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Courrier Education & Devenir octobre 2008
   
L’ éditorial d’ E&D  
La vague d'annonces multiples et le souci de précipiter les choses est dans l'air du temps sarkozien. Cette effervescence ressort aussi de la conception d'un Etat hégelien : pas besoin de concertation, l'Etat est éclairé, sait ce qui est bien pour le peuple. Comme ses décisions sont justes, elles seront nécessairement suivies d'effets. Il est donc inutile d'en prévoir l'accompagnement.

Le mouvement lycéen

  • Punitions et sanctions

  • La gestion du lycée en mode LOLF

  •     L’ éditorial d’ E&D  

    Nous portons des valeurs souvent mises à mal aujourd’hui : foi en l’éducabilité de tous nos élèves, école comme lieu de la construction de la démocratie, du respect de la personne et de son épanouissement, comme vecteur de la solidarité, connexion nécessaire de ses missions d’éducation, d’instruction, de formation et de socialisation, refus des ghettos et du communautarisme, laïcité et tolérance.

    Education et Devenir a 25 ans.

    Il est donc bien naturel que l’année 2008 soit l’occasion  d’établir un bilan, de faire le point et de poser les jalons pour les années qui viennent.  Le nouveau Ca réuni le 17 mai a commencé ce travail qui devrait se poursuivre  en particulier lors des journées de réflexion, qui auront lieu à Villeneuve lès Avignon du 3 au 5 octobre. Tous les militants y seront conviés .Nous y ferons en particulier le bilan du corpus idéologique construit par Education et Devenir depuis sa création et nous travaillerons à la mise en œuvre des propositions présentées ci-dessous.

    Ce travail de bilan et de reconstruction nous est aussi imposé, en dehors de toute date commémorative, par les réelles difficultés rencontrées ces derniers mois, difficultés de fonctionnement du secrétariat, irrégularités dans la  publication des Courriers et des Cahiers, trésorerie en équilibre précaire, baisse des adhésions, manque de réactivité à l’actualité.

    S’il ne s’agit pas de cacher ces  difficultés, il convient aussi de ne pas dramatiser. La plupart des associations connaissent aussi un recul du nombre de leurs militants. Et, en ce qui nous concerne plus spécifiquement, la perte de la subvention du ministère n’a rien arrangé à notre situation financière. Ces difficultés ne remettent pas non plus en cause la pertinence de notre association et sa place spécifique dans le paysage éducatif français. Et il faut se féliciter que l’essentiel des activités et de la vie de l’association aient perduré grâce à la ténacité, à la force de travail, à la rigueur et au courage intellectuels de Yves Rollin.

     

    Nous portons des valeurs souvent mises à mal aujourd’hui : foi en l’éducabilité de tous nos élèves, école comme lieu de la construction de la démocratie, du respect de la personne et de son épanouissement, comme vecteur de la solidarité, connexion nécessaire de ses missions d’éducation, d’instruction, de formation et de socialisation, refus des ghettos et du communautarisme, laïcité et tolérance.

    Nos domaines d’expertise, loin d’être ringards, sont plus que jamais d’actualité : autonomie de l’établissement, relation avec les familles, organisation de l’enseignement et réseaux éducatifs de l’école au lycée, pilotage et maillage interne de l’établissement, fonction éducative : vie scolaire, programmes et contenus, adaptation des pratiques professionnelles, autonomie des élèves. Tous ces thèmes nous semblent des leviers incontournables pour faire évoluer l’institution éducative vers plus d’efficacité. Il nous semble aujourd’hui encore plus important de les porter dans ces perspectives quand ils sont repris par les gouvernants en place dans des intentions libérales contraires  aux nôtres. Il suffit pour s’en convaincre de voir comment peut être utilisé à mauvais escient le concept d’autonomie, amputé de sa notion de cadrage et de contrôle a posteriori et réduit à l’idée de liberté d’action dans un contexte de concurrence…

     

    Notre mode de fonctionnement lui-même nous semble pertinent pour construire des propositions à la fois innovantes et délivrées des pesanteurs corporatistes : nos manifestations nationales, nos publications et nos regroupements locaux permettent de croiser le point de vue des experts avec celui  des praticiens que nous sommes. Dans notre souci de développer un mode de pilotage partagé à chaque niveau du système éducatif, le principe de l’inter catégorialité, fondateur de notre association, demeure pertinent, même si sa mise en œuvre effective est très imparfaite..

    Notre fonds de commerce est donc solide.  Pour le faire fructifier, il nous faut évoluer tant au point de vue de nos réflexions et propositions qu’à celui de notre fonctionnement.

    Nous devons nous mettre en capacité de réfléchir dans l’ensemble de nos domaines d’expertise, en mêlant les apports savants de nos experts et  nos expériences de terrain, riches de la diversité des points de vue différents qu’ils représentent à travers nos diverses appartenances catégorielles…Ce type de réflexion ne doit pas exclure la capacité de réagir rapidement à des problèmes plus politiques et moins spécifiquement pédagogiques. Nous devons cependant éviter deux écueils : prendre position sur la totalité de l’actualité politique ; il y a des événements politiques qui ne sont pas d’importance et que nous pouvons ignorer ; il y a aussi des sujets qui ne relèvent pas de notre expertise et par rapport auxquels nous ne pouvons qu’être un appui à nos partenaires plus spécialisés. Ces capacités de réflexion et de proposition impliquent de notre part un certain nombre d’efforts et d’évolutions : sur le fond, nous devons être capables de remettre en question l’espace de nos champs d’expertise ; par exemple, faut-il continuer de limiter notre réflexion au second degré quand la mise en œuvre du socle commun  remet en cause la rupture entre le collège et l’école élémentaire et relance l’idée d’une école fondamentale qui pourrait regrouper ces deux niveaux d’enseignement ?

     Dans la pratique, nous devons développer nos partenariats, mieux les cibler, en distinguer les natures différentes (un partenariat avec un syndicat ne peut pas être de même nature qu’un partenariat avec un mouvement éducatif).

     Nous devons aussi rendre nos manifestations effectivement plus ouvertes à un public plus divers, plus jeunes.

     Nos publications, supports privilégiés de notre réflexion, paraîtront  plus régulièrement -10 Courriers et 4 Cahiers par an .Ce choix impose un coût de publication réduit : ils seront tous mis en ligne sur un site web rénové. Il nécessite aussi une participation accrue des militants au travail de rédaction.

     

    Ainsi, en réduisant le coût de la production des publications de façon aussi radicale, nos ressources financières pourront être consacrées davantage au fonctionnement de l’association ;    le coût des adhésions, celui de la participation aux manifestations nationales pourront être réduits et faciliter l’adhésion de nouveaux adhérents.

    Il nous faut aussi reconsidérer la notion de groupes de liaison : ceux-ci sont indispensables pour que les militants puissent confronter leurs pratiques quotidiennes. Ils sont aussi parfois des lieux de production. Mais les distances trop grandes dans la plupart des académies, la dispersion géographique des adhérents rendent impossibles, sur l’ensemble du territoire, le fonctionnement  de groupes constitués sur une seule base géographique. C’est pourquoi, nous mettrons en place, parallèlement à ces groupes qui fonctionnent bien ici ou là, des groupes thématiques qui correspondront par le biais d’internet.

     

    Cet éditorial recense les décisions essentielles prises par notre conseil d’administration. Il est surtout un appel à chacun pour qu’il apporte sa contribution à leur mise en œuvre et à leur approfondissement. Il est enfin une invitation à votre participation aux prochaines journées d’Avignon qui peuvent constituer une étape marquante de la vie d’Education et Devenir.

     

    Courrier Education & Devenir décembre 2007 janvier 2008
       
      Dans ce n° :
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    L'inaccessible élève... une relation difficile...

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    Le socle commun

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    Améliorer la direction des établissements scolaires (note de lecture)

       
    L’ éditorial d’ E&D  
    Il nous semble que la question du pilotage des établissements scolaires suppose une réflexion approfondie, audacieuse, sans tabou. Cette question touche inévitablement aux identités professionnelles, aux missions partagées, aux compétences et responsabilités nouvelles pour favoriser et accompagner l’évolution du métier d’enseignant.

    Certains se félicitent quand d’autres s’offusquent des avantages obtenus récemment par les personnels de direction. C'est un fait que ceux-ci, grâce à leurs syndicats, ont été entendus par les gouvernements successifs et que leurs responsabilités souvent écrasantes ont été reconnues par des mesures qui sont les bienvenues. Touchant essentiellement à la rémunération d’une catégorie de personnels, ces mesures attisent les rancœurs de certains autres, entretenant ici ou là les murs de défiance qui inhibent trop souvent les collaborations au sein des établissements.

    Or ces mesures n’abordent guère la question centrale de l'organisation de la direction des établissements scolaires ni celle, sous-jacente, de l'emboîtement des délégations. De même, si la reconnaissance des responsabilités est légitimement affirmée, les qualités requises pour diriger tel ou tel établissement ne sont pas clairement identifiées. Or, on le sait, sans rapprochement des compétences et du profil spécifique des établissements, il n'est même pas rare que des choix contraints aboutissent à des situations à risque. Au mieux, le système n'identifie avec précision qu'un pourcentage réduit des personnels de direction, les meilleurs et les gravement défaillants, et encore, à condition de ne parler que des chefs, les adjoints étant souvent ignorés de notre institution.

    Les lois de décentralisation placent les établissements à la croisée de logiques complexes et le champ des missions qui leurs sont confiées ne cesse de s’élargir : formation, accompagnement des innovations, encadrement pédagogique, introduction des nouvelles technologies, mais aussi plateformes technologiques, VAE, etc. Il nous semble alors bien difficile de défendre l'idée d'un pilotage des établissements et de maintenir une architecture fonctionnelle quasiment napoléonienne avec un proviseur et un adjoint, deux hémisphères pas toujours synchrones dans le petit cerveau d'un grand corps invertébré, incapable d'embrasser ces ensembles dans leur complexité. Il faudrait encore ajouter à cela que l'ensemble de ces missions, en matière d'administration et de gestion, suppose également un renouvellement des compétences techniques et des méthodes de management, alors qu'on assiste au contraire à une dérive gestionnaire, souvent en contradiction avec la démarche de projet, l'innovation et avec l'audace indispensable pour entreprendre.

    Jusqu'à présent, et en dépit de la formation dispensée aux futurs chefs d'établissement, on fait avec les moyens du bord. Le chef ne confie à son adjoint ou à tel collaborateur que les tâches possibles pour lui. Inversement l'adjoint nommé auprès d'un chef défaillant assure sans délégation particulière toutes les fonctions de l'autre. Il n'y a que très rarement superposition des compétences et des fonctions et chaque établissement présente une cartographie spécifique des fonctions. Plus les établissements sont grands, plus les situations sont différentes entre elles. Dans teI établissement le proviseur prépare sa DGH tout seul, dans tel autre c'est l'adjoint qui en est chargé. Dans ce collège, le principal n'a jamais touché un ordinateur. Ici, un professeur est chargé de l'organisation du bac, là un CPE confectionne les emplois du temps, ailleurs c'est une secrétaire qui calcule la DGH… Les situations les plus diverses se rencontrent à propos des nouveaux dispositifs, du suivi des projets, de l'évaluation…

    Nous pensons que le moment est venu de lancer la réflexion sur l'organisation de la direction des EPLE.

     

    Une organisation externe.

    A la suite de propositions déjà anciennes de Claude Pair, ne pourrait-on imaginer de mutualiser certaines fonctions ? En regroupant plusieurs établissements sur un territoire donné ne peut-on dégager plusieurs grands processus ? Par exemple et à titre seulement indicatif, et sans doute à mieux définir :

    4 Ingénierie pédagogique

    4 Direction des ressources humaines

    4 Administration

    4 Gestion financière et comptable

    4 Management des projets

    4 Communication et TIC

    4 Orientation

     

    Parallèlement, serait-il si déraisonnable que le recrutement des personnels de direction s'effectue sur la base de compétences bien identifiées, sur l'ensemble ou sur des sous ensembles de ces processus et que le concours puisse déterminer la capacité effective des futurs lauréats à remplir ces fonctions ? De plus, les personnels de direction en place pourraient de la sorte se voir évalués en fonction d'objectifs dont la responsabilité leur incomberait véritablement. Rien n'empêcherait que les personnels de direction puissent comme aujourd'hui, mais à partir de bases clairement évaluées, se porter candidats pour des fonctions de "direction plus générale", de management politique et stratégique d'unités plus importantes. Les établissements, tout en conservant une autonomie, ne trouveraient-ils pas là le moyen d'enfin faire exister la cohérence après laquelle on ne cesse de courir ? Que ce soit en matière d'orientation, d'accueil des élèves, de pratiques professionnelles, etc., sur un bassin, ne serait-ce pas le moyen d’acquérir plus d’efficacité, de pertinence et d’équité ? Ne serait-ce pas aussi le moyen de lutter efficacement contre la ghettoïsation de certains collèges ou lycées ?

     

    Une organisation interne

    La responsabilité des missions de management (orientation pédagogique, stratégie, organisation, amélioration, contrôle) ne saurait sans doute échapper aux personnels de direction, non plus que les missions liées à la mise en œuvre des ressources : direction des ressources humaines, gestion des infrastructures, gestion des achats, gestion financière et comptable, gestion du système documentaire. Mais considérons l'ensemble des missions reliées au cœur du métier en plus de l'enseignement : orienter, évaluer, valider, aider, accompagner le travail personnel, participer à la définition des services, gérer des projets, définir en équipe la gestion du temps, aménager des parties de programmes et individualiser des parcours, créer des dispositifs, adapter les pratiques pédagogiques, élaborer des indicateurs, étudier le devenir des élèves, communiquer vers l'exté-rieur, promouvoir l'établissement, etc. Toutes ces missions, et bien d'autres encore, sauraient-elles encore durablement sortir de la responsabilité effective des enseignants ?

    On peut se réjouir que ces questions soient abordées dans le cadre des réflexions sur le métier d’enseignant mais il serait absurde de ne pas les articuler à celles du pilotage des établissements.

     

    L'avenir du pilotage des établissements ne dépend-il pas nécessairement d'un maillage interne des établissements ? Il est temps de repenser cette organisation avec un jeu redéfini de délégations et de services, aboutissant à un partage des responsabilités, auxquelles devraient être étroitement associés les collectivités locales et territoriales, les parents et les élèves. La décentralisation est-elle aboutie tant que les usagers et les collectivités restent specta-teurs plus ou moins actifs de l'organisation de l'éducation ?

     

    Il nous semble que la question du pilotage des établissements scolaires suppose une réflexion approfondie, audacieuse, sans tabou. Cette question touche inévitablement aux identités professionnelles, aux missions partagées, aux compétences et responsabilités nouvelles pour favoriser et accompagner l’évolution du métier d’enseignant. Cet éditorial a seulement le modeste objectif de lancer ce chantier qui nous semble indispensable. Il est vrai que repenser le management dans les établissements supposent d'en faire autant pour les hiérarchies intermédiaires que sont les rectorats et les inspections d'académie, empêtrées bien davantage encore dans des fonctionnements d'une autre époque, pour ne pas dire de l'Ancien Régime.

    E&D

     

     

    Courrier Education & Devenir septembre octobre 2007
       
      Dans ce n° :
    bulletLe sens des mots
    bulletQue propose-t-on aujourd'hui pour l'école ?
    bulletNote de lecture : L'école, les belles et les bêtes
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    Création de l’allemand comme langue d’insertion professionnelle dans un Lycée Professionnel de la région Rhône Alpes (article sur le site)

     

       
    L’ éditorial d’ E&D  
     

     

    Quand une communauté éducative s’approprie l’objectif de la réussite pour tous, fait fonctionner ses instances, porte attention à chacun et particulièrement aux plus fragiles en mettant en place une approche pédagogique diversifiée, quand elle s’ouvre de manière décrispée aux parents d’élèves et à son environnement culturel, économique, scientifique et sportif, les fondements de l’école de la République sont grandement consolidés.

     

     

     

    Les tourbillons créés dans l’Education Nationale par des réformes - ou des annonces de réforme - mettant en cause des « tabous »  donnent l’impression qu’enfin l’Education Nationale va connaître une phase de renouveau attendue par une majorité de concitoyens. Education et Devenir se doit de  prendre part au débat et, par fidélité à son histoire, notre association aura l’exigence de trouver la distance nécessaire pour discerner ce qui émerge au-delà d’annonces de mesures spectaculaires mais parfois contradictoires.

    Notre association doit aussi se garder de s’enfermer dans un prêt-à-porter idéologique qui paralyse tout dialogue et fait le jeu des conservatismes.

     

    Revenons au cœur de notre charte :

     

    Nous affirmons que l'École doit être une école de la réussite pour tous. La démocratie implique que l’École réduise les inégalités et, par la lutte contre l’échec scolaire, contribue à renforcer la cohésion sociale. C'est la diversification des stratégies pédagogiques dans une organisation non ségrégative du système scolaire qui permettra à l'école d'atteindre ces objectifs fondamentaux.

     

    Cette école de la réussite pour tous  nous avons voulu la promouvoir dans la défense de dispositifs porteurs de démocratie et d’attention à tous les élèves. Le projet d’établissement d’une part, les pratiques supports d’une approche interdisciplinaire  (TPE, IDD, PPCP…) et l’éducation civique , juridique et sociale, d’autre part, ont  depuis un certain temps convergé vers une prise en compte de la dimension collective  de l’école et au-delà de la société. Plus récemment nous avons  suggéré la création du Conseil pédagogique et nos publications ont accompagné les priorités  nouvelles du système, les TICE, la prise en compte des handicaps, l’individualisation, nos colloques se sont attachés à éclairer l’approche de la personne (connaissance des jeunes).

