieux de ne pas heurter les musulmans : «Je passe mon temps à dire que l'Islam est bienvenu en France, la laïcité, c'est tout d'abord la tolérance et le respect de toutes les religions qui doivent disposer des mêmes droits mais aussi se plier aux mêmes devoirs.»

Il aime le dialogue. Il ne pense pas avoir la vérité révélée. Mais il est des sujets sur lesquels il a montré qu'il était «prêt à gueuler plus fort que les autres». Et de citer la construction européenne, la lutte contre le racisme, l'abolition de la peine de mort ou encore la lutte contre le Front national. Le Figaro 09/12/03

Le débat sur la laïcité au centre du dîner annuel de SOS Racisme

AFP-Voilà 09/12/03

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Dominique Sopo, tout nouveau président de l'association dénonce "la résurgence de l'antisémitisme en France et, au-delà, la structuration d'un discours qui voudrait faire croire que tout se réduit dans le monde à un axe américano-sioniste". "La laïcité, c'est le fil d'Ariane d'un projet de société global, si on réduit le débat sur la question du voile dans la sphère de l'Education nationale, je suis inquiète", a affirmé pour sa part Fadela Amara, présidente de "Ni putes, ni soumises". "Je suis contre les quotas ethniques, qui peuvent pousser les gens à s'identifier à une communauté alors qu'une des richesses de la France est de permettre que la construction identitaire se fasse autour de la question de la citoyenneté, je suis d'origine africaine mais je suis d'abord un citoyen", a lancé Dominique Sopo, prônant les valeurs d'une "République métissée". AFP-Voilà 09/12/03

Tentons de tracer les nouveaux contours d'une laïcité multi- et a-confessionnelle.
La laïcité dans l'altérité

Nacira Guénif-Souilamas sociologue, maître de conférences à Paris-XIII, chercheur au Grec et au Cadis-CNRS

Libé 09/12/03

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Le risque de la haine vient se nicher à l'envers d'une laïcité inoxydable révélant ainsi la définition ethnique que la société française se donne à mesure qu'elle se sent fragilisée.

Nous étions quelques-uns à penser que l'épuisement de l'idéologie de l'intégration privée de contenu entraînerait avec elle la fin de l'assimilationnisme, survivance d'un passé ambiguë.

Si l'on peut se féliciter qu'aujourd'hui, la diversité, y compris religieuse, soit passée dans les moeurs républicaines, il est à craindre qu'elle doive pour cela s'incliner sous les fourches caudines d'une loyauté républicaine. Mieux vaut accepter des musulmans conservateurs comme nouveaux supplétifs de l'ordre républicain que d'accepter des Français nourris d'ascendances complexes qui se confrontent à leurs multiples identités et tentent de résoudre leurs contradictions d'individus modernes.

Le rétrécissement de l'espace d'affirmation et d'expression, la mise à l'index des références identitaires sont tels que certains ont dû se bricoler une identité paradoxale de musulmans laïcs : des femmes et des hommes acceptent d'être définis par leur appartenance religieuse, dérogeant aux principes qu'ils prétendent défendre.

En guise d'invitation à l'exploration de nouveaux possibles, imaginons les contours d'une «laïcité» née d'une fête multi- et a-confessionnelle, formule syncrétique et métissée. Libé 09/12/03

3,7 millions de musulmans en France

Les vrais chiffres

L'Express 04/12/03

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En 1989, l'historien Bruno Etienne, se fondant sur les données du recensement de 1982, évaluait la présence musulmane dans l'Hexagone «autour de 2,5 millions d'individus». En 1993, le rapport publié par le Haut Conseil à l'intégration avance le chiffre de 3 millions. Voilà quelques jours, enfin, Nicolas Sarkozy, avançant ses arguments pour s'opposer à une loi contre le voile islamique - il a depuis changé d'avis - déclarait: « Il y a 5 à 6 millions de musulmans en France ». Mais d'où sortent-ils? D'un chapeau, semble-t-il, c'est-à-dire d'estimations «au doigt mouillé». Michèle Tribalat a reconstitué à partir de ces données un tableau de la population d'origine étrangère en France (à paraître dans la revue de l'Ined, Population), le nombre d'immigrés issus de pays où l'islam est majoritaire et de leurs descendants. Son estimation du nombre de «personnes susceptibles d'être musulmanes par filiation», dont nous avons eu la primeur, dégonfle de façon spectaculaire les chiffres «officiels»: il n'y aurait pas en France 5 ou 6 millions, mais seulement 3,7 millions de personnes «possiblement musulmanes». Plus de 23% des habitants de l'Hexagone - près de 14 millions - sont d'origine étrangère (au moins un parent né à l'étranger) : 6,9 millions viennent des pays de l'Union européenne, 3 millions du Maghreb et 700 000 d'Afrique subsaharienne. L'Express 04/12/03

L'urgence, aujourd'hui, n'est pas la laïcité à l'école, mais l'enseignement du fait athée.
Reviens, Voltaire!

Michel ONFRAY

Libé 03/12/03

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L'actuelle resucée médiatique de l'opposition entre Don Camillo et Pepone sur un certain nombre de sujets - enseignement du fait religieux, euthanasie, contraception, politique du travail, port du voile - devrait laisser place à un autre débat entre les tenants de la morale judéo-chrétienne - prêtres et laïcs -et les partisans d'un athéisme réel, franc, net, affirmé, revendicatif.

Faire procéder la morale judéo-chrétienne de la terre et non plus du ciel, voilà jadis le travail des laïcs. Mais il paraît désormais insuffisant d'en rester là. D'où la nécessité d'activer une éthique vraiment post-chrétienne.