    Les différents ministres ont adopté ces propositions mais les fluctuations politiques, le manque de détermination et de suivi au niveau du pilotage national et académique et aussi les pesanteurs corporatistes ont constitué des freins à la rénovation du système.

    Nous restons convaincus que les valeurs qui sous-tendent les propositions que nous avons défendues n’ont pas vieilli.

    Les réussites affichées çà et là dans les établissements en matière de fonctionnement démocratique ou d’efficacité pédagogique sont indubitables et convainquent tous ceux qui les voient.

    Quand une communauté éducative s’approprie l’objectif de la réussite pour tous, fait fonctionner ses instances, porte attention à chacun et particulièrement aux plus fragiles en mettant en place une approche pédagogique diversifiée, quand elle s’ouvre de manière décrispée aux parents d’élèves et à son environnement culturel, économique, scientifique et sportif, les fondements de l’école de la République sont grandement consolidés.

     

    Voit-on dans les mesures prises ou annoncées une contribution décisive à une refondation de l’école de la République ?

    Certains aspects des changements réintroduits correspondent à nos attentes. La réforme de la mission des enseignants est pour nous un levier fondamental de la transformation de l’école. Mais les bonnes intentions affichées sont contredites par l’incontournable réalité des chiffres. Supprimer plus de dix mille postes c’est exclure toute possibilité de limiter le nombre des heures de cours à des enseignants dont pourtant il paraît essentiel de diversifier les charges en prévoyant l’introduction d’autres missions que le seul enseignement.?

    L’assouplissement de la carte scolaire et la suppression du collège unique sont plus des engagements symboliques pris à l’issue de promesses électorales que des décisions étayées par une analyse approfondie  de leurs conséquences. L’impression de liberté donnée aux familles est compréhensible mais la stigmatisation démesurée des « mauvais établissements » qui risquent de perdre des éléments qui permettaient de tirer les classes vers le haut  est le déni de tous les efforts faits et reconnus dans les Zones d’éducation prioritaire. Certes quelques  établissements, au bout de la chaîne, vont sans doute devoir fermer mais cela ne transformera pas un système où la fracture sociale pourrait s’accroître. Quelles traces laissera au niveau de la citoyenneté une lutte « au couteau » des familles pour obtenir une place dans le lycée des beaux quartiers ? Ne risque-t-on pas  des dérives « publicitaires » au niveau des responsables d’établissement ?

    L’annonce de la suppression du collège unique sans que des précisions soient apportées sur ce qui le remplacera relève plus du champ politicien que de la prise en compte d’une réalité. D’abord le collège unique n’a jamais vraiment existé dans la mesure où des filières officielles ou liées à l’existence d’options  y ont toujours été présentes (classes d’adaptation, SEGPA, classes aménagées, CPPN et CPA, option découverte professionnelle 6h..).Les acquis du « vivre ensemble » jusqu’à seize ans d’enfants d’origines ethniques, de milieux sociaux et de niveaux scolaires différents sont certes difficilement évaluables, ils constituent néanmoins le ciment de la nation… Pas de confusion ! L’incapacité du système à développer des pratiques pédagogiques de réussite  ne doit pas remettre en cause la notion fondamentale pour l’avenir de la nation d’une école pour tous.

     

    Education et Devenir est une fois de plus disposée à faire entendre sa voix dans le  débat national au-delà des évidences toutes simples et des raideurs idéologiques. Elle dira son opposition aux mesures prétendument libératrices qui en satisfaisant une frange de la population accroîtrait la relégation  d’une autre frange. Elle répétera son enracinement dans une approche humaniste qui laisse aux plus démunis un espace de progrès et de valorisation. Notre association sera force de propositions dans le débat essentiel sur la redéfinition du métier d’enseignant, elle appelle dans un premier temps à participer au débat interne que Françoise Clerc nous a proposé, et s’adressera ensuite aux responsables politiques.

     

    Création de l’allemand comme langue d’insertion professionnelle dans un Lycée Professionnel de la région Rhône Alpes .  

     Martine Tauszig, Académie de Lyon 
     

     

    C’est d’abord l’encouragement affiché de l’institution formulé aux proviseurs de LP pour travailler à la création d’une deuxième langue vivante qui m’a donné envie de réfléchir à la question.

    C’est aussi un intérêt personnel très vif pour la question de l’apprentissage des langues étrangères dans nos écoles françaises et une expérience de mise en place de l’apprentissage de deux langues vivantes en 6ème, dans un collège en Zep, à une époque où c’était carrément interdit (et oui, il a existé jadis , des collèges sans classe bilangue !) qui ont fait renaître mon envie de continuer de vérifier certaines de mes convictions.

    Les échanges sur cette question avec des collègues de LP qui ont obtenu la création de classes européennes, ou qui envoient  en Période de Formation en Entreprise, en Allemagne, des élèves qui préparent des CAP, ou des BEP, voire des bacs pros , ou encore qui favorisent des échanges avec des établissements allemands de nature voisine des LP m’ont donné réellement envie de me pencher sur la question pour les élèves du secteur tertiaire du lycée qui m’était confié.

    Il s’est agi, pour moi, de persuader les équipes enseignantes du lycée et surtout les équipes de tertiaire (secrétaires et comptables) que leurs élèves qui ne rentabilisent plus depuis longtemps leur bac pro en trouvant du travail à la sortie du lycée avaient tout intérêt à mettre dans leur escarcelle de poursuite d’étude la pratique d’une langue étrangère économiquement appréciée, en l’occurrence l’allemand, appréciée tant dans les entreprises françaises qu’en Allemagne.

    Il s’est bien sûr agi, pour moi, non seulement de « vendre » mes convictions auprès des enseignants mais aussi auprès des élèves en les persuadant – ils le savent mais n’en ont aucune expérience et croient toujours que ce n’est vrai que pour les autres !- que leur avenir de travail était aussi dans le cadre de l’Europe entière et non plus en bas de leur immeuble ; vendre le fait que la mobilité sera de plus en plus de mise, rendant plus aisée l’ insertion professionnelle ;

    Avec l’aide appuyée d’un Inspecteur d’allemand en LP et du rectorat, et en concertation avec les professeurs convaincus (un professeur d’anglais, un professeur de comptabilité), j’ai travaillé à un projet de mise en place de l’allemand comme langue d’insertion professionnelle.

    De quoi s’agit-il ?

    Les élèves apprennent la langue étrangère surtout en l’utilisant dans leurs cours de pratique professionnelle, à savoir, devant leur ordinateur, dans les situations professionnelles.

    Apprend, en même temps qu’eux, le professeur de compta ou de secrétariat . Le cours est donné, bien sûr, par un professeur d’allemand qui s’est mis au parfum du référentiel professionnel et qui dispense aussi, à un autre moment, des cours d’allemand courant.

    On travaille avec un établissement partenaire allemand qui envoie des élèves en stage en France ; nos élèves effectuent leur PFE en Allemagne, dans des entreprises qui acceptent les exigences de nos référentiels de diplômes. Ils sont suivis et encadrés tant par la structure d’accueil que par leurs enseignants français . Le rapport de stage rédigé en allemand est défendu par les élèves devant un jury interne placé sous la responsabilité du chef d’établissement qui décerne ou non une attestation, une certification, sanctionnant les études et présentable soit à l’embauche dans une entreprise soit à l’inscription dans un niveau supérieur.

    Tout cela est, bien évidemment fort alléchant…sauf que…les élèves, heureux d’avoir été affectés dans « la Roll’s des lycées professionnels », lycée de centre ville dans lequel on « réussit à coup sûr » font de la résistance face à l’allemand, langue qu’ils n’ont déjà pas choisie au collège parce que « trop difficile » ou s’ils l’avaient en 2ème langue, ils sont bien heureux de s’en être débarrassés. Et «  ce n’est pas maintenant que je vais recommencer. »

    Sauf que…les professeurs, à l’instar de bon nombre d’autres et des parents, sans « écouter vraiment » ce qu’est la méthode préconisée ou le projet dans son ensemble, vivent sur les représentations qu’ils ont d’une langue qui s ‘adresse aux bons élèves pour éviter les mauvaises classes etc…etc…et demandent à ce que l’on mette en place…l’espagnol ! donc n’ont rien compris ou ne veulent pas comprendre l’insertion professionnelle ; certains vont même jusqu’à dire :  «  Ils ont déjà bien du mal à apprendre l’anglais…alors…qu’ils apprennent à parler l’anglais…après, on verra »

    Néanmoins, avec le travail accepté de certains profs sur le mode du «  après tout, pourquoi pas ? », sur le mode du «  entièrement convaincu » de certains autres, 4 élèves de 1ère année bac pro secrétariat partent en formation dans des entreprises allemandes, pour 3 semaines sans avoir eu de cours d’allemand puisque les démarches pour obtenir la création d’heures n’avaient pas abouti…

    Le succès est total sur le plan de l’insertion de ces jeunes filles dans les entreprises, sur leur adaptabilité, sur leurs progrès fulgurants dans l’apprentissage de la langue.
    Il l’est moins sur le plan professionnel et les exigences du référentiel ne sont pas remplies. Mais les professeurs…excusent…vue la richesse de l’expérience.

    L’année suivante, on monte un dossier Léonardo, on obtient 6 h d’allemand que l’on met à disposition des 1ères années Bac Compta et Secrétariat.

    Pour éviter les clichés vécus dans la phase d’approche, on oblige tous les élèves à suivre les cours et on suscite le volontariat pour le mois de stage ( juin) en Allemagne, dans notre école partenaire, trouvée grâce à notre inscription à la plate-forme franco allemande, active dans l’académie.

    L’acceptation de notre projet Léonardo arrange bien les choses : La PFE est financée, avec, en complément, l’aide de la Région Rhône Alpes et les élèves ne paient rien…C’était aussi un gros point de litige et de refus : non seulement on leur demandait d’apprendre une langue qu’ils n’aiment pas à priori, mais encore on leur demandait de se séparer de leur famille, de leur copains pour un mois dans un pays réputé dur à vivre mais encore on leur demandait de payer… et cela pour des familles peu aisées.. !

    Les dernières difficultés sont venues de l’agence comptable : les réponses aux projets Leonardo arrivent très tard ; cela ne correspondait pas à nos impératifs de calendrier et l’agent comptable s’est finalement laissé faire, et a avancé l’argent nécessaire sur les insistances réitérées d’un chef d’établissement obstiné…

    Les élèves, en Allemagne, nous font vérifier, une fois de plus, toutes nos hypothèses : ils font preuve d’esprit d’initiative ; ils apprécient très vite la disponibilité de leurs tuteurs allemands qui donnent beaucoup et s’attachent à la formation de leurs stagiaires ; par la force des choses, nos élèves parlent allemand à longueur de journée et progressent…comme on en est tous persuadés.

    Ils se plaisent dans ce pays où ils tissent immédiatement des liens forts avec leurs camarades…qui sont, eux, pourtant, déjà en vacances.

    Ils reviennent avec, pour trois d’entre eux sur cinq partis avec des promesses d’embauche, le sourire et l’envie profonde de retourner, le bac obtenu.

    4 se présentent à l’attestation finale, le cinquième ayant dû rentrer dans son pays d’origine.

    Les quatre réussissent l’examen.

    Ils passent cette attestation l’année scolaire suivante alors que le rectorat crée 18 h d’allemand, ce qui permet d’étendre le projet aux élèves de BEP et à la terminale Bac Pro.

    Le chef d’établissement que je suis quitte l’établissement pour du temps libre à organiser soi-même avec quelques interrogations :

    1. l’obligation pour les élèves d’apprendre l’allemand restera-t-elle pertinente longtemps ?

    2. Quid du projet après Leonardo ?

    3. Quid de l’attestation si le jury organisé est composé à la sauvette sans une véritable implication et du chef d’établissement et de l’inspecteur ?

    4. Comment étendre ce projet au niveau du lycée et le proposer à d’autres filières qui auraient tout intérêt aussi à développer des partenariats avec l’Allemagne (communication graphique, en particulier) ?

    5. Comment développer l’apprentissage d’autres langues (Italien, en particulier) sur les mêmes bases d’apprentissage ?

    6. Comment enfin, persévérer à défendre l’entrée  « langue étrangère d’insertion professionnelle », plutôt que 2ème langue ? Comment, en fait, préserver l’identité «  lycée professionnel » ?

     

    Il est certain, de toutes façons, qu’on aura fait la preuve, même si les générations suivantes s’appliquent peut-être à l’oublier au profit de la victoire des représentations et du fait historique, que la motivation et le sens, la curiosité et l’ouverture d’esprit prévalent sur les exercices d’école .

     

     

     

    Courrier Education & Devenir mars avril 2007
       
      Dans ce n° :
    bulletMixité sociale et système éducatif : un réseau d'établissements
    bulletProjet culturel en collège
       
    L’ éditorial d’ E&D

     

     

    LE TEMPS D’INSTRUIRE….
     

     

     

     

     

    Militants de terrain, parfois bousculés par les difficultés de celui-ci, nous accueillons la nouveauté de chaque génération avec la volonté de discerner les voies possibles de réussite et d’épanouissement. Cette obstination du devenir nous impose de nous garder des idées toutes faites, des a priori et des positions de principe.

    La période électorale propice à l’exaltation et aux postures précipitées trouble notre rapport au temps… Education et Devenir se détournerait de sa vocation si elle confondait le temps long de l’élaboration du système éducatif et le temps éphémère du politique. Les déclarations des uns et des autres interpellent nos convictions mais le jeu médiatique exige aujourd’hui une immédiateté des réponses qui nous entraîne dans la défense et la résistance au lieu de nous donner la patience de construire et l’audace d’innover. Restons plus que jamais groupes de liaison de réflexion et de propositions…

    Ce choix ne signifie pas que nous refusions de prendre position. Nous avons clairement dit depuis des années notre dépit devant les atermoiements, les retours en arrière et les pseudo–réformes. Nous avons aussi apporté notre soutien à des dispositifs pédagogiques innovants comme les TPE, les IDD, les PPCP… Nous nous sommes également réjouis de la création du Conseil Pédagogique que depuis longtemps nous appelions de nos vœux. A chaque fois, notre position s’est forgée dans l’exigence de réflexion que se donnent des enseignants, des éducateurs, des personnels de directions et autres cadres de l’Education nationale. Militants de terrain, parfois bousculés par les difficultés de celui-ci, nous accueillons la nouveauté de chaque génération avec la volonté de discerner les voies possibles de réussite et d’épanouissement. Cette obstination du devenir nous impose de nous garder des idées toutes faites, des a priori et des positions de principe.

    L’architecture globale de la loi sur l’égalité des chances peut nous sembler sous- dimensionnée par rapport aux besoins et urgences d’aujourd’hui. Devons-nous pour autant résister à la mise en place dans nos établissements des opéra-tions issues des directives ministérielles ? Prenons l’exemple de l’incitation aux liaisons secondaire - supérieur. Ce genre de liaisons qui permet aux lycéens de mieux se projeter dans l’avenir est entré dans une phase expérimentale. Se projeter dans l’avenir, découvrir la nécessité, le goût et la patience d’apprendre… Notre engagement fondé sur l’investissement pédagogique et sur notre marge d’autonomie nous confère la responsabilité de favoriser son extension et sa pérennisation. Il est trop facile de se retrancher derrière le prétexte qu’il s’agit de l’arbre qui cache la forêt et de ne rien entreprendre.

    La mission première de favoriser, ici et maintenant la réussite de nos élèves doit nous détourner de l’immobilisme de dépit ou du blocage idéologique.

    Nous situant dans un autre temps, la prise à notre compte d’expériences qui répondent à une nécessité indubitable sera une avancée pour le système quels qu’en soient les futurs responsables politiques. Nous appuyant sur une analyse des actions du terrain, nous serons par ailleurs plus crédibles pour demander l’extension du champ d’application des dispositifs que nous aurons pu évaluer positivement.

    La démarche d’Education et Devenir consiste d’ailleurs plus à alimenter la réflexion de ses adhérents qu’à afficher des positions partisanes prises avant toute analyse. Notre démarche, par son exigence, nous l’avons bien perçu au Sénat, désoriente les politiques, qui préfèrent en rester à un programme général plutôt que de rentrer dans le détail du « comment ». Le ques-tionnement élaboré dans le cadre de l’assemblée générale d’Avignon leur avait été remis, ils n’étaient pas, le 22 janvier, en mesure d’apporter d’autres réponses que de vagues références à un programme. Ils se sont néanmoins engagés à nous faire parvenir des réponses officielles avant le 20 mars… Nous attendons ces réponses, bien sûr, mais osons aussi élaborer les nôtres, instruire le débat par notre connaissance du terrain et la diversité de nos approches.

    Il n’est pas pour nous question de délégitimer l’engagement politique… Notre rôle est au contraire de le faciliter en analysant les réponses des politiques à l’aune de nos valeurs humanistes et démocratiques. Mais prenons le temps de faire cette analyse… avant d’en donner les résultats !

    E&D

     

    Courrier Education & Devenir janvier février 2007
       
      Dans ce n° :
    bulletDes ateliers théâtre pour un public mêlé
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    Notes de lecture
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    La petite maîtresse d'école

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    Ecole cherche ministre

      Un adhérent prolonge la réflexion sur la LOLF
    L’ éditorial d’ E&D  
    La LOLF aurait pu être l’occasion de refonder la relation entre l’autorité académique et les EPLE sur la base de responsabilités réciproquement reconnues. L’outil du contrat d’objectif, créé par la loi sur l’avenir de l’école, le permettait.

     

     

    Il a fallu très peu de temps pour que la logique soit retournée, en revenant aux vieux réflexes qui consistent à demander aux EPLE de simplement décliner des stratégies élaborées au niveau académique.

     

     

     

     

     

    Loin de « passer d’une culture de moyens à une culture de résultats » (langage LOLF), on juxtapose à une culture de moyens inchangée une culture de résultats qui ne pourra que s’essouffler par manque de marge d’action.

    L’année 2006 a vu la LOLF* s’appliquer intégralement à l’Education nationale. Intégralement ? Techniquement peut-être, mais sur le fond, et dans l’esprit attendu, la déception est forte.

     

    La LOLF aurait pu être l’occasion de refonder la relation entre l’autorité académique et les EPLE sur la base de responsabilités réciproquement reconnues. L’outil du contrat d’objectif, créé par la loi sur l’avenir de l’école, le permettait. La réflexion avait permis d’élaborer un modèle où l’établissement, dans le cadre de son projet, définissait SES objectifs, à la fois spécifiques à la situation locale et recoupant les besoins académiques. Sur cette base, un contrat d’objectif pouvait être élaboré avec l’autorité académique, le principe étant que la réponse aux besoins académiques s’obtient grâce à l’initiative et au dynamisme local, grâce à la responsabilisation des acteurs qui se trouvent face aux élèves dès lors que c’est la progression de ces derniers qui est visée.

     

    Là où cela était en discussion, il a fallu très peu de temps pour que la logique soit retournée, en revenant aux vieux réflexes qui consistent à demander aux EPLE de simplement décliner des stratégies élaborées au niveau académique. Le contrat d’objectif n’est plus la recherche d’une synergie entre deux niveaux d’initiative. Il n’est que la modalité d’exécution de décisions selon un processus limité à une approche hiérarchique. L’autonomie de l’EPLE n’est plus une autonomie d’initiative et le mot « contrat » un leurre.

     

    Et pourtant les exemples sont nombreux, qui montrent qu’un fonctionnement seulement hiérarchique ne suffit plus. On reste dans l’illusion que l’atteinte des objectifs nationaux ou académiques passe par leur découpage et la distribution des parties entre les EPLE, le résultat final étant la somme des résultats locaux. Cartésianisme simpliste ! Alors que tout nous montre que la complexité des problèmes fait que leur solution passe plus par les effets combinés d’initiatives diversifiées que par une définition unique de l’action à mener. Les enquêtes internationales ont beau montrer le rôle moteur que peut avoir l’initiative locale (en Finlande par exemple), la tendance est de se borner à décliner les objectifs académiques vers les EPLE, à suivre la mise en œuvre d’une politique académique à travers les EPLE. « Vers », « à travers », mais pas « à partir » de l’EPLE. Croit-on trouver ainsi le moyen de mobiliser les enseignants dont on se plait à brocarder les « conservatismes » et les « corporatismes », sources de tous les obstacles ?

     

    Autre élément particulièrement négatif : l’incapacité à établir la liaison entre gestion des moyens d’un côté et recherche de résultats (les performances, en langage LOLF) de l’autre. Les processus restent totalement étanches l’un à l’autre, alors que le fondement de la LOLF est de les lier fortement. Certes, il faut créer de nouveaux outils, élaborer de nouvelles stratégies, et cela ne peut se faire en un jour. Mais fait-on réellement les efforts nécessaires en ce sens ? Pour l’instant, les collèges et lycées restent soumis à un mode de gestion des plus classiques. Le domaine gestionnaire conserve sa « souveraineté » propre, tout en prenant la LOLF comme bouc émissaire des limites imposées.

     

    Prenons un exemple : les politiques de lutte contre le recours abusif et inefficace au redoublement. Un établissement qui mènerait une telle politique, en accord avec son autorité académique, a toutes les chances, en cas de succès, de voir ses moyens diminuer puisqu’en assurant un parcours plus fluide il diminue le nombre d’élèves immobilisés dans ses murs. D’un côté, une stratégie pédagogique avec ses indicateurs ; de l’autre, une gestion avec d’autres indicateurs. Une telle situation n’est plus admissible dans le cadre de la LOLF. La tolérer, sous prétexte qu’on ne sait pas faire autrement, c’est condamner définitivement la LOLF. Car, loin de « passer d’une culture de moyens à une culture de résultats » (langage LOLF), on juxtapose à une culture de moyens inchangée une culture de résultats qui ne pourra que s’essouffler par manque de marge d’action.

     

    En fait, tout ceci relève d’une souveraine défiance à l’égard des échelons les plus proches du « terrain », c’est-à-dire là où a lieu l’action réelle. On vote des lois de décentralisation concernant l’infrastructure (moyens matériels, accueil, carte scolaire, transports…), mais en parallèle, sous prétexte de cohérence des objectifs, on tend à reconcentrer la définition de l’action pédagogique. C’est ainsi que l’on prône des méthodes uniques (pour l’apprentissage de la lecture par exemple) là où il faut faire face à l’hétérogénéité grandissante des publics. C’est ainsi qu’est décidé au niveau ministériel l’implantation précise des assistants pédagogiques des lycées, en se fondant sur des analyses statistiques dont les conclusions ont surpris plus d’un responsable local. Entre les méthodes imposées, les assistants implantés sans discussion, une gestion qui ne sait pas encore (le veut-on ?) faire le lien avec les effets escomptés, l’action pédagogique risque de se trouver prise dans des carcans qui laissent peu de place à l’initiative, et donc à la recherche des réponses adaptées aux besoins réels des élèves accueillis localement.

     

    Alors, quelle est cette autonomie de l’EPLE dont discours et textes parlent toujours ? Certains chefs d’établissement répondent : l’autonomie de se débrouiller avec les situations délicates créées par les décisions de l’autorité supérieure, mais où elle ne veut pas se laisser prendre le doigt. Cette réponse a pu paraître caricaturale, mais elle l’est de moins en moins.

    Quand le ministère décide de réduire le volume de décharges accordées aux enseignants du second degré, il laisse au chef d’établissement le soin de déterminer localement la suppression de certaines décharges, alors que le domaine statutaire relève du niveau national. L’autonomie n’est plus qu’un alibi permettant de se décharger, et pas de libérer et fédérer les énergies. Dans un tel contexte, on ne voit pas comment les chefs d’établissement vont pouvoir efficacement mobiliser leurs conseils pédagogiques (et c’était pourtant une bonne vraie décision que de les créer !). Mais il est vrai que depuis qu’est définie au niveau national LA méthode, la seule bonne pour tous, de quel investissement pédagogique supplémentaire aurait-on besoin au niveau local ? Il suffit d’y gérer les décisions prises.

     

    En conclusion, l’inévitable souci technique, dans une réforme de grande complexité comme la LOLF, ne l’a-t-il pas emporté sur le souci stratégique et le respect du sens premier de la décision ? Ou plutôt, ne s’est-on pas senti obligé de mettre en œuvre la LOLF parce qu’elle avait été décidée de façon consensuelle, tout en continuant à se méfier de la capacité d’initiative locale ? Dans l’un comme dans l’autre cas, on tombe dans le contre-sens qui donne au mot « gestionnaire », non pas la signification d’acteur responsable que voulaient les rédacteurs de la LOLF, mais celle de technicien d’une gestion. Education et Devenir a attendu avec la LOLF l’outil possible d’un nouveau dynamisme, mais ne le trouve pas dans l’actuelle dérive gestionnaire. Les concepteurs de la loi faisaient récemment part de leur déconvenue face aux dévoiements de leurs intentions. Puissent-ils être à nouveau entendus. Quand donnera-t-on le goût de l’initiative à ceux qui agissent directement auprès des élèves ? Quand saura-t-on les persuader de la vertu des stratégies fondées sur la recherche d’objectifs ? Qui peut les y amener dans le contexte qui s’installe ? Ceux qui veulent avancer risquent de nouvelles déceptions.

     
      * Sur la LOLF voir "de la LOLF au pilotage"  et le Cahier n° 6

    Comment pilotez vous ?

    Un adhérent prolonge la réflexion sur la LOLF

    La LOLF, dont la mise en œuvre devait rendre visible et lisible l’action des établissements a eu instantanément pour effet de générer un retour au galop du pilotage injonctif que la décentralisation de 1986 avait remisé au grenier en raison d’une flagrante inefficacité gaspilleuse.

    L’Education nationale partage avec les médias (et peut-être avec l’ensemble des français…) un goût marqué pour la mode : on y a connu l’époque de l’analyse des conflits, la période résolution de problèmes, l’ère de l’analyse systémique, le temps de la gestion participative, le moment du projet, l’époque de l’évaluation. Nous en sommes au règne du pilotage.. Un observateur attentif pourrait, de surcroît, noter qu’habituellement, lorsqu’un concept y accède au statut d’icône, il est en train, contourné, perverti, ou vidé, de devenir masque, maquillage, artefact, bref : instrument d’imposture. Le pilotage dont on nous gave aujourd’hui jusqu’à l’indigestion, n’a pas échappé à ce scénario sur le mode « confusion ».

    Le pilotage est un mot sympathique. Il évoque un objectif, une volonté. Piloter, c’est faire en sorte d’aller vers un lieu que l’on a déterminé. Tout le contraire du laisser aller. On peut même s’interroger sur son succès dans une époque de laisser aller économique.

    Il renvoie à l’humanité : « ce que j’ai fait, aucune bête ne l’aurait fait »,  déclarait GUILLAUMET.

    Pourtant, en grattant le vernis, on voit rapidement qu’il y a, en matière de conduite des organisations humaines, deux types de pilotages qui, de par leur nature même, produisent des effets différents.

    Le premier peut être qualifié de pilotage par injonctions : c’est ce qu’on appelait autrefois « le commandement». De nature pyramidale ou descendante, il consiste, pour un pouvoir centralisé, à faire savoir à toute la chaîne exécutante, ce qu’il faut faire (ou ne pas faire) à tel ou tel moment, dans telle ou telle circonstance. Le pilotage militaire (que l’on appelle toujours « commandement ») en est la forme la plus simple et la plus brutale.

    On pourrait mettre dans la même armoire, sur le mode doux, le taylorisme, les procédures de sécurité (aviation, chemins de fer…) et, sur le mode inhumain, les dictatures de tous bords en passant par le sévère l’état tutélaire des années 50 et 60 en France.

    Les avantages en sont la simplicité, la possibilité de répondre rapidement à une urgence pour peu que le pilote ait bien analysé la situation, la possibilité de penser une stratégie globalement et précisément, la visibilité et la lisibilité de cette dernière. Les inconvénients sont l’attentisme des exécutants qui ne disposent d’aucune autonomie pour s’adapter aux particularités du terrain et aux situations imprévues par le pilote ainsi que l’écroulement instantané du système dans son entier si le pilote commet une erreur vitale ou disparaît.

    On peut le comparer au pilotage d’un navire ou d’un avion à moteur.

     

    Le second consiste à favoriser et inciter les initiatives des acteurs de terrain qui faciliteront la réalisation des objectifs généraux que le pilote s’est fixé. Pour ce faire, le pilote est, en permanence, à l’affût des idées qui se font jour et circulent, des opportunités qui apparaissent, des potentiels qui se révèlent.

    Les avantages en sont une grande implication des acteurs qui, se sentant

    à la fois autonome, soutenus et encouragés, adhèrent fortement à l’épopée dont ils sont partie prenante, ainsi qu’un potentiel de survie important si le pilote disparaît ou s’est lourdement trompé. Les inconvénients en sont une impossibilité pour le pilote de prévoir et rendre compte dans le détail des actions qui sont menées.

    On peut le comparer au pilotage d’un voilier ou d’un planeur.

     

    On a compris que le type de pilotage doit être choisi en fonction de l’objectif, du contexte existant et de la nature (ou de la culture) des organisations à piloter. Et que parler de pilotage sans autre précision est soit une imprécision source de confusion donc d’inefficacité, soit une technique manipulatoire.

     

    Que voyons nous actuellement dans l’Education nationale ?

    Précisément un appel quasi permanent au « pilotage » sans préciser lequel et, bien évidemment sans l’avoir choisi après analyse de l’objectif, du contexte et de la nature des organisations. C’est à dire exactement ce qu’il ne faut pas faire sous peine d’inefficacité, voire de découragement ou, pire, de révolte si les acteurs de terrain vont jusqu’à interpréter la situation  comme manipulatoire…

    Le management des projets d’établissement par de nombreux rectorats en est un exemple quasi parfait : il ne s’agit plus de définir un projet en fonction de l’analyse des réalités du terrain puis de l’interfacer avec le projet académique ou national, mais de décliner (parfois quasiment « sur ordre » dans tel ou tel domaine) la manière dont on mettra en musique localement le projet académique ou le projet national. On devrait, en réalité, parler, là, non de « projet d’établissement » mais de « projet de service ».

    C’est ainsi que la LOLF, dont la mise en œuvre devait rendre visible et lisible l’action des établissements a eu instantanément pour effet de générer un retour au galop du pilotage injonctif que la décentralisation de 1986 avait remisé au grenier en raison d’une flagrante inefficacité gaspilleuse dans notre secteur professionnel.

     

    Quel est donc ce pays où les décisions du prince provoquent les effets inverses de ceux qu’elles étaient censées générer ? Celui d’Alice, du Lapin blanc, du Lièvre de Mars, du Chapelier, de la Reine de Cœur et du Chat du Cheshire ? Hélas, non.

     

    GG - 22 janvier 2007

     

     

    Courrier Education & Devenir octobre-novembre 2006
       
      Dans ce n° :
    bulletPolitique et éducation : approches du système éducatif 
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    La carte scolaire

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    Enseigner la Shoah, éduquer à la Shoah

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    Voir aussi : A propos de la classe de seconde du lycée unique

    L’ éditorial d’ E&D  
    Notre système scolaire vit une phase de stagnation, voire de régression, l’ascenseur social est en panne, le nombre des exclus du système ne diminue pas.

    Les mois qui précèdent la campagne présidentielle sont souvent perçus comme un temps de réserve, voire de résignation où l’on pense que rien ne peut  changer. Les processus mis en place, eux , ne s’arrêtent pas en chemin : l’effet LOLF* se fait sentir à tous les niveaux…Ce serait une bonne nouvelle si les changements produits étaient analysés conjointement par les gestionnaires et les usagers et qu’un espace de remédiation voyait le jour. Vu du terrain une machine impitoyable s’abat sur des acteurs souvent désemparés .Et pourtant la LOLF n’est pas un mal en soi. Un profond malaise résulte de l’incapacité du monde politique à conduire un dialogue social .Mais les politiques maîtrisent-ils les technocrates ?

     

    La réponse à un certain nombre de questions cruciales est déterminante :

    4 Est-ce que la collaboration des niveaux de décision ne va pas se transformer en injonction hiérarchique ? 

    4 La dimension technocratique n’étouffe-t-elle pas la dimension humaine ?

    4 Les réactions de rejet ne vont-elles pas créer une atmosphère tendue qui favoriserait les extrémismes tandis que  les acteurs de bonne volonté, supports habituels des réformes, s’aigriraient et perdraient leurs repères.

     

    Ce premier constat fait à propos de la LOLF peut s’appliquer aux textes parus dans le cadre du Ministère de l’Education Nationale. Les lois votées ces dernières années ne remettent pas en cause fondamentalement la Loi d’orientation de 1989 et ne sont pas en opposition avec les valeurs d’Education et Devenir. Et pourtant pourquoi ce malaise? Notre système scolaire vit une phase de stagnation, voire de régression, l’ascenseur social est en panne, le nombre des exclus du système ne diminue pas.

    Education et Devenir a construit son programme d’année sur l’interpellation du politique autour du comment : comment procéder à un vrai changement démocratique dans l’école 

     

    Les mesures ne sont rien si les acteurs qui doivent les mettre en œuvre ne sont pas réellement mobilisés .La force d’inertie dans l’éducation nationale est considérable. Les structures de dialogue existent sur le papier mais la réalité révèle le plus souvent une coquille vide .La participation des élèves  n’est que rarement réellement encouragée ou prise en compte, le conseil pédagogique, élément déterminant dans le processus de partage des responsabilités est remis en question par  le plus important des syndicats enseignants sur la base d’un a priori anti- hiérarchique…

     

    Face à une situation morose Education et Devenir affirme avec force que  l’avenir de l’Education Nationale doit se construire dans la confiance à l’égard des valeurs démocratiques  à tous les niveaux. Rompre les barrières liées à des représentations figées, restituer à tous le membres de la communauté éducative- notamment aux parents d’élèves- leur place. accompagner les indispensables réformes de gestion d’un dialogue qui permettra d’associer les acteurs et de faire des choix correspondant mieux  aux priorités de terrain., tels sont les impératifs immédiats

     

    L’association Education et Devenir  se mobilise cette année pour interpeller les responsables politiques non pas sur un simple programme mais sur la mise en œuvre en actes du changement démocratique de l’Ecole. Elle le fera avec détermination, dans un esprit constructif et, disons-le, avec un réel espoir.

     

     

    Courrier Education & Devenir avril-mai 2006
       
      Dans ce n° :
    bulletRegards réciproques : l’élève nous regarde aussi 
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    Quel intérêt à se cultiver ?

    L’ éditorial d’ E&D  
    SOCLE COMMUN : un décret décevant
     

    Le 10 mai 2006, le ministre de l’Education nationale, Gilles de ROBIEN a présenté en conférence de presse le projet de décret sur le socle commun.