L'urgence c'est l'enseignement du fait athée. Prendre prétexte que les seize-dix-sept ans ne peuvent comprendre la chapelle Sixtine ou la Divine Comédie par ignorance de la Bible, voilà une fausse priorité à l'heure où le gouvernement Raffarin regorge de ministres qui ne cachent pas leur engagement catholique. 

Jusqu'où tolérer de la prétention des monothéismes, à soumettre à leur loi ceux qui ne communient pas dans leur foi ? Modifier la règle du jeu, changer l'école, supprimer la mixité sportive, abolir les lois issues de la séparation de l'Eglise…

Les trois monothéismes - je dis bien les trois... - professent fondamentalement une même détestation des femmes, des désirs, des pulsions, des passions, de la sexualité. Et de la liberté, de toutes les libertés : celles d'user de soi, de sa vie, de son corps sans en référer à une autorité cléricale. Libé 03/12/03

Construire une laïcité ouverte

Marie-George Buffet

 

 

L'Humanité 25/11/03

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Je comprends l'inquiétude des enseignants, des directeurs d'établissement devant la montée de comportements qui peuvent créer des situations conflictuelles au sein de l'école. L'utilisation de signes religieux dans cet objectif, le refus de participer à certains cours sont des agissements qui ne sont pas tolérables. Une loi supplémentaire permettrait-elle d'y faire face ? Je constate que les différents projets laissent de toute manière aux enseignants la responsabilité de définir ce qu'est un signe religieux, philosophique ou politique L'école, si elle doit édicter des règles pour pouvoir assumer pleinement ses missions, ne peut pas être un sanctuaire coupé du monde Je la mise en place de lieux de médiation, placés sous l'égide d'un haut conseil de la laïcité, qui pourrait également être décliné au plan local, avec des élus, des personnalités morales.

La laïcité est d'abord le droit, pour chaque individu, de vivre, porter, assumer sa pensée philosophique, son opinion politique, sa croyance, dans le respect des autres et dans le cadre d'une République démocratique. Nous devons construire une laïcité ouverte qui aide à vivre ensemble, que l'on soit croyant ou athée.

Ce n'est pas les filles qui se voilent qu'il faut montrer du doigt, ce n'est pas sur elles qu'il faut faire peser la contrainte de la loi. Il faut dénoncer ceux qui veulent imposer aux filles leur vision rétrograde de la société, de la religion. L'Humanité 25/11/03

Application ferme de la loi de 1905

Alain Bauer, ancien Grand Maître du Grand Orient

Le Parisien 25/11/03

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[La laïcité] c'est, d'abord, la liberté donnée à chacun dans la sphère privée, puisqu'il n'y a pas de religion d'Etat, de pratiquer un culte, d'en changer ou de n'en pratiquer aucun. C'est ensuite, dans tous les espaces publics de la République, l'absolue interdiction du prosélytisme en faveur de quelque religion que ce soit.

Le communautarisme, c'est quand, au lieu d'avoir une République avec des citoyens libres qui font des choix libres, se constituent des espaces territoriaux qui deviennent autant de tribus qui s'enferment, et considèrent que chez elles on ne peut être « que » ceci ou « que » cela. C'est contraire à l'esprit de la France des Lumières, pays d'intégration autour de valeurs partagées.

Dans un établissement public ou dans un établissement privé non confessionnel, personne n'a vocation à porter quel que signe que ce soit. Le problème, ce n'est donc pas d'établir un distinguo entre « bons » et « mauvais » signes, mais de dire : pas de signe du tout, à l'école comme dans l'ensemble des services publics.

Derrière de vrais et sincères laïques se cachent des xénophobes et des islamophobes. Le mieux, c'est donc, à mon sens, l'application ferme de la loi délaissée de 1905.

Le Parisien 25/11/03

L'intégration "à la française" a des ratés

 Le Parisien 25/11/03

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Le voile passionne et divise les Français. Tout le monde a son idée. Quelques-uns, d'un jour à l'autre, changent d'avis. Et les esprits s'enflamment Au-delà du voile à proprement parler, les Français s'interrogent sur ce qui les rassemble, sur ce qu'ils ont en commun, sur ce qui les fait vivre ensemble.

L'intégration « à la française » a des ratés, mais l'objectif reste que les Français forment un seul peuple, et ne s'enferment ni dans leurs chapelles ni dans leurs rituels. Les Français, au travers de ce dossier-là, prennent conscience, avec retard, que leur pays a changé : la France est toujours la France, mais elle est maintenant multiculturelle, et la communauté musulmane y a une place qui doit désormais être admise et reconnue. Le Parisien 25/11/03

La laïcité en actes

Laurent Fabius

Le Monde 25/11/03

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Répondre à l'intégrisme religieux en délimitant la place du religieux à l'école, ce n'est pas faire preuve d'intégrisme laïque. Face aux fondamentalistes, seul l'Etat peut apporter à chacun la protection et la liberté auxquelles il a droit. Parce qu'il s'agit d'une question qui engage la conception même de notre vivre-ensemble, parce qu'il convient de concilier deux principes de niveau constitutionnel - la laïcité et la liberté religieuse -, parce qu'enfin certaines interdictions doivent être prononcées, c'est bien à la loi qu'il revient de définir les règles. L'avis rendu par le Conseil d'Etat en 1989 n'a pas apporté de réponse stable et uniforme. En instrumentalisant les élèves, transformés en porte-drapeau d'une religion, le port apparent des signes religieux communautarise en effet l'espace laïque de l'école et sape les fondements de la transmission pédagogique.

La laïcité en actes, c'est cela : définir les conditions d'un vivre-ensemble où la communauté de destin l'emporte sur les communautés d'origine, mettre en œuvre des politiques publiques qui donnent à tous leur place dans la République. L'égalité est la poursuite de la laïcité par d'autres moyens. Le Monde 25/11/03

Notre laïcité publique

François Régis Hutin

Ouest-France 22/11/03

 

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« Qu'est-ce que la laïcité, ce principe républicain ? Qu'est-ce que notre laïcité, cette exigence constitutionnelle ?...», [demande] Émile Poulat dans le Notre laïcité publique (éd. Berg International). Selon la loi de 1905, « la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes ». D'après la Constitution de 1958, « elle respecte toutes les croyances ».

Le législateur, il y a un siècle, ne considérait que les congrégations catholiques. « Rien n'interdit à des congrégations non catholiques de se constituer, et donc d'envisager leur reconnaissance ». Le déclin du religieux favorisé par la sécularisation stimule, en substitution, une certaine prolifération, du reste toute relative, des sectes. Mais alors, comment contenir « cette poussée sans atteinte à la liberté religieuse » ?

La vieille division entre laïcs et cléricaux n'est toujours pas surmontée [en témoignent] les grandes manifestations catholiques de 1984 à propos du projet de loi Savary et la grande manifestation laïque de 1993 contre la révision de la loi Falloux. [Cependant] la recherche d'un nouvel équilibre se poursuit. Peu à peu, s'est opéré le passage de la catholicité à la laïcité « Pour la première fois, une société renonce à chercher en Dieu son lien, son garant, son fondement, pour s'en tenir à un contrat entre ses membres où leurs accords 'démocratiques ' décident de la place réservée parmi eux à la religion. » Ouest-France 22/11/03

Une laïcité frileuse

Farhad Khosrokhavar directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales

Le Monde 20/11/03

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Fort probablement, dans les mois à venir, un projet de loi contre le port des insignes religieux à l'école et, plus généralement, dans les institutions sera déposé au Parlement.

Cette loi que l'écrasante majorité de la société appelle de ses vœux pose problème. D'abord, il est de notoriété publique que ce qui est visé est l'islam et, en particulier, le foulard. En second lieu, cette loi non seulement risque d'aliéner une partie des communautés musulmanes mais aussi d'aigrir, voire radicaliser, des musulmans qui, autrement, seraient des modérés. En ces temps où l'islamisme radical tente de recruter parmi les musulmans en Occident, pareil geste sera pour lui "pain bénit" comme "preuve" que les Français sont par essence contre l'islam.

Non, le projet de loi en question n'a pas pour fonction principale de sauver les acquis du féminisme, mais d'occulter la crise majeure que traverse la société française. Comment créer un lien social entre divers groupes qui s'émancipent de la tutelle assimilationniste de l'Etat tout en réclamant leur identité française ? La question s'applique tout aussi bien aux Bretons qui demandent l'autonomie, aux Corses qui réclament la reconnaissance de leur spécificité, aux juifs qui voudraient l'acceptation par la société de leur identité particulière.

Autres opposants au foulard : les intellectuels qui luttent contre le particularisme au nom du primat de l'universel. Ils en viennent à faire du foulard un "Munich" de l'esprit, avec une exagération qui marque le mépris de la complexité du réel au nom de la transparence des idéaux. Au lieu de lutter contre la pauvreté, l'exclusion, la ghettoïsation, l'école et la médecine à deux vitesses, on brandit la menace du communautarisme islamiste. Une laïcité purement défensive ne trouve d'autre moyen d'exorciser le "mal" que l'exclusion des filles voilées. Une fois rejetées de l'école, elles iront grossir le nombre de celles que des communautés closes, voire intégristes, se feront un immense plaisir d'accueillir. Le Monde 20/11/03

Les pouvoirs publics face à l'offensive des communautarismes


Laïcité, mode d'emploi

Alain Bauer

Le Figaro 17/11/03

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La multiplication des laïques de circonstances, de tout bord, pourrait apparaître comme une bonne nouvelle pour celles et ceux qui, depuis toujours, défendent une laïcité républicaine. Il n'en est rien.

Passer d'un extrême, le délitement volontaire des principes laïques depuis 50 ans à un autre, une pseudo-laïcité du rejet, ne peut pas apparaître comme un progrès. Cette régression, cette réaction, est d'abord, le plus souvent, le signe de la peur.

Il est temps d'affirmer la loi de 1905 comme base du règlement des problèmes qui se posent, par le dialogue, l'autorité de la République et le refus de l'exclusion ou de la création d'un enseignement privé encore plus communautarisé dont on se demandera avec effroi, dans 15 ou 20 ans, par quel aveuglement, on a pu laisser se créer un tel monstre.

Il est sans doute nécessaire de corriger les effets de la loi de 1989 sur les droits des lycéens en affirmant l'interdiction de tout signe politique, religieux, ou autre dans l'espace scolaire (tout en se posant quelques questions sur les modes opératoires d'un tel texte face au keffieh ou à l'abus de système pileux...). Mais on ne pourra faire l'économie d'une réflexion sur la sanction en trouvant le moyen de ne pas exclure mais de convaincre. L'effet pervers de l'exclusion qui permettrait la mise en place d'un nouvel espace scolaire de substitution n'est pas admissible. Affirmer ce dispositif dans le service public nécessite de poser les termes du contrat avec le secteur éducatif privé, notamment sur la définition, encore inconnue, du «caractère propre».