    Le discours du ministre ne surprend pas. Présentant le socle commun comme un « acte refondateur », il se présente, avec la plus grande modestie, comme l’héritier direct de Jules FERRY et des lois scolaires de 1882. N’allant pas jusqu’à comparer le socle commun au certificat d’études du XXIe siècle, il ne résiste pas pour autant à la nostalgie de l’école du XIXe siècle : méthode d’apprentissage de la lecture, dictée, récitation, grands hommes, emblèmes nationaux, etc.

    Au-delà de ces « a priori » idéologiques, ce qui nous importe est l’impact des propositions ministérielles sur l’enseignement obligatoire. Nombre de questions restent ouvertes.

    A commencer par la notion de socle commun elle-même. Nous ne prenons pas à notre compte l’accusation de « smic culturel » ou de nivellement par le bas. Des interrogations sur le collège unique (dès le début des années 1970) aux conclusions du « débat THELOT » sur l’Ecole, l’idée de socle commun s’est développée sur le souhait de construire l’égalité des chances.

     

    La question aujourd’hui, c’est qu’un corpus commun de connaissances et compétences, pour souhaitable qu’il soit ne peut faire l’impasse sur les conditions de son appropriation. Et c’est là que le bât blesse.

    Le Haut Conseil de l’Education était dans son rôle de formuler ses recommandations sur le contenu de ce socle commun. Son avis, rendu public le 23 mars, présentait l’intérêt de partir d’un diagnostic, de faire un travail de définition et de penser le socle en termes de compétences à acquérir. De ce fait, il posait la question de la transversalité des connaissances et de leur évaluation. Il présentait également l’avantage d’ajouter aux cinq piliers prévus par la loi d’orientation (maîtrise de la langue française – culture mathématique et scientifique – culture humaniste – langue vivante étrangère – TIC) deux dimensions éducatives : l’acquisition de compétences sociales et civiques – l’accession à l’autonomie et l’acquisition de l’esprit d’initiative.

    L’objectif de commencer la mise en œuvre à la rentrée 2006 imposait la sortie rapide d’un décret d’application. La logique voulait que ce décret précise l’articulation entre contenus et méthodes. Il n’en est malheureusement rien.

    Le décret n’est qu’une paraphrase molle de l’avis du HCE. Il le traduit en connaissances, capacités et attitudes mais de manière très inégale (fort détaillé pour les mathématiques, elliptique pour autonomie et initiative). L’articulation entre contenus et mise en œuvre hésite entre approche disciplinaire et liens nécessaires entre disciplines que le HCE appelait de ses vœux.

    La notion d’évaluations périodiques de ces compétences transversales est affirmée. L’enjeu est de taille. Les réponses opérationnelles sont pour le moins discrètes.

    Faute d’avoir travaillé cette articulation entre socle et conditions de son acquisition, il y a fort à parier que sa mise en œuvre sera…lente et difficile.

    Le grand débat sur l’Ecole méritait mieux qu’une traduction de plus en plus appauvrie et parasitée par les effets d’annonce !

     

    A Education & Devenir, nous faisons le choix d’une réflexion inscrite dans le long terme. Réunis en conseil d’administration le 14 mai 2006, nous proposons à nos adhérents et partenaires d’engager un travail sur quatre grandes questions complémentaires :

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    l’école et son environnement : familles, quartier, groupes sociaux, collectivités territoriales, etc. ;

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    l’analyse des logiques des professionnels de l’éducation et des comportements des élèves ;

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    l’analyse pratique des marges de progression ;

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    les méthodes pour accompagner ces processus d’évolution.

    Cette réflexion sera approfondie dans nos manifestations nationales de l’année 2006 – 2007 :

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    journées des militants en Avignon (13 au 15 octobre 2006) ;

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    journée du Sénat (22 janvier 2007) où, avec nos partenaires, nous nous proposerons d’interpeller les candidats aux présidentielles sur leur projet pour l’Ecole ;

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    colloque annuel en avril 2007 où le thème de « l’Ecole et son environnement »  pourrait être approfondi.

     

     

    Courrier Education & Devenir février-mars 2006
       
      Dans ce n° :
    bulletL'absentéisme lourd en milieu scolaire          Yves Rollin Aix-Marseille
    bulletAttention ! usure.      Bernard Le Borgne Nantes

    CRITIQUE DE L’ANTICONSTRUCTIVISME

     

    Il existe actuellement une attaque frontale contre ce que l’on appelle parfois la "pédagogie constructiviste". Le terme est inadéquat car il ne peut y avoir à proprement parler de pédagogie (pratique professionnelle) constructiviste (paradigme scientifique). Dans un colloque récent au Québec (novembre 2005) sur la pédagogie différenciée, j’ai entendu Clermont Gauthier, éminent collègue de l'Université du Québec, s’en prendre au constructivisme en pédagogie. L’argumentation contre le constructivisme, au niveau des sciences de l'homme, peut être aisément démontée. Mais il faut en outre, ne pas céder devant une offensive qui ne s’annonce pas pour ce qu’elle est. Les anticonstructivistes ont des alliés assez peu recommandables. Clermont Gauthier a accepté de s’exprimer dans un colloque à la Sorbonne convoqué par les plus éminents représentants de la réaction en matière d'éducation : Sauver les lettres, leur fournissant une pseudo caution scientifique. Il faut savoir que le constructivisme dans les sciences de l’homme n’est que la conséquence des théories de l’adaptation. L’alternative est l’innéisme, d’où l’intérêt que les idéologues réactionnaires portent à la critique du constructivisme. Enfin, comme toute théorie, le constructivisme s’est enrichi. En gros, il consiste à dire que l’intelligence des enfants obéit à un rythme biologique conditionné par le programme génétique de l’espèce mais que ce programme ne trouve son expression que dans des interactions sociales. En quoi cela entraînerait-il des pratiques pédagogiques inefficaces ?

     

    Le problème des ministres (et pas seulement de l’Éducation nationale) est de fonder leur politique sur des expertises qui donneraient à penser que leurs choix sont indiscutables parce que déduits des savoirs savants. Pour cela, ils commandent des « rapports » dans la plus grande confusion.

    Confusion entre les différents sens de l’expertise : l’expertise au sens anglo-saxon du terme (ie. excellence professionnelle) avec l’expertise traditionnelle en français (ie. rendre un avis étayé sur des raisons scientifiques). Les « experts » dans les deux cas ne sont pas les mêmes or ils sont invités pêle-mêle, avec des représentants de « la société civile » (à quel titre ? choisis comment ?) à donner des avis sans précautions théoriques ou méthodologiques.

    Confusion dans les domaines d’expertise : par exemple, si les sociologues produisent des outils de compréhension sur le fonctionnement du système éducatif, ils ne sont pas les mieux placés pour parler de pédagogie (quand certains sociologues parlent de classes différenciées, ils désignent des classes qui sont précisément ce que combat la différenciation pédagogique… C’est-à-dire des classes à publics particuliers).

    Confusion des responsabilités : en démocratie, les décisions politiques ont leur propre autonomie par rapport aux savoirs savants, ne serait-ce que parce que les sciences ne disent pas ce qu’il convient de faire. Elles n’ont qu’une valeur indicative par rapport à l’action. Elles fournissent des outils pour comprendre. Les politiques doivent assumer leurs décisions devant le peuple qui les a élus. Aucune « expertise » ne peut leur servir de caution.

     

    Il faut ajouter que, quel que soit le ministre, les enseignants interprètent les textes et qu'entre ce qui est prescrit et ce qui est effectivement fait, il y a une marge considérable - et je ne parle pas de ce que les enseignants ont l'intention de faire et qu’ils ne font pourtant pas qui constitue encore un autre ensemble souvent contradictoire avec les précédents... C'est un des principes de base de l'analyse du travail. Donc, pour incriminer le "globalisme" des recommandations sur la lecture d’un ministère, il faudrait que les textes aient un impact immédiat et mesurable sur les pratiques qui évoluent bien plus lentement que ne se renouvellent les ministres. Il serait plus intéressant d'évoquer les pratiques sociales à l'égard de l'écrit et, d’une manière générale, le rapport à la langue dans la société française, qui ont un effet bien plus désastreux sur l'apprentissage de la lecture que le travail des enseignants. Avant d’incriminer l’école sur ses prétendus échecs, il faudrait s’interroger sur l’accroissement de la pauvreté et sur ses implications culturelles sur les classes populaires… ce qui ne décharge évidemment pas l’école de ses responsabilités.

     

    Il existe actuellement une grande convergence des spécialistes sur la modélisation de la lecture et sur les meilleures conditions pour apprendre. D’un point de vue psychologique, décoder et comprendre sont deux activités intimement liées. Mais on sait aussi que lire est un acte social et plus un groupe social est culturellement dominé, plus l’accès à la lecture est difficile pour ses membres.

     

    Il ne peut plus s’agir seulement de résister: les conditions économiques et sociales ont changé, les savoirs sur l'apprentissage aussi, la manière d'appréhender le travail enseignant a beaucoup progressé depuis ces dernières années. Il faut donc en tenir compte. Il faut s’habituer à l’idée, qu’en raison des logiques professionnelles dans l’éducation et l’enseignement, les injonctions et les prescriptions rigides n’ont que peu de chance de faire évoluer les compétences dans le sens d’une pertinence accrue. Plus que résister (qui ne peut être qu'une position transitoire), nous devons proposer, non pas des solutions toutes faites, mais des méthodologies pour accompagner l’évolution des compétences professionnelles.

    Françoise Clerc  - Professeur en sciences de l'éducation - Université Lyon 2

      Voir aussi un point de vue de Jean-Michel Zakhartchouk

     

    Courrier Education & Devenir novembre-décembre 2005 - janvier 2006
      L’ éditorial d’ E&D
       

    Conservatisme et incompétence !

     

    Le programme annuel des activités nationales d’Education & Devenir est habituellement défini par son conseil d’administration du mois de mai. Au lendemain du mouvement lycéen contre la « loi Fillon » en mai 2005, nous exprimions notre surprise et notre inquiétude quant aux formes qu’il avait prises : attachement des lycéens à une organisation archaïque et coûteuse du baccalauréat, violences entre jeunes de « cultures » apparemment différentes, radicalisation d’une partie de la jeunesse lycéenne conduisant à des atteintes aux personnes et aux biens…D’où notre choix de deux thèmes de réflexion complémentaires pour la journée du Sénat et le colloque annuel : « quelle légitimité pour l’Ecole dans une société en crise ? » au Sénat et « mieux connaître les élèves… » pour le colloque de Rouen.

    Depuis, nous avons traversé une crise encore plus grave avec les violences urbaines de l’automne 2005. Cette situation nous renforce dans nos choix de réflexion. Elle nous crée un devoir encore plus impérieux de contribuer à l’élaboration de réponses pertinentes et adaptées.

    Malheureusement nous ne trouvons guère de raisons d’espérer du côté des politiques qui ont en charge l’avenir du système éducatif. Dans un éditorial récent nous qualifions de gâchis le bilan du ministère Fillon après l’enterrement des propositions issues de la consultation Thélot. Aujourd’hui le jugement est encore plus sévère face au double constat de conservatisme et d’incompétence qu’inspire l’action de Gilles de Robien. 

    Certes, les récentes violences urbaines dépassent de très loin le champ de la seule Education nationale. Elles font tristement écho aux positions constantes d’Education & Devenir sur la lutte contre les discriminations, la ghettoïsation de certains quartiers et des établissements qui y sont implantés et le rôle que doit jouer l’Ecole dans l’intégration des jeunes de ces quartiers.

    Dans notre champ professionnel les premières réponses sont affligeantes !

    Au moment où plus que jamais le « collège de la réussite pour tous » constitue une des réponses à cette logique de lutte pour l’égalité réelle d’accès à la formation et à la qualification, la proposition de l’apprentissage à quatorze ans pour ceux qui ont des difficultés dans les apprentissages théoriques refait une nouvelle fois surface ! Nous ne sommes pas hostiles à une diversification des parcours, à condition que le but commun soit le plus élevé possible et  non pas le moyen de créer de nouvelles filières destinées aux enfants de prolétaires !

    Les écoles et gymnases incendiés scandalisent tout citoyen attaché au service public. Mais force est de constater que l’institution scolaire a plutôt bien tenu pendant la crise de l’automne. Sa mission intégratrice et éducative fait apparemment consensus. Ce qui ne justifie pas de renvoyer la responsabilité aux familles démissionnaires, polygames et autres théories du complot ! Ce qui ne justifie pas non plus le retour à la proposition d’installer dans les établissements des correspondants police ou justice en appui aux enseignants en difficulté. Le partenariat avec les fonctionnaires de police et de justice à fait ses preuves mais dans le respect des compétences et responsabilités de chacun ! La responsabilité d’un ministre n’est pas d’utiliser un drame douloureux pour une initiative aussi démagogique qu’inutile.

    Quant à la dernière trouvaille, elle fait hésiter entre perplexité et ironie. S’appuyant sur des préconisations d’orthophonistes aussitôt démenties par leur organisation professionnelle, notre ministre va mettre un terme en quelques semaines aux méfaits de la méthode globale - qui n’est plus pratiquée comme telle depuis au moins trente ans – et imposer aux maîtres de CP le retour à la méthode syllabique. Sait-il que le succès réside dans le bricolage positif par chaque maître de méthodes adaptées aux enfants qui leur sont confiés. Gageons que la méthode universelle de lecture ROBIEN va faire vite long feu !

    Nous avons souvent dit qu’il n’était pas nécessaire d’être issu du sérail pour faire un bon ministre de l’Education nationale. Encore convient-il dans ce cas d’être bien entouré et conseillé. Aujourd’hui cet entourage semble avoir été recruté dans un café du commerce où le seul critère serait la nostalgie d’un âge d’or éducatif…qui n’a jamais existé !

    Pour tempérer la sévérité du jugement, on pourrait marquer de l’intérêt pour la refonte de la carte des ZEP. Concentrer les moyens sur les établissements les plus difficiles était une mesure attendue depuis longtemps. Le faire par redéploiement et à moyens constants risque d’en limiter la portée. Il conviendra d’y regarder de très près en étant particulièrement vigilant aux tentations de faire porter la responsabilité de l’échec scolaire sur l’inaptitude des individus.

    Nos raisons d’espérer à l’aube de 2006 sont à trouver parmi nous. Notre action et notre réflexion collectives s’inscrivent dans la longue durée. Notre devoir de vigilance quant à une politique marquée de plus en plus par l’actualité, y compris médiatique, s’assortit d’un travail constant, avec nos partenaires, sur la recherche de solutions durables et adaptées à la profonde crise sociale à laquelle l’Ecole - comme les autres institutions de la République - est de plus en plus durement affrontée.

    Nos vœux pour 2006 : une association dans laquelle réflexion collective et amitié entre ses membres constituent deux piliers inséparables.

    A chacune et chacun d’entre vous, tous nos souhaits de réussite personnelle et professionnelle !

    E&D

     

    Courrier Education & Devenir Septembre-Octobre 2005
       
    L’ éditorial d’ E&D (voir aussi une Note de Lecture en complément du Courrier 9-10)
     

    Pendant la campagne présidentielle de 1995, l'actuel président de la République avait promis un grand débat parlementaire sur l'École. Puis... rien !

    Après sa réélection en 2002, on organisa une consultation nationale de grande envergure. Aux dires de Claude THELOT, responsable de ce chantier, c'était la première fois dans l'histoire de la République qu'une telle consultation sur l'Ecole était de la sorte organisée ! Puis... pas grand-chose ! La loi Fillon. Fillon, Ministre éponyme, congédié après le vote de sa loi. Cette loi en forme de patchwork n'apporte rien de bien neuf. Tout en réaffirmant les objectifs de la loi précédente, elle n'écarte pas le risque de tourner le dos aux ambitions du collège pour tous, elle ne définit pas clairement les moyens de garantir en lycée une égale dignité aux diverses filières de formation, elle ne donne pas non plus de pistes pour corriger la sélection d'un autre âge qui se poursuit à l'Université.

    Parallèlement, la Lolf, la loi Borloo, la Loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, les nouvelles avancées de la décentralisation, qui semblent suggérer de façon convergente un nouveau contexte pour l'Ecole, apparaissent comme les éléments fragmentaires d'un paysage qui manque de perspective.

     

    Alors, devant tant de promesses sans lendemain, après tant de projets appauvris, rognés, chacun apprend à ne plus rien attendre... Comment ne pas se dire agacé, exaspéré par ce manque de souffle et d’audace alors que tant de chantiers urgents apparaissent aujourd’hui. Depuis la scolarisation des tout petits jusqu’à la réforme de l'enseignement supérieur, pour chaque enfant comme pour le devenir de notre société, l’École dans son ensemble est une urgence. On rêve d’une École capable de promouvoir l’égalité des chances... Encore faudrait-il renoncer aux polémiques idéologiques, ouvrir les yeux et poser enfin quelques questions concrètes, des questions de praticiens.

    Ø N'est-il pas urgent de raviver la réflexion sur l'école moyenne et de déterminer les bonnes pratiques susceptibles de permettre aux collèges d'atteindre enfin les buts qui lui sont fixés depuis si longtemps ?

    Ø N"est-il pas urgent de faire des lycées des structures adaptées qui offrent une égale dignité entre les filières et de véritables possibilités de passerelles entre les différentes voies ?

    Ø N'est-il pas urgent de former des enseignants de manière à ce qu’ils considèrent la pédagogie comme un vrai et digne métier ? Un métier et non un pis aller après des études sans débouchés ! Un beau métier et non une galère quand par malchance on "tombe sur des élèves difficiles" ! N'est-il pas urgent de faire toute sa place à la formation initiale mais aussi à la formation continue pour répondre aux aspirations des enseignants laissés bien trop souvent seuls avec leurs interrogations ?