Les laïques sont les défenseurs d'une école qui forme des citoyens libres, pas d'une usine de reproduction du pareil au même. Le courage n'est pas de céder à la facilité d'une prise de position d'un instant mais de créer les conditions d'une laïcité aux couleurs de la République. Le Figaro 17/11/03

L’affaire du crucifix

Umberto Eco

Nel Obs 13/11/03

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Il y a quelques années, j’écrivais à propos de la vague migratoire qui est en train de transformer notre continent que d’ici à trente ans l’Europe deviendrait un continent coloré, avec toutes les mutations, les adaptations, les conciliations et les conflits que cela implique, et je pressentais que la transition ne se ferait pas sans douleur. La polémique qui s’est engagée sur le crucifix exposé dans les écoles [italiennes]  est un épisode de cette transition conflictuelle, comme du reste la polémique française sur le voile.

La République française interdit l’exhibition de symboles religieux dans les écoles publiques, ni crucifix, ni tchador, à supposer que le tchador soit un symbole religieux. C’est une position rationnellement acceptable. Mais la France moderne est née d’une révolution laïque, Andorre non, et curieusement Andorre est cogouvernée par le président français et par l’évêque d’Urgel.

L’intégration d’une Europe dans laquelle vivent de plus en plus d’immigrés doit avoir lieu sur la base d’une tolérance réciproque. Je rappelle que Locke a écrit une «Lettre sur la tolérance» et Voltaire un petit «Traité sur la tolérance». L’éducation des enfants ne devrait pas se fonder sur la dissimulation des diversités, mais sur des techniques pédagogiques qui incitent les élèves à comprendre et à accepter les diversités. Invitation donc à Adel Smith, et aux intolérants fondamentalistes : comprenez et acceptez les us et coutumes du pays d’accueil. Et invitation aux citoyens du pays d’accueil: faites en sorte que vos us et coutumes ne deviennent pas une manière d’imposer vos croyances. Nel Obs 13/11/03

Premier texte sur la laïcité à l'école, déposé au Sénat par le groupe PS

AFP-Voilà 13/11/03

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Le groupe PS du Sénat a déposé jeudi une proposition de loi relative "au renforcement du principe de la laïcité à l'école",  elle stipule que "le port apparent de signes religieux, politiques ou philosophiques est interdit dans l'enceinte des établissements publics d'enseignement, ainsi que dans toutes les activités extérieures organisées par eux". "Sauf en cas de récidive, aucune procédure de sanction ne peut être engagée sans que le chef d'établissement n'ait, par la voie de la médiation, dans un délai suffisant, invité l'intéressé à se conformer à la règle", précise l'article 2. La proposition de loi précise par ailleurs que "la formation à la laïcité constitue l'un des objectifs fondamentaux de l'Education nationale" et que "l'enseignement de l'histoire des religions est inclus dans les programmes".  

Le député communiste Maxime Gremetz a estimé qu'en faisant de cette question "un problème national", on "faisait le jeu du Front national". AFP-Voilà 13/11/03

UNE GRANDE CONFUSION

L'Humanité 10/11/03

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La dissonance des opinions est décidément la règle sur la question du voile islamique et de la laïcité. À peine les évêques, réunis cette semaine à Lourdes, avaient-ils mis en garde contre les conséquences d'une loi sur les signes religieux - loi qui " remettrait en cause un siècle de jurisprudence en France " - qu'un sondage paraissait dans le Figaro Magazine de ce samedi, révélant qu'une majorité de Français (55 %) se montre favorable à une loi.

Le premier ministre s'est interrogé " je ne suis pas hostile à la loi, mais la question, ce n'est pas la loi, c'est quelle loi. Le voile, où ? À l'école, dans la cour, dans la rue, à la poste ? "

Les membres de la mission Stasi, disent réfléchir à l'opportunité d'une loi spécifique, évoquant, par exemple, la rédaction d'une charte de la laïcité [pour] ne pas poser les problèmes uniquement en termes d'interdiction.

Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU, de poser le doigt là où ça fait mal : " légiférer ne sortirait pas les enseignants de l'embarras, il leur reviendrait toujours de déterminer ce qui est religieux et ce qui ne l'est pas, et de recourir ou non à la sanction dont la loi aurait ouvert la possibilité ". L'Humanité 10/11/03

La laïcité a ses intégristes

René Rémond

Le Monde 07/11/03

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"Mon expérience des débats au sein de la commission Stasi me montre que la laïcité a ses intégristes et ses fondamentalistes, a regretté M. Rémond. Les gardiens de l'orthodoxie laïciste prennent argument du débat en cours pour remettre en cause le statut des cultes en Alsace-Moselle ou les aumôneries." "L'opinion nous pousse à aller vers une mesure d'interdiction. Je trouve consternant que tout le débat sur la laïcité se résume à une mesure d'interdiction." "On va légiférer pour 1 % de la population - les jeunes filles qui portent le foulard - et comme s'il n'y avait qu'une seule religion en France..." L'avis de 1989 du Conseil d'Etat sur les signes religieux à l'école était "dépassé" : "Cet avis est intelligent, nuancé. Il incite au discernement. Il reconnaît à chacun le droit d'exprimer ses croyances. Mais les chefs d'établissement sont confrontés aujourd'hui à des situations ingérables." Le Monde 07/11/03

Le texte de la conférence de René Rémond devant l'assemblée des évêques  (téléchargeable)

La commission Stasi penche vers le principe d'une loi

Le Monde 07/11/03

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"Rien n'est décidé, les choses sont complètement ouvertes. Le président suit les travaux de la commission Stasi, qui sont très animés. Il s'exprimera après la remise de son rapport, avant la fin de l'année." Indéniable, cette pente vers la loi a été nourrie des multiples témoignages reflétant la solitude et l'exaspération des enseignants et d'autres agents publics confrontés à des situations que les membres de la commission, plus familiers des beaux quartiers que des ZEP, n'imaginaient pas : A partir de la mi-novembre, la commission Stasi commencera un travail de réflexion collective. La question du périmètre d'une loi sur la laïcité - limitée au milieu scolaire ou étendue à l'ensemble des services publics - devrait figurer au centre des débats. Le Monde 07/11/03

Les députés opposés aux signes religieux à l'école

La mission parlementaire plaide en faveur d'une modification législative

Le Monde 07/11/03

 

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La mission parlementaire présidée par Jean-Louis Debré sur "la question des signes religieux à l'école", qui devrait rendre ses conclusions le 12 novembre, a ainsi décidé unanimement de plaider en faveur d'une modification législative qui pourra être soit une proposition de loi comprenant un article unique, soit un amendement dans la loi d'orientation scolaire rappelant clairement l'interdiction du port de signes religieux à l'école.