    Ø N'est-il pas urgent à l'heure du cartable électronique de proposer d'autres formules pour encourager et faciliter le travail personnel de nos élèves ?

    Ø Au-delà des programmes eux-mêmes qui devraient être l'objet d'une actualisation permanente, n'est-il pas urgent de repenser l'évaluation des connaissances, de mettre enfin en route des procédures d'évaluation qui permettent de capitaliser les savoir-faire au lieu de décompter les maladresses ?

    Ø N'est-il pas urgent de véritablement doter les établissements de cadres intermédiaires, reconnus, susceptibles de mailler le fonctionnement des établissements ? Qui doute que cela soit possible, si l'on y met les moyens financiers et la reconnaissance institutionnelle ?

    Ø N'est-il pas urgent de mobiliser autour des établissements l'ensemble des acteurs locaux, des parents, des élus, des associations et de faire exister un espace éducatif élargi… de retravailler l'implication des collectivités locales, d'ancrer dans des projets de ville l'apprentissage de la citoyenneté ?

     

    Oui bien sûr, non seulement cela est urgent mais E&D et quelques autres, d'André de Peretti à Philippe Meirieu en passant par André Legrand le rappellent depuis bientôt 30 ans. Rien de ce qui fut préconisé n'a jamais vraiment été mis en œuvre à l’échelle de la Nation, les meilleures intentions furent presque toujours abâtardies par des concessions et des demi-mesures. Curieusement ce sont ces idées qui sont parfois présentées comme responsables des difficultés de notre École. En revanche, tous ceux qui connaissent notre système savent les succès réels des pionniers qui pendant cette période ont fait aboutir d'autres modes de regroupement des élèves, de nouvelles pratiques sous forme de projets et de méthodes actives, d'authentiques modes de management participatif, d'autres manières de proposer une éducation au choix ou de concevoir et de gérer les budgets adaptées à des logiques de projets…

     

    Malgré l'urgence et en dépit des effets d'annonce, rien ne sera vraiment traité au fond aujourd'hui. Les meilleures idées ne sont pas assorties des moyens qui permettraient de les mettre en application... Cette critique n’est pas nouvelle mais on assiste aujourd’hui à un phénomène plus alarmant : une insensible mais radicale régression dans les visées. On renonce à la pédagogie différenciée, on renonce aux vertus du tutorat, on renonce à la diversité des regroupements... Ainsi supprime-t-on aussi tout espoir de sortir de la logique taylorienne de l'unique groupe classe. On se prive d'un levier puissant pour changer le rapport au savoir en renonçant aux TPE en terminale. A travers la métaphore dangereuse de socle commun, on condamne les malchanceux qui, pour n’avoir pas su monter sur le socle seraient privés de bases et n’auraient désormais plus de chance de s’épanouir. On proclame l'intérêt de la démarche de projet sans vraiment y croire, sans relancer la démarche participative auprès des personnels, des élèves ou des parents, sans de véritables et fortes sollicitations. On croit satisfaire le public en renforçant le système des sanctions, quitte même à préconiser des mesures en opposition avec le droit ! On prend le risque de revenir à un système de formation des personnels dans lequel la professionnalisation est écartée au profit des connaissances disciplinaires, sans parler de la limitation des moyens accordés à la formation initiale comme continue…

     

    Qu’entend-on sur notre École, de quels débats la presse et les maisons d'édition se font-elles l’écho ? Exclusivement ces débats de clercs dans lesquels de "nouveaux petits marquis" médiatiques font assaut d'indignation devant les "solécismes de la pensée 68", prétendument responsables des malheurs de notre système. Malheureusement pour eux, nos petits marquis n'ont pas comme ceux de Molière, l'excuse de la jeunesse. Est-il acceptable de voir, dans les quartiers les plus déshérités, l'Etat répondre à la violence par la violence quand on sait les atermoiements de la politique de la ville et l'échec de la lutte contre les inégalités sociales et les inégalités scolaires ?  Peut-on encore s'étonner que s'installe une certaine forme de fatalisme ?

     

    E&D, pour sa part revendique un autre message et affirme qu'en dépit du contexte, il est possible aujourd'hui d'ouvrir de nouvelles pistes, de favoriser l'émergence d'une véritable démocratie fonctionnelle pour piloter les établissements et de définir des champs communs d'investigation et d'investissement pour l'ensemble des acteurs. Nous pensons qu'il est possible de construire à l'interne les indicateurs qui permettent de véritablement progresser, au lieu de générer les crispations de ceux choisis exclusivement par les tutelles. Nous éprouvons que le travail en équipe, pas à pas, permet d'inventer ensemble des solutions. Nous pensons qu'une certaine façon de s'expliquer sur nos valeurs, une certaine façon de les faire exister à travers nos actes nous conduit à dessiner l'Ecole que nous voulons et aussi à mieux percevoir celle que nous ne voulons pas. Nous pensons qu'une certaine fraternité dans la façon de pratiquer notre métier, de réfléchir ensemble, nous conduit à construire des repères, à élaborer du symbolique, et dans le même temps à promouvoir la prééminence de la recherche de la vérité et de la justice sur la force et la violence…

     

    Ces convictions ne sont ni de pieux rêves ni l’apanage de quelques penseurs solitaires. Elles se sont forgées sur le terrain, se sont confortées grâce aux échanges entre praticiens et ont été éclairées par les personnes phares qui accompagnent notre association depuis sa création. Nous croyons que le meilleur remède contre la tentation du fatalisme et du désenchantement est le sel de la rencontre, de la réflexion commune et du réseau de solidarité. Telle est l’invitation d’Education & Devenir, groupe de liaison, de réflexion, et force de propositions.

    Les chantiers urgents ne peuvent attendre ! Nous invitons chacun à les prendre en main sans tarder. Avec E&D, osons nous projeter dans l'avenir en ancrant notre ambition et notre action ici et maintenant.

    La journée d'Etude au Sénat le 9 janvier sur la question de la Légitimité de l'Ecole et notre colloque des 31 mars, 1er et 2 avril, "Mieux connaître nos élèves, croiser les regards", seront de nouvelles étapes pour défendre mais aussi illustrer l'Ecole que nous voulons.

     

    E&D

     

    Courrier Education & Devenir Juillet-Août 2005
       
    L’ éditorial d’ E&D  
       

    Du gâchis au néant

     

    Au moment où nous écrivions l’édito du courrier du mois de mai, François FILLON était encore en fonctions. Nous n’avons pas une ligne, pas une virgule à retrancher de ce qu’une dépêche AEF a présenté comme notre bilan du ministère FILLON !

     

    Depuis, Gilles de ROBIEN lui a succédé. A la lecture de ses premières déclarations et à celle de ses interlocuteurs associatifs et syndicaux, nous ne pouvons nous empêcher d’évoquer notre prise de position de mars 1997 : « il est temps de refermer la parenthèse BAYROU ! ». L’exclusion de Gilles DE ROBIEN des instances dirigeantes ne change rien à l’affaire : la mission confiée à DE  ROBIEN ne diffère en rien de celle confiée à BAYROU de 1993 à 1997 : mettre en panne la réforme du système éducatif.

     

    Aujourd’hui la question de la réforme reste pleine et entière. Il ne s’agit pas de disserter sur le fait de savoir s’il faut réformer l’Ecole, la seule vraie question, c’est comment.

    Il ne s’agit plus de s’interroger sur le courage des responsables, la réponse est cruelle. Il s’agit, une nouvelle fois de trouver la bonne méthode.

     

    Une esquisse de solution avait été amorcée avec la consultation THELOT et ce qu’elle induisait de définition des attentes de la société sur son Ecole. Cette attente a été déçue. Est-il trop tard pour la satisfaire ? DE ROBIEN ne semble guère disposé à y répondre. Nous faut-il déjà confier quelques espoirs dans son successeur ?

     

    Quand sortirons-nous du cycle infernal des réformes imposées, qui se veulent globales, là où il suffirait d’impulser des évolutions suffisamment débattues, et dont on peut se demander si l’un des objectifs n’est pas de laisser un nom dans l’histoire du système éducatif, suivies de coups de frein non moins brutaux.

     

    Faire, quelque soit le prix, parce qu’on ne veut pas écouter, ou ne rien faire parce qu’on ne sait pas écouter, voilà les deux termes d’une pratique (ne parlons pas de stratégie, et encore moins de politique) qui bloque les évolutions opportunes, contribue à couper l’école de la société, démobilise progressivement, mais sûrement, les acteurs. Démobilisation de l’encadrement, à qui on ne peut indéfiniment demander de défendre demain le contraire de ce qu’il devait défendre hier. Démobilisation collective d’un corps enseignant privé de tout objectif commun clair, contraint de se réfugier dans des stratégies individualistes, auxquelles même ceux qui le souhaiteraient ne peuvent plus échapper, au grand bénéfice de tous les corporatismes.

     

    S’il ne fallait prendre qu’un exemple du gâchis, on pourrait prendre celui des TPE. D’un enseignement dont Éducation et Devenir a montré tout le profit qu’on pouvait tirer à la veille d’études universitaires, on s’est rabattu sur une conception étriquée des disciplines, prônant la rigueur et le travail, pour finalement offrir aux lycéens (au non de la rigueur et du travail ?) un « joker » à leur disposition le jour du baccalauréat.

     

    Est-ce là la raison d’être du système éducatif ?

     

     E&D

    Courrier Education & Devenir mai-juin 2005
       
    L’ éditorial d’ E&D  

    Quel gâchis !

     

    Après la consultation « THELOT » sur l’avenir de l’Ecole nous n’entretenions pas de grandes illusions sur l’avenir qui lui serait réservé par François FILLON. Pas au point cependant d’en tirer aujourd’hui un tel sentiment de gâchis.

     

    Certes il était prévu et légitimement démocratique que le pouvoir politique allait se saisir des propositions de la commission THELOT et assumer la responsabilité politique de ses propres choix. Mais l’écart est considérable entre l’ampleur de la consultation, les propositions de la commission puis les choix gouvernementaux. En sortait un projet de loi conservateur, sans souffle, sans ambition et ne répondant pas – pour ne prendre qu’un seul mais suffisant exemple – à la question de la « fracture scolaire ». Autre grand écart que celui opéré entre une consultation large de la société et la procédure d’urgence (quelle urgence ?) utilisée au Parlement. D’où l’écart entre une volonté (certes du ministre précédent) de consulter la société sur l’avenir de son école et un débat tronqué au Parlement. De l’urgence à la précipitation, il restait un espace pour le Conseil Constitutionnel qui allait vider la loi de l’essentiel de son contenu en censurant le rapport annexé désormais voué à une ré interprétation réglementaire… donc de valeur juridique inférieure à la loi. Dans quels délais un ministre de l’Éducation nationale pourra-t-il de manière crédible consulter le corps social sur l’avenir de l’École ?  Gâchis !

     

    Entraient également en scène les lycéens contestant – entre autres et sans programme revendicatif clairement lisible - la nécessaire évolution du baccalauréat. Et le ministre de renvoyer aux calendes grecques l’introduction d’un contrôle continu déjà largement installé en EPS ou dans l’enseignement professionnel… En revanche ce mouvement allait mettre en évidence trois phénomènes particulièrement inquiétants :

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    derrière le flou des revendications, une forte inquiétude de la jeunesse scolarisée sur son avenir ;

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    une fracture grave entre lycéens professionnels et lycéens généraux exprimés par les attaques contre la manifestation lycéenne parisienne que les meilleurs sociologues de l’éducation (cf Le Monde de l’Education de mai) n’entendent pas réduire à un phénomène raciste ; 

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    la radicalisation durable d’une frange minoritaire des lycéens dont les manifestations les plus violentes ont éprouvé des équipes de direction tardivement soutenues et offert à des groupes extrémistes un champ inespéré de recrutement.

     

    L’incapacité prolongée du ministre à analyser cette situation et à engager le dialogue l’a conduit à ne rouvrir les discussions avec la FIDL et l’UNL qu’une fois celles-ci durablement coupées de leur base ! Gâchis !

     

    Restent les questions à résoudre…Par le prochain ministre ?

    Pour notre part, le colloque de Lyon sur le thème : « enseigner dans les nouveaux contextes » a permis dans le sérieux, la convivialité et la sérénité  les pistes qui nous paraissent porteuses d’avenir :

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    sur l’évolution du métier d’enseignant (totalement absente de la loi). L'approfondissement de l'objectif de la loi d'orientation de 89 ; l'activité de l'élève au centre des préoccupations de l'École (le métier d'élève, le travail personnel de l'élève, l'organisation de l'établissement au service de cette activité, les métiers de l'enseignement et de l'éducation autour de cette activité, le soutien scolaire sous la responsabilité de l'institution scolaire). Cette entrée par l'activité de l'élève permet de traiter tous les grands problèmes auxquels l'École est aujourd'hui confrontée : le métier d'enseignant, "l'École, son propre recours", la fracture scolaire et la grande difficulté....

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    sur le pilotage des établissements et plus largement du système éducatif ;

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    sur l’attention à porter aux 15 à 20 % d’élèves en échec grave.

     

    Entre le temps court des politiques et le temps long de l’École, Éducation & Devenir va continuer à s’attacher, avec conviction et indépendance, à creuser son sillon et apporter sa réflexion et sa contribution à la résolution des questions auxquelles notre système éducatif est confronté.

     

    Courrier Education & Devenir janvier-février 2005

    L’ éditorial d’ E&D
       

     

     

    Il est des années où le rituel convenu des vœux laisse perplexe et invite à porter un regard critique sur les évolutions probables. Education & Devenir porte la responsabilité à la fois d’une vision lucide mais aussi du dépassement de constats peu encourageants par des propositions porteuses d’avenir.

    Pour commencer par un regard hexagonal, force est de constater que les vœux formulés pour notre système éducatif ne sont guère convaincants. La consultation lancée à l’automne 2003 avait recueilli notre plein accord de principe tant nous étions demandeurs d’un « grand débat » sur l’Ecole associant toutes les forces vives de la Nation. Nous avons assisté avec tristesse à un appauvrissement considérable de la richesse et de la diversité des débats menés dans le cadre de la mission confiée à Claude THELOT. Certes, il était entendu dès le début que, sur la base de cette consultation, les politiques auraient à prendre leurs responsabilités. Mais le projet de loi qui va être bientôt débattu au Parlement est bien loin du compte… A part la proposition d’un « socle commun » dont il faudra vite préciser le caractère nécessairement évolutif, en quoi ce projet faussement consensuel, timoré et, par bien des aspects, réactionnaire répond-il aux enjeux exprimés par les participants à ces consultations ?

    Nous aurons donc, avec d’autres, la responsabilité en 2005 d’affirmer notre indépendance et nos ambitions pour l’Ecole, en particulier sur trois questions centrales :

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     la place des usagers, et en premier lieu des parents ;

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    la réduction de la fracture scolaire ;

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    l’évolution des pratiques pédagogiques et les conditions de cette évolution qui passent par une redéfinition du service et des responsabilités des enseignants.

    Notre colloque d’avril 2005 s’emploiera tout particulièrement à approfondir cette dernière question.

    La fin d’année 2004 et une bonne partie de l’année 2005 sont placées sous le signe de l’Europe. Là encore, l’Ecole est bien absente du débat. Alors que les solidarités sont de plus en plus nécessaires entre les pays qui la composent, on risque de se trouver dans un vrai jeu de dupes où chacun revendiquerait son exception culturelle au moment même où les rares perspectives d’harmonisation  se limiteraient à des propositions faisant de l’éducation un aspect parmi d’autres des lois du marché. Il y a probablement nécessité à réaffirmer un sens nouveau des services publics dans un cadre plus large que les seuls cadres statutaires nationaux. Nous avions commencé à aborder cette question au colloque de Nevers, nous essaierons d’être plus précis encore lors de notre toute prochaine journée du Sénat.

    Enfin, chacun d’entre nous vit douloureusement les conséquences du séisme en Asie du Sud. Heureusement, de nombreuses initiatives solidaires prennent jour dans les établissements scolaires. Mais au-delà de l’émotion doit venir le temps de la réflexion. Certes nous vivons ces évènements comme une manifestation de l’inexorable mondialisation, mais dans l’unité de lieu et de conséquences personnelles de cette épouvantable tragédie, nous ne pouvons être insensibles aux écarts considérables entre la situation des pêcheurs, des populations et celle des touristes occidentaux. Notre responsabilité d’éducateurs aujourd’hui est d’inviter à la réflexion aussi bien sur la fracture Nord – Sud que sur la responsabilité que porte l’humanité dans la préservation de la planète.

    Difficulté en ce début d’année 2005 d’afficher un optimisme béat…Nécessité de faire preuve d’imagination et de détermination !

     

     

    LA VIGILANCE D’EDUCATION  ET DEVENIR

      Texte envoyé au site MEN www.loi.ecole.gouv.fr

    E&D exercera sa vigilance sur les points suivants :

     

    Le système éducatif doit se voir confirmer ses missions de formation, d’instruction et d’éducation ; ces missions ne peuvent pas être dissociées.

     

    Les objectifs généraux pour la prochaine décennie doivent viser à l’élévation du niveau de formation initiale de l’ensemble de la population (80 % niveau bac – 50 % titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur) et à la réduction de la fracture sociale (100 % d’une classe d’âge qualifiée au moins au niveau BEP-CAP).

       

    La réalisation de ces missions et de ces objectifs passe nécessairement, à notre avis, par des positions  précises et concrètes qui nous permettront de juger de la volonté réelle du pouvoir politique. Elles doivent concerner les domaines suivants :

     

     

    1 – gestion de la mixité sociale dans un territoire donné et à l’intérieur des établissements.

    2 – développement des possibilités de construction des parcours diversifiés, des groupes de besoins, des passerelles entre les diverses voies de formation pour limiter les sélections successives

    3  – maintien d’un collège unique et refus de l’orientation précoce.

    4 – mise en place d’un lycée unique proposant sur le même site les voies générales, technologiques et professionnelles.

    5 – définition d’un socle commun de compétences et de connaissances en particulier par un resserrage des programmes autour des fondamentaux.

    6 – mise en œuvre effective du principe de « co-éducation » entre parents et enseignants par des mesures précises en faveur du partenariat école-parents d’élèves.

    7 – transformation des établissements scolaires en de véritables lieux de travail des élèves de façon à ce que l’ensemble du travail personnel, individuel ou en équipe, puisse se réaliser dans l’établissement et que chaque élève puisse bénéficier de l’accompagnement nécessaire à sa réussite.

    8 – autonomie des établissements grâce à l’élaboration d’un projet dans chaque établissement. Ces projets doivent comporter des chapitres obligés. Ils doivent déboucher obligatoirement sur une contractualisation avec les instances académiques.

    9 – refonte des services des personnels d’enseignement de façon à ce que ceux-ci puissent aussi accompagner les élèves dans leur travail personnel et participer au pilotage et à l’animation de l’établissement.

    10 – développement de l’obligation pour les personnels d’enseignement d’éducation, d’orientation et de direction de se former dans un cadre compatible avec l’encadrement des élèves en vue, en particulier,  de la mise en œuvre d’une pédagogie véritablement diversifiée.

    11 – intégration de la formation tout au long de la vie dans la mission de chaque établissement scolaire.

     

    Courrier Education & Devenir novembre-décembre 2004

    L’ éditorial d’ E&D

    SILENCES ET VACUITE

     

     

     

    Parents, enseignants et élèves ont nourri un certain nombre d’espoirs à la lecture du rapport THELOT : au–delà de quelques limites ils ont perçu une volonté de cohérence fondée sur une organisation structurée des établissements et la mise en place de liens plus précis et plus riches entre les acteurs.

     

    Rien de tout cela n’a transparu dans l’intervention du Ministre de l’Education Nationale. Quelques mesures positives annoncées notamment en ce qui concerne l’enseignement des langues et la formation des enseignants sont l’arbre qui cache la forêt de l’approximation et du manque de vision d’ensemble.

    La  notion fondamentale de projet d’établissement outil d’harmonisation et d’échange, a quasi disparu. Quel sera en effet le rôle d’un conseil pédagogique face à la reconnaissance insistante de la liberté  individuelle de chaque enseignant en matière de discipline et de pédagogie ? Ne va-t-on pas accroître l’aspect « profession libérale » si souvent dénoncé du métier d’enseignant ? Monsieur FILLON va à l’encontre des tentatives réitérées de redéfinition de la mission de l’enseignant pour l’adapter aux nouveaux contextes (massification, évolution des comportements). Ce qui apparaissait fondamental à des ministres de tous bords politiques serait – il devenu insignifiant ?

    Toute la dynamique issue de la création d’établissement autonome (EPLE – loi de 1985), de la loi d’orientation de 1989, du texte définissant les missions de l’enseignant (1997) et des innovations destinées à développer le travail en équipe et à donner du sens aux enseignements (TPE, IDP, PPCP) est remise en cause.

    La classe devient une « boîte noire » refermée sur elle-même, le tissu relationnel reliant la classe à l’établissement et à l’extérieur est déchiré.

    Plus grave : quel type d’homme veut-on promouvoir en prônant une conception très individualiste de l’élève où les éléments porteurs de sens sont minimisés voire écartés ? Un regard de  défiance sur les sauvageons facilitera-t-il la réussite d’un plus grand nombre d’élèves privés de toute une dimension éducative ou relationnelle induite par les évolutions des vingt dernières années ?

    Dans son intervention le ministre n’a pas présenté l’élève comme un être en construction ; le rapport au savoir ne poserait-il plus aucun problème à partir du moment où un socle de connaissances est défini et l’autorité rétablie ?

    Une approche aussi simpliste ne permettra pas de répondre à la question du devenir des élèves qui ne pourront pas accéder au socle commun. Ce socle ne sera-t-il défini que par rapport à des connaissances ou bien prendra-t-on en compte des compétences et des valeurs ?

    A aucun moment on a perçu dans les propositions du ministre la compréhension du vécu de l’échec scolaire. A l’heure actuelle on ne sait déjà pas aider l’élève à surmonter le premier échec qu’il rencontre.

    Dans un parcours parsemé d’évaluations déterminantes ne va-t-on pas reléguer radicalement et plus tôt les plus démunis ? Le souffle social est absent du projet présenté. Si l’on peut bien recevoir les propos du ministre sur le redoublement, il ne doit pas être une répétition à l’identique, l’introduction du redoublement en cours de cycle n’enfermera-t-il pas trop d’élèves dans un sentiment irréversible d’échec ? L’idée de la formation tout au long de la vie sera-t-elle accessible à des élèves qui auront connu de trop nombreux arrêts ?

    Les parents voient leur pouvoir réduit. Les quelques abus constatés justifient-ils que l’on rompe la dynamique qui leur donnait un rôle minimal au sein de la communauté éducative ?

    Disparaissent des perspectives ministérielles la confiance en l’éducabilité de tous les jeunes et la valorisation du lien social et de l’interaction des acteurs dans une dynamique qu’ils construisent et s’approprient.

    L’école va-t-elle produire des êtres formatés s’adaptant parfaitement aux besoins économiques du moment ou former des citoyens engagés, autonomes et critiques.

     

    L’Éducation Nationale n’avait pas, depuis longtemps, effectué un tel retour en arrière.

     

     

    LA VIGILANCE D’EDUCATION  ET DEVENIR

      Texte envoyé au site MEN www.loi.ecole.gouv.fr

    E&D exercera sa vigilance sur les points suivants :

     

    Le système éducatif doit se voir confirmer ses missions de formation, d’instruction et d’éducation ; ces missions ne peuvent pas être dissociées.

     

    Les objectifs généraux pour la prochaine décennie doivent viser à l’élévation du niveau de formation initiale de l’ensemble de la population (80 % niveau bac – 50 % titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur) et à la réduction de la fracture sociale (100 % d’une classe d’âge qualifiée au moins au niveau BEP-CAP).

       

    La réalisation de ces missions et de ces objectifs passe nécessairement, à notre avis, par des positions  précises et concrètes qui nous permettront de juger de la volonté réelle du pouvoir politique. Elles doivent concerner les domaines suivants :

     

     

    1 – gestion de la mixité sociale dans un territoire donné et à l’intérieur des établissements.

    2 – développement des possibilités de construction des parcours diversifiés, des groupes de besoins, des passerelles entre les diverses voies de formation pour limiter les sélections successives

    3  – maintien d’un collège unique et refus de l’orientation précoce.

    4 – mise en place d’un lycée unique proposant sur le même site les voies générales, technologiques et professionnelles.

    5 – définition d’un socle commun de compétences et de connaissances en particulier par un resserrage des programmes autour des fondamentaux.

    6 – mise en œuvre effective du principe de « co-éducation » entre parents et enseignants par des mesures précises en faveur du partenariat école-parents d’élèves.

    7 – transformation des établissements scolaires en de véritables lieux de travail des élèves de façon à ce que l’ensemble du travail personnel, individuel ou en équipe, puisse se réaliser dans l’établissement et que chaque élève puisse bénéficier de l’accompagnement nécessaire à sa réussite.

    8 – autonomie des établissements grâce à l’élaboration d’un projet dans chaque établissement. Ces projets doivent comporter des chapitres obligés. Ils doivent déboucher obligatoirement sur une contractualisation avec les instances académiques.

    9 – refonte des services des personnels d’enseignement de façon à ce que ceux-ci puissent aussi accompagner les élèves dans leur travail personnel et participer au pilotage et à l’animation de l’établissement.

    10 – développement de l’obligation pour les personnels d’enseignement d’éducation, d’orientation et de direction de se former dans un cadre compatible avec l’encadrement des élèves en vue, en particulier,  de la mise en œuvre d’une pédagogie véritablement diversifiée.

    11 – intégration de la formation tout au long de la vie dans la mission de chaque établissement scolaire.

     

    Courrier Education & Devenir janvier-février 2004

    Un laboratoire au service d’un meilleur fonctionnement de la démocratie

     

    Paradoxalement, à un moment où l’abstention aux élections augmente de façon inquiétante, où l’on déplore la chute du militantisme, nos concitoyens expriment des exigences fortes à l’égard des institutions qu’ils souhaitent toujours davantage démocratiques. L’Ecole a largement pris en compte ces attentes. La dernière décennie a particulièrement été marquée par le souci de former à la citoyenneté (ce concept n’apparaît pas encore dans la loi d’orientation de 89 où l’on parle simplement de socialisation). Des instances nombreuses ont été créées pour que les établissements du second degré soient des lieux d’expérimentation de la démocratie représentative. L’Ecole est même en avance sur la société civile dans ce domaine puisqu’elle rend obligatoire la formation de ses élus (loi d’orientation de 89).

    La dernière réforme des lycées a mis en place un nouveau lieu de formation, dont le poids dans la scolarité peut apparaître homéopathique, mais dont la portée est révolutionnaire : l’E.C.J.S. pratiquée dans toutes les classes du lycée (sauf en 1ère et Terminale technologique !) a pour ambition d’apprendre à tous les lycéens les démarches du débat démocratique et de leur faire utiliser leurs connaissances pour qu’ils soient capables de débattre sur tous les problèmes contemporains. L’Ecole se donne donc pour mission de rendre tous les citoyens actifs !! Elle participe ainsi à la construction de nouvelles formes d’une  démocratie aussi éloignée de l’utopie de la démocratie directe pratiquée au siècle de Periclès que de la démocratie représentative du XXème siècle.

    Loin de nous, bien sûr, l’idée de considérer l’Ecole comme démocratique… Il reste encore beaucoup à faire dans les pratiques quotidiennes d’enseignement et de gestion de la vie scolaire … Mais l’arsenal réglementaire, les instances, les outils existent pour avancer dans cette voie.

    Notre association a beaucoup réfléchi et œuvré pour que l’Ecole soit le lieu de ces apprentissages. Cet objectif a même constitué un de ses axes fondateurs. Il s’agissait bien au départ de créer une parole libre, délivrée du carcan des lobbies, des corporatismes et des conservatismes de tout poil (le cahier n° 1 d’ED était d’ailleurs consacré aux Conservatismes). Et, comme il est impossible de dissocier la forme du fond, elle s’est construite implicitement comme une sorte de laboratoire d’un fonctionnement démocratique novateur. Beaucoup d’entre nous ont utilisé dans leurs pratiques professionnelles  des méthodes de fonctionnement démocratique développées à E&D.

    Nous n’en sommes pas restés à une organisation figée et formelle, mais nous avons, à l’instar de la société toute entière et de son école, tâché de nous adapter aux nouvelles exigences de notre temps.

    De 1984 à 1994, réunie autour de Maurice VERGNAUD, l’association a centré ses activités sur des échanges de pratiques professionnelles et sur une réflexion qui concernait des problèmes essentiellement éducatifs. Nos adversaires étaient clairement identifiés : il s’agissait des nostalgiques d’une école sanctuaire centrée exclusivement sur les savoirs scolaires. Sous l’autorité d’un président fondateur référent pour tous, les outils et l’organisation mis en place ne posaient guère de problème : les cahiers thématiques et le courrier mensuel étaient des lieux d’expression des militants qui illustraient bien la « ligne » de l’association. Les colloques annuels donnaient plus de place au travail en commissions qu’aux conférences magistrales.

    Dès 1989, avec la 1ère loi d’orientation, s’est imposée pour l’association la nécessité de prendre position dans les débats politiques autour de l’Ecole. Les journées du Sénat, annuelles comme le colloque, ont manifesté notre double investissement : les problèmes y sont abordés plutôt sous l’angle politique alors qu’au cours des colloques, on s’intéresse davantage aux échanges de pratiques.

    A partir des années 98, l’association a multiplié les partenariats (essentiellement avec la FCPE, la Ligue, occasionnellement avec la PEEP, le CRAP, les mouvements d’éducation populaire) pour avoir plus de poids dans les décisions politiques.

    Cette évolution acceptée par l’ensemble de nos adhérents, a eu des conséquences évidentes sur notre fonctionnement et le contenu de nos publications :

    Les prises de positions sur l’actualité politique nécessitent une forte réactivité : le bureau et le CA ont ainsi produit régulièrement des textes dont ils ont dû assumer la responsabilité. Le CA consacre désormais la moitié de ses séances à réfléchir sur un problème d’actualité. Cette réflexion aboutit le plus souvent à un texte qui engage l’association. Entre deux CA, le bureau doit prendre des initiatives ; la pratique du partenariat amplifie cette tendance.

    Nos prises de position sont adoptées dans le souci d’un fonctionnement le plus démocratique possible : nous sommes une « petite » association qui peut réagir à la fois vite et de façon collégiale. En même temps, cependant, nos moyens financiers font que les responsables sont tous des bénévoles dont les emplois du temps professionnels sont très chargés… Or, la réflexion collective demande une grande disponibilité qui nous fait défaut et que nous tâchons de compenser par la rigueur de l’organisation :

    *      Au sein du bureau et du CA, avant une  prise de position définitive, la première mouture de chaque texte est « martyrisée » à de nombreuses reprises avant d’aboutir à sa version définitive. La messagerie électronique facilite beaucoup ces échanges.

    *      La voix des militants peut s’exprimer – en complément des outils anciens que sont les colloques et les courriers – lors de journées dites de responsables, mais en réalité ouvertes à tous, qui se déroulent en septembre ou en octobre chaque année.

    Il n’en reste pas moins que le débat démocratique est plus complexe qu’aux débuts de l’association.

    Les prises de position sur des problèmes politiques d’actualité élargissent le débat au sein de l’association. Dorénavant, le consensus général ne saurait aller toujours de soi, les sujets abordés étant divers, et parfois même inattendus.

    Nous ne fonctionnons pas autrement que le reste de la société : sur les problèmes de l’Ecole, les points de vue ne correspondent pas nécessairement au clivage traditionnel gauche-droite, ils divergent au sein même des mouvements et associations. La loi sur la laïcité est un bon exemple de cette situation nouvelle.

    Mais ce défi nous permet de tester notre capacité d’écoute et notre capacité à ajuster notre fonctionnement à nos objectifs et à nos ambitions.

     

    CONCLUSION

    Jusqu’à présent, nous avons su éviter les querelles internes …

    L’existence d’une charte nous permet de rester cohérents, quelle que soit la conjoncture, avec nos principes et nos valeurs.

    Nous disposons d’outils d’échanges performants : publications, réunions nationales, réunions locales. Nous avons adopté le fonctionnement de nos instances (CA, Bureau, AG) à ces exigences nouvelles ; nous en avons mis en place de nouvelles (journées des responsables avec un CA élargi). Le site WEB de l’association devrait modifier considérablement le paysage démocratique en permettant encore plus de réactivité.

    Soyons donc confiants et veillons cependant à ce que notre association demeure un laboratoire au service d’un meilleur fonctionnement de la démocratie. Gageons que la prochaine AG du colloque de Nevers en abordant cette question soit l’occasion d’en porter le témoignage.

    E&D

     

     

    Paradoxalement, à un moment où l’abstention aux élections augmente de façon inquiétante, où l’on déplore la chute du militantisme, nos concitoyens expriment des exigences fortes à l’égard des institutions qu’ils souhaitent toujours davantage démocratiques. L’Ecole a largement pris en compte ces attentes. La dernière décennie a particulièrement été marquée par le souci de former à la citoyenneté (ce concept n’apparaît pas encore dans la loi d’orientation de 89 où l’on parle simplement de socialisation). Des instances nombreuses ont été créées pour que les établissements du second degré soient des lieux d’expérimentation de la démocratie représentative. L’Ecole est même en avance sur la société civile dans ce domaine puisqu’elle rend obligatoire la formation de ses élus (loi d’orientation de 89).

    La dernière réforme des lycées a mis en place un nouveau lieu de formation, dont le poids dans la scolarité peut apparaître homéopathique, mais dont la portée est révolutionnaire : l’E.C.J.S. pratiquée dans toutes les classes du lycée (sauf en 1ère et Terminale technologique !) a pour ambition d’apprendre à tous les lycéens les démarches du débat démocratique et de leur faire utiliser leurs connaissances pour qu’ils soient capables de débattre sur tous les problèmes contemporains. L’Ecole se donne donc pour mission de rendre tous les citoyens actifs !! Elle participe ainsi à la construction de nouvelles formes d’une  démocratie aussi éloignée de l’utopie de la démocratie directe pratiquée au siècle de Periclès que de la démocratie représentative du XXème siècle.

    Loin de nous, bien sûr, l’idée de considérer l’Ecole comme démocratique… Il reste encore beaucoup à faire dans les pratiques quotidiennes d’enseignement et de gestion de la vie scolaire … Mais l’arsenal réglementaire, les instances, les outils existent pour avancer dans cette voie.