Au départ, les 31 députés (19 UMP, 8 PS, 2 UDF, 2 élus du groupe communiste et républicains) composant cette mission d'information étaient passablement divisés. Pas sur le principe même de la laïcité de l'école, principe déjà consacré de la République, mais sur son application : fallait-il exclure les élèves voilées des établissements scolaires, au risque de les rejeter vers des centres islamiques ? Aujourd'hui, le consensus est clair : il est impossible de ne rien faire. Les députés, de droite comme de gauche, sont désormais convaincus que ce sont bien les valeurs de la République qui sont en jeu dans les établissements scolaires. Le Monde 07/11/03

Laïcité
Le credo de Fabius

Le Point 06/11/03

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Je crois que certains d'entre nous ont eu trop tendance à considérer la laïcité comme un acquis immuable, qui n'avait plus à être protégé. Ils ont été sensibles au fameux "droit à la différence" qui, si on n'y prend pas garde, conduit à la différence des droits. S'agissant du voile islamique, beaucoup ont redouté qu'une trop grande fermeté ne se retourne contre celles-là mêmes que nous voulions protéger.

Je suis favorable à la réaffirmation du principe de laïcité à l'école. Concrètement, cela signifie - je suis clair, car il faut l'être - l'interdiction de tout signe religieux au sein de l'enceinte scolaire, et singulièrement de la salle de classe. L'école est le lieu d'apprentissage de la citoyenneté, pas le champ clos d'ostentation et de juxtaposition des identités religieuses. Le Point 06/11/03 Voir aussi "Quand Fabius se ballade" Nel Obs 06/11/03

Recomposer le passé

Suzanne Citron

Le Monde 05/11/03

 

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Corse, langues minoritaires de France, voile, kippa, laïcité, antisémitisme, arabophobie : ces tensions, ces a priori passionnels, ces difficultés à examiner sereinement des situations nouvelles sont signes d'un trouble de l'identité nationale.

Construite autour des hommes de pouvoir, notre histoire a l'Etat pour sujet. Les autres acteurs en sont réduits à n'exister que contre ou dans l'orbite du pouvoir. Dans ce dispositif, l'altérité religieuse n'est pas reconnue : les cathares sont des "hérétiques", les juifs sont absents de l'histoire entre Jésus-Christ et le génocide nazi, les protestants sont minorés. Les dirigeants et les universitaires de la IIIe République ont construit notre identité nationale sur la fiction d'un peuple gaulois originel.

Enfants de paysans, d'immigrés du travail (Italiens, Polonais), de réfugiés juifs d'Europe centrale et orientale, poignée d'enfants des colonies sont conviés à découvrir une ancienne et prestigieuse patrie, à se vivre, même juifs ou noirs de peau, comme descendants adoptifs des Gaulois, justiciables du bon roi saint Louis, sujets éblouis à la cour de Louis XIV, petits frères de l'héroïque enfant Barat, compagnons d'endurance des soldats de Napoléon...

Mais, aujourd'hui, le vieux récit scolaire est obsolète Une identité collective, laïque, métissée, vivante ne se construira pas sans une recomposition du passé. Le Monde 05/11/03

150 évêques à Lourdes pour définir les rapports avec l'État et la société

L'Église défend la laïcité « à la française »

Ouest-France 04/11/03

Extraits

L'Église catholique a aujourd'hui des relations plutôt apaisées avec l'État républicain et laïc. Elle ne veut pas trop qu'on y touche. Mais, aujourd'hui, le problème du voile islamique et la volonté exprimée par certains de remodeler la loi de 1905 donnent une nouvelle tournure au débat. Les évêques vont [sans doute] confirmer cette année leur opposition, exprimée lors de leur assemblée 2002, à une révision de la loi de 1905. « Pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore, expliquent-ils en substance, et rouvrir une guerre révolue entre le camp laïc et les catholiques de France. » Ouest-France 04/11/03 Cependant, La Croix 04/11/03, fait état de pourparlers entamés sous Jospin pour mettre à jour les relations état-église catholique. Voir aussi Le Figaro

Bernard Stasi, président de la commission des « sages » sur la laïcité

« La laïcité, c'est d'abord la tolérance »

Ouest France 31/10/03

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La laïcité, c'est l'ouverture aux autres, l'esprit de tolérance, la liberté de conscience, le pluralisme. Elle nous permet de vivre ensemble dans le respect des différences, que l'on soit athée, agnostique, catholique, musulman, juif, protestant ou bouddhiste... Je n'aime pas que l'on donne de la laïcité une image restrictive, fermée, bardée de contraintes et d'interdits. Ils sont nécessaires. La laïcité n'est pas le laisser-faire. On peut dire que la loi de 1905 a libéré l'Église. Il faut que l'Islam comprenne, vite, que cette laïcité lui ouvre les bras.