    Notre association a beaucoup réfléchi et œuvré pour que l’Ecole soit le lieu de ces apprentissages. Cet objectif a même constitué un de ses axes fondateurs. Il s’agissait bien au départ de créer une parole libre, délivrée du carcan des lobbies, des corporatismes et des conservatismes de tout poil (le cahier n° 1 d’ED était d’ailleurs consacré aux Conservatismes). Et, comme il est impossible de dissocier la forme du fond, elle s’est construite implicitement comme une sorte de laboratoire d’un fonctionnement démocratique novateur. Beaucoup d’entre nous ont utilisé dans leurs pratiques professionnelles  des méthodes de fonctionnement démocratique développées à E&D.

    Nous n’en sommes pas restés à une organisation figée et formelle, mais nous avons, à l’instar de la société toute entière et de son école, tâché de nous adapter aux nouvelles exigences de notre temps.

    De 1984 à 1994, réunie autour de Maurice VERGNAUD, l’association a centré ses activités sur des échanges de pratiques professionnelles et sur une réflexion qui concernait des problèmes essentiellement éducatifs. Nos adversaires étaient clairement identifiés : il s’agissait des nostalgiques d’une école sanctuaire centrée exclusivement sur les savoirs scolaires. Sous l’autorité d’un président fondateur référent pour tous, les outils et l’organisation mis en place ne posaient guère de problème : les cahiers thématiques et le courrier mensuel étaient des lieux d’expression des militants qui illustraient bien la « ligne » de l’association. Les colloques annuels donnaient plus de place au travail en commissions qu’aux conférences magistrales.

    Dès 1989, avec la 1ère loi d’orientation, s’est imposée pour l’association la nécessité de prendre position dans les débats politiques autour de l’Ecole. Les journées du Sénat, annuelles comme le colloque, ont manifesté notre double investissement : les problèmes y sont abordés plutôt sous l’angle politique alors qu’au cours des colloques, on s’intéresse davantage aux échanges de pratiques.

    A partir des années 98, l’association a multiplié les partenariats (essentiellement avec la FCPE, la Ligue, occasionnellement avec la PEEP, le CRAP, les mouvements d’éducation populaire) pour avoir plus de poids dans les décisions politiques.

    Cette évolution acceptée par l’ensemble de nos adhérents, a eu des conséquences évidentes sur notre fonctionnement et le contenu de nos publications :

    Les prises de positions sur l’actualité politique nécessitent une forte réactivité : le bureau et le CA ont ainsi produit régulièrement des textes dont ils ont dû assumer la responsabilité. Le CA consacre désormais la moitié de ses séances à réfléchir sur un problème d’actualité. Cette réflexion aboutit le plus souvent à un texte qui engage l’association. Entre deux CA, le bureau doit prendre des initiatives ; la pratique du partenariat amplifie cette tendance.

    Nos prises de position sont adoptées dans le souci d’un fonctionnement le plus démocratique possible : nous sommes une « petite » association qui peut réagir à la fois vite et de façon collégiale. En même temps, cependant, nos moyens financiers font que les responsables sont tous des bénévoles dont les emplois du temps professionnels sont très chargés… Or, la réflexion collective demande une grande disponibilité qui nous fait défaut et que nous tâchons de compenser par la rigueur de l’organisation :

    *      Au sein du bureau et du CA, avant une  prise de position définitive, la première mouture de chaque texte est « martyrisée » à de nombreuses reprises avant d’aboutir à sa version définitive. La messagerie électronique facilite beaucoup ces échanges.

    *      La voix des militants peut s’exprimer – en complément des outils anciens que sont les colloques et les courriers – lors de journées dites de responsables, mais en réalité ouvertes à tous, qui se déroulent en septembre ou en octobre chaque année.

    Il n’en reste pas moins que le débat démocratique est plus complexe qu’aux débuts de l’association.

    Les prises de position sur des problèmes politiques d’actualité élargissent le débat au sein de l’association. Dorénavant, le consensus général ne saurait aller toujours de soi, les sujets abordés étant divers, et parfois même inattendus.

    Nous ne fonctionnons pas autrement que le reste de la société : sur les problèmes de l’Ecole, les points de vue ne correspondent pas nécessairement au clivage traditionnel gauche-droite, ils divergent au sein même des mouvements et associations. La loi sur la laïcité est un bon exemple de cette situation nouvelle.

    Mais ce défi nous permet de tester notre capacité d’écoute et notre capacité à ajuster notre fonctionnement à nos objectifs et à nos ambitions.

     

    CONCLUSION

    Jusqu’à présent, nous avons su éviter les querelles internes …

    L’existence d’une charte nous permet de rester cohérents, quelle que soit la conjoncture, avec nos principes et nos valeurs.

    Nous disposons d’outils d’échanges performants : publications, réunions nationales, réunions locales. Nous avons adopté le fonctionnement de nos instances (CA, Bureau, AG) à ces exigences nouvelles ; nous en avons mis en place de nouvelles (journées des responsables avec un CA élargi). Le site WEB de l’association devrait modifier considérablement le paysage démocratique en permettant encore plus de réactivité.

    Soyons donc confiants et veillons cependant à ce que notre association demeure un laboratoire au service d’un meilleur fonctionnement de la démocratie. Gageons que la prochaine AG du colloque de Nevers en abordant cette question soit l’occasion d’en porter le témoignage.

    E&D

     

     

     

     

    Débat national

    novembre-décembre 2003
     

    Nous avons affirmé avec force notre volonté de prendre une part active au débat national en organisant, en partenariat avec la Ligue de l’Enseignement et la FCPE, des rencontres sur tout le territoire. En ce sens nous réaffirmons notre raison d’être : Éducation & Devenir, force de propositions. Nous pensons que ce débat est l’affaire de tous et que nous devons faire entendre notre voix.  Pour cela,  lors des journées de travail d’automne, nous avons élaboré un vade-mecum (consultable sur le site), validé lors de notre dernier conseil d’administration.

     

    Faux débat

    Cependant nous ne devons pas oublier que ce débat, bien qu’annoncé depuis longtemps (volonté du président de la république) survient à la suite des mouvements du printemps. Dans les établissements, des militants d’E&D, des professeurs (bien souvent syndiqués) ont refusé d’y prendre part. Il voulaient dénoncer  l’enterrement du mouvement, un malaise qui dépasse de loin le seul problème des assistants d’éducation et des retraites.(des pétitions ont circulé). Ils craignent que les propositions se perdent dans les labyrinthes cybernétiques des traitements informatiques; ils regrettent la précipitation, pensent que les délais fixés par les recteurs ne permettront pas d’élaborer des réponses avec le recul nécessaire et qu’au fond ce débat se résumera à une enquête d’opinion.

    Pour retrouver la teneur des 15 000 débats dans la synthèse finale et infirmer les positions des détracteurs du  remue méninges national, il nous semble indispensable de prévoir, avant le débat parlementaire de l’automne prochain,  une authentique négociation avec l’ensemble des grands mouvements pédagogiques, syndicaux, associatifs…, les corps constitués. Condition de l’exercice d’une réelle démocratie, c’est une exigence et cela semble incontournable. A  défaut, le débat ne générerait que des déconvenues.

     

    Débat local : un enjeu

    Quand les débats se sont engagés avec un nombre suffisant d’acteurs de la communauté éducative des  établissements (parents, enseignants, atos, élèves, responsables de la société civile, élus, représentants d’autres institutions…), force est de constater que les  participants ont pris plaisir à être ensemble et à débattre, souvent pour la première fois,  du sujet qui leur tenait à cœur : l’école.  Ainsi grâce à ce cadre national,  il a été permis localement à des acteurs d’un même établissement d’inscrire au projet d’établissement des propositions partagées. N’est-ce pas là  l’expression d’une vraie démocratie conforme aux valeurs et à la culture d’E&D.

     E&D

    mars-avril 2003 Une réflexion qui reste en chantier…
     

    On parle de déontologie lorsqu’un ensemble de règles professionnelles s’impose dans une profession ou qu’une profession se les impose à elle-même. Une pensée a traversé  notre colloque de Lille les 28-29 et 30 mai : Devons-nous, au bout du compte préconiser un code de déontologie dans l’Education Nationale ?

    S’il est apparu clairement que toute déontologie renvoie à un système explicite de valeurs et en même temps s’inspire du droit ou comble un vide juridique, nous avons vu se dessiner des divergences. Certains affirmaient que seul un code élaboré, écrit, précis était la garantie du fonctionnement d’une déontologie, d’autres s’accordaient pour défendre que respecter la déontologie d’un métier c’est surtout une certaine façon de s’engager en conscience, personnellement, du point de vue des finalités comme de l’utilisation des moyens pour les atteindre.

    Un code ne peut pas tout prévoir, et il est bon que les lois comme les codes laissent une place à l’interprétation et au jugement. Dans le contexte actuel, sans doute, peut-on comprendre le désir ou le besoin de certaines professions de se protéger ; l’engagement formel d’une profession par elle-même viserait alors son organisation et sa protection à l’intérieur de son corps. Il est indiscutable que la codification introduit plus de transparence et qu’elle facilite une forme d’autocontrôle auquel les usagers peuvent prendre part. C’est une façon d’éviter les risques.

    Dans l’Education Nationale, du métier d’enseignant à celui d’inspecteur en passant par celui de chef d’établissement nos professions sont d’ores et déjà relativement bien encadrées par les textes : statuts de la fonction publique, lettres de mission, loi d’orientation, etc. Il peut même sembler que la profusion des textes, leur empilement dans le temps, le manque de suivi dans leur application leur fasse perdre le crédit indispensable qu’ils devraient avoir pour servir de référence à l’action. En tout cas ce flou ne permet pas facilement l’engagement personnel.

    Pourtant les métiers de l’enseignement sont des activités pour lesquelles l’implication personnelle est non seulement très forte, mais souvent tout à fait déterminante dans la réussite ou l’échec des élèves. Un enseignant peut changer le cours de la vie de tel ou telle élève. Dans un métier où la responsabilité personnelle est si visible, si flagrante, il ne nous semble pas utopique de souhaiter traduire cette responsabilité dans un acte symbolique, une espèce de serment qui permette de donner corps aux valeurs, objectifs, missions, moyens sur lesquels nous nous engageons en choisissant de devenir enseignant…Lorsqu’on s’est approprié les finalités du système et qu’on partage les objectifs, comme les méthodes, la mise en acte devient une question bien sûr de formation mais surtout de bon sens et de loyauté. La mise en actes des valeurs de l’école auxquelles il faut ajouter la générosité qui fait de la déontologie non pas un ensemble de signes répondant à d’autre signes dans une sémantique juridique mais une chose vivante à la mesure de l’homme.

    Sans doute un manque de code ou de système de références peut faire craindre des pratiques sans cohérence, l’arbitraire, ou la régulation par des mécanismes extérieurs à la profession. Un excès de textes dans l’espoir d’éviter tous les risques ne fait plus alors leur place à la responsabilité et à la liberté d’appréciation sans laquelle la déontologie perd son sens.

    Publier une lettre « anonyme » de mission dans le BO., ne suffira jamais pour permettre aux acteurs d’incarner les valeurs que nous sommes sensés porter. N’est-ce pas à la source, au départ de la carrière qu’il faut demander un geste fort d’adhésion. Un geste qui inscrive le sens du métier et le rattache aux qualités humaines de sincérité, de volonté et de générosité indispensables pour réussir à élever les générations…en postulant égale la dignité de chacun à devenir meilleur en apprenant, et possible la modificabilité de ceux qui nous sont confiés. 

    E&D

    Décembre 2002 Collège unique
     

    Après la conférence de presse  sur la rénovation de la voie professionnelle, le débat est lancé sur le collège unique ? Pourquoi ?

     

     Si les propositions sur la rénovation de la voie professionnelle sont dans la continuité des propositions des ministres précédents (Allègre comme Mélenchon), et si  l’on  peut  se réjouir de ce consensus qui évite les secousses habituelles aux changements politiques et si néfastes à une action continue, les objectifs portent sur les constats et faiblesses de cette voie de formation et y apportent des réponses satisfaisantes sauf quand il s’agit « d’améliorer  les conditions d’entrée dans les formations professionnelles  ».

    La volonté de ne «  pas casser le collège, et d’ aller vers une véritable diversification des parcours avec des dispositifs par alternance, en combinant enseignements généraux, professionnels et connaissance des métiers » nous inquiète et demande clarification ; car, sous couvert de diversifications, on risque de produire de la différenciation, voire de l’exclusion. C’est cette inquiétude qui nous a conduit à nous exprimer , fidèles à notre volonté d’un collège de la réussite pour tous avec des modalités pédagogiques diversifiées.

     

    Le conseil d’administration d’Éducation et Devenir s’est exprimé le 23 novembre 2002.

     

     « De nombreuses voix s’élèvent pour  réclamer une orientation professionnelle précoce et dénoncer le collège unique. La force des détracteurs du collège unique est relayée par l’intériorisation de leur discours par les classes populaires qui en sont les premières victimes. Nous ne pouvons pas nous associer à ce discours pour les deux raisons suivantes :- Le collège unique n’a jamais totalement existé : l’hétérogénéité des élèves n’a jamais été vraiment prise en compte, l’enseignement au collège étant décliné à partir du modèle d’organisation du lycée d’enseignement général. L’orientation précoce des élèves sur la voie professionnelle ne règle ni l’échec scolaire, ni le problème de la dévalorisation des lycées professionnels. La vision que nous avons du collège induit des enjeux politiques importants. Il s’agit de prendre position contre l’exclusion sociale et les risques d’appauvrissement économique et culturel d’une partie de la population par une baisse du niveau général de formation. Le problème du collège ne peut être dissocié de la réhabilitation de l’enseignement professionnel. Il faut en effet tenir compte de l’évolution de la structure des emplois et des compétences requises pour l’exercice des professions et protéger les populations les plus fragiles de ses effets les plus brutaux. Il faut aussi anticiper sur les conséquences de l’harmonisation des systèmes éducatifs européens. Nous proposons que soit clairement définie la fonction spécifique du collège : il doit permettre à tous ses élèves l’acquisition d’une culture commune : connaissances, pratiques sociales, valeurs. Cette culture commune reste à définir. Elle doit être construite à travers des itinéraires adaptés à plusieurs profils d’élèves. Elle implique que soit reconsidérée l’architecture de l’ensemble du système éducatif. Des hypothèses sont à imaginer. On peut par exemple explorer les pistes suivantes :- accentuer la continuité du collège avec l’école élémentaire- transformer la dernière classe de collège en classe de détermination, le lycée étant à la fois unique et diversifié. Le lycée s’organiserait autour de deux parcours : une voie générale et une voie résultant de la fusion du lycée d’enseignement technologique et du lycée professionnel, cette voie bénéficiant de modalités d’enseignement originales permettant à la fois une poursuite d’études générales et des spécialisations dans des domaines de métiers particuliers. Les collèges doivent avoir une taille relativement réduite et la carte scolaire doit permettre le maintien d’une hétérogénéité maîtrisée afin d’éviter les effets de ghetto et faciliter la socialisation des adolescents. Dans le domaine pédagogique, nous estimons nécessaire de réintégrer dans les activités normales d’enseignement le travail personnel des élèves, à travers lequel s’expriment de façon incontrôlée les différences sociales. La relation entre les établissements et les familles doit se recentrer sur le sens des études et des apprentissages et décharger ces dernières du soin de vérifier le contenu du travail scolaire. »

     

     Cette clarification est la seule qui permette d’appliquer les préconisations faites par le ministre en ce qui concerne la voie professionnelle pour qu’elle puisse être une voie d’excellence et qu’elle accède au statut de lycée de plein droit et permette surtout cette formation tout au long de la vie nécessaire aux évolutions économiques et sociales .

     

     Éducation & Devenir a fait le choix de participer à la relance de la réflexion au sein du « groupe des 14 ». Le collège de la réussite pour tous constitue un élément central des propositions que nous menons depuis 1984 et nous réaffirmerons avec vigueur notre engagement en faveur d’une école démocratique.

     

    E&D

     

    Septembre 2002 L’élève au «centre», c’est fini ?
     

     Dans sa première déclaration publique, le ministre de l’Education nationale, Luc FERRY, s’est élevé contre les dérives du « jeunisme ». Certains des ses conseillers n’ont pas manqué ensuite d’expliquer que l’article de la loi d’orientation de 1989 plaçant « l’élève au centre » était ainsi mis en cause. De là à considérer qu’il était temps de replacer « le professeur au centre du système »…

     

     Attention aussi à ce que la contestation du « jeunisme » ne vienne pas alimenter la stigmatisation de la jeunesse comme une nouvelle « classe dangereuse ». Nous ne ferons pas ce procès d’intention à notre ministre mais certains de ses collègues ne manquent pas de nous inquiéter dans leurs propositions de traitement de l’absentéisme scolaire ou de remise en cause de l’ordonnance de 1945.

     

     La critique d’un « puérocentrisme » supposé contenu dans la loi de 1989 n’est pas nouvelle. Elle a, ces dernières années, largement alimenté le combat contre les pédagogues au nom du primat de l’instruction sur l’éducation. Aurions nous eu la naïveté de croire que ces débats étaient vains, simplistes et dépassés ? Il convient donc d’y revenir.

     

     Nous pouvons facilement convenir des effets pervers d’une formule utilisée comme slogan. C’est vrai pour « l’élève au centre » comme pour les « 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat ». S’y arrêter frise la malhonnêteté intellectuelle !