Il faut expliquer sans cesse qu'à certains moments et en certains lieux, à l'école particulièrement, ce qui fait la richesse de la société française, ses diversités culturelles, religieuses, politiques, ethniques ­ tout ce qui nous différencie doit être laissé de côté pour que s'affirme ce qui nous unit. L'école est le creuset de la paix civile.

Ce qui plaide en faveur de la loi, c'est sa simplicité. Mais j'y vois deux inconvénients. Elle concernerait évidemment tous les signes religieux et toutes les religions, mais les musulmans se sentiraient visés. Elle donnerait des arguments aux intégristes tentés par une certaine radicalisation.

Il nous manque un beau texte qui dise clairement ce qu'est la laïcité. Un texte qui fasse comprendre aux Français la chance qu'elle représente. La laïcité est une richesse, qui permet d'ailleurs aux religieux et aux laïcs de se retrouver côte à côte quand certaines valeurs sont menacées. Ouest France 31/10/03

La commission Stasi recherche les lignes d'un compromis sur la laïcité

Le Monde 28/10/03

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Le groupe des sages, présidé par le médiateur de la République, doit se prononcer notamment sur la nécessité d'une loi réglementant les signes religieux et définir un "mode d'emploi" de la laïcité.

L'idée d'édicter une règle claire, une sorte de "mode d'emploi" concret de la laïcité, n'a pu qu'être confortée par le constat des multiples tensions existant, principalement dans les services publics.

Le constat, largement partagé, d'une certaine démission des responsables de l'administration devant les réalités du terrain, alimente le besoin d'une "harmonisation" de la définition des comportements tolérés ou prohibés. "Nous avons pris conscience de la solitude des professeurs et des proviseurs, du choc que représentait aussi pour un enseignant le fait de demander à une jeune fille d'enlever son foulard",

Si l'hypothèse législative devait être retenue, "il faudrait l'accompagner en contrepoint de gestes très forts en matière d'intégration", souligne l'une des personnalités de la commission. "Sinon, nous renforcerons la victimisation que certains recherchent et nous courrons à l'échec".

Mais avant de trancher sur la forme juridique que prendra un rappel à l'ordre, la commission devra déterminer son champ : visera-t-il seulement l'école ou l'ensemble des services publics ? Se limitera-t-il aux signes religieux ou inclura-t-il la question de l'expression politique, de la mixité, voire de la publicité à l'école ? Le Monde 28/10/03

Comment enseigner le fait religieux à l’école

Les dieux et les maîtres

Le Nel OBS 23/10/03

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L’école de Jules Ferry était gratuite, obligatoire... et laïque. L’instit dans sa classe, le curé dans son église. Plus d’un siècle plus tard, le curseur s’est déplacé. «La polémique est éteinte sur la nécessité de l’enseignement du fait religieux à l’école», rappelait récemment Luc Ferry. En revanche, le débat fait rage sur l’opportunité d’afficher des signes d’appartenance religieuse à l’intérieur du sanctuaire de l’école. Dans ce contexte troublé, faire cours sur le peuple hébreu ou sur la naissance de l’islam semble à certains professeurs une aventure risquée.

L’inculture religieuse s’est installée progressivement, au fur et à mesure que le travail de transmission n’était plus assuré ni par les familles ni par l’Eglise. En 1989, Philippe Joutard, alors recteur de l’académie de Besançon, historien du protestantisme français, rédige un rapport alarmant, où il constate le déficit de références religieuses des élèves, qui leur ferme des pans entiers de l’art, de la littérature, de la mémoire collective. Le premier objectif en renforçant l’enseignement du fait religieux : donner aux élèves les clefs de leur héritage culturel. Le deuxième objectif était plus politique : leur permettre d’acquérir une distance critique à l’égard de tout prosélytisme… Le Nel OBS 23/10/03

"La laïcité n'est pas négociable"

Nel Obs 22/10/03

AFP-Voilà 21/10/03

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"Il n'est pas acceptable que l'insécurité s'impose dans certaines zones" et "que les valeurs de laïcité et de respect de la femme y soient bafouées". Jacques Chirac a visiblement opté pour la fermeté. «La laïcité n'est pas négociable», a-t-il averti, alors que le sujet divise la classe politique comme le gouvernement. Il s'est dit prêt à avoir «recours, s'il le faut, à la loi», même s'il attend l'avis qui lui sera rendu par la commission Stasi sur la laïcité.
Le chef de l'Etat veut en tout cas voir «reculer les pratiques d'embrigadement qui s'exercent de plus en plus souvent dans nos quartiers». «On ne peut accepter, par exemple, que certains s'abritent derrière une conception dévoyée de la liberté religieuse pour défier les lois de la République ou mettre en cause ces acquis fondamentaux d'une société moderne que sont l'égalité des sexes et la dignité de la femme».
Nel Obs 22/10/03

Voir aussi AFP-Voilà 21/10/03

"La laïcité constitue pour chaque citoyen une protection fondamentale, la garantie non seulement que ses propres convictions seront respectées, mais aussi que les convictions des autres ne lui seront jamais imposées"

La laïcité, ciment de l'intégration

Jean-Marc AYRAULT

Libé 21/10/03

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Le statu quo n'est plus tenable. La laïcité ne peut se négocier, elle ne peut se marchander, à l'école comme dans toutes les administrations publiques.

Comment ne pas s'alarmer qu'une des principales autorités de l'Etat, le ministre de l'Intérieur, ait choisi de s'appuyer sur un mouvement religieux aux racines fondamentalistes pour cogérer la vie et la pratique des musulmans de France. Ce nouveau «Concordat» est un dangereux encouragement au communautarisme.

Parce que nous sommes socialistes, parce que nous croyons que la laïcité est le ciment le plus solide du pacte républicain, il nous paraît aujourd'hui nécessaire de lever le flou politique et juridique. Une règle commune doit être établie pour proscrire le port de tout insigne ostentatoire de nature religieuse ou politique, à l'école et dans les administrations publiques. Loi, décret, circulaire, charte, peu importe la forme juridique.

Tout ce qui encourage les pratiques communautaristes dans l'espace public ne peut qu'aviver les tensions et se retourner contre les musulmans. L'islam de France s'enracinera d'autant mieux qu'il se verra reconnaître la pleine égalité de droits et de devoirs avec les autres cultes. La règle commune ne peut pas se limiter à une interdiction nécessaire mais insuffisante. Son impératif est de s'attaquer, aussi et surtout, à toutes les formes de discriminations sociales, culturelles ou religieuses. Libé 21/10/03

L'Europe est diverse dans la laïcité

La Croix 17/10/03

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Le 1er janvier 2000 est une date historique pour la Suède : la communauté évangélique luthérienne perd définitivement son statut d'Église d'État et devient une communauté religieuse parmi les autres. Une exception demeure à la laïcisation : le roi doit obligatoirement appartenir à l'Église de Suède.

En France, la première rupture entre l'Église et l'État date de 1789. La séparation entre l'Église et l'État n'est définitivement organisée que dans la loi de 1905 et il faut attendre le préambule de la Constitution de 1958 pour que soit affirmée «la République laïque, indivisible, démocratique et sociale».

L'histoire de la Pologne se situe à l'opposé. En 1795, lorsque la Prusse et la Russie font disparaître la Pologne de la carte, c'est l'Église catholique polonaise qui sert de ferment national. Lorsqu'en 1921 la Pologne rédige sa première Constitution, elle souligne la position de l'Église catholique, première parmi les autres. La Constitution actuelle souligne certes le principe d'égalité des Églises, mais le texte faisant référence à Dieu dans le préambule a été négocié avec l'Église catholique.

En Espagne, les liens entre Église et État ont longtemps été étroits. Ces rapports organisés connaîtront une coupure lors de la IIe République, de 1931 à 1936.  La Constitution de 1978 qui marque le retour à la démocratie établit cette fois la séparation Église-État. Il n'y a plus de religion officielle. « Du point de vue des textes, l'Espagne est donc aujourd'hui un État laïc, explique Rubio LLorente. Mais des liens informels demeurent au Parti populaire de José Maria Aznar ou au Parti nationaliste basque (PNV). »

[En Allemagne,] la République de Weimar en 1919 met en place un statut spécial de coopération de droit public pour les Églises. Une mesure confirmée dans la loi fondamentale de 1949 qui contient de plus dans son préambule l'invocation de Dieu. « L'Allemagne n'est pas un État laïque, soutient » le professeur Rudolf von Thadden. La Croix 17/10/03

Nicolas Sarkozy contre
"l'intégrisme laïque"

Nel Obs 16/10/03

Réaction de Mouloud Aounit secrétaire général du MRAP (Mouvement contre le racisme
et pour l'amitié entre les peuples)

Nel obs 16/10/03

 

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Doit-on légiférer à chaque fois qu'il y a une provocation manifeste ? Je voudrais dire aux musulmans que si je me bats pour les droits de l'Islam de France, ils doivent de leurs côtés respecter, c'est même la contrepartie, la laïcité à la Française. Donc pas de foulard à l’école lorsqu'il prend une forme ostentatoire, pas de voile aux guichets d’une administration… Je crains qu’une loi votée dans l'urgence soit vécue par la communauté musulmane comme une punition ou une humiliation. Je n’exclus cependant pas la possibilité de légiférer si le dialogue et le pragmatisme ne suffisent plus. La loi serait alors l'ultime recours face à une situation qui s'aggraverait. Ce serait le cas si on n'était plus en face de cas individuels mais d'une véritable organisation.

Les musulmans dans une immense majorité ont envie de s'intégrer. La République doit répondre à cette attente en agissant. Il ne faut donc pas avoir peur d'innover avec la discrimination positive qui est un raisonnement parfaitement républicain.

Si nous arrivons à régler la question des carrés musulmans dans les cimetières, à dédramatiser le problème de la construction des mosquées, à former des imams parlant français et à développer le nombre des aumôniers musulmans intervenant dans les prisons, nous aurons beaucoup progressé vers l’égalité et donc vers l'intégration. On comprendra alors que l'Islam de France ne se réduit pas à la question du foulard.
Je réfute aussi vigoureusement que l’immobilisme, l’intégrisme laïque de ceux qui croient qu’accepter les différences dans le cadre républicain, c’est prendre le risque de briser l’unité de la République. Pour eux, la laïcité signifie l’uniformité. A cet intégrisme-là, je préfère la notion de laïcité positive, qui reconnaît l’importance de la spiritualité qui est consubstantielle à la nature de l’Homme. Nel Obs 16/10/03

Je ne suis ni dupe, ni naïf, mais je rejoins [la politique de N. Sarkozy] des "deux pas" en direction des musulmans, je juge ses propos dignes d'intérêt. Je suis laïque, mais pour autant on peut prôner la laïcité sans se renier. Tout porte à croire que certaines attitudes intolérantes font elles-même le levier de l'intégrisme et des communautarismes. C'est parce que les Français d'origine musulmane se sentent des citoyens de seconde zone et ressentent cette islamophobie, cette arabophobie ambiante, qu'il y a ce repli identitaire. Nel obs 16/10/03

Ce qu'il ne faut plus accepter

La laïcité face à l'islam

L'Express 18/09/03

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À Matignon, certains pensent que la droite devrait reprendre le thème de la laïcité, devenue «une valeur de la ''droite de mai'' face à une gauche qui s'est convertie au multiculturalisme», comme le dit François Baroin.