    Certes la relation du maître à l’élève est de nature essentiellement inégalitaire. Elle est sensée confronter celui qui sait à celui qui apprend. Ce qui ne doit pas pour autant nous dispenser de réfléchir aux nouveaux modes d’accès aux savoirs et à l’information (exemple : les travaux personnels encadrés qui mettent en œuvre des savoirs non constitués). Ce qui ne nous conduit pas non plus à réfuter les acquis des sciences de l’éducation depuis plus d’un siècle quand ils visent à mettre en œuvre d’autres modes d’acquisition des savoirs que la pédagogie transmissive ou frontale (sans oublier la maïeutique aux fondements nettement plus anciens !). Si ce recentrage autour du maître consistait à restaurer l’exclusivité des formes les plus conservatrices d’enseignement, nous serions en droit de dénoncer une régression. Ce qui est en jeu également, c’est la capacité de l’Ecole à mettre en œuvre des pratiques d’enseignement qui ne soient pas destinées aux seuls « héritiers ».

    Ce qui est condamnable, c’est la démagogie qui, sous couvert d’une égalité purement formelle et illusoire, exprime en fait la démission du maître de ses responsabilités éducatives, de son statut d’adulte ayant autorité.

    De même, le singulier exprimé dans « l’élève au centre » peut être discuté et même imputé à une légèreté des rédacteurs dans ce qu’il pourrait exprimer d’encouragement à l’individualisme. Le pluriel eût été plus judicieux. Reste que la formule se voulait mobilisatrice et visait à consacrer une évolution engagée depuis le milieu du vingtième siècle : prendre en compte – dans un souci de démocratisation – la diversité des élèves. L’évolution qui va de la classe considérée comme un bloc indistinct à la prise en charge des besoins et de l’hétérogénéité des élèves ne nous est pas indifférente. Le débat entre « élèves au centre » et « savoirs au centre » n’est donc pas clos à condition d’être mené plus sérieusement.

     

     Les dégâts réels provoqués par le conflit entre Claude Allegre et les enseignants peuvent légitimement conduire à accorder une attention plus soutenue à la condition enseignante et à regretter les occasions perdues de 1990 (revalorisation sans évolution statutaire). De là à inventer un nouveau slogan sur « l’enseignant au centre » aux effets prévisibles tout aussi pervers, il y a un pas que nous ne souhaitons pas franchir.

    Les besoins de recrutement de dizaines de milliers de nouveaux enseignants dans les années à venir créent l’ impérieuse nécessité de travailler aux nouveaux contenus du métier d’enseignant. Le rapport produit par Jean-Pierre Obin au printemps dernier y contribue fort utilement.

    Mais les responsables doivent-ils pour autant passer de l’imprécation à de nouvelles formes de démagogie ? Peuvent-ils prendre la responsabilité de cacher aux futurs enseignants les dimensions nouvelles de leur professionnalité liées à la fois à l’évolution des savoirs et à l’évolution des publics scolaires ? Pourront-ils encore longtemps faire l’impasse sur la définition du service des enseignants ?

     

     Nous attendons donc de la nouvelle équipe ministérielle qu’elle précise ses objectifs. Déjà nous exprimons une préférence pour la dénonciation des démagogies de toutes natures plutôt que d’un « jeunisme » aux contours flous et non dénués d’ambiguïtés voire de dangers.

                                E&D 

     
       
    Juin 2002 EDUQUER A LA POLITIQUE !
     

    Entre présidentielle et législatives, le Conseil d'Administration d'Education & Devenir a débattu le 25 mai dernier de la situation éducative.  Nous retraçons ici les principaux points de ce débat en l'assortissant de commentaires écrits entre les deux tours des législatives.

     

    Le bilan de la gauche en matière d’Éducation

    Ces cinq dernières années, où se sont succédés Claude ALLEGRE et Jack LANG, ont été marquées par plusieurs points qui participent du recul de l'adhésion des enseignants aux positions de la gauche:

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    l'écart entre les projets annoncés et leur réalisation : l'exemple le plus net étant le fossé entre les propositions issues de la consultation sur les lycées en 1998 et les réalisations concrètes (TPE, ECJS, démocratie lycéenne).  Les nouveaux dispositifs pédagogiques dépassent rarement les 5 % de la DHG.

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    la place faite aux corporatismes et aux lobbies avec une survalorisation des appareils nationaux sur les réalités terrain

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    le refus d'organiser le débat public devant le Parlement et d'un discours fort sur les grandes options éducatives

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    l'absence de vision globale sur les missions du système éducatif.

    La frilosité des positions ministérielles a contribué à la perte de repères et participé au sentiment d'insécurité professionnelle chez les personnels de l'Education Nationale. Un pilotage faible a laissé se développer des inquiétudes sur les nouveaux programmes, les nouvelles technologies, etc.  Les connaissances sont considérées comme un enjeu personnel et de moins en moins social.  Les dernières positions des associations d'enseignants de philosophie récusant ministre, Conseil Supérieur de l'Education et Conseil National des Programmes illustrent l'émergence de ces nouveaux corporatismes n'hésitant pas à prendre les élèves en otages (menaces de rétention des copies du baccalauréat).

    Le réveil Lycéen ?

    Nous ne pouvions que nous satisfaire du sursaut républicain provoqué par les résultats du premier tour des présidentielles.  Mais nous avons affirmé notre refus de la démagogie en préférant l'organisation de débats dans les lycées aux appels à manifester relayés par les ministres en charge de l'Education !

    Interrogatifs sur la durée de ce sursaut nous ne pouvons nous satisfaire de 56 % des 18/35 ans qui se sont abstenus au premier tour des législatives.  Si la jeunesse scolarisée a clairement exprimé son refus de l'idéologie portée par Le Pen, elle continue de marquer sa grande distance aux partis démocratiques et aux enjeux de mise en place de mise en place de la représentation nationale.  Notre appel à une prise en compte d'une réelle éducation politique à l'Ecole s'en trouve une nouvelle fois confirmé.

    Ferry Il

    Nous avons échangé sur les premières déclarations du nouveau ministre.  Le discours adressé à la jeunesse oscille entre sincérité et récupération : refus de la démagogie et relance de la réflexion sur l'autorité (à préciser ! ) mais 1ancement improvisé du « livre de l'engagement » et d'une journée de l'engagement dans le plus pur style des campagnes médiatiques sans lendemain.

    Nous partageons l'exigence de qualité qui passe par plus d'autonomie des établissements et de rigueur dans l'évaluation mais serons attentifs aux risques de dérives visant à une mise en concurrence libérale des établissements.

    Nous approuvons l'engagement à lutter contre la fracture scolaire en combattant l'illettrisme et en promouvant l'enseignement professionnel et technique.  Nous sommes rassurés par le maintien des nouveaux dispositifs pédagogiques (TPE et Itinéraires de Découverte notamment) mais restons vigilants sur la volonté d'assurer pilotage et accompagnement.

    Notre responsabilité est de maintenir entières notre vigilance, notre indépendance et nos exigences.  Nous invitons les groupes académiques à se réunir dès la rentrée pour faire le point sur l'actualité éducative et faire remonter au conseil d'administration et au bureau les positions et propositions issues de ces débats.

     

    Nous échangerons sur tous ces points aux journées d'octobre et approfondirons ces questions (thèmes provisoires) au Sénat (« Education et démocratie » ?) et au colloque du printemps 2003 à Lille (« L'éthique dans les métiers l'éducation » ?).

       
    Mai 2002 n° 5 INNOVATION ET CULTURE
       

    Nous trouvons dans ce numéro de notre courrier la fin de l’article consacré aux compétences à activer dans l’école : compétences des élèves en avril, compétences des maîtres en mai. Cet article est le fruit de la réflexion d’un groupe d’experts qui, depuis plusieurs mois, tente de définir les leviers pour une évolution des pratiques professionnelles.

     Le système scolaire sans doute a-t-il intégré l’idée qu’il convient de fonder ses politiques de changement sur l’appropriation du sens des réformes par les enseignants ? Ce faisant on fonde la pertinence de notre action sur la persuasion et la mobilisation, à travers l’information, la formation et le contrôle. Cette vision mécaniste de l’évolution des comportements professionnels est en contradiction avec les observations les plus récentes des sciences sociales. Les messages, recommandations ou conseils adressés aux individus comme aux groupes n’ont souvent d’effet que s’ils font écho à leurs modes de pensée, leurs valeurs, leurs préoccupations ou inquiétudes quotidiennes. Ce sont au fond l’ensemble de ces déterminations d’une culture professionnelle qui peuvent rendre inopérantes les réformes ministérielles les mieux préparées comme les projets locaux les plus adaptés et qui expliquent comment des 10% de Fontanet, il y a trente ans, aux récents itinéraires de la découverte l’évolution semble si lente. 

    L’établissement est le lieu déterminant pour asseoir la crédibilité et l’efficacité des changements. C’est l’espace dans lequel les professeurs exercent et construisent le sens de leurs pratiques professionnelles et le point de vue depuis lequel ils examinent les modifications qui leur sont proposées. Cependant la cristallisation du sens n’est susceptible de se produire que dans le champ de ce qui est en jeu et enjeux pour l’établissement. Le résultat de ce processus dépend  du climat, des relations interpersonnelles, de la part consentie de remise en cause critique exprimée à travers la prise de risque de tel ou telle.

    Les enseignants évaluent un projet à son réalisme, à sa pertinence  en fonction de l’incidence supposée sur leurs pratiques et sur les rapports dans lesquels ils se trouvent engagés. S’ils considèrent, même à tort, que le jeu n’en vaut pas la chandelle l’innovation la plus adaptée  sera compromise. Or ces naufrages fréquents dans notre école des projets les plus fondés dépendent de conversations informelles, de connivences implicites. Même si les missi dominici des autorités se déplacent jusqu’au niveau local pour tenter de convaincre, l’essentiel se joue ailleurs entre la machine à café et les réunions plus ou moins informelles. Souvent les changements sont rejetés dans une complicité silencieuse qui fait l’économie des justifications. La puissance d’une culture partagée c’est d’instiller l’idée d’une communauté imaginaire qui se dispense de sa preuve.

    C’est en ce sens qu’il faut prendre au sérieux les cultures d’établissement et en faire des leviers. Pour éviter que les transformations ne soient ressenties comme des remises en cause des identités professionnelles voire des statuts, il faut sortir du schéma propositions/résistances/compromis.

    A partir d'une situation locale donnée, un projet peut s'ancrer dans les représentations que les équipes se font de l'histoire du lieu, dans l'analyse collective du contexte, favorisée par le soutien des autorités et dans le sentiment, à travers une certaine solidarité, de se construire une identité, une culture d'établissement. Ainsi trouve-t-on, aujourd’hui, paradoxalement des enseignants qui préfèrent le travail dans les zones dites difficiles où le climat de travail leur paraît plus motivant.

    Affirmer à grand coup de circulaires l’autonomie des établissements exiger qu’ils formulent un projet, instituer des instances de négociation, organiser des audits, développer des indicateurs d’efficacité, améliorer les circuits d’information ne nous mettent pas forcément à l’abri d’un renforcement de la bureaucratie. Il faut d’abord que les acteurs s’approprient les structures. Souvent la réussite dépend d'actions simples, bien ciblées, adaptées aux besoins exprimés, mises en œuvre au moment adéquat, avec l'adhésion des équipes.

    Les formations organisées au niveau de l’établissement avec les ressources locales sont sans doute un des meilleurs exemples de la construction d’une autre culture professionnelle. La formation mise en place au niveau local permet de se concentrer d'abord sur les obstacles et sur l'analyse de ces obstacles, puis de dégager ensuite les outils à mettre en œuvre en terme de compétences ou de nouvelles compétences. Cette stratégie est plus efficace que celle qui consiste à lister a priori les compétences dont les enseignants auraient besoin pour surmonter des situations professionnelles virtuelles,mais aussi  plus motivante puisqu'elle ne suppose personne d'incompétent a priori. Elle permet, selon l’expression d’Alain Bouvier, de dessiner les contours d’un « établissement apprenant . »

    L’établissement doit être non seulement au service de l’élève mais encore au service des acteurs et de leur coopération, il  doit prendre en compte et mettre en relation le travail en équipe, les éléments didactiques, les routines et les bricolages de chacun dans sa classe pour avoir une chance de rencontrer  l’adhésion aux objectifs majeurs de l’état.

    Dans le travail sur la culture de l’établissement se noue efficacité et souci de l’unité de la société. On voit que cela suppose une modification en profondeur des pratiques et donc un travail de formation aux nouvelles compétences, pourtant rien ne saurait vraiment « changer » sans un travail modeste, obscur sur les pratiques et les obstacles, sans complaisance mais avec réalisme.

    E&D

    Courrier d'E&D n° 5 mai 2002

    janvier-février 2003

    Démocratie, démocratisation, décentralisation : L’établissement scolaire au centre.

    Décentralisation et démocratisation de l’enseignement : deux  thèmes étroitement liés dès le départ

    Pour Alain Savary, ministre de l’Éducation Nationale lors de la première phase de la décentralisation la composante majeure était « une grande latitude donnée à l’établissement pour mieux traiter, s’adapter à la diversité des situations et des populations scolaires. La décentralisation est donc dès le départ un processus au service de l’établissement scolaire. Elle a pour but de lui donner plus de responsabilité, pour que soit réalisé l’objectif de la démocratisation.

    Démocratisation et fonctionnement démocratique du système éducatif sont tout aussi liés.

    Il n’est pas possible en effet de former le citoyen dans un état démocratique, mission assignée à l’ensemble du système éducatif par la loi d’orientation de 1989 sur la seule base de l’exhortation à la vertu démocratique. L’acquisition de la citoyenneté et l’appropriation des vertus civiques chez l’élève exigent en effet des pratiques exemplaires et des modes d’organisation d’établissement ou de situation pédagogique à l’image du modèle que l’on veut faire partager. Que l’on parle de la décentralisation ou de l’apprentissage de la démocratie, c’est l’établissement scolaire qui est au centre de nos préoccupations. La décentralisation a pour objectif de donner aux établissements une souplesse de fonction, une autonomie qui permettra de créer des situations dont la finalité est de construire des citoyens actifs, qui ont des stratégies, qui peuvent programmer leur avenir, qui ont des compétences, une capacité d’expression, qui sont capables de faire des choix, bref qui sont autonomes.

    Nous partons donc de ce postulat : la décentralisation a pour objectif essentiel le fonctionnement d’établissements autonomes capables de construire des hommes et des femmes autonomes, citoyens à part entière d’un état démocratique. C’est donc cette forme de décentralisation que nous défendons et dont nous souhaitons qu’elle poursuive sa construction.

    Les acquis de la première phase de la décentralisation nous apparaissent largement positifs, que l’on se situe au point de vue de la décentralisation territoriale ( amélioration du parc immobilier, architecture scolaire nouvelle, meilleure adéquation entre l’offre de formation technologique et professionnelle et la demande économique, capacité d’accueil du système éducatif accrue rapidement ) ou au point de vue de la décentralisation fonctionnelle ( meilleure autonomie des établissements, développement de la politique de projet, plus grande autonomie des acteurs), en particulier grâce à la généralisation des dispositifs nouveaux d’enseignement.

    Dans un paysage nouveau où l’intercommunalité d’une part, les régions d’autre part prennent une place considérablement accrue, une deuxième phase de la décentralisation est inéluctable.

    La seule question est donc de savoir comment faire pour que le processus de la décentralisation serve une école plus démocratique :

    Au niveau de l’État et du système éducatif dans son ensemble

    L’État doit jouer son rôle régulateur en assurant l’égalité des usagers, en aidant les établissements à accomplir leurs missions par l’affichage d’une politique claire, en se dotant des outils nécessaires à l’évaluation des résultats des programmes qu’il aura lancés, en exigeant de ses cadres intermédiaires qu’ils accomplissent loyalement leurs missions dans le strict respect du principe des subsidiarités, en donnant à leur chef d’établissement, les moyens d’exercer leurs responsabilités par rapport aux personnels, en particulier, en ce qui concerne les actes de gestion.

    Au niveau des collectivités territoriales

    Il sera difficile de cantonner celles-ci dans les seules fonctions de l’intendance ( à l’exclusion de la gestion du personnel ! )… Mais il n’est pas possible d’accepter le nouveau discours qui leur est proposé aujourd’hui par le gouvernement « prenez ce qui vous intéresse… expérimentez… nous verrons après ce que nous vous laisserons ». Il est indispensable que leurs nouvelles compétences soient encadrées, que soient évités les périls liés au mode de recrutement actuel de la fonction territoriale et ceux qui sont liés à la sectorisation, que soient garantis les principes d’égalité et de démocratie sur les plans financiers et juridiques.

    Au niveau des établissements

    Il convient probablement de lever les ambiguïtés qui ont présidé à la naissance des EPLE en 1986 par des évolutions réglementaires : constitution des CA, définition de la présidence, rôle des diverses instances, autonomie financière, gestion des ressources.

    Il est tout aussi important que les établissements usent plus pleinement des marges d’initiative que leur confère l’autonomie dont ils disposent actuellement. Ceci implique un changement de mentalité de l’ensemble des acteurs du système qui devront passer d’une culture essentiellement hiérarchique à une culture du co-gouvernement.

    Toutes ces évolutions sont possibles si les acteurs eux-mêmes évoluent. Le problème de la décentralisation est identique à celui de la démocratisation dont Maurice Vergnaud, le fondateur de notre mouvement, disait qu’il est « essentiellement un problème de personnes plus que d’institutions et de textes ».

    La formation doit être un outil essentiel de ces acteurs qui feront vivre la décentralisation dans la perspective de poursuivre la conquête de la démocratie, qui devront être capables à la fois de prendre des risques, de communiquer, de tenir leurs rôles dans un système complexe, dans le respect sans faille des valeurs de la démocratie, (respect des autres, laïcité….).