L'UOIF – majoritaire au Conseil français du culte musulman (CFCM) - a brutalement changé en 1995: tirant les conclusions du revirement en sa faveur de la jurisprudence du Conseil d'Etat sur la laïcité à l'école, l'UOIF a mis fin à son activisme revendicatif (manifestations de rue contre Salman Rushdie, agitation locale autour du voile) pour miser sur la «citoyenneté digne et responsable». Jugeant que la crise de la laïcité française rendait l'entrisme plus payant que l'affrontement, l'UOIF préfère «rassurer et tranquilliser la société en évitant de provoquer des crises»: respect de la loi, mais recherche de compromis favorables pour la faire évoluer au nom de la liberté et de la lutte contre les discriminations. Même Jean-Pierre Chevènement, qui voulait faire signer à l'UOIF un texte sur les «principes et fondements juridiques régissant les rapports entre les pouvoirs publics et le culte musulman», a cédé devant son refus de reconnaître «le droit à changer de religion». Cette logique conduit à considérer comme musulman tout Français d'origine maghrébine,

Nicolas Sarkozy n'a cessé de franchir la ligne jaune de la loi de 1905 : de prêcher - «Permettez au catholique que je suis de dire que le dernier jour il y aura un seul Dieu pour les catholiques, pour les juifs et pour les musulmans» - devant le congrès de la Fédération nationale des musulmans de France.

Aucune religion n'a facilement accepté de se voir reléguée dans la sphère privée, et surtout pas l'Eglise catholique. Alors que la prétention religieuse à la préséance avait disparu depuis un siècle de l'espace public, sa réapparition sous la forme d'un islam qui n'a pas connu la relativisation due à la laïcité sème le trouble dans des institutions qui ne se souviennent plus qu'elles ont, dans le passé, digéré pareil défi. La pression la plus forte concerne le rejet de la mixité. Une demande de séparation des sexes déjà satisfaite pour les piscines dans certaines municipalités, celle de Lille ayant cédé,

Relativisant l'égalité entre individus, le multiculturalisme militant n'est pas sans effets sur la liberté d'expression. Laisser ainsi se relativiser les notions d'égalité et de liberté au nom d'un islam prôné par les intégristes constituerait une trahison envers les musulmans défendant les valeurs républicaines et laïques. L'Express 18/09/03

Hollande se lance dans le débat laïque

Libé 10/09/03

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F. Hollande a proposé hier une «charte» plutôt qu'une refonte de la loi. face aux 16 intellectuels, juristes, universitaires et autres élus de la commission, François Hollande, flanqué de Jean Glavany, a psalmodié intelligemment son bréviaire laïque. D'abord en faisant part de son opposition à une refonte de la loi de 1905, puis en faisant part de ses réserves sur une législation interdisant le port du voile à l'école et, enfin, en proposant l'instauration d'une «charte de la laïcité», définissant «les droits et devoirs des citoyens».

En matière de port du voile islamique à l'école François Hollande a souhaité «une clarification», se prononçant pour la définition d'une règle générale, «la même sur tout le territoire de la République» «par voie réglementaire», mais «si ce n'est pas possible, alors le recours à la loi s'impose».

Jack Lang ne cesse de réclamer l'interdiction par la loi de tous les signes extérieurs d'appartenance religieuse dans le cadre scolaire, y compris les croix ou les kippas. A contrario, d'autres ténors du PS comme Martine Aubry n'ont pas changé de religion : pas de loi qui pourrait radicaliser les positionnements et exclure les jeunes filles voilées. Libé 10/09/03

voir aussi Nel Obs 09/09/03

Prévenir les actes racistes et antisémites
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Le tableau noir de l'antisémitisme : . Injures, ostracisme, voies de fait: les actes antisémites se multiplient dans les écoles de la République. L'Express 10/04/03  

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Luc Ferry motive ses troupes contre le communautarisme Le Figaro 20/03/03 ; AP cité par Le Nel Obs 19/03/03

Le gouvernement entend prendre des mesures contre le racisme à l'école (AFP-Voilà, voir aussi Libé du 21/02/03 avec une réaction de P. Guittet secrétaire général du SNPDEN). Luc Ferry a déclaré jeudi 27/02/03 qu'il souhaitait créer au sein du ministère de l'Education et des rectorats des cellules de veille contre le repli communautariste et l'antisémitisme. (AFP citée par le Nel Obs)

Luc Ferry et Xavier Darcos présentent dix mesures destinées à mieux prévenir les actes racistes et antisémites au sein des établissements scolaires. (Le Monde 27-02-03 voir aussi Libé du 28/02/03)

FSU et SNES s'indignent des propos du ministre, qui a dénoncé une "tolérance" de certains enseignants pour de nouvelles formes d'antisémitisme en milieu scolaire (Nel Obs 28/02/03) «Harcelé comme juif, pas comme fayot» : Laurent a dû changer de collège. (Libé 28/02/03) A Paris, un proviseur propose une réflexion collective, après une bagarre entre des lycéens et des étudiants juifs. (Libé 28/02/03). Une lutte sans concession contre les "crispations communautaires", annonce le site du 1er ministre. Darcos lance un appel aux élus à "expliquer les valeurs de la République à nos élèves" dans les établissements scolaires à la prochaine rentrée. (AFP-Voilà 04/03/03) Le point de vue de la LICRA (Libé 05/03/03)

 

Dossier de presse créé et mis à jour par Jean-François Launay